01 août 2019

Effacement 6

Mourir à son rêve. Une mort qui nous délivre "en nous interdisant toute fusion imaginaire, tout rêve de perfection (...) devenir humain pour être pleinement dans le vrai de son être (1).

Il y a là un sacré enjeu loin de toute tentation mystique ou même pharisienne. Derrière l'apparence se joue, sans fin, la nécessité de coordonner notre quête et le réel de notre vie, dans l'aujourd'hui de notre agir.

Non pas une posture, mais se laisser saisir au vif par le réel, “dévaste notre foi, encercle ce qui peut rester d’amour...” (2)

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 511
(2) p. 523

Amour en toi - 38 - Marie de la Trinité

" Laisse toi murer (...) ne cherche pas à te montrer, ni à rien à répandre, car le cours de ta vie est vers Moi et pour Moi, ton Père et ton Dieu… Ne t'occupe pas du dehors, mais du dedans - car Je ne suis pas au dehors, mais au dedans". (1)

A méditer

(1) Marie de la Trinité, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 509

30 juillet 2019

Nuit et solitude périphérique ? - 8

La suite de la lecture de l'œuvre de Mère Térésa sous le regard de F. Marxer interpelle notre vision du monde actuel, de cette victoire apparente de l'athéisme comme de nos solitudes à sa périphérie.
On rejoint pour lui la lucidité prophétique de Dietrich Boenhoffer : « Dieu nous fait savoir qu'il nous faut vivre en tant qu'hommes qui parviennent à vivre sans Dieu. Le Dieu qui est avec nous est celui qui nous abandonne (Mc 25, 34 : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?) (...) Devant Dieu et avec Dieu, nous vivons sans Dieu. Ce à quoi réponds le « qu'il est douloureux d'être sans lui » de mère Thérèsa. Ainsi la nuit serait-elle la condition évangélique de l'existence chrétienne dans la modernité d'aujourd'hui, au prix, selon Bonhoeffer, d'une rupture »(1)

Quelle rupture ? Renoncer à une réussite humaine, voire cléricale, pour « se mettre pleinement entre les mains de Dieu » (...) « prendre au sérieux [les souffrances des hommes et] de Dieu dans le monde [et veiller] avec le Christ à Gethsémani (...) c'est ça la foi, c'est cela la metanoia [la conversion] » ultime. (1)

Est-ce que je déforme le message ? Peut-être un peu, à l'aune de ma désespérance sur l'état du monde. Mais pas vraiment sur le chemin, je pense, de la conversion à accomplir.

« Même Dieu ne pouvait pas offrir de plus grand amour qu’en Se donnant Lui-même comme Pain de vie, pour être rompu, pour être mangé, afin que vous et moi, puissions manger et vivre, puissions manger et satisfaire ainsi notre faim d’amour. Pourtant Il ne semblait pas satisfait, car Lui aussi avait faim d’amour. Il s’est donc fait l’Affamé, l’Assoiffé, le Nu, le Sans-logis, et n’a cessé d’appeler (2)

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 457-8

(2) Mère Teresa, Ibid. p. 461

27 juillet 2019

Homélie du 17ème dimanche du Temps Ordinaire - Gn 18, Col 2, Luc 11 - Demander, Prier

Notes pour la version finale prononcée à Saint Sansom  d’Allainville

3 déplacements dans les Lectures de ce jour :
1. Quelle miséricorde ?
Entre entre la perception d’Abraham, à l’origine  de l’histoire juive et ce que nous dit Paul dans sa lettre aux Colossiens, c’est toute notre idée de Dieu qui est à modifier. Dieu est miséricorde nous dit Paul. « Il pardonne toutes nos fautes... ». Du Dieu d’Abraham à celui que Jésus nous révèle il y a un grand déplacement à faire...

2. Osons demander
La fin de Luc 11 est clair, nous n’osons pas demander à Dieu. Est-ce par orgueil, parce que nous voulons tout faire seul ?
Oser demander, c’est oser accueillir Dieu en nous, c’est laisser une place à l’Esprit saint...
Deuxième déplacement...

Où es-tu ?
Où es-tu mon Dieu ?

