23 mars 2016

Désert 2

Plus loin Balthasar précise sa pensée :"l'orant a le droit d'avoir confiance, même quand il souffre de la sécheresse et n'éprouve rien, et il doit apprendre à dégager sa foi toujours plus purement de la subjectivité provisoire de ses dispositions. Et cependant cette purification des dispositions subjectives est en même temps la voie sur laquelle le sujet humain doit rencontrer le plus sûrement, avec tout don être d'homme, le vrai Seigneur et Dieu" (1)

 Là où toute liberté est laissée à Dieu, Dieu peut s'introduire 
 
(1) Balthasar, op . Cit,   GC1, p.354

Désert et démesure

Quand on est dans le désert, que Dieu nous semble bien loin, silencieux alors que nos cris montent vers lui, il est rassurant d'entendre que ce n'est pas sa nature. Sommes nous, comme le fils aîné de Luc 15, incapables de sentir que "tout ce qui est à Lui est à nous". Ne voyons nous pas les dons de Dieu ? Que nous faut-il encore ? Le voir face à face ?

"S'il est vrai que l'Église, pas plus que le chrétien, ne doit jamais désirer de grâces mystiques comme si la figure de la révélation placée devant le monde ne suffisait pas, il est pourtant tout aussi vrai que Dieu ne s'en tient jamais, d'une manière minimiste, à ce qui est strictement suffisant. Car la beauté éternelle se dépense et rayonne toujours merveilleusement au-delà de toute attente." (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition, tome 1, GC1 p. 353

22 mars 2016

Le balancier 2 - Ignace de Loyola

"L'expérience chrétienne vivante de foi inclut, d'après Ignace de Loyola , par exemple, une certaine expérience de la proximité et de l'éloignement de Dieu, de la consolation et de la désolation (...) toutes choses qui ne doivent pas nécessairement être appelées déjà "mystiques" au sens fort du terme". (1) 
On pourrait ajouter, à la suite des travaux de Jean-Luc Marion sur l'idole et la distance, que ce que Balthasar dit là est le lot commun ‎de tout chercheur de Dieu. 
Il rime pour moi avec cette‎ idée de balancier, qui est aussi leçon d'humilité pour l'homme. Comme Pierre sur le mont Thabor, une trop grande proximité serait source de chute. 

(1) Hans Urs von Balthasar, op. Cit., Gc1, p. 349

Le balancier - mystique et charismatique

Les prophéties et autres expériences charismatiques‎ ont-elles encore une place dans l'Église pendant la troisième dimension trinitaire ? Elles ne peuvent l'être que comme réelle "participation au Saint-Esprit de l'Église (...) comprise dans sa profondeur comme plénitude du Christ"(1). Elle doit donc lui être subordonnée. Balthasar l'explique en faisant référence aux deux chapitres 12 et 13 de 1 Cor. Mais, précise-t-il, il demeure le risque d'une mystique purement personnelle. Et c'est là où ses propos deviennent particulièrement pertinents. En évoquant la crise montaniste, il souligne, depuis Saint Augustin, la vigilance de l'Église sur ce point(2). On ne peut, pour autant rejeter toute expérience mystique et rejeter avec toute expérience sensible. Cela rejoint pour moi cette notion de balancier déjà évoqué. Il y a un sain équilibre, une saine tension, à trouver entre rationnel et mystique, foi et raison, idéalisme et réel. L'Église n'a cessé d'osciller entre l'Église d'Antioche et celle d'Alexandrie, entre Jean Chrysostome et néo-platonisme. L'Ecole française insiste à juste titre entre la contemplation (préambule) et l'action (finale) comme sain aller retour qui met Jésus au centre (dans mes yeux, dans mon coeur, dans mains).
 Il faut s'en souvenir et mettre en place, comme le fait par exemple "Le Chemin Neuf" des structures de discernement et de vigilance qui évite tout débordements.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition, GC1, p. 347
(2) Ibid. p. 348ss

21 mars 2016

La troisième dimension trinitaire - Urs von Balthasar

Je n'avais pas remarqué dans ma première lecture de la Trilogie cette expression de troisième dimension trinitaire qui a pourtant son sens. Je suppose qu'il appelle la première dimension, le temps de préparation et de pré-révélation du Verbe. La deuxième dimension étant l'incarnation. La troisième est pour lui "l'explicitation et l'intériorisation de la révélation du Logos par le Saint-Esprit. Mais celui-ci, capable d'expliciter la révélation en mode infiniment variés, est libre de se servir aussi des expériences archétypiques bibliques, pour manifester dans L'Église de tous les siècles, l'existence durable de la révélation - non comme passée, mais comme présente."
(1)

Je suppose que la troisième dimension commence sur le chemin d'Emmaüs, et que notre rôle de chrétien engagé est d'être instrument de cette dimension. Vivons donc la 3d ! A la lumière de la 1d et de la 2d.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, tome 1, Apparition, GC1, p. 344

18 mars 2016

Présence - Paul Claudel

Dieu nous appelle chacun dans l'être par un nom spécial et l'âme entend alors "ce nom essentiel que l'Amant divin imperceptiblement ne cesse à la fois de lui suggérer et de lui réclamer(1)". Qu'est-ce ? Probablement un "Je suis" mêlé d'un "Je t'aime", comme ce Samuel répété trois fois dans le Temple qui ne dis rien d'autre qu'un "Tu as du prix à mes yeux".

Qu'arrive t-il quand on perçoit l'appel ? Balthasar suggère l'arrivée "d'une bienheureuse‎ humiliation de n'être pas Dieu", de cette lumière qui inonde la créature"et de cette nourriture (...) à laquelle les créatures, comme un troupeau dans le brouillard, tendent d'instinct" (2). Mais il nous conduit plus loin, jusqu'à contempler cette nourriture même "qui a pour but d'accoutumer  notre être à vivre en Dieu par la descente du Verbe dans les sens (...) et même la substance" (3). "Notre chair a cessé d'être un obstacle, elle devient un moyen et un véhicule, elle a cessé d'être un voile, elle devient une appréhension" (4).
J'ajouterai, sur la pointe des pieds, elle devient danse, car cette incarnation du Verbe nous enseigne, à petits pas, la danse éternelle des anges.


(1) Paul Claudel, Présence et prophétie, 1942, p. 15-16
(2) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 339
(3) ibid p. 340.
(4) Paul Claudel, op. Cit  p. 55

Epiphanies de la vie quotidienne -Romano Guardini

Qu'est il resté du caractère épiphanique après que le Seigneur soit remonté se demande Romano Guardini ? Il ne répond qu'avec quelques exemples. Le visage d'Étienne, visage d'ange, la force de l'Esprit,...
Celui qui m'interpelle le plus est cette liturgie "dont le Christ attend que nous reconnaissons sa présence dans ses signes : le pain et le vin, l'eau du baptême". (2)

C'est peut être là que nos sens sont les plus mis en branle. Car quoi de plus incarné que l'eau, le pain, le vin. C'est là pourtant, au coeur de nos existences, dans ce qu'elle a de plus concrète que ce joue l'épiphanie la plus dérangeante. Car à la présence physique du pain que nous mangeons se joint cette réalité concrètement indiscutable du faire mémoire d'un don plus grand, tout aussi incarné d'un corps, sur le bois de la Croix, qui en se donnant à nous par le pain devient présence réelle. Ce que mon corps ressent dans la manducation du pain, rejoint ce que mon âme à manduqué à la table de la Parole et la circulation pneumatique des deux consommation induit en nous le désir et le manque d'une communion réelle et future avec Celui qui se donne, sur les deux tables.

(1) Romano Guardini, Les sens‎ et la connaissance de Dieu, Paris, Cerf, 1954, p. 90
(2) ibid. Cité in GC1 p. 333

Voir aussi une médiation sur le chemin de Croix en union de prière avec les victimes des attentats en Belgique : http://prierdieu.blogspot.fr

Archétypes et exemples - Karl Barth

La suite logique de la pensée Barthienne est que les personnages de la Bible n'y sont pas considérés comme des archétypes éthérés, mais comme des exemples. Cela peut être des pécheurs aveugles, qui ont "des yeux pour ne pas voir" ou d'autres qui au contraire perçoivent Dieu et ses témoignages. Ce sont des hommes "tous entiers qui perçoivent et qui pensent".  En ce sens, ils peuvent devenir "l'espace  ouvert dans lequel Dieu se rend présent dans ses témoignages et vient habiter. Alors la perception de l'homme, parvenue à son terme, est-elle même une pensée. Son corps se met au service de son âme (...) devient une vision et une audition accomplies"(1).
L'enjeu n'est donc pas de l'ordre de la pensée, mais de l'ordre du désir et de l'amour. Tout, étant foncièrement incarné se passe réellement "entre Lui et l'homme. Voilà pourquoi la Bible parle si anthropologiquement de la parole et de l'action, de sa venue et de son départ, de son"‎ agir, comme si tout cela "venait d'une créature semblable à l'homme" (2). "Dans cette perception et ce désir sensibles, l'homme s'élève au-dessus de lui-même et devient libre pour Dieu et par Dieu (3)".

En cheminant à côté d'eux se glissent aussi en nous le Verbe lui-même. En vivant, goûtant à leurs côtés à cette révélation possible d'un Dieu qui s'incarne et se fait anthropologiquement proche, nous sommes, nous aussi touchés dans nos désirs et dans nos manques, dans le réel de nos vies. Alors le Dieu de nos pères devient notre Dieu, alors nos images et nos projections se confortent au réel, Dieu se fait présent et nous pouvons accueillir, au bout de la route d'Emmaüs la fraction du pain d'un Christ qui a rejoint notre route, c'est fait explication et désir, et qui en disparaissant devient présence et manque, révélation et mystère, réel et futur.

(1) Karl Barth, op. Cit p. 485ss
(2) p. 487-499
(3) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 329

Être et sentir - Karl Barth

A la tentation mystique ou orientale de quitter le réel, Barth semble opposer une objection majeure :" je ne suis pas sans être en même temps mon corps"‎(1). A ce sujet, Balthasar considère la pensée de Barth comme "radicalement antiplatonicienne" (2) : "l'âme sans corps n'est pas l'âme, mais la simple possibilité d'une âme" (3).
Que tirer de cette affirmation qui rejoint d'ailleurs l'idée même de l'incarnation ?
Notre vie, not‎re agir ne pourront jamais être l'occasion de fuir le réel. Ce dernier est notre aujourd'hui et  le demeure. Nous avons à le vivre pleinement, jusque dans les méandres de notre chair, même si, d'une manière ou d'une autre, il faudra renoncer, un jour, non au réel, mais à notre maîtrise de lui, jusqu'à se laisser saisir par Dieu, être agis en lui. 

(1) Dogmatique de l'Église, III, 2, p. 450-452, tr. Fr. Ibid. p. 54
(2) GC1, p. 327
(3) Barth, ibid. p. 453

17 mars 2016

Savoir et sentir - Ignace de Loyola

On a souvent une quête de connaissance, y compris sur Dieu, qui nous pousse à creuser les choses de Dieu. Un précepte devrait néanmoins inspirer notre quête : "ce n'est pas l'abondance du savoir qui rassasie l'âme et la satisfait, mais de sentir et de goûter les choses intérieurement" (1). 
Le chemin tracé par Ignace nous conduit à sentir un Christ incarné, jusqu'à voir "comment il parle et prêche, va et s'arrête (...) inscrire dans son coeur son attitude et ses actions"‎ (2).
Quel est l'enjeu sinon cette mimetai (imitation) dont nous parle Paul.

(1) Ignace de Loyola, exercice 2, cité in GC1, p. 317
(2) Ludolphe le Saxon, Vita Jesu Christian, n•11-12, Paris, Rigollot, 1870, p. 9

15 mars 2016

Le côté du Christ - soumission ou amour

Nous pouvons lire la création d'Éve comme une soumission à Adam, de même que nous pouvons buter sur la prétendue soumission de la femme à l'homme dans Éphésiens 5. Mais il peut en être autrement quand nous entendons véritablement ce que demande Paul, quand nous réalisons qu'il demande à l'homme d'aimer sa femme comme le Christ a aimé l'Église.  Alors ce que dit saint Jean Chrysostome sur la création d'Éve prend aussi du sens :

"Aussi saint Paul dit-il : Nous sommes de sa chair et de ses os, désignant par là le côté du Seigneur. De même en effet que le Seigneur a pris de la chair dans le côté d'Adam pour former la femme, ainsi le Christ nous a donné le sang et l'eau de son côté pour former l'Église. Et de même qu'alors il a pris de la chair du côté d'Adam, pendant l'extase de son sommeil, ainsi maintenant nous a-t-il donné le sang et l'eau après sa mort. 

Vous avez vu comment le Christ s'est uni son épouse ? Vous avez vu quel aliment il nous donne à tous ? C'est de ce même aliment que nous sommes nés et que nous sommes nourris. Ainsi que la femme nourrît de son propre sang et de son lait celui qu'elle a enfanté, de même le Christ nourrit constamment de son sang ceux qu'il a engendrés." (1)

Sous cet angle, l'enjeu n'est plus soumission mais amour.

(1) Saint Jean Chrysostome,  catéchèse baptismale, source AELF

14 mars 2016

Création et pastorale

Dans une lecture cursive ‎et pastorale de la Genèse et en particulier de Gn 1 (1), il est intéressant de creuser le crédit à donner à ce texte, 2.500 ans plus tard. Je ne parle pas de sa profondeur scientifique mais d'une vision moderne de l'exégèse, à la lumière des travaux de P. Beauchamp sur le travail mêlé de l'homme et de Dieu dans cette écriture sainte. Peut-on dire, qu'il s'agit encore d'un balbutiement de révélation auquel le prologue de Jean apportera une touche complémentaire, comme j'ai tendance à le démontrer dans mon étude de Jean 1(2) ? 
Dans ce cadre, on peut contemplerque ce que Gn 1 dit de l'Esprit et du Verbe puisse introduire ce que Jn 1 dit de l'interaction des personnes divines. Cela va en effet dans le sens de la circumincession des Personnes divines, telles que contemplées par les Pères de l'Église telle que mise en valeur par E. Durand.(3)

(1) à paraître 
(2) Sur les pas de Jean
(3) ‎Emmanuel Durand, La Périchorèse des Personnes divines, Paris, Cerf , 1993


Peuple de frères

‎Une méditation cursive des deux premiers chapitre d'Osée montre les conditions de basculement de l'état de "non-peuple" à l'état de "peuple" (1). C'est dans la même lancée que, à la suite de Pierre, nous sommes invités à devenir le peuple saint, au sens donné par Ex. 19,5 s et Isaïe 43, 20-21. Notre vocation royale, prophétique et sacerdotale s'est nourrie, pour Balthasar(2), des archétypes de la première et de la deuxième alliance, jusqu'à la figure déjà commentée de Marie, puis celle des Apôtres. Quelle est l'enjeu de ce mouvement ? N'est-ce pas une dynamique sacramentelle(3) au sens d'une succession de figures positives ou négatives qui nous accompagnent dans notre propre quête, reflètent nos propres hésitations des reniements de Pierre au sommeil de Jean, lors du grand soir. Tous ces balbutiements nous accompagnent dans un chemin d'Emmaüs qui trouve son terme dans une humble fraction du pain où Dieu, à la fois, se révèle et disparaît dans ce qui caractérise son humilité la plus flagrante.

‎(1) cf notre Commentaire de l'Ancien Testament, tome 1, à paraître 
(2) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 299
(3) cf notre recherche éponyme

13 mars 2016

Maternité mariale

A la suite de Grégoire de Nysse et Diadoque de Photicé, Balthasar contemple la grossesse mariale, cette "sensation corporelle d'une présence", comme "une imitation du mystère  trinitaire au sein de l'économie" divine, mais aussi comme la première et plus étroite imitation du "mystère des deux natures dans l'unique Personne". Marie doit s'ouvrir par la foi en une expérience qui est elle-même et l'autre, ce "germe" du Verbe qui paraît "d'abord croître dans le je maternel, jusqu'à ce qu'il apparaisse, par la croissance elle-même, que c'est l'inverse et que ce je est contenu dans le Verbe de Dieu" (1)

On peut à sa suite contempler dans le récit de la visitation l'enjeu de ce tressaillement de Jean à la rencontre du Verbe jusqu'à percevoir en quoi le don de Dieu dans l'incarnation nous introduit à notre tour dans l'économie divine et nous fait jaillir hors d'un je qui s'enroule sur lui-même pour entrer dans la danse de Dieu.(2)

Balthasar poursuit en contemplant la kénose virginale jusqu'à ce renoncement de plus en plus déchirant "en faveur de ‎l'Église, à tout ce qui intéresse sa vie personnelle [pour] demeurer finalement, tel un arbre depouillé, la foi nue" (3) et le coeur transpercé d'un glaive.

En contemplant cela, jailit en nous ce qui constitue l'essence de notre dévotion mariale, la prise de conscience qu'elle a ouvert pour nous le chemin d'une kénose à laquelle nous sommes à notre tour convié.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 286
(2) voir In Utero, le roman initial, à paraître chez Createspace / Amazon.
(3) Balthasar, ibid p. 287-288


12 mars 2016

Vallée d'Achor - 3


A la suite du post précédent qui évoque les vignes de la vallée d'Achor, on peut contempler le Psaume 142 : 

Délivre-moi de mes ennemis, Seigneur :
j’ai un abri auprès de toi.
10Apprends-moi à faire ta volonté,
car tu es mon Dieu.
Ton souffle est bienfaisant :
qu’il me guide en un pays de plaines.
"

L'office des Laudes nous emmène ensuite vers Isaïe 66 :

"10A vous, l'allégresse de Jérusalem ! +
Exultez en elle, vous tous qui l'aimez ! *
Réjouissez-vous de sa joie,
vous qui la pleuriez !

11Alors, vous serez nourris de son lait,
rassasiés de ses consolations ; *
alors, vous goûterez avec délices
à l'abondance de sa gloire.

12Car le Seigneur le déclare : +
« Voici que je dirige vers elle
la paix comme un fleuve *
et, comme un torrent qui déborde,
la gloire des nations. »


PS : Traduction AELF
L'Avre en Juin :