19 juillet 2019

Le pain de vie - 2 - Ambroise de Milan

Dans ma dernière homélie sur Luc 10, j'évoquais le pain et le vin comme les deux pièces d'argent remises par le Christ à l'Église. Saint Ambroise nous conduit plus loin dans cette méditation :  « C'est une chose merveilleuse, que Dieu ait fait pleuvoir la manne pour nos pères, et qu'ils aient mangé quotidiennement cet aliment du ciel. De là cette parole : L'homme a mangé le pain des anges. Et pourtant, ceux qui ont mangé ce pain au désert sont tous morts. Au contraire, cette nourriture que tu reçois, ce pain vivant qui est descendu du ciel, fournit la substance de la vie éternelle, et celui qui le mange ne mourra jamais, car c'est le corps du Christ.
Examine maintenant ce qui a le plus de valeur : la manne, pain des anges, ou bien la chair du Christ, laquelle est évidemment le corps qui donne la vie ? La manne d'autrefois venait du ciel, celle d'aujourd'hui est supérieure aux cieux ; celle-là appartenait au ciel, celle-ci au maître du ciel. Celle-là était sujette à la corruption si on la gardait pour le lendemain ; celle-ci est indemne de toute corruption, car celui qui la mange avec respect ne peut éprouver la corruption. Pour les Hébreux, l'eau a jailli du rocher ; pour nous, le sang a jailli du Christ. L'eau les a désaltérés pour un moment. Toi, lorsque tu bois, tu ne peux plus avoir soif. Autrefois préfiguration, aujourd'hui réalité.
Si ce que tu admires est une ombre, une préfiguration, combien grande est la réalité dont l'ombre excite déjà ton admiration. Écoute bien : ce qui s'est réalisé pour nos ancêtres n'était que l'ombre de la réalité à venir. Ils buvaient à un rocher qui les accompagnait, et ce rocher, c'était le Christ. Cependant la plupart n'ont fait que déplaire à Dieu, et ils sont tombés au désert. Ces événements se sont réalisés en figure à notre intention. Tu sais maintenant ce qui a le plus de valeur : la lumière l'emporte sur les ténèbres, la vérité sur la figure, le corps du Créateur sur la manne venue du ciel. » (1)
(1) Ambroise de Milan, traité sur les mystères, source office des lectures de la 15eme semaine, AELF 

17 juillet 2019

Le sang, l'eau et l'Esprit - Saint Ambroise

"L'eau ne purifie pas sans l'Esprit.
On te l'a déjà dit : ne crois pas seulement ce que tu vois, car tu pourrais dire, toi aussi, comme Naaman : C'est cela, ce grand mystère que l'œil n'a pas vu, que l'oreille n'a pas entendu, et qui n 'est pas parvenu à la pensée de l'homme ? Je vois de l'eau comme j'en voyais tous les jours ! Peut-elle me purifier, alors que j'y suis descendu souvent sans être jamais purifié ? Apprends par là que l'eau ne purifie pas sans l'Esprit.Et c'est pour cela que tu as lu qu'il y a dans le baptême trois témoins qui se rejoignent en un seul témoignage : l'eau, le sang et l'Esprit. Car, si tu en retires un seul, le sacrement de baptême disparaît. Qu'est-ce que l'eau, en effet, sans la croix du Christ ? Un élément ordinaire, sans aucune portée sacramentelle. Et de même, sans eau il n'y pas de mystère de la nouvelle naissance, car personne, à moins de naître de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Le catéchumène croit, lui aussi, en la croix du Seigneur Jésus, dont il a reçu le signe, mais s'il n'a pas été baptisé au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, il ne peut recevoir le pardon de ses péchés ni accueillir le don de la grâce spirituelle.Le Syrien Naaman s'est plongé sept fois selon la Loi ; mais toi, tu as été baptisé au nom de la Trinité. Tu as confessé ta foi au Père – rappelle-toi ce que tu as fait –, tu as confessé ta foi au Fils, ta foi en l'Esprit Saint. Retiens la succession de ces faits. Dans cette foi, tu es mort au monde, tu es ressuscité pour Dieu ; tu as été comme enseveli dans cet élément du monde ; mort au péché, tu es ressuscité pour la vie éternelle. Crois donc que cette eau n'est pas inutile. ~

Le paralytique de la piscine de Béthesda attendait un homme. Lequel, sinon le Seigneur Jésus, né de la Vierge ? Avec sa venue, il n'y avait plus seulement une préfiguration qui guérissait quelques individus, mais la vérité qui guérissait tous les hommes. C'est donc lui dont on attendait qu'il descende, lui de qui Dieu le Père a dit à Jean Baptiste : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre du ciel et demeurer, c'est celui-là qui baptise dans l'Esprit Saint. C'est de lui que Jean Baptiste a témoigné en disant : J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Pourquoi l'Esprit est-il descendu alors comme une colombe, sinon pour que tu voies, pour que tu reconnaisses que la colombe envoyée hors de l'arche par Noé le juste était l'image de cette colombe-là, et pour que tu y reconnaisses la préfiguration de ce sacrement ? (...)

