12 novembre 2015

Théologie du corps - Réflexions et critiques

Quand on prend le temps d'étudier avec soin l'oeuvre de Jean-Paul II (catéchèse du mercredi de 1979 à 1984),  on distingue des nuances qui manquent dans l'exposé entendu hier par l'un des grands "apôtres" de la théologie du corps.  Là où le pape suggérait avec tact que le corps pouvait être liturgie,  notre intervenant en fait un "isme". Au lieu d'affirmer que l'homme est plus grand que l'ange on aimerait l'entendre dire que la rencontre intime des corps est le lieu de l'apprentissage de la tendresse,  lieu de dialogue et de respect,  lieu d'humilité et de tendresse,  lieu de  réciprocité et de danse. Or ces mots sont à peine suggérés voir absents du discours. 
Si l'intervenant insiste heureusement pour souligner que toute sexualité est blessée,  il manque une certaine humilité dans l'utilisation du mot théologie.  Peut-on dire qu'il y a une théologie du corps ? Benoît XVI dans caritas in veritate me semble plus mesuré et cohérent.
Ce que Jean-Paul II essayait de convertir devient une sorte d'anthropocentrisme excessif.
Cela me fait penser à un moniteur d'une méthode de régulation des naissances qui m'expliquait, non sans culot, que quand le feu était vert, sa femme n'avait qu'à ouvrir les portes du garage.  Je préfère encore relire le numéro 21 d'Humanae Vitae. on y trouve une exhortation plus délicate.
Suis-je juge et partie ? Peut-être.  Ce que je développe non sans mal dans "Aimer pour la vie, essai de spiritualité conjugale", me semble plus nuancé.  Mais je suis prêt à en discuter. Je regrette que le dialogue ne puisse se faire sur ce thème.

11 novembre 2015

Humilité de l'Église - 7

Retour au source.  Pour comprendre l'impossible chemin pris par notre pape pour travailler à une plus grande humilité de l'Église,  on peut relire et contempler la voie prise par son saint patron : "François, petit pauvre et père des pauvres, voulait vivre en tout comme un pauvre ; il souffrait de rencontrer plus pauvre que lui, non pas par vanité mais à cause de la tendre compassion qu'il leur portait. Il ne voulait qu'une tunique de tissu rêche et très commun ; encore lui arrivait-il bien souvent de la partager avec un malheureux. (...) François, petit pauvre et père des pauvres, voulait vivre en tout comme un pauvre ; il souffrait de rencontrer plus pauvre que lui, non pas par vanité mais à cause de la tendre compassion qu'il leur portait. Il ne voulait qu'une tunique de tissu rêche et très commun ; encore lui arrivait-il bien souvent de la partager avec un malheureux."

Thomas de Celano, « Vita prima » de Saint François, §76 (trad. Desbonnets et Vorreux, Documents, p. 257) 

10 novembre 2015

Difficile chasteté - 3

En écoutant Xavier Lacroix  (1) chercher ses mots pour décrire un chemin de miséricorde pour les divorcés remariés,  j'ai pensé à cette abstinence conseillée par l'Église : vivre comme frères et soeurs.  Impossible chemin  humain pour ceux qui cherchent à reconstruire une voie conjugale après la souffrance d'une séparation.  Et pourtant l'appel donné par cette direction ouvre probablement une "tension" à trouver entre les deux extrêmes, celui du tout permis et celui de l'abstinence. C'est une chasteté nouvelle, celle où l'autre n'est plus consommé mais respecté comme personne. Il y avait déjà d'ailleurs dans Humanae Vitae au § 21ss, quelques belles phrases dans ce sens, qui ont été souvent ignorées alors qu'on se concentrait sur l'interdiction.  Elles parlaient déjà "d'une maîtrise de soi" qui (...), en s'enrichissant de valeurs spirituelles (...) apporte à la vie familiale des fruits de sérénité et de paix, (...) facilite la solution d'autres problèmes; elle favorise l'attention à l'autre conjoint, aide les époux à bannir l'égoïsme, ennemi du véritable amour, et approfondit leur sens de responsabilité." Le chemin difficile n'est-il pas  de trouver la juste distance,  l'art d'une relation chaste, un chemin vers l'amour agapè. Tout un programme...

