31 juillet 2016

Dieu, l'éternelle surprise

Trouver Dieu dans l'aujourd'hui demande une attitude contemplative. Car trouver Dieu en toutes choses n'est pas "un eurêka empirique" (1), mais contempler Dieu comme premier, toujours premier,  "Un Dieu qui nous précède" (2), un Dieu qui se rencontre en marchant, non dans un relativisme indistinct, mais "comme une surprise.  On ne sais jamais où ni comment on le trouve, on ne peut pas fixer le temps ou les lieux où on Le rencontre (3).

Dieu est dans chaque homme. Il n'est pas dans une doctrine ou une contrainte, mais se révèle dans l'irruption du bien. "Même si la vie d'une personne est un terrain plein d'épines et de mauvaises herbes, c'est toujours un espace dans lequel la bonne graine peut pousser" (4). Tel est notre espérance,  celle d'un Dieu qui se révèle par surprise dans "Le bruit d'un fin silence" (1 R 19) dont nous avons montré qu'il pouvait être le cri de l'homme comme le chant des anges (5).

(1) Le pape François,  L'Église que j'espère,  entretien avec A. Spadaro, p. 107
(2) ibid. p. 108
(3) et (4) p. 109
(5) Cf. Humilité et miséricorde,  tome 1 p.109ss

30 juillet 2016

Un amour qui élargit


Comme le souligne bien Ronald D.  Whitherup (1),  l'appel de Paul à l'imiter peut paraître surprenant voir orgueilleux si ce dernier n'était ampli d'humilité et si surtout sa vie visait l'imitation du Christ (cf. notamment Ph. 3). Et en même temps, la contemplation de ses lettres poussent à entrer dans un amour plus large.

Saint Jean Chrysostome nous le fait remarquer avec justesse dans son commentaire de 2 Corinthiens : "Notre cœur s'est dilaté.De même que la chaleur produit un épanouissement, la charité a pour effet de dilater, car c'est une vertu chaude et ardente. C'est elle qui ouvrait la bouche de Paul et dilatait son cœur. « Je ne vous aime pas seulement en paroles », veut-il dire. « Mon cœur s'accorde avec ma bouche : je m'exprime donc en pleine liberté (...) » Il n'y avait rien de plus largement ouvert que le cœur de Paul. Il aimait ardemment tous les fidèles, comme si chacun était son préféré, sans laisser son affection se diviser ou s'affaiblir, mais en la faisant reposer tout entière sur chacun. Et qu'y a-t-il d'étonnant à ce qu'il ait eu un tel amour pour tous les fidèles, lui dont le cœur embrassait jusqu'aux infidèles de la terre entière ? C'est pourquoi il ne dit pas : « Je vous aime », mais ce qui est beaucoup plus éloquent: Notre bouche s'est ouverte, notre cœur s'est dilaté ; nous vous tenons tous au-dedans de nous, non pas d'une façon quelconque, mais de la façon la plus généreuse. Car celui qui est aimé se trouve parfaitement à l'aise dans le cœur de celui qui l'aime. C'est pourquoi saint Paul ajoute : Vous n'êtes pas à l'étroit chez nous, c'est dans vos cœurs que vous êtes à l'étroit. Vous voyez que son reproche est plein de délicatesse, comme il convient à ceux qui aiment vivement. Il ne dit pas : « Vous ne nous aimez pas », mais « Vous ne nous aimez pas dans la même mesure. » Car il ne veut pas les reprendre trop fortement. (...) On peut parfaitement voir combien son amour pour les fidèles est ardent, si l'on recueille ses propos dans chacune de ses lettres. Il dit aux Romains : J'ai un très vif désir de vous voir; j'ai souvent projeté de me rendre chez vous; il demande continuellement d'avoir enfin l'occasion de se rendre chez vous. Il dit aux Galates : Mes petits enfants que, dans les douleurs, j'enfante à nouveau. Aux Éphésiens : Je tombe à genoux en priant pour vous. Aux Philippiens : Quelle est notre espérance, notre joie, notre orgueil, sinon vous ? Et il disait que, dans sa captivité, il les portait dans son cœur. Aux Colossiens : Je veux que vous sachiez quel rude combat je mène pour vous et pour tant d'autres qui ne m'ont jamais vu personnellement, afin que vos cœurs soient encouragés. Aux Thessaloniciens :Comme une mère qui entoure de soins ses nourrissons, ayant pour vous une telle affection, nous voudrions vous donner non seulement l'Évangile, mais tout ce que nous sommes. (...)
Vous n'êtes pas à l'étroit chez nous, dit-il ici aux Corinthiens. Il ne dit pas seulement qu'il les aime, mais aussi qu'il est aimé d'eux, afin de les attirer davantage. Et il l'atteste lorsqu'il dit : Tite est venu nous faire part de votre vif désir, de vos larmes, de votre zèle." (2)