Est-ce que tu dois douter encore, alors que le Père le proclame pour toi de façon indubitable dans l'Évangile, lorsqu'il dit : Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j'ai mis tout mon amour ; alors que le Fils le proclame, lui sur qui l'Esprit Saint s'est manifesté sous la forme d'une colombe ; alors que l'Esprit Saint le proclame aussi, lui qui est descendu sous la forme d'une colombe ; alors que David le proclame : La voix du Seigneur sur les eaux, le Dieu de gloire a tonné, le Seigneur sur les eaux innombrables ; alors que l'Écriture l'atteste : aux prières de Gédéon, le feu est descendu du ciel et, de nouveau, à la prière d'Élie, le feu fut envoyé pour consacrer le sacrifice.

Ne considère pas le mérite personnel des prêtres, mais leurs fonctions. Et si tu tiens compte du mérite, de même que tu estimes Élie, tiens compte des mérites de Pierre ou de Paul : c'est eux qui nous ont transmis ce mystère qu'ils ont reçu du Seigneur Jésus. Un feu visible leur était envoyé pour qu'ils croient ; pour nous qui croyons, c'est un feu invisible qui agit. Pour ceux-là, c'était une préfiguration ; pour nous, c'est un avertissement. Crois donc que le Seigneur Jésus est là, invoqué par la prière des prêtres, lui qui a dit : Quand deux ou trois sont réunis, je suis là, moi aussi. À plus forte raison, là où est l'Église, là où sont les mystères, c'est là qu'il daigne nous accorder sa présence.Tu es donc descendu dans le baptistère. Rappelle-toi ce que tu as répondu : que tu crois au Père, que tu crois au Fils, que tu crois en l'Esprit Saint. Tu n'as pas à dire : Je crois en un plus grand et en un moins grand et en un dernier. Mais, par un même engagement de ta parole, tu es tenu de croire au Fils de la même manière que tu crois au Père, de croire en l'Esprit Saint de la même manière que tu crois au Fils, avec cette seule différence que tu confesses devoir croire en la croix du seul Seigneur Jésus." (1)

Le texte esr admirable.
En particulier sur les trois éléments du baptême. 

On notera cette distinction très actuelle qui est leçon d'humilité pour le diacre que je suis : "ne tiens pas compte du mérite personnel des prêtres/[diacres] mais leurs fonctions"

A méditer

(1) Saint Ambroise,  traité sur les mystères, source AELF,  office des lectures

16 juillet 2019

Nuit et espérance - Mère Teresa

Au coeur de sa nuit mère Teresa aurait trouvé un soulagement dans une biographie d'un frère jésuite, fray Benito de Goes : « l'espérance tient à bout de bras deux évidences incompatibles : l'impossibilité d'un Dieu injuste ou cruel, et pourtant son retrait, son incontestable absence. Mais « le temps viendrait où Dieu remplirait ce qu'il a vidé »(1)

Ce vide est-il comme le suggère François Marxer une opération purificatrice afin que soit réalisée une plénitude plus que jamais attendue ? « Lorsque le temps viendra, l'obscurité de la nuit sera dissipée par les éclairs de la miséricorde divine ». Ce texte résonne chez mère Teresa comme le signe possible de l'« épiphanie intense, brutale et soudaine d'une Présence » possible. (...) Présence oui, mais si lointaine » (2) pour celui qui souffre ou voit souffrir autrui et se retrouve si démuni.

Mon Dieu que ton absence est douloureuse, pourrait-on ajouter même si en cette absence c'est nous qui sommes interpellés pour être à notre tour présence et disponibilité...

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p.431
(2) p. 432

15 juillet 2019

homélie de mariage 7 - 13/7/19

Il y a dans votre quête à tout deux un chemin tout particulier et assez exceptionnel. Il se nourrit de votre amour et devant cela, je ne peux que m'effacer. Qui suis-je devant ce qui se joue aujourd'hui, devant ce qui va se jouer demain, après-demain et tous les jours de votre vie ?

Face à cela, j'aimerais juste commenter avec vous rapidement tous ces passages.

Quel est l'enjeu ?

