26 janvier 2016

Contemplata aliis tradere

"Communiquer aux autres les fruits de la contemplation". Je découvre dans la biographie de Grégoire de Naziance de Jean Bern‎ardi, cette devise des frères prêcheurs que je n'ai eu de cesse de mettre en pratique depuis la création de ce blogue. Vanité ? Probablement, parce que nul n'y échappe. Mais aussi "patate chaude" si vous m'excusez l'expression, que ces fruits de la lecture que l'on ne peut garder pour soi parce qu'ils vous conduisent à contempler, derrière les mots, le goût de Dieu.

(1) Jean Bern‎ardi‎, Grégoire de Naziance, introduction aux Pères de l'Église, Cerf, 1995, p. 230

21 janvier 2016

Église et miséricorde

Poursuite de ma lecture. Cette citation par notre pape d'Ambroise de Milan pourra faire grincer des dents.: "Là où il s'agit de dispenser la grâce, le Christ est présent. Lorsque l'on doit exercer la rigueur, seuls les ministres du culte sont présents, mais le Christ est absent". (1) 

Elle interpelle nos "tentations de frère aîné" selon Luc 15. Le texte cité aujourd'hui entre en écho :"Si Dieu avait été prompt au châtiment, l'Eglise n'aurait pas connu l'apôtre Paul ; elle n'aurait pas reçu un tel homme dans son sein. C'est la miséricorde de Dieu qui transforme le persécuteur en apôtre ; c'est elle qui change le loup en berger, et qui a fait d'un publicain un évangéliste (Mt 9,9). C'est la miséricorde de Dieu qui, touchée de notre sort, nous a tous transformés ; c'est elle qui nous convertit." (2)


(1) Ambroise de Milan, De Abraham, cité par  Pape François, Le nom de Dieu est miséricorde, Paris,Robert laffont et Presses de la renaissance 2016‎, p. 84

(2) Saint Jean Chrysostome,  7eme homélie sur la conversion,  source AELF


Le nom de Dieu est miséricorde - Pape François

Leçon d'humilité ?  J'ai décidé d'attendre avant de publier ma trilogie sur humilité et miséricorde, à la fois pour laisser la première place à notre pape François et pour prendre le temps de lire cet opus imbibé d'humilité et d'humanité de notre "Serviteur des serviteurs". Je ne peux que recommander la lecture de cet ouvrage qui nous rappelle que Dieu est "caresse" (p. 17), qu'il est "surabondante miséricorde" (p. 67) et que notre Église doit découvrir sa vocation "d'hôpital de campagne" (p. 28) et de "ventre maternel de la miséricorde" (p. 74)

(1) Pape François, Le nom de Dieu est miséricorde, Paris,Robert laffont et Presses de la renaissance 2016

16 janvier 2016

Passivité plus que passive.

L'expression "Passivité plus que passive" est de Lévinas, mais elle s'accorde avec ce que je trouve chez Irénée :
"Toute activité de la créature repose sur une passivité plus profonde : pour grandir, elle doit se couler dans les mains formatrices de Dieu et se livrer à elles". (1) Rappelons que ces deux mains qui sont pour Irénée le ‎Fils et l'Esprit. (2)

(1) Irénée. Contre les hérésies, 2, 299 cité par H. Von Balthasar , GC2, p. 57
(2) ibid p. 54

Humilite de Jacob

Qu'est ce que la foi ? C'est  d'abord un don de Dieu.  Mais c'est aussi une rencontre où l'humilité de l'homme se fait le creuset d'un possible. 

Parfois l'humilité est-elle même don de Dieu,  car en nous voyant prendre des chemins sans issue, il nous conduit,  avec bonté et miséricorde,  vers la prise de conscience de notre faiblesse.  

Nous avons vu dans notre analyse des grands patriarches des exemples de ce cheminement vers Dieu.  Écoutons ce qu'en dit Saint Clément : "C'est par la foi que Dieu nous a justifiés dès le commencement.

