12 juillet 2015

La figure du Christ

‎Dans nos messages précédents sur le surgissement de la foi, nous évoquions la notion de figure. 
Il n'est pas étonnant que Balthasar en vienne lui aussi à la figure du Christ. L'auteur de "retour au centre" parle ici du "surgissement d'une profondeur personnelle (trinitaire) et divine (...) dépassant toute nature du monde." "L'homme qui regarde", je dirais contemple, cela est rendu capable "par la grâce de participer à cette même profondeur."

La beauté devient "la liberté qui apparaît" souligne Balthasar citant Schiller, celle, ajoute-t-il "de Dieu qui n'est contraint par rien", mais surtout "de celui qui se révèle et qui se donne" (1)

On conçoit que le beau évoqué ici ne soit plus une esthétique humaine. La contemplation de la Croix sort des canons grecs. La beauté qui transpire n'est plus esthétique mais philosophique, théologique. Elle fait apparaître autre chose : le don. Celui qui se donne et s'efface pourrait-on dire en suivant les mots de Jean-Luc Marion (2)

(1) GC1 p. 129
(2) cf. notamment Étant donné

11 juillet 2015

Une foi inexplicable 2

Si l'on poursuit le cheminement de Balthasar, il y a cependant, à partir du vide (1) (Masure, mais aussi à mon avis J.Moingt) un chemin possible, une succession d'épiphanies et de signes qui laissent transparaître la "rectitude lumineuse" (2) d'une tendance, ce que j'appellerai à la suite de Lévinas le bruit d'un fin silence, qui au coeur de l'homme trace un chemin vers l'ouvert. Balthasar parle ici du "beau". Mais est-ce forcément le beau, je préfère quand il parle de Figure, à moins de qualifier de "Beau" ce qui n'est pas forcèment esthétique aux yeux des hommes mais "sublime", "surnaturel" voire "kénotique", c'est-à-dire ce qui dépasse l'humainement accessible au sens de Mat 19, ce qui dévoile sans imposer l'agapè véritable. Suis-je clair ? Probablement plus en parlant de la Croix, dont la beauté n'est pas esthétique mais surnaturelle, en ce qu'elle dévoile le jusqu'au bout de Dieu.

(1) Il cite Blondel et Masure à propos de la "place vide" p. 125
(2) GC1 op. Cit. p. 127

10 juillet 2015

Une foi inexplicable

"Si la foi chrétienne est l'attitude suprême de l'homme engendrée et déterminée par l'objet de la révélation, cette attitude est tout aussi inexplicable par la raison humaine que le mystère de Dieu dans le Christ" (1)

Je retiens surtout de cette phrase le côté inexplicable de la foi. La foi est don de Dieu nous dit le catéchisme, mais son actualisation en tout homme est aussi le mystère d'une rencontre personnelle face à laquelle les laboureurs que nous sommes nous sentons bien petits. Contempler, à genoux, le travail intérieur de Dieu en l'homme, c'est contempler le mystère même de la kénose, de cet agenouilement de Dieu devant l'homme dans un je t'aime qui respecte son libre arbitre, sa liberté intrinsèque et pourtant ne cesse, par bien des manières de courir à sa rencontre. Nous ne pouvons forcer la foi, tout au plus pouvons nous écarter quelques branches, travailler la terre, préparer la venue du semeur...

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1, op. Cit. p. 119


09 juillet 2015

Foi et raison 2

On retrouve l'idée de circumincession chez Clément d'Alexandrie, avec cette interaction entre foi et raison qui prend une dimension trinitaire. "Pas de gnose sans la foi, comme pas de foi sans la gnose, car le Père lui aussi n'est pas sans le Fils" (1)

S'il rejette une gnose hérétique qui fait ignore le Fils ou "la paresse des simples croyants qui croient pouvoir se contenter du kérygme filial, l'enjeu est de trouver le Père par et dans le Fils.