Ce que vous avez à construire, c'est une cathédrale intérieure, fragile et immense : ce « une seule chair » dont nous parle l'évangéliste. Le mot est plus vaste que ce que l'on ne l'entend dans la langue française : il signifie pour moi symphonie. Chacun de vos talents doit s'harmoniser pour entrer dans une danse. Et je ne parle pas seulement de vos corps mais de votre être.

Le pape Jean Paul II en parlant de la rencontre des corps évoquait le mot de liturgie, c'est à dire que dans vos rencontres les plus intimes se joue un deuxième niveau, immense, une joie contagieuse et qui vous dépasse...

Pourquoi ?

Parce que Dieu est là, au milieu de votre danse la plus intime, il est au cœur de votre amour, non pour l'enfermer mais pour le dilater, le rendre fécond. Faire une seule chair, c'est donner naissance à la joie, à la vie, être semence de vie, d'éternité, rayonner de votre amour, devenir signe, joie contagieuse pour vos enfants présents et à venir.

Être signe que Dieu est là, plus fort que la haine, fort comme la mort nous dit le Cantique.

Fort comme la mort ?
Non, disent les chrétiens... plus fort que la mort !

Le cantique des cantiques a été écrit 500 ans environ avant le Christ. Le Christ par sa mort et sa résurrection traduit une autre espérance qui est votre chemin maintenant à tous les deux. Montrer que ce qui peut vous détruire, vous empêcher d'aimer peut être vaincu. En vous, vous avez cette force. Elle repose dans ces graines semées par Dieu dans vos vies. A vous de vous nourrir de cette Parole de Dieu qui vous as interpellé pour ne pas rester dans l'ombre de la mort mais dans la joie de la vie. Dans votre amour Dieu est là, ne l'oubliez pas. Il est discret, mais il vous porte dans ses bras, c'est le texte que tu as choisi N. pour clore ton livret, un texte magnifique qui m'émeut à chaque fois jusqu'au larmes.

Quand on le croit absent, il est juste derrière la porte, où il nous porte dans ses bras. Saint Augustin disait un jour. Tu es là et je ne le savais pas...

Une certitude jaillit dans ce livret que vous avez préparé et cette moisson de textes. Ils traduisent votre recherche personnelle, votre quête amoureuse et en même temps , ce Dieu qui cherche à vous parler, comme vous Le cherchez, vous aussi.

Votre vie est marquée par ces graines plantées par le grand Semeur, des graines de joie, de souffrance parfois, des interrogations, des « où es tu ? »

J'entends « La voix de mon bien-aimé ! C'est lui, il vient… »
Si vous prenez le temps de lire tout le Cantique des Cantiques un jour, vous pourrez entendre cette phrase particulière. Mon bien Aimé est là' derrière la porte.

Dieu est la, aujourd'hui comme il était hier et sera demain, derrière la porte. Il attend que vous lui ouvriez...

Dieu est là, il jaillit même, parfois, quand on ne l'attend pas. Il est au cœur de ce mouvement qui vous as rapproché, de cet amour qui vous habite. Il reste fragile comme tout amour et a besoin d'une bonne terre, bien travaillée, bien labourée, c'est à dire, non pas sèche et couverte d'épines mais accueillante et disponible.

Je vous ai donné une clé pour ce labour intérieur lors de notre première rencontre, c'est ce schéma des tours. N'oubliez pas de descendre de vos tours, de creuser en vous cette quête de vérité qui n'est pas une cymbale qui résonne comme le dit votre deuxième lecture mais une véritable charité l'un pour l'autre faite de respect, d'attention, de pardon, de vérité.

Il y a une deuxième clé que tu découvres N., c'est celle de la Parole de Dieu. Une clé fragile, elle aussi, qui a besoin d'être commentée et partagée. Comme une semence qui cherche la bonne terre.

Quel est l'enjeu ?

Ce que vous avez à construire, c'est une cathédrale intérieure, fragile et immense : ce « une seule chair » dont nous parle l'évangéliste. Le mot est plus vaste que ce que l'on ne l'entend dans la langue française : il signifie pour moi symphonie. Chacun de vos talents doit s'harmoniser pour entrer dans une danse. Et je ne parle pas seulement de vos corps mais de votre être.

Le pape Jean Paul II en parlant de la rencontre des corps évoquait le mot de liturgie, c'est à dire que dans vos rencontres les plus intimes se joue un deuxième niveau, immense, une joie contagieuse et qui vous dépasse...

Pourquoi ?

Parce que Dieu est là, au milieu de votre danse la plus intime, il est au cœur de votre amour, non pour l'enfermer mais pour le dilater, le rendre fécond. Faire une seule chair, c'est donner naissance à la joie, à la vie, être semence de vie, d'éternité, rayonner de votre amour, devenir signe, joie contagieuse pour vos enfants présents et à venir.