(1) cf. 101 questions,  op Cit.
(2) Saint Jean Chrysostome,  Homélie sur la deuxième lettre aux Corinthiens, source AELF



29 juillet 2016

La tentation raisonnante

"Celui qui veut éprouver Dieu doit éprouver tout dans l'Un et ne s'opposer à aucune souffrance, mais cela c'est le Christ", disait déjà Denys (1)‎. Cette phrase introduit un long développement de Balthasar sur l'évolution de la pensée rationnelle au delà de Jean Tauler et de ses pairs. Il y décrit la tentation de tout ramener à la raison au point de sortir Dieu pour y substituer "la transcendance impersonnelle de notre esprit".

On sent bien à ce stade le risque qui pointe de ne plus vouloir accepter l'inconnu de Dieu. Ce qui est inconcevable par l'homme ne peut être. Mais la tentation de tout raisonner laisse-t-elle une place au souffle divin ?

Nous entrons là dans l'ère moderne. Notre chemin n'est-il pas d'entendre cet ultime défi de l'orgueil humain qui veut refuser ce qu'il considère comme étant la faiblesse de la foi. Notre tâche est immense car l'écart entre Dieu et l'homme n'a cessé depuis de s'étendre. Pour. Le rejoindre  "Il faut une Église qui n'ai pas peur d'entrer dans leur nuit. Il faut une Église capable de les rencontrer sur leur chemin. Il faut une Église en mesure de se mêler à leurs conversations. Il faut une Église qui sache dialoguer avec ces disciples, qui quittent Jérusalem, errent sans but, seuls avec leur désenchantement, avec la désillusion d'un christianisme considéré comme un terrain stérile, infécond, incapable de générer du sens." (2)

(1) GC7 p. 124
(2) Pape François, discours à l'épiscopat brésilien à Rio le 27/7/2013, cité par Spadaro op. Cit p. 98



28 juillet 2016

Les limites de l'apathie

Nous continuons notre lecture du tome 7 de la Gloire et la Croix (GC7). Au delà de F. Suarez et Maître Eckhart, l'apathie chrétienne semble s'être affrontée au réel, à la souffrance, dans son irréductible réalité. Doit-on pour cela nier l'intérêt du chemin intérieur qui relativisait notre importance et nous rendait disponible à Dieu ?
L'erreur d'Eckhart semble être pour Balthasar dans l'excès. L'apathie peut conduire à l'indifférence à l'autre, à l'individualisme mystique. A l'autre bout du spectre, la souffrance peut aussi nous envahir au point de rejeter Dieu...

Le chemin est dans  l'entre- deux, et probablement dans un retour au centre qui ne rejette ni la souffrance ni la kénose.




27 juillet 2016

Au service de l'homme

Toujours à la recherche de pépites je ne peux que reproduire cette citation qui fait écho à cette belle image longuement commenté de Bonaventure, qui voit l'homme tenant une misérable amphore au milieu du fleuve de l'amour divin(1). Ici Jean de Ruysbroeck va plus loin :‎ "Dieu s'est mis humblement au service de l'homme, si courtoisement et fidèlement que le chrétien se sent toujours loin derrière Dieu pour la vénération et le service" (2). 

On s'approche là de la danse kénotique de Dieu vers l'homme, dont on retrouve des accents chez J. Moingt.

L'accent trinitaire est aussi présent puisque l'auteur évoque au delà du Christ offert "cette lumière éclatante et incompréhensible : auguste Trinité" qui investit de tout son éclat et aveugle tout oeil humain, tellement elle est insondable"  (...) tout "revigorant l'homme" (3) de sa présence. 
Élan mystique ? Consolation ? Je pencherai pour une simple contemplation de la grâce divine, qui survient quand on ne l'attend pas et donne à l'homme la force d'agir.