(1) conférence au congrès national des Cpm de novembre 2015

Être le Christ - kénose de L’Église -suite

Dans la fondation de son groupe intitulé "la charité" sous la direction spirituelle du P. Lorrenzo, une nuance apparaît sur laquelle il convient de s'arrêter. A la différence d'autres fondations de l'époque qui veulent travailler "pour le Christ"‎, Madeleine Delbrêl préfère "être le Christ, pour faire ce que fait le Christ" (1). Cette nuance qui rejoint l'axe de lecture de Paul depuis Ph. 3, 17 dans l'imitation de Jésus Christ (2) me semble porter sur un refus d'une évangélisation intrusive et surtout "insuffisamment ancrée dans l'être chrétien" (4). L'enjeu est d'abord de se "conformer au Christ", d'en "être", de se retrouver "en Christ", dans une recherche de "spiritualité intérieure plus intense" qui transforme l'action de l'intérieur et permet à cet effacement véritable, cette kénose où ce n'est plus moi qui agit pour transformer l'autre mais Dieu qui trouve en moi sa demeure et fait de moi un instrument de sa grâce.

(1) B. Pitaud, Madeleine Delbrêl‎, Poète assistante sociale et mystique, op. Cit p. 96
(2) cf. mon commentaire dans  Serviteur de l'homme, kénose et diaconie
(3) B. Pitaud, op. Cit p. 91
(4) ibid p. 98 (saluons là l'apport remarquable de l'analyse des pères Gilles François et Bernard Pitaud qui, à travers l'étude des correspondances de Madeleine Delbrêl  mettent en lumière son chemin spirituel).  ‎ 



09 novembre 2015

Rapport final du synode sur la famille

On reste bien sûr un peu sur sa fin à la lecture de ce texte. Notre pape a encore du travail sur la planche pour être instrument d'unité.
Personnellement j'apprécie cet extrait sur la pédagogie divine (§ 37) : "L’incorporation du croyant dans l’Église (...) s’accomplit (...) dans cette Église domestique qu’est sa famille, il entreprend ce « processus dynamique qui va peu à peu de l’avant grâce à l’intégration progressive des
dons de Dieu », à travers la conversion continuelle de l’amour qui (...) avec amour
et tendresse, accompagnant leurs pas avec vérité, patience et miséricorde" les faits progresser dans la compréhension des exigences du Royaume de Dieu. "

C'est un peu ce que j'essayais de dire, maladroitement peut-être, dans mon travail sur la dynamique sacramentelle.

PS : On trouve le rapport sous ce lien

Difficile chasteté - 2

Sur ce chemin,  cet art, comme je le disais plut haut, peut être faut-il contempler la chasteté de Dieu dans son rapport avec l'homme,  car sa juste distance nous engendre à la vie. 

"Il a eu pitié de nous, sa tendresse s'est émue et il nous a sauvés, lorsqu'il a vu que nous étions dans l'égarement, que nous allions à notre perte et que nous n'avions aucun espoir d'être sauvés en dehors de lui. Car il nous a appelés alors que nous n'existions pas et il a voulu nous faire passer du néant à l'être !" (1)

L'amour divin, dans le respect de notre liberté créatrice est chemin de croissance tout en étant juste, chaste et miséricordieux. 

(1) homélie du IIème siècle,  source AELF

08 novembre 2015

Difficile chasteté

Trouver la juste place. Tel est l'enjeu de toute relation humaine.  Quelle soit parentale, conjugale ou simplement relationnelle la chasteté est cet art d'être ni trop loin (indifférence) ni trop prêt (main mise sur autrui). C'est l'art de toute vie, à l'école de l'amour.  Le seul guide : cette petite phrase de 1 Cor 13 : "L'amour prend patience... il ne cherche pas son intérêt".