Être signe que Dieu est là, plus fort que la haine, fort comme la mort nous dit le Cantique.

Fort comme la mort ?
Non, disent les chrétiens... plus fort que la mort !

Le cantique des cantiques a été écrit 500 ans environ avant le Christ. Le Christ par sa mort et sa résurrection traduit une autre espérance qui est votre chemin maintenant à tous les deux. Montrer que ce qui peut vous détruire, vous empêcher d'aimer peut être vaincu. En vous, vous avez cette force. Elle repose dans ces graines semées par Dieu dans vos vies. A vous de vous nourrir de cette Parole de Dieu qui vous as interpellé pour ne pas rester dans l'ombre de la mort mais dans la joie de la vie. Dans votre amour Dieu est là, ne l'oubliez pas. Il est discret, mais il vous porte dans ses bras, c'est le texte que tu as choisi Stéphanie pour clore ton livret, un texte magnifique qui m'émeut à chaque fois jusqu'au larmes.

Quand on le croit absent, il est juste derrière la porte, où il nous porte dans ses bras. Saint Augustin disait un jour. Tu es là et je ne le savais pas...

Entrons dans la prière, confiez à ce Dieu discret, à ce Dieu d'amour, ce couple que vous voulez construire pour que l'échange que vous allez prononcer maintenant ne reste pas des mots en l'air, mais deviennent des actes...pour que les semences reçues portent des fruits...

12 juillet 2019

Homélie du 15ème dimanche du Temps Ordinaire de la Férie - le bon samaritain

Ébauche pour dimanche 
Qui est notre prochain ? 
Est-ce ceux que nous côtoyons tous les jours ? Notre famille  ? Nos proches ? 
La réponse de Jésus fait vite exploser cette définition un peu restreinte et étriqué du prochain. Le texte nous emmène un pas plus loin comme toutes ses paraboles. Le récit du bon samaritain nous interpelle. Et nous interpelle au-delà de nos rites, de nos bonnes manières, de nos apparences.
Ici, personne ne trouve vraiment son compte et sa bonne conscience. Je voudrais que nous méditions dans ce sens. Et pourtant, le risque pour moi, comme pour vous et de rester dans la parole, dans la morale, dans l'exhortation. 
Les pères de l'église, dans leur méditation de ce texte nous amène un pas plus loin. Ils commencent par voir dans le récit du bon samaritain la vie du Christ. Le bon samaritain c'est d'abord un samaritain, c'est-à-dire quelqu'un d'exclu, quelqu'un de rejeté, quelqu'un qui n'est pas considéré comme saint, mais plutôt comme un paria. 
Comme le Christ. 
Pour les pères de l'église, Jésus nous décrit ici son propre chemin. 
Il est celui qui n'est pas dans le respect scrupuleux des lois, des bonnes manières. Il est celui qui n'hésite pas à ce salir les mains... à s'agenouiller devant l'homme blessé, devant les hommes, devant l'humanité toute entière, quelle que soit son état. 
Il est aussi celui qui ose confier à l'aubergiste le malade...
Prenons le temps de contempler cela. 
Et peut-être d'estimer tour à tour nos positions comme chacun des personnages en toute humilité.
Parfois nous jouons au prêtre ou au lévite. Nous restons dans le jugement, le scrupule de la loi. Les pharisiens avaient pourtant plein de bonne volonté, mais restaient dans le discours. Et nous ?
Parfois à l’inverse, nous sommes blessés, meurtris. Il nous faut contempler Dieu qui se penche et nous prend dans ses bras. Le laisser faire, se laisser faire.
Parfois nous sommes aubergiste à qui Jésus confie la tâche de continuer ce qu'il a commencé. Il nous faut l’entendre, écouter sa demande, puis agir...
Parfois nous sommes aussi invités à nous pencher au chevet des blessés de la vie, non pas en nous croyants à la hauteur de ce qu'a fait le Christ, mais parce que, à sa manière il nous invite à le suivre. 
C'est à ce stade que les autres lectures se complètent et nous interpellent.

« Cette loi que je te prescris aujourd'hui n'est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte (...) Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. » nous le livre du Deutéronome (Dt 30, 10-14).

