08 avril 2007

Le passeur

Pour Théobald, le passeur est celui qui permet ce décentrement, cette aptitude à quitter nos certitudes. Qui est-il, dans quel contexte, au bout de quelle stratégie ? Impossible de structurer une réponse. Et pour cause, il s'agit du mystère de chaque rencontre entre l'homme et Dieu, le lieu ou "une parole décisive d'un autre" ou le "regard bienveillant" rend possible de "faire soi-même le pas qui coûte (…) mystère de sa propre singularité, nullement aliénée par celle d'autrui mais attisée et habitée, au même titre que la sienne par le mystère de la vie" (1)

Etre passeur, ce n'est pas un état préparé mais une manière d'être, un souffle qui passe à travers nous et qui prend sens pour l'autre. Ce n'est pas le lieu d'un discours, mais d'un autrement être au sens lévinassien ?

En cela, le passeur de Nazareth est le vecteur. "Toutes ces rencontres de Jésus où l'autre devient unique… (…) "Devenir unique face à autrui, n'est-ce pas à proprement parler devenir comme Dieu lui-même ?" (2)

(1) Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 63
(2) ibid p. 64

07 avril 2007

Obéissance - VI

Il y aussi dans la symbolique de l'évangile, une notion qui illustre le concept de décentrement. Il s'agit de "passer sur l'autre rive". Pour Théobald, il est impossible de passer sur l'autre rive sans que le mystère de la vie qui s'y trouve m'attire à lui, créant en moi la confiance et le courage de tout mettre en jeu. Cette inversion du mouvement, pressentie en tout engagement gratuit, suggère que nous sommes ici au seuil "où la foi se sépare de la non foi en découvrant au cœur de sa propre singularité la révélation même de Dieu". (1) Et c'est peut-être là où le décentrement permet d'approcher l'obéissance.

(1) Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 62

06 avril 2007

Espérance

Pour Hans Urs von Balthasar, l'espérance chrétienne "diffère des espérances païennes ou juives parce que pour nous la souffrance et la détresse nous conduisent vers la persévérance, la fidélité éprouvée et l'espérance". Il souligne que cela a en effet son "prolongement dans le cœur transpercé du Christ qui reste transpercé pour l'éternité. L'agneau égorgé est le symbole de cette passion du Christ qui se prolonge à travers le martyre des disciples et l'humanité souffrante dans l'attente de la venue eschatologique". (1) Ainsi "le mot de Pascal sur le Christ en agonie jusqu'à la fin du monde dit bien que cette souffrance ne peut devenir un passé immergé dans l'histoire révolue".

L'actualité de celui qui porte le péché du monde dans sa chair est perpétuée par l'obéissance la plus folle de ceux qui acceptent de souffrir dans leur chair pour la gloire du royaume, participant ainsi par leurs mains et leurs cœurs offerts à la passion du Christ porté par cette espérance qui les ancrent dans l'éternité sans craindre le passage de la mort. Cette folie n'est pas une souffrance recherchée mais la conformité au plan de Dieu qui nous permet de ne pas refuser le réel de nos vies sans faire un choix doloriste ou janséniste mais en se conformant à ce décentrement véritable qui nous appelle, au bout d'un discernement éclairé à ceindre la ceinture que l'on n'a pas choisie (cf. Jean 21,18) pour entrer dans l'agapè véritable… C'est ce qui permet de parler de réciprocité dans l'espérance

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 132-3

05 avril 2007

Obéissance - V

Théobald introduit un intéressant parallèle entre croyance et créance chez Benveniste. Pour lui, on confie (fait créance) avec la certitude de récupérer ce que l'on a donné. C'est là où la démarche du Christ est différente et l'on approche ici le décentrement véritable et dans cette mouvance le sens de l'obéissance : "Des sacrifices et des holocaustes, tu n'en as pas voulu, mais tu m'as donné un corps. Holocaustes et sacrifices pour le péché ne t'ont pas plu : alors j'ai dit : me voici … Ps 40,7-9, He 10, 5-7)

(1) Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 62

04 avril 2007

Obéissance - IV

Dans Dei-Verbum, chap. 1, § 5 on trouve une belle invitation à l'obéissance de la foi : "A Dieu qui révèle, il faut apporter " l'obéissance de la foi " (Rom. 16, 26; coll. Rom. 1, 5; 2 Cor. 10, 5-6), par laquelle l'homme s'en remet tout entier et librement à Dieu en apportant " au Dieu révélateur la soumission complète de son intelligence et de sa volonté et en donnant de toute sa volonté son assentiment à la révélation qu'Il a faite. Pour apporter cette foi, l'homme a besoin de la grâce prévenante de Dieu et qui l'aide, et du secours intérieur de l'Esprit-Saint".

Lorsque j'ai travaillé récemment avec un groupe sur ce texte, je me suis rendu compte de la distance entre les concepts employés dans ce texte et le vocabulaire d'aujourd'hui. Comment expliquer l'obéissance si l'on n'a pas fait tout le chemin d'appropriation esquissé dans mes billets précédents… Je préfère le concept d'écoute attentive, qui est plus parlant…

03 avril 2007

Intelligence et esthétique

Pour Théobald, "l'émotion et la raison sont au cœur de l'expérience chrétienne". Il me semble, et je l'ai reçu d'ailleurs, que c'est dans cette oscillation entre le subjectif et l'objectif, la résonnance du cœur et la paix de l'Esprit que le véritable chemin de l'homme peut se définir. Le beau comme la science sont des appâts qui nous permettent d'aller vers le vrai, vers une liberté créatrice et pourquoi pas vers l'obéissance de la foi…