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07 novembre 2015

Parler d'absolu

Les critiques du relativisme sont nombreuses dans l'Église‎. Elles sont parfois la voix de ceux qui prêchent un arc-boutisme sur la Tradition avec un grand T. Loin de moi l'idée de critiquer l'oeuvre de la tradition, mais la loi n'a de sens que pour montrer à chacun un chemin intérieur, une conversion profonde et véritable qui nous travaillent personnellement, au fond de nos particularités et de nos adhérences (1).
Si l'on conjugue morale avec le commandement de ne pas juger autrui, il nous reste peu de champ, sauf à trouver un sens éthique à notre vie, un éclairage intérieur. Pour autant, nous avons aussi à refuser le relatif facile. 
Jean Paul Il le rappelait au prêtres : "au milieu des hommes de cette génération, si plongés dans le relatif, vous devez être des voix qui parlent d'absolu" (2).

Qu'est ce que l'absolu ? Balthasar parlerait probablement d'un "Retour au centre" : Le Christ, qui nous révèle l'amour infini de Dieu, son don incommensurable et l'appel à un "destin de plénitude" (3)

(1) je préfère ce mot à celui galvaudé de "péché", même si cela sent le relativisme.
(2) Bologne, 18 avril 1982, cité in ‎"Avec vous je suis prêtre", Archevêché de Lyon, p. 40.

06 novembre 2015

Le fleuve


Contemplation : 
"Il me ramena ensuite à l'entrée de la maison. Et voici que des eaux sortaient de dessous le seuil de la maison, du côté de l'orient; car la face de la maison regardait l'orient. Et les eaux descendaient de dessous le côté droit de la maison, au midi de l'autel. Il me fit sortir par le portique du septentrion et me fit faire le tour à l'extérieur, jusqu'au portique extérieur qui regardait l'orient; et voici que les eaux coulaient du côté droit. Quand l'homme fut sorti vers l'orient, avec le cordeau qu'il avait à la main, il mesura mille coudées et me fit passer par cette eau: de l'eau jusqu'aux chevilles. Il en mesura encore mille et me fit passer dans l'eau: de l'eau jusqu'aux genoux. Il en mesura encore mille et me fit passer: de l'eau jusqu'aux reins. Il en mesura encore mille: c'était un torrent que je ne pouvais traverser, car les eaux avaient grossi; c'étaient des eaux à passer à la nage, un torrent qu'on ne pouvait traverser. En me retournant, voici que j'aperçus sur le bord du torrent des arbres en très grand nombre, de chaque côté. Et il me dit: "Ces eaux s'en vont vers le district oriental; elles descendront dans la Plaine et entreront dans la mer; elles seront dirigées vers la mer, et les eaux en deviendront saines."

Ézékiel 47:1-5, 7-8, traduction, BCC 1923

Le bruit d'un fin silence - suite

Nous avons commenté plus haut longuement les atouts et les limites d'un esthétisme théologique à partir de GC1 chez Hans Urs von Balthasar, après notre livre éponyme (1) sur "le bruit d'un fin silence (2)" (1 Rois 19). Cette courte remarque chez MD entre en résonance : "Il semble souvent que la meilleure louange de la beauté soit le silence, l'effacement de tout ce qui n'est pas elle." (3)

En soit cette remarque traduit la poursuite de l'effacement de Madeleine, un agenouillement après tant de verbe désordonné, fut-il masqué par une recherche esthétique intérieure qui n'avait pas dévoilé son but ultime, la rencontre avec le vrai Créateur de toute chose.

En soi, cette maxime qui devrait se traduire par un jeûne de la communication, a une limite, celle de l'urgence d'annoncer la bonne nouvelle...‎ Et le dit à sa part, même s'il restera, comme le dit Levinas toujours en-deçà du dire.