N'avons nous pas, parfois, tendance à fermer nos oreilles, à passer à côté, à ignorer...
Nous sommes des pâles images du Christ et c'est pour cela que nous ne devons cesser de nous laisser interpeler, sans oublier qu'il est l'unique...
Saint Paul insiste dans la même direction dans son Épître aux Colossiens
«  Le Christ Jésus est l'image du Dieu invisible, c'est lui le commencement, (...) le premier-né d'entre les morts, (...)  faisant la paix par le sang de sa Croix, (Col 1, 15-20)
La primauté du Christ n'est pas dans l'apparence, dans les honneurs, il est dans la charité active, visible, débordante. 
Si nous doutons de nous, si nous manquons de force, il nous faut contempler la Croix. Il nous donne la paix par le sang de sa Croix, (Col 1, 20) 


La primauté du Christ c'est « d'aimer le Seigneur son Dieu
de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force et de toute son intelligence,
et son prochain comme soi-même
. » (Luc 10).
Le danger est de distinguer les deux. Dieu et le prochain, le droit et le bon, le devoir et le cœur. Le chemin de la parabole c'est d'articuler l'amour de son frère et l'amour de Dieu...


10 juillet 2019

Autoritarisme, cléricalisme (5) et crise de l’Église - Joseph Moingt

Je poursuis ma lecture...

L'analyse que fait J. Moingt de notre Église est sans concession. Elle part d'une longue interrogation sur l'autorité que j'ose retranscrire presque entièrement : 
« Le relâchement du sentiment religieux qui s'était accru depuis deux siècles sous la pression du laïcisme, de la sécularisation et de la philosophie athée, [s'est] répercuté partout où l'esprit du christianisme avait imprimé ses traces, pour les effacer de la société.

Les structures d'autorité de l'Église (…) furent évidemment les premières victimes de ce raz-de-marée : de nombreux prêtres quittèrent leur ministère, des religieux et religieuses abandonnèrent leurs couvents (...) et les communautés paroissiales perdirent également un grand nombre de fidèles, qui ne supportaient plus d'être tenus en tutelle par leurs curés. (...) Il faut donc admettre que la perte de la foi venait principalement du dedans de l'église, d'un refus croissant du discours d'autorité le plus souvent employé par le clergé pour l'imposer au nom de l'obéissance (...) au lieu d'encourager une démarche de foi et de confiance dans la bonté de Dieu. Cela signifie que l'Église enseignait plus volontiers le dieu de la Loi (...) que celui de Jésus, afin de soutenir sa propre autorité (...) de mandatrice de Dieu chargée par lui de répandre  la foi en Jésus son fils. (...) Ce langage était vide de sens pour des esprits désormais formés dans un climat de rationalité critique et de libre examen. (1) 

En suit une considération des faits similaires qui ont conduit à la perte des jeunes, des femmes et des laïcs engagés (Rejets des ADAP) au profit d'une structure encore très cléricale faite de prêtres et de diacres tenant l'autorité(2) au dépit d'un travail plus pragmatique qui redonnerait aux laïcs une véritable mission de co responsabilité. Tout risque de demeurer dans cette illusion que seuls ceux qui sont formés et ordonnés sont les tenants de la foi au lieu d'avoir un véritable sensum fidei, un peuple de Dieu auto-éduqué accompagné et éveillé par une maïeutique véritable...
Quel est l'enjeu ? Une véritable kénose ? L'auteur de « l'Evangile sauvera l'Église » avance en tout cas ses arguments.

(1) Joseph Moingt, L'esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, p.43
(2) p.44-47 

09 juillet 2019

L’agenouillement intérieur - Etty Hillesum - Kénose n.165


Être là, Être-avec, accompagner la souffrance et se nourrir dans la prière, tel est le secret d'Etty Hillesum.

Verbatim en 7 verbes ? : 

1. Prier : « Le Seigneur est ma chambre haute »(1), dans cette « baraque » [intérieure], vraie Tente de la Rencontre où bat le coeur pensant » (2).

2. S'abandonner, non pas dans « une résignation, une mort lente (...) mais apporter tout le soutien que je pourrai là où il plaira à Dieu de me placer, au lieu de sombrer dans le chagrin et l'amertume »

3. Accompagner, « se donner en pure présence (3) »
 Offrir sa présence.

4. Irradier vers les autres (3)

5. S'agenouiller, pas toujours dans la flexion du corps mais trouver une « posture intérieure ». (4)
Au coeur de la haine des camps, « le seul geste imaginable ici c'est de s'agenouiller »(4)

6. Écouter : « Ma vie n'est qu'une perpétuelle écoute « au-dedans » de moi-même, des autres, de Dieu. Et quand je dis que j'écoute « au-dedans », en réalité c'est plutôt Dieu en moi qui est à l'écoute. Ce qu'il y a de plus essentiel et de plus profond en moi écoute l'essence et la profondeur de l'autre. Dieu écoute Dieu » (5)

