17 mars 2007

Obéissance divine

Pour Hans Urs von Balthasar, le mystère auquel nous pouvons donner le nom d'Obéissance est incommensurable. C'est l'acquiescement d'un amour parfait entre Dieu et Dieu. (1)

C'est peut-être pour cela que l'utilisation même du mot est un anthropomorphisme. De même que l'on ne peut comparer la justice divine (celle de l'ouvrier de la dernière heure) à nos réflexes humains, on ne peut comprendre l'obéissance selon nos critères (servilité et esclavage) alors qu'il s'agit de la forme la plus mystérieuse de l'amour trinitaire.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 81

Pauvreté et disponibilité

Pourquoi s'imaginer qu'il faille être pauvre pour parvenir à la métamorphose intérieure ? Ce sont des idées. (…) Ne pas attacher trop d'importance aux signes extérieurs. Cela regarde l'inspecteur des « hachélem » ? Radotages idéologiques. L'illumination rend pauvre à l'instant même. L'avoir perd son importance. L'avidité peut remplir le coeur des pauvres qui sont riches de tout ce qu'ils n'ont pas encore. L'important est d'être disponible à ce qui survient. (…). Dans ce monde mû par l'argent avec une telle évidence, il n'est sans doute même plus possible à quelqu'un d'être pauvre à la manière de François d'Assise. Il entrerait dans le folklore et serait aussitôt récupéré par l'audiovisuel. Vain d'imiter les gestes du pauvre. La pauvreté ne peut être que création nouvelle. Elle est à enfanter du fond de l'âme.

Jean Sulivan, Itinéraire spirituel, Gallimard 1976, Folios, essais, p. 240

16 mars 2007

Réel ou virtuel…

Je commence un long aparté suite à la lecture, hors de notre cheminement avec Balthasar, sur un ouvrage de C. Théobald, que mes chemins ont croisé récemment. Cette respiration n'est pas sans intérêt, et comme toujours, sur mes chemins de lecture, conduit à d'autres découvertes…

Quand Théobald, affirme que la "Révélation est une fenêtre ouverte vers le réel" (1) cela fait résonner en moi tout un chemin de possible, entre l'utopie constante de nos rêves et cette réalité que nous fuyons sans cesse, ce quotidien auquel nous voulons échapper. La révélation, ce serait cette présence de l'autre qui m'interpelle, par sa présence voire sa souffrance et que je ne peux ignorer dans ma rêverie solidaire… La révélation serait ce chemin qui conduit de l'autre à celle de l'Autre, qui se révèle dans la nudité d'un corps décharné, sur une croix où le sens du virtuel s'arrête pour laisser place au réel…

Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 22

15 mars 2007

Dis seulement une parole et je serai guéri..., saisi

II n'est pas facile de parler de Lui, sans se convaincre soi-même, ainsi que les autres, que nous possédons Dieu et que nous pouvons en disposer. II n'est pas facile d'annoncer Dieu et de faire comprendre en même temps que nous-mêmes nous ne le possédons pas, que, nous aussi, nous l'attendons.

Je suis convaincu que la révolte contre le christianisme est due en grande partie à la prétention, visible ou dissimulée, qu'ont les chrétiens de posséder Dieu, et à la perte de l'élément d'attente, si décisif chez les prophètes et les apôtres. Ils ne possédaient pas Dieu, ils l'attendaient.

Car comment Dieu peut-il être possédé ? Dieu est-il une chose qui peut être saisie et connue parmi d'autres choses ? Dieu est-il moins qu'une personne humaine ? Un être humain, on doit toujours l'attendre. Même dans la communion la plus intime entre des êtres humains, il reste un élément de non-possession, de non-connaissance et d'attente.

Le moyen d'avoir Dieu, c'est de ne pas l'avoir.

Paul Tillich, Les fondations sont ébranlées, Morel, 1967, p. 206

Confiance et fraternité…

Ce qui marque les nouveaux baptisés n'est-il pas ce qui compte pour nous dans notre "marcher ensemble"… Créer un lieu de fraternité et confiance réciproque, c'est à dire un lieu où nous avons confiance en leur cheminement, même s'il "semble" différent du notre, de nos critères, de nos valeurs. N'est-ce pas cela la kénose du lavement des pieds…

13 mars 2007

Sortir semer

"Les attentes, les moyens de communication sont différents. Ce que nous leur proposons doit l'être aussi (…) Il faut faire le deuil, sans peur, sans nostalgie d'une situation révolue. L'avenir sera tout autre. Il nous appartient de l'écrire aux couleurs de l'Evangile." (1)

Il nous faut semer largement ajoute-t-il, "sans souci d'efficacité ou de rentabilité – qu'elle soit immédiate où à long terme. Ne pas se soucier d'abord du terrain, de sa réceptivité mais semer parce que j'ai du grain à partager et qu'il ne peut rester au fond du silo"