02 avril 2007

Foi – l'épiphanie du visage

Pour Théobald, l'acte de foi, c'est lorsque "quelque chose ou plutôt quelqu'un – Dieu – est subitement et peut-être définitivement vu et entendu comme jamais avant, sans que son mystère et celui du monde ne disparaissent. C'est un passage qui se produit dans la foi du sujet croyant qui est totalement engagé dans ce qui se passe (…) il est vaincu par ce qui lui arrive" (1). Je retrouve là, une notion que j'ai découvert chez Lévinas, cette "épiphanie du visage" qui au travers d'un regard fait ressentir le plus profond, le plus mystérieux de l'âme humaine et interpelle sur la présence réelle de Dieu. Est-ce par ce biais, ou par une esthétique commune que Dieu se manifeste. C'est le langage unique et kénotique de Dieu vers chacun, le mystère de la rencontre…

(1) Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 51

01 avril 2007

Prière

La prière est vue par Balthasar comme une participation à la vie intra-trinitaire et ecclésiale. Pour lui, Dieu va à la rencontre de la prière, il se penche vers elle avant même d'y répondre, il l'élève et lui donne part à l'éternité.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 120

31 mars 2007

Limites

Quand Théobald souligne les "limites d'une auto-révélation qui peut conduire jusqu'au nazisme et au stalinisme", cela réveille les accents utopiques qui m'avaient pourtant séduits dans une approche néo-rahnérienne de l'auto-manifestation du verbe en l'homme. Si c'est un principe reconnu de la conscience, qui prend sa source dans Ezéchiel 31, et est repris par Vatican II (1), il n'en reste pas moins que la notion de révélation intérieure doit rester à l'aune de la Tradition, ou comme le dit si bien Dei Verbum § 8 : "Cette Tradition qui vient des Apôtres se développe dans l'Eglise sous l'assistance du Saint-Esprit et grandit en effet la perception des choses et des paroles transmises, par la contemplation et l'étude qu'en font les croyants qui les gardent dans leur cœur"

(1) Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 46

30 mars 2007

Eucharistie et Parole - III

Pour faire entrer notre offrande imparfaite dans la sienne, le Christ s'offre quotidiennement un nombre incalculable de fois nous dit Hans Urs von Balthasar. Il veut dans la chair et le sang de son eucharistie, demeurer notre nourriture, parce que c'est là que nous trouvons accès à la réalité de la vie éternelle. J'ajouterais que sa manne nouvelle est double nourriture. Comme le souligne Dei Verbum, c'est à la table de la parole et à la table du pain…, corps et âme que nous sommes invités.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 120

29 mars 2007

Triple kénose - III

Pour Hans Urs von Balthasar, "la kénose de l'obéissance par laquelle Jésus ne retint pas le rang qui l'égalait à Dieu (Ph 2,7) est fondée sur la kénose éternelle des Personnes divines, les unes à l'égard des autres, la kénose du Fils n'étant qu'un des aspects" des kénoses intra-divines".

C'est l'obéissance qui fait l'unité de la vie du Christ, elle se maintient sans défaillance jusque que dans la nuit de la Croix alors que leur sont enlevés toute vue du Père et tout contact avec lui (1)

Serait-elle kénose véritable si la distance n'était pas portée à une distance infinie, si malgré la proximité de cœur, la distance des êtres n'étaient pas le signe de leur liberté la plus totale, la plus infinie.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 106

28 mars 2007

Eucharistie - II

L'eucharistie indique en quoi consiste l'être même de Dieu, en montrant qu'il est amour constamment en acte. Pour Hans Urs von Balthasar, le "Fils ne se suffit pas à lui-même mais toujours comme le don du Père". Il est "transparence parfaite (…) puis mouvement venant du Père et allant au Père (…) et livrant ainsi le mystère le plus intime de Dieu" (1)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 105

27 mars 2007

Obéissance - III

Pour Théobald, on peut concevoir la révélation sous la formule d'une instruction (c'est le sens retenu par Vatican I) alors que Vatican II parle maintenant de communication : "La révélation entre Dieu et les hommes, tout comme la relation entre l'Eglise et la société sont conçues sous forme de dialogue et l'obéissance est comprise comme capacité d'écoute". N° 5 Déi Verbum (1) Devenir écoutant de la Parole, n'est-ce pas le sens même de l'obéissance, telle que nous l'avons esquissé dans le billet précédent ?

(1) cité par Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 41

26 mars 2007

Obéissance - II

On a tendance à réduire le terme d'obéissance à un asservissement vile de l'esclave sous les ordres du maître. Je pense que le sens chrétien du mot ne peut être perçu qu'à la lumière du sens même qu'il a pris pour le Christ. C'est dans ses paroles si mystérieuses et si profondes au mont des Oliviers que l'on peut comprendre ce que cela sous-entend. "Non pas ma volonté mais la tienne" et dans ce sens, se retrouve tout ce que nous avons cherché à thématiser dans notre recherche sur le décentrement.

25 mars 2007

Evangile : mystère et révélation

La bonne nouvelle, ce qui était caché sous le voile et est maintenant révélé – cf. Rom 16, 25-27. En effet pour Paul "selon l'Evangile que j'annonce en prêchant Jésus-Christ, selon la révélation d'un mystère gardé dans le silence durant des temps éternels mais maintenant manifesté, que soit porté à la connaissance de tous les peuples païens par des écrits prophétiques, selon l'ordre du Dieu éternel… ". Il y a donc bien dans l'idée même d'évangile, de bonne nouvelle, le déchirement du voile que Marc décrit si bien au chapitre 16… et cette bonne nouvelle, c'est Jésus-Christ, lumière et verbe de Dieu qui lui dans l'obscurité du monde pour révéler avec toute la tendresse dont Dieu est capable, le mystère de l'amour du Père.