7. Aider : « Je vais t'aider, mon Dieu, à ne pas t'éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d'avance. Une chose cependant m'apparaît de plus en plus clairement : ce n'est pas toi qui peut nous aider, c'est nous qui pouvons t'aider - et ce faisant, nous nous aidons nous-mêmes » (6)

C'est peut-être là que l'agenouillement rejoint l'humilité et l'effacement que l'on appelle kénose. Aider Dieu pourrait paraître présomptueux et contraire à la Toute Puissance. Dans le contexte où Etty écrit ces mots dans le camp de Westerbork, il devient limpide. Aider Dieu prend sens et rejoint ce à quoi nous invite la kénose du Fils : Dieu à besoin de nos mains. 
S'il s'agenouille et nous invite à faire de même, c'est que dans le silence du Père et face à la souffrance des hommes, aider Dieu, dans la dynamique des 7 verbes ci-dessus devient chemin pour l’homme.

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 378
(2) ibid. p. 375
(3) p. 378sq
(4) p. 381
(5) p. 384
(6) p. 394

05 juillet 2019

Hineinhorchen - Etty Hillesum - Amour en toi 37

« La paix me révèle disponible à une Présence qu'Etty aura désignée du nom de « Dieu », une aptitude qui, quelques mois plus tard, se perfectionnera dans ce hineinhorchen, cet écouter-au-dedans-de-soi, qui unit la vigilance de l'attention et la profondeur de l'intériorité : « une heure de paix, ce n'est pas si simple.Cela s'apprend. Il faudrait effacer de l'intérieur tout le petit fatras bassement humain, toutes les fioritures. Une petite tête comme la mienne est toujours bourrée d'inquiétude pour rien du tout. Il y a aussi des sentiments et des pensées qui élèvent et vous libèrent, mais le fatras s'insinue partout. Créer au-dedans de soi une grande et vaste plaine, débarrassée des broussailles sournoises qui vous bouchent la vue, ce devrait être le but de la méditation. Faire entrer un peu de « Dieu » en soi (...). Faire entrer aussi un peu d'«Amour » en soi, pas cet amour de luxe à la demi-heure dont tu fais tes délices, fière de l'élévation de tes sentiments, mais d'un amour utilisable dans la modeste pratique quotidienne. » (...) Existence alors réconciliée qui ne connaît plus le trouble [en dépit du déversement de haine et de malheur qui l'entoure], mais qui n'est pas désertée pour autant par l'émotion : la compassion ou la joie sont au rendez-vous, car ce destin prend forme d'alliance : « j'ai rempu mon corps comme le pain et je l'ai partagé entre les hommes. Et pourquoi pas ? Car ils étaient affamés et sortaient de longues privations » - allusion eucharistique à peine voilée. Cette alliance prend corps dans un amour qui s'adresse à tous et chacun, car il est de sa vérité de ne pas se contenter de se « déverser » sur un seul (...). « Il ne suffit pas de te prêcher, mon Dieu, pour te mettre au jour dans le coeur des autres. Il faut dégager chez l'autre la voie qui mène à toi, mon Dieu, et pour ce faire il faut être un grand connaisseur de l'âme humaine (...) on pourrait faire de chacune d'elle un sanctuaire pour toi, mon Dieu.(1)

À contempler sans modération.

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 374-5

04 juillet 2019

Nuit des ténèbres - Adrienne von Speyr

Personne plus qu'Adrienne von Speyr n'a été aussi loin sur la nuit des ténèbres et sur l'abandon ressenti par le Fils. Comme le souligne à ce sujet François Marxer : « si le Père à nos yeux se détournent du Fils par lui abandonné, ce n'est pas réprobation ni châtiment - là est l'erreur de toute la théologie victimaire –, c'est, dans la suprême spontanéité de l'amour, pour lui faire connaître, jusque dans le frémissement de sa chair accablée et la désolation de son âme, le mystère impensable de Qui il est. Le secret que protégeait le Buisson ardent est levé, et ainsi s'accomplit le mystère de Dieu, à l'évidence inconcevable. Aussi inconcevable que la méchanceté d'un Dieu cruel, cette impensable façon d'en rendre compte ; aussi inconcevable (et scandaleux) que la coupe d'amertume et d'angoisse qui, sans alternative, s'offre aux mystiques et leur fait goûter (et peut-être même concevoir) cette inconcevabilité même. La nuit est le dévoilement de Dieu. » (1)

Adrienne va loin. Elle médite sur la révélation d'un Fils qui plonge dans l'abîme absolu, là où Dieu n'est plus. Dans toute nuit se pose la question de cet abandon de Dieu. Malgré nos doutes, notre espérance repose sur ce constat. Il a traversé la mort, la déréliction, l'abandon, la nuit. Dans ce désert Dieu semble mort et pourtant il est là, pleurant peut-être de notre douleur à nos côtés. Toute tentation de penser que Dieu voudrait réparation est une fausse route. Si Dieu se tait, c'est pour notre salut. Car au delà de nos nuits obscures, à la suite de saint Jean de la Croix (comme il l’exprime dès le début de son livre éponyme), nous pouvons affirmer qu'il nous relève.