Clément poursuit en précisant : "Le Christ s'adresse aux hommes : "Je vous donne le Logos, c'est-à-dire la connaissance de Dieu, je me donne moi même parfaitement. C'est ce que je suis, c'est ce que Dieu veut, c'est une symphonie, c'est l'harmonie du Père, c'est le Fils... O vous qui êtes tous des images, mais pas toutes ressemblantes, je veux vous ramener à l'archétype, afin que vous me soyez aussi semblables. Je vous oindrai de l'onguent de la foi" (2)

Deux idées s'entrecroisent ici, celle de l'image et de la ressemblance, que l'on retrouve chez Augustin et surtout Bonaventure, avec cette idée de progressivité, de dynamique. L'enjeu, et c'est la deuxième image, est de rejoindre cette symphonie entre le Père et le Fils, ce que j'appelle : "entrer dans la danse de Dieu".

(1) Strom. V, 1,3 ; 1, 326,8 sq.
(2) Protr. 120, 3-5 cité in GC1 p. 115




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08 juillet 2015

Foi et raison

Il est intéressant de noter que Balthasar parle de circumincession entre foi et raison. Je ne connaissais le terme que dans le long developpement d'Emmanuel Durand sur la trinité (terme que j'ai traduit par danse). Ici Balthasar développe son idée à propos de la foi du simple, qui dit-il, "ne peut être qu'une foi d'autorité (qui est tout d'abord obéissance à la prédication éclésiale)". Il la distingue "du chrétien qui s'efforce énergiquement de s'approprier intérieurement ce qu'il croit" (1)

C'est dans ce passage que la circumincession prend, à mon avis de l'intérêt, en ce que le rapport entre foi et compréhension n'est pas à sens unique. La foi du charbonnier ne peut être regardée avec dédain. Elle est une des portes d'entrée à Dieu. Ce que l'on note, de plus en plus dans nos églises, c'est que nous quittons de plus en plus des fois "sociales", subies. Le besoin de comprendre, quand il est suscité, interagit avec la foi, la stimule, provoque de nouvelles interrogations, purifie l'acte de croire. Elle peut conduire au doute, mais ce dernier est aussi le chemin d'un plus grand questionnement, d'une quête de l'essentiel.

On rejoint ce que je notais chez Moingt, à propos de "l'Evangile sauvera l'Eglise". La lecture de l'Evangile est une danse qui interpelle à la fois foi et raison...

(1) GC1 op. Cit. p. 113 et 114


Humilité et effacement - Angelo Roncali

‎L attachement de Jean XXIII à son journal de l'âme qu'il aimait relire est d'autant plus touchant qu'on y lit des phrases pleine d'une quête authentique : "Je serai d'autant plus réellement grand et digne de réputation devant Dieu et devant les hommes, et mon ministère sera d'autant plus fructueux, que j'aimerai davantage l'effacement."

Angelo Roncali, Jean XXIII, le journal de l'âme, op. Cit p. 241 (avril 1903)


07 juillet 2015

Figure et ravissement

L'introduction de Balthasar (1) se termine par une saine articulation de deux concepts centraux : la figure et l'éclat. A travers Denys l'Aéropagite, il nous conduit dans l'articulation de l'éros divin, qui est pour lui extatique. L'amour de Dieu y est décrit comme tout tendu vers l'homme, sa figure et son éclat conduisant au ravissement et entraînant l'homme dans sa danse : "En Dieu, le désir amoureux est extatique(1)" (...) Double extase, précise-t-il, "de Dieu vers l'homme et de l'homme vers Dieu (...) Admirabile commercium et connubium entre Dieu et l'homme in Christo, tête et corps" (2)

Paul, illustre cela : il ne vit plus, c'est le Christ qui vit en lui, ce qui est bien, ajoute Balthasar avec l'aéropagite, le fait "d'un homme que le désir a fait, comme il dit sortir de soi pour pénétrer en Dieu et qui ne vit plus de sa vie propre, mais de la vie de Celui qui aime (3)".
C'est ce que j'appelle, avec mes mots, la danse de l'homme en Dieu (4)

(1) GC1, op. Cit p. 98ss
(2) ibid. P. 104
(3) Pseudo Denys, De Div nom., 4, 13. Trad. M. de Gandillac, Paris, 1943, p. 107s, cité par Balthasar, La Gloire et la Croix, tome 1, op. Cit p. 101
(4) la danse trinitaire.