(1) cf GC2 et mon livre éponyme.
(2) Jean de Ruysbroeck, L'ornement des oeuvres spirituelles, I, 12, cité par Hans Urs von Balthasar, GC7 p. 139
(3) ibid.


Semences et miséricorde

La liturgie nous donne à contempler le beau texte du semeur. Sous la plume de saint Jean Chrysostome on y voit la mesure débordante et miséricordieuse de Dieu : "On aurait raison de faire des reproches à un cultivateur qui semait si largement... Mais quand il s'agit des choses de l'âme, la pierre peut être changée en une terre fertile, le chemin peut n'être pas foulé par tous les passants et devenir un champ fécond, les épines peuvent être arrachées et permettre aux grains de pousser en toute tranquillité. Si ce n'était pas possible, il n'aurait pas répandu son grain. Et si la transformation n'a pas lieu, ce n'est pas la faute du semeur, mais de ceux qui n'ont pas voulu se laisser changer. Le semeur a fait son travail. Si son grain a été gaspillé, l'auteur d'un si grand bienfait n'en est pas responsable."‎ (1)

(1) ‎Saint Jean Chrysostome, ‎Homélies sur Mt, 44 (trad. Véricel, L'Evangile commenté p. 138s) ‎

Face à la haine

On ne peut que penser à la clairvoyance du regretté René Girard, dans cette surenchère mimétique qui s'amplifie et montre jusqu'où la folie humaine peut conduire.  Plus que jamais le silence de la Croix semble être la meilleure réponse à la surenchère et au bruit.
Seul le souffrant, élevé sur le bois de la Croix, apparaît comme la solution à cette haine.

26 juillet 2016

Nativité de la Vierge

Si l'on contemple aujourd'hui la nativité de la Vierge elle même et si l'on affirme qu'elle a été conçu sans péché,  ce n'est pas pour déclarer que l'union des corps est lieu de chute,  mais plutôt pour nous aider à percevoir le chemin qu'il nous reste à parcourir pour atteindre cette perfection à venir qui fera de nos corps le temple véritable du Seigneur. 
Qui sommes nous en effet pour accueillir en nous la sainteté de Son Corps déchiré ?
Si la grâce nous donne de le recevoir,  c'est peut être qu'à son contact ce qui est indigne de lui se purifie, tel un buisson épineux brûlant sans se consumer mais devenant empli de l'intérieur de l'inconnaissable et inouï amour de Dieu pour l'homme.
Creusons en nous cette soif intérieure qui transformera nos corps pour ne faire qu'avec lui une seule chair. Entrons dans cette dynamique sacramentelle qui fait de nous des fils, pâles images d'un Dieu qui se révèle en nous, en dépit de nos faiblesses.

" Tandis que le Christ saint, innocent, sans tache, venu uniquement pour expier les péchés du peuple, n'a pas connu le péché, l'Église, elle, qui renferme des pécheurs dans son propre sein, est donc à la fois sainte et appelée à se purifier, et poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement. » (LG 42)

25 juillet 2016

Le Dieu du sans pourquoi - Maître Eckhart

Depuis la rose qui fleurit sans raison (Silesius) jusqu'à l'homme qui parvient à l'acceptation totale des choses, sans plus s'interroger sur les raisons de Dieu, l'apport de Maître Eckhart, qui voit l'égalité de l'être et de Dieu n'est pas qu'un panthéisme indistinct. C'est aussi une contemplation qui rejoint l'apathie citée plus haut. L'homme y est appelé à chercher la "très chère volonté de Dieu et rien d'autre" (1)

(1) Hans Urs von Balthasar , op Cit, GC7 p. 106 citant Reden der Unterweisung 22, D V 285

24 juillet 2016

Ode à l'indifférence ou l'apathie

Chez François Suarez, disciple d'Ignace, l'indifférence de l'être surgit de nouveau d'une manière décisive. Elle n'est autre, nous dit Balthasar(1)  que l'attitude d'abandon des mystiques, ce que nous avons appelé décentrement, apathie et qui rejoint le "tout est rien" déclaré par Thérèse d'Avila. Elle remonte, nous dit Balthasar à l'époque pré-chrétienne, se trouve déjà chez Virgile et les Tragiques.
 C'est aussi le fameux abandon de soi, cette entière disposition du coeur au mystère incompréhensible de l'amour divin‎, réponse de l'homme à la kénose, agapè qui "ne cherche pas son intérêt" mais se confie à Dieu...