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 334

30 juin 2019

Au fil de Luc 9,51-62. - Suis moi - Edith Stein

« Comme s'accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel, Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem. Il envoya, en avant de lui, des messagers ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir, parce qu'il se dirigeait vers Jérusalem. Voyant cela, les disciples Jacques et Jean dirent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions qu'un feu tombe du ciel et les détruise ? » Mais Jésus, se retournant, les réprimanda. Puis ils partirent pour un autre village. En cours de route, un homme dit à Jésus : « Je te suivrai partout où tu iras. » Jésus lui déclara : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l'homme n'a pas d'endroit où reposer la tête.  Il dit à un autre : « Suis-moi. » L'homme répondit : « Seigneur, permets-moi d'aller d'abord enterrer mon père. » Mais Jésus répliqua : « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, pars, et annonce le règne de Dieu. » Un autre encore lui dit : « Je te suivrai, Seigneur ; mais laisse-moi d'abord faire mes adieux aux gens de ma maison. » Jésus lui répondit : « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n'est pas fait pour le royaume de Dieu. » AELF (Luc 9,51-62)

L'appel est exigeant, presque impossible à l'homme. Il est pourtant le chemin. À quel détachement sommes nous conviés ? 

 Il génère en moi de la joie comme de la crainte, un élan comme une résistance. Je peux lui rendre grâce pour sa présence à l'œuvre en moi. En toute simplicité avec les mots qui me sortent du cœur, j'exprime ce qui me retient d'avancer.(1)

Sainte Thérèse d'Avila disait que tout est rien. Sur ses pas, Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix [Édith Stein] nous dit : « Le Sauveur nous a précédés sur le chemin de la pauvreté. Tous les biens du ciel et de la terre lui appartenaient. Ils ne présentaient pour lui aucun danger ; il pouvait en faire usage tout en gardant son cœur entièrement libre. Mais il savait qu'il est presque impossible à un être humain de posséder des biens sans s'y subordonner et en devenir esclave. C'est pourquoi il a tout abandonné et nous a montré ainsi par son exemple plus encore que par ses paroles que seul possède tout celui qui ne possède rien. Sa naissance dans une étable et sa fuite en Égypte montraient déjà que le Fils de l'homme ne devait pas avoir d'endroit où reposer la tête. Qui veut le suivre doit savoir que nous n'avons pas ici-bas de demeure permanente. Plus vivement nous en prendrons conscience, plus ardemment nous tendrons vers notre demeure future et nous exulterons à la pensée que nous avons droit de cité au ciel. » (2)


(2) Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix [Édith Stein] Méditation pour la fête de l'Exaltation de la croix (Source cachée, trad. C. et J. Rastouin; Ed. Cerf/Ad Solem, 1998, p. 277

25 juin 2019

Hospitalité et réciprocité - Eucharistie

Si l'on suit le chemin tracé par Christoph Théobald, il y a un malentendu qu'il ne cite qu'entre les lignes, celui du don du corps. Si le récit de Jean 6 est rupture entre suiveurs et vrais disciples c'est parce que ce don infime du corps est malentendu, reste incompréhensible sans le dévoilement de la croix.
Qui sommes-nous pour manger son corps et boire son sang si ce n'est pour nous laisser transformer de l'intérieur par cette présence ineffable et silencieuse ?

Le don du corps est constitutif du christianisme, essence contagieuse de l’amour divin.
« Dieu s’est totalement livré comme mystère entre les mains des hommes ; ce qui est proprement vertigineux » (1)



Prenons le temps de contempler cela, à chaque fois que nous mangeons son corps et buvons à la source de celui qui est le chemin, la vérité et la vie.