Attachons-nous à la bénédiction de Dieu et voyons quels en sont les chemins. Reprenons les faits depuis le commencement. Pourquoi Abraham notre père fut-il béni ? N'est-ce pas pour avoir pratiqué justice et vérité dans la foi ? Isaac, avec confiance, sachant ce qui allait arriver, se laissa volontiers conduire au sacrifice. Jacob, avec humilité, quitta son pays à cause de son frère, s'en alla chez Laban et le servit, et c'est à lui que furent attribuées les douze tribus d'lsraël.

Si l'on considère un par un, d'un regard sincère, les dons faits par Dieu, on reconnaîtra leur grandeur. (...)

Tous ont reçu gloire et grandeur, non par eux-mêmes ni par leurs œuvres ou par la justice qu'ils auraient pratiquée, mais par la volonté de Dieu. Et nous, appelés par sa volonté dans le Christ Jésus, ce n'est pas par nous-mêmes que nous sommes devenus des justes. Et c'est ni par notre sagesse, notre intelligence, notre piété, ni par les actions que nous aurions accomplies dans la pureté du cœur, mais par la foi. Depuis le commencement, tous les hommes que Dieu a rendus justes, c'est par la foi qu'il les a justifiés". (1)

(1) Saint Clément de Rome, Lettre aux Corinthiens

14 janvier 2016

Marc 1 - résonances avec Mat 25 et Luc 10

Le texte de l'évangile d'aujourd'hui entre en résonance avec la parabole du bon Samaritain (Luc 10) et l'interpellation de Mathieu 25. Dans le commentaire offert aujourd'hui par l'Aelf on y trouve un autre écho,  le cri de mère Thérèsa : "Les pauvres ont soif d'eau, mais aussi de paix, de vérité et de justice. Les pauvres sont nus et ont besoin de vêtements, mais aussi de dignité humaine et de compassion pour les pécheurs. Les pauvres sont sans abri et ont besoin (...) aussi d'une main secourable et d'un sourire accueillant. Les exclus, ceux qui sont rejetés, ceux qui ne sont pas aimés, les prisonniers, les alcooliques, les mourants, ceux qui sont seuls et abandonnés, les marginalisés, les intouchables et les lépreux..., ceux qui sont dans le doute et la confusion, ceux qui n'ont pas été touchés par la lumière du Christ, les affamés de la parole et de la paix de Dieu, les âmes tristes et affligées..., ceux qui sont un fardeau pour la société, qui ont perdu toute espérance et foi dans la vie, qui ont oublié comment sourire et qui ne savent plus ce que c'est que de recevoir un peu de chaleur humaine, un geste d'amour et d'amitié –- tous, ils se tournent vers nous pour recevoir un réconfort. Si nous leur tournons le dos, nous tournons le dos au Christ." (1)

( 1) Bienheureuse Teresa de Calcutta, Lettre à ses collaboratrices du 10/04/1974 

13 janvier 2016

Saint Jean - Décentrement et unité

Pourquoi choisir Jean au coeur de mon analyse sur l'humilité de Dieu ? (1) Cela peut paraître en effet un paradoxe alors que cet Évangile est celui qui insiste le plus sur la gloire. Mais cette vision est réductrice de l'oeuvre, tant la tension qui habite le texte dépasse le paradoxe initial.‎ Comme le souligne Balthasar,  "Pour Jean, ce don de soi à celui qui s'est fait homme, à l'aimé absolument, ne fait qu'un avec l'amour. La foi souligne le mouvement de renoncement à soi‎ dans cet amour et l'adhésion à l'aimé, à son être et à ses attitudes, comme à sa loi propre. C'est pourquoi l'acte de la contemplation permanente de l'aimé, chez Jean, est indissolublement un acte esthétique et un acte éthique : le voir comme il est, non seulement suppose une disposition de renoncement à tout ce qui est propre, mais l'implique à tout instant." (2)

Si Jean insiste beaucoup sur la révélation, on sent combien cette contemplation perpétuelle de Jésus agissant, dans l'humilité et le constant renvoi au Père, est aussi un chemin éthique pour ceux appelés à le suivre.‎ C'est sur cette voie que nous voulons progresser.