(1) cf. Hans Urs von Balthasar GC7, op Cit p. 96ss

23 juillet 2016

Kénose chez Tertullien

On ne peut que s'incliner devant la clairvoyance de Tertullien qui résume si bien, à sa manière l'hymne des Philippiens :
 : "Dieu ne pouvait pas vivre avec les hommes, à moins de prendre une manière humaine de penser et de réagir. C'est pourquoi il a voilé sous l'humilité l'éclat de sa majesté, que la faiblesse humaine n'aurait pas pu supporter. Tout cela n'était pas digne de lui, mais c'était nécessaire à l'homme, et du coup cela devenait digne de Dieu, car rien n'est aussi digne de Dieu que le salut de l'homme... Tout ce que Dieu perd, l'homme le gagne, si bien que tous les abaissements que mon Dieu a soufferts pour être près de nous sont le sacrement du salut des hommes. Dieu agissait avec les hommes, pour que l'homme apprenne à agir sur le plan divin. Dieu traitait d'égal à égal avec l'homme, pour que l'homme puisse agir d'égal à égal avec Dieu. Dieu s'est fait petit pour que l'homme devienne grand" (1)

Je retiens surtout cette allusion aux abaissements comme sacrements, car il donne au mot sa dynamique propre(2).

(1) Tertullien, Contre Marcion, 2, 27 ; PL II, 316-317, source AELF
(2) cf. aussi sur ce thème ma trilogie ou "dynamique sacramentelle".

22 juillet 2016

Église ouverte

Ne fermons pas la porte. Ne soyons pas "une église fermée" dans laquelle " les gens qui passent devant ne peuvent entrer" et d'où " le Seigneur qui est à l'intérieur, ne peut sortir"; ou pire avec des Chrétiens qui ferment à clé et "restent devant la porte‎" et "ne laissent entrer personne"(1)

(1) Pape François, messe à Sainte Marthe du 17/10 (2013 ?), cité par Spadaro, p. 93

21 juillet 2016

Le chemin du désert intérieur - Saint Bonaventure

On trouve dans le texte qui suit, le coeur de la spiritualité du disciple de saint François, mais aussi, des élans que lon pourrait trouver dans la spiritualité de Jean de la Croix.  

La contemplation de la Passion inspire à Bonaventure un double mouvement,  proche de ce "tout est rien" déjà évoqué chez Thérèse d'Avila.  Renoncer à l'intelligence des choses, d'une part,  s'abandonner à la volonté de Dieu d'autre part.  Ce décentrement n'est pas différent de ce que je cherche à décrire dans mon "chemin du désert", mais Bonaventure a une longueur d'avance. Il tend à la ressemblance : "Le Christ est le chemin et la porte, l'échelle et le véhicule ; il est le propitiatoire posé sur l'arche de Dieu et le mystère caché depuis le commencement.Celui qui tourne résolument et pleinement ses yeux vers le Christ en le regardant suspendu à la croix, avec foi, espérance et charité, dévotion, admiration, exultation, reconnaissance, louange et jubilation, celui-là célèbre la Pâque avec lui, c'est-à-dire qu'il se met en route pour traverser la mer Rouge grâce au bâton de la croix. Quittant l'Égypte, il entre au désert pour y goûter la manne cachée et reposer avec le Christ au tombeau, comme mort extérieurement mais expérimentant — dans la mesure où le permet l'état de voyageur — ce qui a été dit sur la croix au larron compagnon du Christ :Aujourd'hui avec moi tu seras dans le paradis. 

En cette traversée, si l'on veut être parfait, il importe de laisser là toute spéculation intellectuelle. Toute la pointe du désir doit être transportée et transformée en Dieu. Voilà le secret des secrets, que personne ne connaît sauf celui qui le reçoit, que nul ne reçoit sauf celui qui le désire, et que nul ne désire, sinon celui qui au plus profond est enflammé par l'Esprit Saint que le Christ a envoyé sur la terre. Et c'est pourquoi l'Apôtre dit que cette mystérieuse sagesse est révélée par l'Esprit Saint. 