‎(1) maintenant intégré dans L'amphore et le fleuve, Createspace 2014
(2) Cette traduction est de Lévinas
(3) Madeleine Delbrêl,‎ Éblouie par Dieu, p. 153, cit. dans le livre de Pitaud, op Cit p. 77

05 novembre 2015

Les compatissants - 2

Pour répondre à la question laissée sans réponse dans le post précédent il me faut entendre ce qu'elle dit à peine plus loin :
"Donne moi la charité 
pour que je baise l'empreinte de tes doigts indélébiles sur les âmes,
sur la ‎mienne comme sur la leur."

(1) ibid. p. 73

04 novembre 2015

Les compatissants

Intéressant chemin que celui de Madeleine Delbrêl en 1927 qui la conduit de l'écriture à la charité. Pour moi qui hésite encore entre les deux (peut/doit-on choisir ? )‎ je note cette strophe dédiée aux artistes qui résume bien mes essais de romans : "Dieu vous a choisis pour moissonner le blé des larmes". (1)

Loin de moi l'idée d'affirmer que j'ai été choisi par Dieu,  mais c'est pourtant bien dans cet axe que j'ai écrit "Le chant du large", "La caresse de l'ange" ou "Le collier de Blanche". Non pour me complaire dans un dolorisme morbide, mais pour souligner, à chaque fois, les germes d'espérance qui jaillissent de ces situations tragiques et révèlent les pas de Dieu à côté de l'homme.


02 novembre 2015

Chemin de désert - Suite


‎Dans son poème sur le désert qui marque sa conversion en 1924, on notera ces strophes qui entrent en résonance avec ce que j'écrivais dans chemin de désert. Le style de Madeleine lui donne une dimension plus métaphorique :
"Mais le désert a dit : "‎Je suis un océan
Qui possède la vie en ses vagues de flammes,
Une enclume embrasée où se forgent les âmes,
Je suis le livre ouvert sur le bord du néant" (1)

On a envie d'ajouter que ‎les flammes de la lumière divine qui viennent lécher nos coeurs, comme des vagues inlassables, forgent en nous ce désir si souvent ignoré et pourtant essentiel, celui du Verbe, dont le livre ouvert(2) ne cesse de creuser en nous ‎l'éternel appel.

Dans leurs lectures, Pitaud et François s'attardent quand à eux sur la proximité entre le livre et le néant et considèrent, probablement avec raison, que cette phrase résume la vocation de Madeleine : "le livre sera toujours lu sur le bord du néant (...) plongée en milieu marxiste" (3)

(1) Madeleine Delbrêl, La route, Paris, édition Alphonse Lemerre, 1927, p. 125-126
(2) est-ce celui dont parle Apocalypse 5 ?
‎(3) op. Cit p. 59

01 novembre 2015

Chemins d'humilité

Après nous autres gens des rues, nous poursuivons notre approche de Madeleine Delbrêl avec sa biographie par Gilbert François et Bernard Pitaud (1). Un poème de Madeleine y résonne avec ce que nous écrivions sur les chemins d'humilité, mais aussi avec cet agenouillement d'Etty Hillesum. Il retrace le cheminement intérieure de la jeune athée, touchée par un appel à 5 minutes de silence de Sainte Thérèse d'Avila.
"J'ai ployé mes genoux et j'ai tendu mes mains et j'ai l'humilité des pauvres qui demandent. Je me suis prosternée car je ne suis pas digne que tu passes ma porte et que tu t' y reposes" (2)

(1) in Gilbert François et Bernard Pitaud, Madeleine Delbrêl, Poète, assistante sociale et mystique, Nouvelle cité, 2014
(2) 2 février 1924, p. 48

La source

Jérémie 31:33 BCC1923

Car voici l'alliance que je ferai avec la maison d'Israël, après ces jours-là, - oracle de Yahweh: Je mettrai ma loi au dedans d'eux, et je l'écrirai sur leur cœur, et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple.