17 février 2007

Lecture

Le but de toute lecture, c'est le décentrement et la conversion. Le texte donne à penser et en sens interpelle le lecteur. Un chemin que ce blogue ne cesse de thématiser. En un sens, "l'écoute de la Parole dans les Ecritures promeut chacun en ce qu'il a d'unique ; elle le situe en vérité devant le Christ, et ce faisant lui permet de se décider en conscience dans l'existence" (1)

(1) d'après Odile Ribadeau Dumas et Philippe Bacq, Une nouvelle chance pour l'Evangile, ibid p. 104

16 février 2007

Tooujours plus - II

Pour Balthasar, Dieu ne peut être considéré comme un sommet mais sous l'angle du "toujours plus" (1)

Pour lui, il n'y a pas lieu d'exclure de la vie de Dieu quelque chose qui serait analogue à ce qu'est dans l'amour humain, l'instant vital de l'éblouissante surprise. En ce sens, le Fils né du Père surpasse pourrait-on dire, par avance, les attentes les plus audacieuses du Père.

Je trouve que cette notion est bien supérieure à la vision de l'obéissance, telle que présentée par Dei Verbum. C'est toute la force du Me Voici où deux amants se rejoignent dans l'innovation d'un toujours plus. C'est l'hyperbole qu'évoquais déjà Ricoeur et Beauchamp, tirée par l'ancre de l'espérance en l'autre. Cela rejoint d'une certaine manière ce texte qui m'accompagne depuis le jour de mon mariage : "Oubliant le chemin parcouru, je me laisse saisir par le Christ" (Phil 3), qui est à l'image de ce toujours plus de Dieu…

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 66

La table de la parole

En mettant en parallèle la table de la parole et la table du pain, Dei Verbum introduisait déjà (DV §21) une notion très novatrice, où l'Ecriture est "livrée pour nous". On retrouve ce que Soloviev appelait la kénose de l'Ecriture, cette Parole qui se donne non pas comme toute puissante, mais se livre à travers la rédaction des hommes, qui s'effacer dans la stéréophonie d'un livre aux accents multiples, toute faiblesse de Dieu que l'on ne découvre qu'en sortant de ses certitudes. Le don de la Parole est comme le don du Corps, il est livré pour nous dans la toute faiblesse d'un texte aux couleurs multiples.

De ce fait, nous sommes appelés à une écoute mutuelle et bienveillante, une recherche commune, tout en conservant la rigueur du texte et attachant une importance particulière à son interprétation dans le respect de la Tradition vivante de l'Eglise.

15 février 2007

Voile - III

Pour Origène "le Verbe de Dieu est couvert du voile de la chair" (1). Pour moi cette citation évoque beaucoup de chose. D'une certaine manière, en effet, c'est dans la nudité de la Croix et le flanc béant du Christ que le verbe transparaît comme un fleuve de vie.

(1) cité par Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 42-34

Le Don - IV

Pour Balthasar, l'essence divine n'est pas un bloc inerte d'identité mais "une réalité qui se communique dans le Père, se reçoit dans le Fils, est donnée en commun à l'Esprit par le Père et le Fils, étant elle-même de la part du Fils et de l'Esprit quelque chose de reçu"

Il y a donc un mystérieux échange trinitaire qui fait transpirer pour moi la triple kénose des personnes divines. Le Père s'abandonne au Fils qui s'abandonne par amour du Père et se transmet par l'Esprit. Je retrouve ce que Maurice Zundel décrivait comme un "Dieu à une distance infinie de lui-même", un don parfait.

Cela rejoint Grégoire de Nysse qui affirmait que stabilité et mobilité sont comparables. "Plus quelqu'un demeure fixe et inébranlable dans le bien, plus il avance dans la voie de la vertu. Sa stabilité est pour lui comme une aile".

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 64

(2) Grégoire de Nysse, Vie de Moïse, PG 44, 405 BD, trad. J. Danièlou, Sources chrétiennes, 1, 146-147

Les limites du dogme

Une catéchèse qui repose sur l'enseignement des dogmes pose les balises de la foi mais ouvre peu à une rencontre avec le Dieu vivant qui est la source même de ces dogmes. C'est pourquoi, d'une certaine manière, "l'Eglise est en décalage avec la culture actuelle qui donne une place prépondérante à l'expérience vécue et aux relations" (1). D'une certaine manière, on rejoint là l'argumentation pour une pastorale inductive ou "d'engendrement" (pour reprendre l'appellation donnée par les auteurs) qui vise plus d'abord le dialogue et le partage, le "cheminer avec" que l'enseignement des principes de la foi. Cela nécessite cependant une conversion des façons de faire, de l'ensemble des structures. En disant cela, je ne parle pas de la catéchèse des enfants, qui ont besoin de repères structurants, mais bien de toute approche qui viserait les adultes, recommençants où demandeurs de sacrement.

(1) d'après Odile Ribadeau Dumas et Philippe Bacq, Une nouvelle chance pour l'Evangile, ibid p. 98

14 février 2007

Double kénose - II

"De même qu'il y a une kénose, une descente de la Parole dans la chair, il y a une kénose, un abaissement de la Parole dans les paroles humaines, dans les paroles écrites". Cette analogie qui revient continuellement chez les Pères est reprise par Dei Verbum (DV13) qui parle de condescendance de la Sagesse éternelle : la parole de Dieu explique en langage humain tout comme autrefois le Verbe du Père éternel, ayant pris la chair de la faiblesse humaine DV13

Le don - III

Pour K. Hemmerle "se donner n'est pas se perdre : c'est essentiellement se réaliser soi-même". Pour lui, donner c'est se déposséder mais aussi contenir ce que l'on donne et d'une certaine manière "se prodiguer c'est exister…" (1)

"Le don de soi absolu est au-delà de la puissance et l'impuissance : l'un et l'autre est intrinsèque au surgissement de l'être. S'il y a substance, c'est en vue d'une transsubstantiation et d'une communion. Ainsi, l'on voit qu'à partir de ce point de vue l'immutabilité de Dieu et l'amour de Dieu se laissent parfaitement réconcilier." (2)

Dieu dont l'amour est infini peut donc sans changement vibrer au sein même de sa divinité dans l'éternel échange trinitaire.

(1) K. Hemmerle Thèse sur une ontologie tinitaire, p. 39, 61, 47 cité par Hans Urs von Balthasar, DD IV, p. 62

(2) ibid p. 63

Le plaisir de savoir

Ce décentrer est d'autant plus nécessaire que l'on a tendance à "maîtriser le texte, le dominer, sans se laisser atteindre par lui" alors qu'il devrait s'agir du "fruit d'un don d'en haut et d'un lâcher prise" où l'on est touché par la Parole qui s'y donne. "Elle vient résonner et vibrer en [l'homme] avec des accents nouveaux. Au-delà de l'émotion et du sentiment, elle renouvelle son intelligence et sollicite sa liberté, jusqu'à l'incliner à prendre des décisions." (1)

(1) d'après Odile Ribadeau Dumas et Philippe Bacq, Une nouvelle chance pour l'Evangile, ibid p. 95

13 février 2007

Lire l'Ecriture

Lire l'Ecriture c'est permettre un "décentrement", se lancer dans "une aventure dont on n'a pas la maîtrise". C'est une aventure spirituelle où l'on quitte "ses propres repères pour accueillir l'inconnu et l'imprévisible du texte". (1) Cette aventure nécessite souvent l'éclairage de ce qui connaisse le contexte (par les méthodes historico-critiques ou autres). Cette mise en contexte évite l'appropriation du texte et favorise le décentrement véritable, qui consiste à quitter ses repères pour s'ouvrir à une Parole autre. Ce travail intérieur est d'autant plus nécessaire que Dieu ne parle pas en direct mais à travers l'Ecriture. Il faut en comprendre la traduction humaine, dans le contexte où il a été écrit.

(1) d'après Odile Ribadeau Dumas et Philippe Bacq, Une nouvelle chance pour l'Evangile, ibid p. 95

12 février 2007

Double kénose

Pour Enzo Bianchi, il existe un parallèle dans le Credo entre l'incarnation dans la Vierge Marie et la Parole de Dieu qui se fait chair dans la parole des prophètes.

Enzo Bianchi, ibid p.41

Esthétique

Selon Hans Urs von Balthasar : l'Esthétique partait de la figure (du verbe incarné Jésus-Christ). Mais la figure en tant que telle n'est vraie et remplie de gloire que dans la mesure où elle révèle et provient de l'unité du Père et retourne en celle de l'Esprit. Et tout cela se déroule dans une dramatique divine, qui révèle, au niveau du monde et dans l'ordre de la rédemption, le mouvement transcendant de la Trinité éternelle.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 61

Dépassement

Notre société bute sur des choses simples, des vérités mal comprises et que l'on peut corriger facilement, à condition d'en percevoir les enjeux. Ainsi, pour Fossion, il y a 5 axes de dépassement de "ce qui fait obstacle à la foi" :

a) Percevoir la création comme étant toujours "à venir", à la différence d'une vision qui se fige sur une interprétation littérale du Dieu créateur de l'homme "porteur du mal"…

b) voir l'éthique chrétienne comme une "permission sans limite mais dans la responsabilité", et non comme le lieu d'un interdit stérile,

c) concevoir l'homme debout comme une priorité (le sabbat est pour l'homme et non l'homme pour le sabbat),

d) voire la croix comme le signe d'un renversement : la croix montre jusqu'ou peut aller le mal et jusqu'ou peut aller le bien (là où le péché à abondé, la grâce à surabondé – Rom 5,20) (1) On peut voir à ce sujet l'analyse de Ricoeur (2) qui parle de l'hyperbole qui "suscite notre imagination et nous permet d'accéder à une nouvelle règle en recevant l'enseignement de l'exception".

e) Percevoir la Trinité comme lieu de communion entre donner (Dieu) et Recevoir (Fils) et le lien entre les deux par l'Esprit.

Faire passer ce message, c'est permettre de sortir d'une vision étriquée de l'Eglise comme lieu d'interdit ou de défendu et remettre l'Evangile au cœur du message.

(1) André Fossion, Une nouvelle chance pour l'Evangile, ibid p.85

(2) Equivalence et surabondance, les deux logiques, une lecture de Rom 5, Paul Ricoeur, in Esprit Mars-Avril 2006, p. 167 – 173

11 février 2007

Le Don – II, Des fleuves d'amour

Un Fleuve d'amour,… Voilà l'image qui m'habite de plus en plus, comme un dévoilement soudain. Le don sans fin qui transpirait déjà dans les textes de l'Ancien Testament ( "J'ai fait sortir de lui des Fleuves" Si 24, 30), m'apparaît maintenant comme un geyser d'amour, une fontaine intarissable, jaillissant du flanc ouvert du Christ. Par cette plaie béante où l'apôtre Thomas mettra son doigt, jaillit le sang et l'eau qui ne tarît pas, la source nouvelle du Verbe, Parole vivante qui nous abreuve et que nous ne pouvons conserver. Comme la manne elle nous échappe et nous revient encore. Inépuisable et profonde comme ce fleuve jaillit du Temple. Tel Bonaventure, nous ne pouvons que remplir nos misérables jarres à cette eau, la puiser, se laisser habiter et la transmettre… Elle est le Vin nouveau, le Verbe qui se répand, inépuisable et fécond…

Pour saint Thomas ces fleuves sont en quelque sorte "le flux de l'éternelle procession selon laquelle le Fils procède du Père et le Saint-Esprit procède de manière ineffable à la fois de l'un et de l'autre. Ces fleuves restaient caché dans les vestiges des créatures et dans les énigmes des Ecritures. En s'incarnant, le Christ les a rendus manifestes"

(1) Saint Thomas, Commentaires sur les sentences.

Deux approches complémentaires

Même lorsque nous intervenons dans le cadre d'une recherche "d'humanisation" on ne peut pour autant mettre en place une "tactique d'évangélisation ou une stratégie pastorale" (1) Il faut trouver un lieu de cohabitation entre ces deux réalités, humaine et spirituelle de nos actions pastorales. Si ces actions sont de fait un "terreau naturel pour l'annonce de l'Evangile" il est important ne pas en faire nécessairement un lieu de prosélytisme mais de liberté, d'accompagnement, qui sans ignorer ce qui nous habite, laisse à l'autre un chemin de liberté et d'humanisation qui ne soit pas nécessairement, pour l'instant, celui du sacrement.

(1) André Fossion, Une nouvelle chance pour l'Evangile, ibid p. 81