03 octobre 2017

Le deux cités - Saint Augustin

« Il y a deux cités : l'une s'appelle Babylone, l'autre Jérusalem. Le nom de Babylone signifie « confusion » Jérusalem signifie « vision de paix ». Regardez bien la cité de confusion pour mieux connaître la vision de paix supportez la première, aspirez à la seconde. 
Qu'est-ce qui permet de distinguer ces deux cités ? Pouvons-nous dès à présent les séparer l'une de l'autre ? (...) Il y a quelque chose qui distingue, même maintenant, les citoyens de Jérusalem des citoyens de Babylone : ce sont deux amours. L'amour de Dieu fait Jérusalem l'amour du monde fait Babylone. Demandez-vous qui vous aimez et vous saurez d'où vous êtes. Si vous vous trouvez citoyen de Babylone, arrachez de votre vie la convoitise, plantez en vous la charité si vous vous trouvez citoyen de Jérusalem, supportez patiemment la captivité, ayez espoir en votre libération. En effet, beaucoup de citoyens de notre sainte mère Jérusalem (Ga 4,26) étaient d'abord captifs de Babylone... Comment peut s'éveiller en nous l'amour de Jérusalem notre patrie, dont les longueurs de l'exil nous ont fait perdre le souvenir ? (cf Ps 13).

(1) Saint Augustin, Les Discours sur les psaumes, Ps. 64 (trad. cf En Calcat) Source Évangile au quotidien

01 octobre 2017

Le prix de l’aujourd’hui

Un beau texte de Rilke retrouvé dans un article de la Croix.  Il évoque pour moi un vieux principe chrétien,  celui de vivre le présent dans toute l'intensité de l'appel et des talents recus. "Parce qu'être ici est beaucoup, et parce qu'apparemment tout ce qui est d'ici a besoin de nous, toute cette évanescence qui étrangement nous concerne. Nous les plus évanescents. Une fois chaque fois, une fois seulement. Une fois et pas plus. Et nous aussi, une fois. Jamais plus. Mais d'avoir été une fois cela, ne fût-ce qu'une fois : d'avoir été terrestre ne semble pas irrévocable. »

Rainer M. Rilke, cité par Nathacha Appanah, in la Croix du 28/9/17

29 septembre 2017

Ichtus -> Christus

Ce n'est pas un anagramme,  mais un déplacement du centre. Le chrétien qui met le Christ au centre, doit déplacer son "I" de la première place à celle du serviteur.

27 septembre 2017

La crédibilité du message - urgences pastorales 2

Ce qui frappe dans le discours de Christoph Théobald dès les premières pages c'est son insistance sur la crédibilité du message(1). C'est là où il donne du poids à la démarche parfois critiquée de notre pape. Un discours pastoral n'a de sens que s'il est crédible, tout entier fondé sur la cohérence entre les mots et les actes. Et dans ce discours se sent déjà la profonde immersion du christianisme en Jésus Christ, qui lui seul réconcilie l'aimer en actes et en vérité.

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 12ss

24 septembre 2017

Me voici - Hinnêni

Il est sublime et à la fois peu étonnant que François Cassingena-Trévédy termine son livre par la rencontre mutuelle du "Je suis" divin et du "me voici" humain. Pas étonnant non plus qu'il évoque aussi la thèse de Lévinas sur le sujet dans Être et Infini.
Par rapport à mes propres recherches publiées dans J'ai soif, puis dans ma lecture de Gn (1) je rajouterais seulement, sur la pointe des pieds, le cri lancé par Dieu à l'homme dans Gn 3 qui fait écho au cri fréquent de l'homme à Dieu dans la souffrance : "où es-tu ?" Ce cri des recherches réciproques résume le drame des liens entre l'homme et Dieu, ils contribuent au chiasme dont l'unique centre résonne dans la nudité du "moi je suis" du Christ en croix.

Sans parler du parallèle entre ouk eimi / ego eimi en Jn 18 où Pierre nous conduit dans le "je ne suis pas" quand Jésus crie son "moi je suis".

Notre prière est acculée au décentrement final d'un je suis faible, d'une mise à nu où le "qui suis-je?" de Job n'est pas loin.

(1) Lire l'ancien testament, tome 1

23 septembre 2017

Le silence du fleuve

Après nous avoir vanté la bernique, l'éponge et l'anémone comme autant de symbolique d'orants, après nous avoir invité à être Ichtus (poisson/chrétiens) mettant Christus au centre (cf. AbCBA), voici que François Cassingena-Trévédy(1) nous exhorte à écouter le fleuve, cette eau silencieuse qui coule au milieu du brouhaha de nos vies. Qu'arrive-t-il alors, sinon le tressaillement ultime de l'homme qui a creusé en lui un lit pour la Parole, qui a transformé son coeur en amphore spirituelle, éponge et anémone qui vivre à la danse de Dieu et de son fleuve d'amour (2)

vitrail de la basilique d’Issoudun


(1) op. cit. p. 188ss
(2) cf. là encore ma "danse trinitaire" in l'Amphore et le fleuve.