06 juillet 2015

Dynamique chez Scheeben

Retour chez Balthasar où je reprends ma lecture de La gloire et la Croix tome 1.
Il y résume(1) le travail de Scheeben et notamment sa dogmatique.
Je tombe sur une phrase qui fait écho à mon dernier livre sur la dynamique sacramentelle.
La grâce chez Scheeben serait ce que saint Thomas et saint Augustin désigne sous le nom de pondus : "une influence dynamique et énergétique ou drastique et élastique" (2)‎ qui meut "la volonté comme une énergie fécondante, immanente à son fond le plus intime, comme sa forma, virtutis volontatis émanant de l'intérieur(3)"

J'aime cette image qui épouse ce que je décris de la dynamique sacramentelle, cette puissance intérieure qui, si on la laisse agir en nous, devient fleuve de vie, force vivifiante, nourriture, sang du Christ actif et irradiant.

Balthasar va dans ce sens en évoquant une "influence éthico-génétique‎ qui renvoie à l'analogie de la génération et invite à comprendre dès l'abord les affections inspirées ou plutôt toute la disposition intérieure du libre arbitre d'après l'analogie de la semence fécondante ou de l'étincelle qui met le feu" (4)

La grâce est donc cette étincelle qui met le feu à nos vies, la féconde de l'intérieur, irradie ses rayons jusqu'à ce que Benoît XVI appelle la fission nucléaire du coeur.

Pour Scheeben, se tourner et accueillir la grâce, c'est être "touché et stimulé de l'intérieur  (...) dans une attitude féminine et prête à concevoir..." (5)

(1) Hans Urs von Balthasar, la Gloire et la Croix, Apparition, tome 1, Cerf DDB 1965, 1990, p. 93
‎Que nous citerons plus loin sous le signe GC1.
(2) Scheeben, Dogmatique III, trad. P. Belet, Paris, 1877-1882, ¤ 288, n. 135
(3) ibid, n. 139
(4) GC1 p. 93
(5) Scheeben n. 155

05 juillet 2015

Lavement des pieds - Angelo Roncali

‎Voilà ce que le séminariste de 20 ans, futur pape Jean XXIII, écrivait en décembre 1902 plus de 50 ans avant d'initier le Concile Vatican II : "Jésus se penche pour laver les pieds des douze malheureux pêcheurs... Voilà la véritable démocratie, dont nous devons, nous ecclésiastiques, présenter au peuple l'image éloquente" (1)


Sans commentaires

‎(1) Angelo Roncali - Jean XXIII , journal de l'âme, Paris, Cerf, 1964, p. 181


04 juillet 2015

Serviteur des serviteurs de Dieu

‎Intéressant de noter en 1899 dans le journal de Jean XXIII (1) que sa première mention du Pape fasse allusion au "Serviteur des serviteurs de Dieu" (2)

(1) op. cit. p. 140
(2) L'expression serait de saint Grégoire le grand in Lettre XIII, 1; PL 77, 1254


03 juillet 2015

La valeur de l'âme

‎"L'âme de l'homme a une valeur infinie, puisqu'elle coûte le sang d'un Dieu"


Pépite à contempler

(1) Jean XXIII op. Cit. p. 141 




02 juillet 2015

Désir de paraître

"Vous connaissez mes défauts, mon désir de paraître, mon besoin d'être caché, de m"abaisser (...) et malgré tous mes défauts, mon désir d'aimer" nous dit Jean XXIII avant de citer 1 Cor 4, 7 " qu'as tu que tu n'aies reçu ? Et si tu l'as reçu, pourquoi t'en glorifier" (1)

‎Jean XXIII ajoute (2) :"Donne moi de te connaître comme le demandait saint Augustin : "que je te connaisse pour me connaître, et que je t'aime pour me mépriser" (3)

A méditer.


(1) Journal de l'âme, op. Cit p. 138 et 139

(2) Jean XXIII ibid. p. 141
(3) saint Augustin, Soliloques, II, I, 1 ; PL 32, 885

01 juillet 2015

Le troupeau de porcs

En première lecture on ne se sent pas concerné par l'évangile d'aujourd'hui (Mat 8, 28-34) ou l'évangéliste nous raconte que Jésus chasse d'un seul homme un troupeau entier de porcs.  Et pourtant,  le prisme d'une lecture spirituelle nous fait voir toutes ces distractions qui, en nous habitant, viennent embrumer notre âme,  loin du "tout est rien" de Thérèse (cf. plus haut)

Ce qui nous convient...