(1) ‎déjà abordé dans "A genoux devant l'homme", cette recherche va paraître fin janvier ou en février sous le titre "Humilité et miséricorde".
(2) Hans Urs von Balthasar , GC1 op Cit p. 200

12 janvier 2016

Miséricorde

Dans une trilogie à paraître sur "l'humilité et la miséricorde", je cherche à mettre en tension ces deux concepts et leurs qualités théologales‎. Chez Adrienne von Speyr qui, après Madeleine Delbrêl et Jacques Loew m'ont accompagné pendant un temps sur ce chemin, je trouve en conclusion cette contemplation d'A. von Speyr qui donne à penser : "La miséricorde de Dieu et son amour sont plus grands que sa volonté de châtiment. (...) Dieu a accordé à la mort le caractère de la confession, en faisant de la mort, conjointement avec le purgatoire une purification. Mais ce n'est pas encore assez ; il permit que sa Mère fut reçue dans le ciel avec son corps, (...) afin que le mourant acquiert la certitude que l'amour est plus fort que la mort (...) la mort est anéantie dans la vie éternelle. (1)

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, op. Cit p. 124


11 janvier 2016

La démesure de Dieu

Intéressante discussion mercredi sur les Psaumes vengeurs et l'idée du châtiment. Plus je médite sur le thème de la miséricorde, plus il me semble que l'amour de Dieu étant par essence débordant, il ne peut qu'être lié à cette démesure dont parle Adrienne : "l'homme trouvera infiniment plus qu'il ne pourrait jamais atteindre, parce que l'accomplissement du ciel comparé au monde est encore bien plus exaltant que ne l'est la nouvelle alliance comparée à l'ancienne. La démesure de ‎Dieu est elle-même la réalisation qui ne peut cesser de combler en toute réalité" (1)

(1) Adrienne von Speyr,  Le mystère de la mort, op. Cit p. 92

10 janvier 2016

Transparence et humilité

‎Intéressante réflexion d'Adrienne von Speyr sur la transparence : "Celui qui sème doit faire don à ses semblables ce qu'il a saisi de Dieu par expérience d'une manière qui leur soit compréhensible et qui les engage. Cela n'est possible :

  • que s'il devient lui-même transparent et que la Parole de Dieu ne subisse aucune réfraction en passant par lui, 
  • que s'il transmet sans altération l'essentiel de cette Parole : l'Amour" (1)

C'est aussi une leçon d'humilité pour tous ceux qui ose ajouter par leurs commentaires à ce que la Parole est seule capable de dire. On pourrait se contenter de se taire... Si une longue expérience pastorale me pousse à continuer dans mes travaux de lecture commentée de la Parole, je dois reconnaître qu'il demeure toujours un risque d'utilisation de la Parole dans le sens de sa pensée, alors qu'elle devrait au contraire nous conduire toujours à un déplacement vers l'amour. Si je ne prêché pas l'amour,je ne suis "qu'une cymbale qui résonne" (1 Cor 13)

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, Culture et Vérité, 1989, p. 86.

09 janvier 2016

Chemins d'humilité et déréliction

Prendre conscience de nos abandons réguliers c'est entrer en contemplation, avec toute l'Église, de la déréliction‎ et de l'abandon du Christ à l'aurore de sa vie.
A chaque fois que nous célébrons sa mort, nous contemplons sa solitude dans le jusqu'au bout de l'amour. Et à chaque fois que nous percevons combien son amour nous dépasse, nous percevons combien nous avons besoin de sa venue en nous...
De même, A. Von Speyr fait écho de cela a propos de ce qu'elle appelle les chargés de mission, ceux qui sont suffisamment décentrés pour percevoir combien notre vie n'a de sens qu'en diaconie pour Dieu. "Tout ce qui arrivera désormais dans la vie du chargé de mission se trouvera sous le signe de l'amour de Dieu, y compris ce qu'il ne comprend, y compris ce qui accentue, par nécessité, sa solitude et sa déréliction, ce qui ne permet plus de témoigner sa communion avec les hommes autrement que comme une communion en Dieu(1)".