22 septembre 2017

Approche neuronale de l'Écriture

Une autre belle métaphore de François Cassingena-Trévédy(1) nous parle des synapses dans la lecture biblique. De fait, la lente manducation des textes conduit sans arrêt à de nouveaux rapprochements tous porteur de sens.
Une lecture spirituelle de l'Écriiture est-elle différente d'une  plongée sous-marine dans les profondeurs secrètes de l'amour divin ?
Et ces croisements qui éclairent la Parole, ne peuvent ils pas être comparés à ces flash électriques des neurones de notre cerveau qui s'activent soudain devant la lumière de la vérité ?

(1) op. cit. p. 180

21 septembre 2017

Urgences pastorales de Christoph Théobald

Saluons ici la belle recension d'Élodie Maurot dans la Croix d'aujourd'hui qui m'invite à courir acheter le nouveau livre de Théobald(1).
J'y trouve déjà les thèmes que je ne cesse de travailler dans mes livres (la "pastorale du seuil", la "dynamique sacramentelle" ou "quel espérance pour l'homme souffrant ?").
On y verra aussi peut être des réponses aux questions soulevées par la lecture du dernier livre d'Alphonse Borras (cf. plus haut) ou les thèmes développés par Joseph Moingt dans L'Evangile sauvera l'Église.
Gageons que le défenseur de la pastorale d'engendrement va nous conduire un pas plus loin. À bientôt sur ce blog pour en commenter les meilleures pages.

(1) Urgences pastorales de Christoph Theobald, Bayard, 540 p., 19,90 €

20 septembre 2017

La danse trinitaire - 7ss - François Cassingena-Trévédy

Je ne résiste pas à citer toute cette page de François Cassingena-Trévédy qui pourrait être un bon résumé de mon livre éponyme...
"Nous sommes assistés (...) Nous assistons à l'Échange, à ces Trois qui Se passent et Se disent en nous ? Certes nous sommes habités, mais nous sommes aussi emportés ; emportés dans la circulation, dans le dynamisme vertigineux de l'Échange. Car si nous tenons de Dieu "la vie, le mouvement et l'être " (Actes 17, 28), c'est que Dieu est en lui-même non seulement la Vie et l'Existant, mais le Mouvement. (...) une mobilité vertigineuse, celle de la vie même (...) excès d'infini. Ce Mouvement, c'est l'intimité trinitaire elle-même, l'Échange vertigineux et infini du Père, du Fils et de l'Esprit ; en un mot, c'est la Circumincession des Personnes (...) la Dynamis (...) auquel nous n'assistons pas seulement, mais nous sommes emportés dans une Danse, un Mouvement dont la vitesse vertigineuse se mesure, si l'on peut dire en années-lumières" (1)
Le moine de Ligugé continue plus loin en parlant de systole - phase ascendante de ce "grand Mouvement dans lequel nous sommes emportés", mais évoque aussi une phase descendante, une diastole où le Père nous donne, nous confie au Fils, qui nous donne à l'Esprit. On a là le mouvement intérieur propre à Jean qui va de Jn 1 à 6,44, 10,29 puis à 17,26 jusqu'à cette interprétation d'Irénée qui voit dans le geste du bon samaritain celui du Fils qui donne l'homme souffrant à l'Esprit (2)

(1) François Cassingena-Trévédy, op. cit. p. 142
(2) Irénée de Lyon, AH III, 17, 3 SC 211 p.337 Cité par François Cassingena-Trévédy op. cit. p. 146

19 septembre 2017

Visible et invisible

Si l'on suit la logique des posts précédents,  Dieu n'est visible que dans le beau, le bien et le vrai. S'il se révèle dans la beauté de ses oeuvres, il n'est pas dans le tumulte du monde,  se cache loin des libres excès de la création et ne se dévoile qu'au coeur de l'homme dans l'invisible murmure du bien et du vrai, dans le silence intérieur de celui qui écoute sa voix fragile loin des furies de l'avoir,  du pouvoir et du valoir.  
Je te conduirais au désert,  là ou rien de tout cela n'a de sens, quand dans la brûlure d'un buisson ardent, tu perçois la chaleur intérieure et respectueuse de l'amour.  Dieu n'est pas dans la violence du monde, il se révèle au coeur du souffrant et du faible,  dans la nudité de celui qui a creusé en lui un temple pour son Dieu.  Abba viens ! 
Sur le bois de la croix se déchire le voile.
Dans le tressaillement du coeur Dieu est là. 