(1) Olivier Fröhlich, Pour que notre joie soit complète…Proposer la bonne nouvelle aux jeunes, in Une nouvelle chance pour l'Evangile, p.157

10 mars 2007

Ecoute et obéissance

Enzo Bianchi le rappelle, l'Ecoute (shma) signifie en hébreu obéir. Ainsi les Écritures elles-mêmes exigent l'obéissance dit-il (1) citant 2 Tim 3, 14. Mais que dit justement ce texte : "Les Saintes Écritures peuvent donner la sagesse qui conduit au salut par la foi en Jésus-Christ. Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner la vérité, réfuter l'erreur, corriger les fautes et former à une juste manière de vivre, afin que l'homme de Dieu soit parfaitement préparé et équipé pour faire toute action bonne".

Pour lui, la valeur de l'Écriture n'est pas d'abord pédagogique, morale ou dialiectique mais sotériologique. "Elle donne le salut par la foi" (2) et rend capable de charité, d'accomplir le bien (cf. 1 Tim 3,17). Ce pouvoir est fondé pour lui par l'action de l'Esprit qui de ses énergies accompagne l'Écriture et donne le salut à qui s'en approche dans la foi. (3)

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 71

(2) Paul Beauchamp, Parler d'Écritures Saintes, Seuil Paris, 1987 p. 14

(3) E. Bianchi, ibid. p. 74

22 février 2007

Parole et hyperbole

Pour Enzo Bianchi, la racine juive du mot Parole : Miqra indique aussi bien la lecture qu'une convocation. Ainsi la parole lue, proclamée est un appel à sortir de, à aller vers. (1). Pourrait-on dire à sa suite, mais en reprenant les notions développées par Ricoeur et Beauchamp, qu'il s'agit donc par construction d'un langage hyperbolique, un appel au toujours plus. On rejoindrait ainsi le sens même de la nature de Dieu, tel que nous l'avons vu chez Hans Urs von Balthasar dernièrement. La parole n'est pas le sommet de la révélation, elle est expression partielle du Dire, et pour reprendre les termes de Lévinas, le dit n'épuise pas le Dire (2)… mais invite à un au-htpp://delà et d'une certaine manière une conversion (métanoia) véritable.

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 70ss

(2) cf. Autrement qu'être et au-delà de l'essence.

PS : Nous réduirons volontairement l'activité de se blog pour se concentrer sur notre proposition de lecture commune de la Parole...

21 février 2007

Lire l'Ecriture et voir le visage de Dieu...

"Dans le Nouveau Testament, tu vois l'Ancien Testament révélé et dans l'Ancien Testament tu vois le Nouveau Testament voilé" (1)
Pour Vatican II (DV 18), l'Evangile possède une supériorité méritée, en tant qu'ils constituent le témoignage par excellence sur la vie et l'enseignement du Verbe incarné, notre Sauveur". Ainsi pour E. Bianchi, toute lecture de l'Écriture doit être une écoute intégrale de l'Écriture, c'est-à-dire une "recherche du visage du Christ". Ainsi chaque pierre devenant des pierres de construction de la cathédrale du Verbe (2)

(1) Augustin, Enarr. in Ps CV 36 62
(2) Enzo Bianchi, ibid. p. 63

PS : Reprise aujourd"hui, Mercerdi des Cendres, de notre "Lectio Divina". N'hésitez pas à participer par vos commentaires, dans la lignée de ceux de l'an dernier.

Nécessaire distance

Pour Balthasar, plus les personnes se différencient, plus grande est leur Vérité (comme la dualité des sexes) (1). La distance est le secret de l'autonomie, de la liberté mais aussi de cette respiration qui permet une mutuelle kénose. Ce qui est vrai de Dieu est vrai de toute relation humaine. Elle est pour moi au cœur de la notion de chasteté.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 81

Expérience de la vie en soi

Tout chemin pastoral devrait permettre de développer son intériorité, travailler sur soi et "découvrir ses propres voies d'intériorité (…) partir vers soi et vers Dieu en soi" (1)

(1) Pierrette Daviau, Spiritualité d'engendrement et praxis pastorale, in Une nouvelle chance pour l'Evangile, p. 142

20 février 2007

Illumination réciproque

Pour Enzo Bianchi, il existe une sorte d'illumination réciproque de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament. Pour lui l'événement pascal est la clé herméneutique qui permet de comprendre les Écritures. (1)

Il rejoint ainsi ce qu'il citait à propos de la métaphore d'Origène sur la Maison-Bible. J'ajouterais que l'Écriture permet en retour de trouver un sens à la Passion. La kénose du Christ éclaire celle tracée depuis deux mille ans dans l'Écriture, et en soulevant délicatement le voile, fait transparaître les traces de Dieu dans l'histoire. Quand on se dit qu'en lisant l'Écriture on lit sa propre histoire, on boucle d'une certaine façon la révélation. Dans notre histoire, un long regard en arrière permet de percevoir la trace de Dieu, même s'il nous échappe dans le présent de nos vies, de peur de forcer notre liberté de croire.