(1) Christoph Théobald, Paroles humaines, parole de Dieu, Salvator, 2015, p. 117

20 juin 2019

Postorale périphérique - 6 - Le malentendu

"Toute rencontre doit nécessairement traverser des malentendus. (...) [comme avec] la Samaritaine: "Donne-moi de cette eau pour que je n'aie plus soif, que je n'aie plus à venir puiser ici" (Jn 4, 15).
Le malentendu dans une rencontre hospitalière peut durer très longtemps, et même être entretenu (...) Le chemin du malentendu, vers une entente passe par l'interrogation, et d'abord une auto-interrogation : la mise en question de soi-même est sans doute la condition ultime d'une rencontre réussie. Je suis interrogé par la présence d'autrui ; et je m'interroge sur mes préjugés, sur mes représentations, sur mes images, en raison de l'incontournable altérité de l'autre" (1)

Quel est l'enjeu ? Probablement cette inversion des rapports, cet effacement souvent prêchée par Jean Vanier dans ses discours sur la fragilité partagée. Elle est loin de tout enseignement d'en haut mais véritable rencontre, apostolat du seuil(2).

(1) Christoph Théobald, Paroles humaines, parole de Dieu, Salvator, 2015, p. 94-95
(2) cf. Pastorale du seuil

Au fil de Matthieu 6,7-15 - Notre Père

En ce temps-là,  Jésus disait à ses disciples : « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s'imaginent qu'à force de paroles ils seront exaucés.
Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l'ayez demandé.
Vous donc, priez ainsi : Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour.
Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du Mal.
Car, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi.
Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne pardonnera pas vos fautes. » Matthieu 6,7-15, Traduction Liturgique de la Bible AELF

Est-ce une prière où une louange ? Un peu des deux nous dit Maxime le Confesseur :
« Celui qui accomplit lui-même les biens et les donne à ceux qui croient en lui et imitent sa conduite dans la chair, (...) , le Verbe [notre Seigneur] a appelé prière cet enseignement qui porte en lui la demande des dons que, par grâce, Dieu accorde aux hommes. Ainsi nos Pères inspirés par Dieu ont exposé et défini la prière en disant que la prière est une demande de ce que Dieu donne naturellement aux hommes comme il lui convient. » (1)

(1) Saint Maxime le Confesseur, Interprétation du Notre Père (Philocalie des Pères neptiques, Tome I ; trad. J. Touraille, Éd. DDB-Lattès 1995, p. 552, rev.)


19 juin 2019

Symétrie et réciprocité - Christoph Théobald - Amour en toi 36

Symétrie et réciprocité
"En m'exposant à l'autre, en l'accueillant chez moi, dans ma maison, à ma table ou simplement sur le seuil - et si je suis vrai avec moi dans cet accueil-, je suis toujours en attente que l'autre fasse de même. C'est la trame fondamentale qui traverse les Écritures, de la figured'Abraham jusqu'au souper promis ds l'Apocalypse : "Voici je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper" (Ap 3,20). Alors la symétrie se transforme en réciprocité : "moi avec lui et lui avec moi". (1)

Je trouve dans ce texte des accents levinassiens. Les grands esprits se rencontrent.

(1) Christoph Théobald, Paroles humaines, parole de Dieu, Salvator, 2015, p. 91
(2) cf. notamment Autrement qu'être et au delà de l'essence

« Quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison » - Amour en toi 35 - Edith Stein

« Quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison »
Tout est un pour ceux qui sont parvenus à l'unité profonde de la vie divine : le repos et l'action, contempler et agir, se taire et parler, écouter et s'ouvrir, recevoir en soi le don de Dieu et rendre l'amour à flots dans l'action de grâces et la louange. (...) Il nous faut pendant des heures écouter en silence, laisser la parole divine s'épanouir en nous jusqu'à ce qu'elle nous incite à louer Dieu dans la prière et le travail.
Les formes traditionnelles nous sont nécessaires aussi et nous devons participer au culte public ainsi que l'ordonne l'Église, pour que notre vie intérieure s'éveille, reste dans la voie droite et trouve l'expression qui lui convient. La louange solennelle de Dieu doit avoir ses sanctuaires sur la terre afin d'être célébrée avec toute la perfection dont les hommes sont capables. De là, au nom de la sainte Église, elle peut monter vers le ciel, agir sur tous ses membres, éveiller leur vie intérieure et stimuler leur effort fraternel. Mais pour que ce chant de louange soit vivifié de l'intérieur, encore faut-il qu'il y ait dans ces lieux de prière des temps réservés à l'approfondissement spirituel dans le silence ; sinon, cette louange dégénérerait en un balbutiement des lèvres dépouillé de vie. C'est grâce à ces foyers de vie intérieure que ce danger est écarté ; les âmes peuvent y méditer devant Dieu dans le silence et la solitude, afin d'être au cœur de l'Église les chantres de l'amour qui vivifie tout. (1)

Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix [Édith STEIN ] La Prière de l'Église (trad. Éds de l'Orante 1955, p. 55)