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, op. Cit p. 87







08 janvier 2016

L'ultime kénose

On s'attache souvent à décrire l'humilité du Fils dans son incarnation, dans sa vie cachée puis dans sa vie publique en mettant le sommet dans le double agenouillement du lavement des pieds et de la Croix. On oublie par contre de souligner que son départ post-pascal est aussi l'humilité du Fils qui disparaît pour laisser place à l'Esprit. S'il se donne ensuite, ce n'est finalement que dans l'infime présence d'un pain rompu. Mais sa présence est alors si humble que nous passons à côté et négligeons le fait qu'une fois encore il se donne pour nous conduire au Père.

05 janvier 2016

Le sens de notre mort - 2

En première lecture, ni la mort des saints innocents, ni la mort du Christ n'avaient de sens pour le témoin direct du drame. Et pourtant, ils participent à ce plan de Dieu, à cette révélation profonde du drame de la violence et nous appelle à l'amour. La mort d'un proche, la mort d'un enfant est l'objet d'un cri et d'une souffrance extrême jusqu'à ce que nous prenions conscience de la communion qu'elle a engendré, de l'amour et de l'entraide qui jaillit au delà de la peine et nous pousse à l'amour véritable. C'est ce que j'exprime entre les lignes dans certains de mes romans comme "La caresse de l'ange, La danse des anges, mais aussi Le collier de Blanche ou Le chant du large".
"Il nous faut confier à l'anonymat du service ecclésial le sens ultime que notre mort peut revêtir pour l'humanité" disait Adrienne von Speyr (1)
"Il y a dans la vie terrestre du Seigneur une concentration de toute sa fécondité en direction de sa mort sur la Croix, et parce que son incarnation signifie communion avec nous, nous pouvons avec lui, dans l'Église, concentrer sur sa croix notre volonté (...) voir dans notre mort, quelle qu'elle puisse être, l'ultime récapitulation de notre oblation à Dieu." (2) l'idée centrale, inscrite dans la dynamique sacramentelle est de voir notre vie, comme participation à "l'explosion en force de toute vie humaine dans" (3) celle du Christ, Lui qui est "la résurrection et la vie".


(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de notre mort, Culture et Vérité, 1953-1989, p. 61
(2) ibid

(3) p. 66‎

04 janvier 2016

Le sens de notre mort

Si nous percevons l'ampleur de la danse à laquelle nous sommes invités, nous percevons que notre mort n'est pas anodine. Elle a une double finalité : celle de rencontrer Dieu‎, danser avec lui l'éternelle danse, mais aussi créer un manque sur terre qui entretient le désir. Au delà de la souffrance de la séparation, l'absent est aussi celui qui fait naître en nous le désir de l'au-delà, le désir de Dieu. En cela, Dieu est plus grand que sa création, car en la laissant agir, il fait naître chez l'homme de nombreux mouvements qui conduisent à lui, du cri au manque, de la frustration au désir et du manque à la contemplation du chemin parcouru et à parcourir. Bien sûr tous ces mouvements ne sont pas immédiats et, à l'image des Apôtres désemparés par le tombeau vide, comme par l'ascension de leur maître, il faut laisser le temps du décentrement, pour qu'en nous la souffrance de la séparation laisse place à la quête ultime et l'accueil du Consolateur.

Nous ne sommes pas immunisés

Il règne parfois un utopie véhiculée par certains courants religieux au sein de notre Église qui nous laisserait croire qu'une pratique régulière nous protégerait du "mal de peine"(1), de la maladie et de la mort. Adrienne von Speyr nous précise avec raison que "le Fils n'est pas venu nous faire le don d'une vie de foi qui serait d'entrée immunisée contre toutes les difficultés et tous les doutes, qui serait une sorte de bonheur inconscient qui se déroberait à toute difficulté et à toute souffrance. Une vie de ce genre ne serait pas une vie à la suite du Christ." (2)
Elle serait utopie et renfermement ‎communautariste dans l'illusion.

(1) Saint Thomas d'Aquin, dans sa Somme théologique distingue mal de peine et mal de faute‎. Le mal de peine est le mal subi.
(2) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, Culture et Vérité, 1953-1989, p. 58