18 septembre 2017

Le lieu-dit de Dieu

Voir l'homme comme le "lieu-dit de Dieu"(1), comme le lieu où s'échangent les kénoses intra-trinitaires. N'est-ce pas à la fois osé et lumineux de la part de François Cassigena-Trévédy d'affirmer cela.
Et pourtant j'y retrouve, dit autrement, tout ce que j'ai décrit, à la suite de Hans Urs von Balthasar et des pères de l'Église sur la circumincession et la danse trinitaire.

Le tressaillement de l'homme priant n'est-il pas la rencontre ultime de l'homme et de Dieu ? N'est-ce pas ce chant des anges que perçoit Élie sur la montagne quand il parvient à faire silence et entendre son murmure (1 Rois 19) ?
Dire que l'homme priant est le temple où Dieu vient danser, c'est percevoir l'enjeu même de l'incarnation, de cette source intérieure d'où tout peu jaillir.
En parlant de "danse" les propos de François Cassingena-Trévédy ne font que confirmer mon intuition largement étalée dans ce blog (2). Il va même un cran plus loin en lui donnant une dimension montante et descendante. La danse auquel Dieu nous invite est bien trinitaire (3)

(1) François Cassingena-Trévédy, Pour toi quand tu pries, op. Cit. p. 141
(2) cf. aussi mon livre éponyme repris dans "sur les pas de Jean"
(3) FCT ibid. p. 142ss

17 septembre 2017

Le père en pleurs ? Luc 15

Il y a un détail que Luc omet de dire au chapitre 15, par pudeur : ce sont les pleurs du Père quand le fils s'en va (ou est-ce Jésus lui même qui nous laisse lire entre les lignes ?)
Il n'est pas d'usage de voir ou de montrer un père en larmes.
Excès de sensiblerie de penser aux pleurs du Père ?
Non, je ne crois pas.

Car si la parabole décrit bien un Père qui court vers son fils, elle traduit à sa manière l'au-delà de l'intensité de son amour tout en restant dans la discrétion.

Pouvons nous contempler les pleurs de notre Père à chaque fois que nos pas s'éloignent du chemin qu'il a discrètement tracé devant nous, par l'intermédiaire de cet Esprit semé en nous ?

Et si nous contemplions l'amour infini de Dieu comme un fleuve de larmes?  Ces larmes versées devant l'humanité qui oublie l'amour du Père...
Nous serions alors, comme cet homme debout dans le fleuve. Petit et submergé...

16 septembre 2017

AbCbA

Il y a souvent dans l'Écriture une structure littéraire que l'on appelle "forme concentrique" ou chiasme. Elle se constitue par la répétition d'une formule a et b en b' et a'.
Et au centre, se trouve la phrase C, sommet du discours.
En lisant les pages de François Cassingena-Trévédy (1) sur le père et la prière qui se concentre sur l'ABBA j'entre-aperçois au centre, la déchirure du Père. Souffrance intérieure, kénose du Père au sens souligné par Hans Urs von Balthasar qui voit dans le silence de Dieu la place du Fils. L'ABBA que nous prions est déchiré dans un chiasme tragique pour qu'apparaisse le Christ. AbCbA et tout est dit, si le vent de l'Esprit nous ouvre au mystère.
Prier le Père par le Fils, c'est vivre dans la danse trinitaire, jusqu'à pouvoir dire avec Paul, "ce nest plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi". (Ga 2, 20)
(1) op. cit p. 132ss

15 septembre 2017

A l'ombre de la croix - Notre dame des douleurs

Notre dame des douleurs nous rappelle que la Croix n'est glorieuse que parce qu'elle est d'abord lieu de souffrance. Ignorer que la souffrance habite le monde et que le Fils de l'homme s'est vidé de toute divinité pour souffrir à nos côtés,  c'est faire de l'Evangile une illusion. La douleur d'une mère, comme la douleur du Fils nous interpelle. Le signe élevé sur le monde est signe de compassion et de conversion.

14 septembre 2017

Croix glorieuse, croix lumineuse

La coruscation évoquée hier en la fête de saint Jean Chrysostome fait écho avec la croix glorieuse qu'il évoque dans une de ses homélies : " La croix est plus éclatante que le soleil, plus brillante que ses rayons, car, lorsque le soleil s'obscurcit, c'est alors que la croix scintille (Mt 27,45) ; le soleil s'obscurcit non en ce sens qu'il disparaît, mais qu'il est vaincu par la splendeur de la croix. La croix a déchiré l'acte de notre condamnation (Col 2,14), elle a brisé les chaînes de la mort. La croix est la manifestation de l'amour de Dieu : « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas ». " (1)
En ce jour de la Croix glorieuse, alors que l'Église nous donne à contempler la kénose (Ph. 2,7) et le signe élevé sur le monde (Nb 21 et Jn 3) regardons celui qui s'est anéanti pour notre salut.
(1) Saint Jean Chrysostome, Homélie sur « Père, si c'est possible » (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 72)