Si tu cherches comment cela se produit, interroge la grâce et non le savoir, ton aspiration profonde et non pas ton intellect, le gémissement de ta prière et non ta passion pour la lecture interroge l'Époux et non le professeur, Dieu et non l'homme, l'obscurité et non la clarté ; non point ce qui luit mais le feu qui embrase tout l'être et le transporte en Dieu avec une onction sublime et un élan plein d'ardeur. Ce feu est en réalité Dieu lui-même dont la fournaise est à Jérusalem. C'est le Christ qui l'a allumé dans la ferveur brûlante de sa Passion. Et seul peut le percevoir celui qui dit avec Job : Mon âme a choisi le gibet, et mes os, la mort. Celui qui aime cette mort de la croix peut voir Dieu ; car elle ne laisse aucun doute, cette parole de vérité : L'homme ne peut me voir et vivre.

Mourons donc, entrons dans l'obscurité, imposons silence à nos soucis, à nos convoitises et à notre imagination. Passons avec le Christ crucifié de ce monde au Père. Et quand le Père se sera manifesté, disons avec Philippe : Cela nous suffit. Écoutons avec Paul : Ma grâce te suffit. Exultons en disant avec David : Ma chair et mon cœur peuvent défaillir : le roc de mon cœur et mon héritage, c'est Dieu pour toujours. Béni soit le Seigneur pour l'éternité, et que tout le peuple réponde : Amen, amen. (1)

"Qui parmi les hommes pourra donner l'intelligence de tout cela à l'homme ? Quel ange la donnera aux anges ? Quel ange à l'homme ? C'est à toi qu'il faut la demander, en toi qu'il faut la rechercher, à ta porte qu'il faut frapper. Et ainsi, oui, ainsi on recevra, ainsi on trouvera, ainsi la porte s'ouvrira (Mt 7,8)." ( 2)

(1) Saint Bonaventure,  Itinéraire de l'âme vers Dieu,  source AELF

Cf. Aussi chemins.eklesia.fr/lecture/bonnaventure

(2) Saint Augustin,  Les Confessions,  13, 38

 


20 juillet 2016

Pastorale et discernement - 3

Continuons notre lecture de Spadaro. A propos de la fameuse phrase du Pape dans l'avion de retour de Rio sur le "si une personne est homosexuelle et qu'elle cherche Dieu, qui suis-je pour la juger ?", Spadaro précise ‎une phrase suivante du pape :"la rencontre est l'objet d'un discernement"(1). Il n'y pas de tabous, ce qui compte c'est le kérygme, l'annonce de Jésus Christ plus qu'une pastorale "obsédée par la transmission désarticulée d'une multitude de doctrines à imposer avec insistance". Donner le goût de Dieu et l'éthique viendra par capillarité ajouterais-je. La rencontre du Crucifié nous conduit à l'essentiel et au sens de la loi et non l'inverse.

(1) Spadaro, op Cit p. 91ss


Passivité et décentrement - Maître Eckhart

Poursuivons notre lecture : "Où la créature finit, Dieu commence d'être". (1) "Sa chance suprême est dans sa suprême passivité" (2). Nous approchons là encore de cette kénose de l'homme comme chemin, pour moi, de réponse à la kénose divine (même si ce dernier thème est ‎loin d'être mentionné par Eckhart). Il entre néanmoins pour moi en résonance avec la "passivité plus que passive" dont parle Emmanuel Lévinas.

Plus Di‎eu agit, plus la créature doit rester passive, car c'est ainsi seulement que les deux deviennent un" (3)

A-t-on là l'aboutissement de l'une seule chair de Gn 2, 24, passer de l'union sponsale au corps glorieux qui nous rendrait tels des anges ? Ce serait la piste de Jésus en réponse à la question du lévirat ?

En attendant, pour Eckhart, cette unité qui naît de l'abandon nous fait entrer dans l'unité trinitaire. "L'événement de la Trinité est un". Toute production, même naturelle est trinitaire, active et passive et amour réciproque qui y respire (4).

(1) Maître Eckhart, Predigten 5b, D I 92, cité par Hans Urs von Balthasar, GC7, op Cit p. 111
(2) GC7 ibid.
(3) Serm. 2, n. 6, L IV 8
(4) Gc7, p. 112.