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 62

Véritable filiation

C'est peut-être sous cet angle que l'on doit comprendre que le Christ lui-même personne se reçoit du Père alors même qu'il est Verbe. Il est constamment tourné vers le sein du Père (Jn 1, 18) en vue de l'accomplissement "d'une attente, un toujours plus qui rythme de l'intérieur l'actualisation de l'événement " (1)

En soi, la distance n'est pas opposition mais permet de maintenir l'originalité de l'être et l'agir de chaque personne "pour fournir le fondement, à l'intérieur de la Trinité, de ce qui sera dans l'économie du salut l'établissement d'une distance pouvant aller jusqu'à la déréliction de la croix" (2)

Je compare cela à la notion de chasteté entre deux personnes, cette distance essentielle qui laisse l'autre être, au delà de l'amour que l'on porte...

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 79

(2) ibid p. 81

Balises : distance, Balthasar

Une nouvelle voie

"La pastorale de l'engendrement implique de passer de la pastorale du reproche à celle de l'approche, du dialogue dialectique au dialogue dialogal". En privilégiant le dialogue dialectique, ils se trompent de terrain : "les rites de passage déclenchent sur le plan psychosocial, des ressorts archaïques d'autant plus puissants que davantage latents" (1). Pour Sophie Tremblay, parce qu'il se "cantonne au jeu des arguments rationnels, le dialogue dialectique ne fait qu'affleurer la pointe de cet iceberg" (2). Pour elle, la présence de l'institution écclésiale induit une dissymétrie. La pastorale d'engendrement doit conduire à "abandonner toutes les formes de coercition, même les plus subtiles". Citant Olivier Le Gendre, in Les masques de Dieu, elle rappelle que "ceux qui croient pouvoir imposer [Dieu] grâce à leur détermination, leur conviction, et même leur enthousiasme, voire leur simple volonté, ne portent qu'une cause vide, désertée par Dieu". Cela n'implique pas pour autant qu'il faille se taire mais cela implique que la liberté soit toujours respectée, première dans la relation. L'autorité n'est pas là pour imposer sa vérité mais pour aider le travail de la conscience intérieure.

Rappelons à ce sujet, Gaudium & Spes (§17) : La dignité de l'homme exige donc de lui qu'il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d'une contrainte extérieure. (…) Ce n'est toutefois que par le secours de la grâce divine que la liberté humaine, blessée par le péché, peut s'ordonner à Dieu d'une manière effective et intégrale". En cela, on ne peut discerner pour eux mais avec eux…

(1) Louis-Marie Chauvet, cité par Sophie Tremblay, in le dialogue pastoral revisité , Une nouvelle chance pour l'Evangile, p. 130

(2) Sophie Tremblay, ibid, p. 130

19 février 2007

Parole - Sacrement

Pour Enzo Bianchi, "Il reste malheureusement encore dans la réception post-conciliaire, la séparation entre Sacrement et Parole, la conception que le sacrement donne la grâce, tandis que la Parole biblique donne la doctrine, que le sacrement est efficace tandis que la Parole ne peut que préparer le sacrement et enseigner. Néanmoins si la Parole de Dieu n'est pas vécue dans l'économie sacramentelle jusqu'à être accueillie comme sacrement (…) elle restera toujours parole sur Dieu et ne sera jamais qu'un prélude à la célébration du sacrement." (1)

Je souscrit à cette analyse et insisterait peut-être, dans l'actualité pastorale d'aujourd'hui sur cette mésinterprétation. Si nous donnions plus de place à la lecture communautaire de la Parole, nous permettrions à tous, laïcs comme prêtres de donner un sens véritable à l'Eucharistie, au sens visé par Ruppert de Deutz.

L'Écriture, continue-t-il est donc "sacrement, signe doté d'un élément sensible qui contient et manifeste le mystère du Christ, lieu d'une rencontre véritable (…) l'Écriture réalise ainsi cette dynamique de 1) l'écoute, 2) la connaissance et 3) l'amour". (2)

Pour lui, la structure sacramentelle de l'Écriture est inséparable de la structure sacramentelle de l'Eucharistie. D'une certaine façon, l'Écriture est une réalité liturgique et prophétique, elle est annonce (kérygme) avant d'être livre, le témoignage de l'Esprit Saint sur la venue du Christ dont le moment privilégié est la liturgie eucharistique. (3) Il souligne qu'une authentique expérience de communion avec le Christ peut avoir lieu dans la lectio divina personnelle (et à plus forte raison communautaire), nous en faisons l'expérience à travers toutes ces expériences où nous écoutons le Verbe de vie.

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 49

(2) ibid. p. 50 (3) p. 52