Apprends nous à prier,  demandent les apôtres.  Une question compliquée tant notre âme est prise par des distractions multiples où s'attache à des détails "humains". La prière peut devenir routine, sécheresse,  désespoir,  doute. Dans son journal (1), Jean XXIII note combien ses bonnes résolutions sont presque toujours lieu d'échec et pourtant il s'accroche, persévére.

A la question des apôtres,  Jésus a répondu par le Notre Père.  On peut le prononcer des lèvres.  Autre chose est de le dire avec le coeur. 

"Quelle est la personne, pour étourdie qu'elle soit, qui, lorsqu'elle sollicite un personnage important, ne réfléchit d'avance à la façon de présenter sa requête, de manière à lui être agréable et à ne pas l'importuner, se rappelant l'objet de sa requête, les raisons qui la motivent, en particulier si elle demande quelque chose d'aussi important que celle que notre bon Jésus nous apprend à demander ? Cela me semble digne d'être considéré. Ne pourrais-tu, Seigneur, tout inclure en un seul mot, et dire : « Donne-nous, Père, ce qui nous convient ? » car rien de plus n'eût été, semble-t-il, nécessaire pour celui qui comprend tout.

O Sagesse éternelle ! Cela pouvait suffire entre toi et ton Père, c'est ainsi que tu l'as sollicité au Jardin des Oliviers : tu as exprimé ton amour et ta crainte, en te remettant à sa volonté ; mais nous ne sommes pas, Seigneur, tu le sais, aussi soumis que toi à la volonté de ton Père ; il fallait que nous sollicitions des choses remarquables pour prendre soin d'examiner si ce que nous demandions nous convient, et sinon, ne point le demander. Car nous sommes ainsi faits que si on ne nous donne pas ce que nous voulons, nous usons de notre libre arbitre pour refuser ce que nous offre le Seigneur; même lorsqu'il nous offre ce qu'il y a de meilleur, si ce n'est pas argent comptant, nous craignons de ne jamais nous enrichir. 

Or le bon Jésus nous demande de dire ces mots, qui sollicitent la venue en nous du Royaume : Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Voyez ici, mes filles, la grande sagesse de notre Maître. Je considère que le moment est venu de comprendre que nous demandons ce royaume. Mais comme sa Majesté a vu que nous ne pouvions ni sanctifier, ni louer, ni exalter, ni glorifier ce saint nom du Père Éternel puisque notre petitesse nous empêche de le faire comme il se doit, sauf si sa Majesté y pourvoyait en nous donnant son royaume ici-bas, le bon Jésus a mis ces deux demandes côte à côte. Je veux vous dire ici ma pensée : pour que nous comprenions, mes filles, ce que nous demandons, il est important d'insister et de faire tout notre possible pour contenter celui qui peut nous l'accorder. Si mes considérations ne vous satisfont point, réfléchissez de votre côté, notre Maître nous le permet à condition de nous soumettre en tout aux enseignements de l'Église, comme je le fais ici. 

Il me semble donc que l'excellence du royaume du ciel, c'est, entre autres, de ne plus faire cas des choses de la terre, c'est le calme et la gloire en nous-même, la joie de la joie de tous, une paix perpétuelle, une grande satisfaction intérieure de voir que tout le monde sanctifie et loue le Seigneur, et bénit son nom, sans que nul ne l'offense. Tout le monde l'aime, et l'âme elle-même ne sait que l'aimer, elle ne peut cesser de l'aimer, puisqu'elle le connaît. C'est ainsi que nous l'aimerions ici-bas, quoique moins parfaitement, et moins spontanément; mais nous l'aimerions autrement que nous ne l'aimons, si nous le connaissions." (2)
(1) Journal de l'âme,  op. Cit. p. 100ss

(2) Sainte Thérèse d'Avila,  le chemin de la perfection,  source AELF

Dieu n'a pas fait la mort

En écho à Laudato si,  on peut méditer sur le plan de Dieu sur la création, tel que nous le relève ce beau texte de la Sagesse, lu dimanche :
"Dieu n'a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants.
Il les a tous créés pour qu'ils subsistent ; ce qui naît dans le monde est porteur de vie : on n'y trouve pas de poison qui fasse mourir. La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre,
car la justice est immortelle.
Or, Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité.
C'est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l'expérience, ceux qui prennent parti pour lui. " (1) Livre de la Sagesse 1,13-15.2,23-24. 

Sans autre commentaire.