C'est la question qu'on se pose et elle est légitime. Je lisais cette semaine une méditation de mère Teresa qui se plaignait du silence de Dieu dans sa vie et qui pourtant n'a cessé de croire dans sa présence...

Elle vivait dans le silence de Dieu et pourtant elle agissait comme jamais...
Notre relation avec Dieu est ambivalente. parfois, comme Abraham, on craint de s'adresser à lui, on négocie, on fait presque du chantage et pourtant, c'est notre foi, il est là, il nous entend, même si sa réponse n'est peut-être pas là où on voudrait qu'il soit. Que faire...?
Je n'ai pas de réponse.
Car Dieu n'est jamais prévisible.

On dit de plus en plus qu'il est absent. Certains osent dire que Dieu est mort....
La réponse est oui. Et là je n'hésite pas. il est mort.... sur une croix.
Et cette croix vaut toutes les réponses...

Alors comment prier le Père de Celui qui est mort pour nous ?
Jésus nous livre sa réponse dans ce texte de Luc 11 et je vous invite à méditer ensemble cette prière....
Elle commence par « Notre Père ».
On raconte qu'un jour la petite Thérèse a étonné une soeur en passant deux heures à méditer les deux premiers mots...
Je suis loin de l'égaler mais je vous invite à méditer de la même manière les deux premières phrases
Ce sera notre troisième déplacement...

Notre Père
Dire « notre » et pas « mon père » est déjà un enjeu.
Notre prière n'est jamais personnelle
Elle est par nature communion...

Qui est au cieux
Cela semble bien loin... cela nous conduit surtout très haut
Et sur ce chemin Jésus nous invite à monter, comme il est monté lui aussi, sur le bois d'une croix

Que ton Nom soit sanctifié
Ton nom et pas mon nom
Ta gloire et pas ma gloire
Ta prière et pas ma prière
Ton désir et pas mon désir
sanctifier le nom de Dieu c'est revenir à sa place

Que ton règne vienne
Nom pas mon désir de pouvoir
d'avoir ou de valoir
mais le règne de Dieu

Je pourrais continuer sur ce registre jusqu'au bout
mais je pense que vous avez compris l'enjeu.
Le notre Père agis comme une autocorrection de nos prières humaines en les conduisant à l'essentiel
certes on a parfois le sentiment qu'il ne répond pas...
mais la demande n'est peut-être pas ajustée.
je vous laisse méditer là dessus




Au fil de Matthieu 13,24-30 - le bon grain et l’ivraie

En ce temps-là, Jésus proposa cette parabole à la foule : « Le royaume des Cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ.
Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l'ivraie au milieu du blé et s'en alla.
Quand la tige poussa et produisit l'épi, alors l'ivraie apparut aussi.
Les serviteurs du maître vinrent lui dire : "Seigneur, n'est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D'où vient donc qu'il y a de l'ivraie ?"
Il leur dit : "C'est un ennemi qui a fait cela." Les serviteurs lui disent : "Veux-tu donc que nous allions l'enlever ?"
Il répond : "Non, en enlevant l'ivraie, vous risquez d'arracher le blé en même temps.
Laissez-les pousser ensemble jusqu'à la moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d'abord l'ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier." » Mat 13, 24-30 AELF, Paris

Qui sommes-nous pour juger ? Sommes nous d'ailleurs plus aptes que les autres à porter du fruit ?

« Le bon grain et l'ivraie, [sont] mêlés dans l'Église jusqu'au Jour du Seigneur
Dans l'Église n'habitent pas que des brebis et ne volent pas que des oiseaux purs ». nous dit saint Jérôme avec clairvoyance. Écoutons le !

« Le froment est semé dans le champ et, « au milieu de splendides cultures, l'emportent les bardanes et les ronces, ainsi que les folles avoines. » (Virgile, Géorgiques) Que doit faire le paysan ? Va-t-il arracher l'ivraie ? Mais la moisson entière sera en même temps saccagée ! (...)
Pendant le sommeil du père de famille, l'ennemi a semé l'ivraie ; comme les disciples se hâtaient d'aller la déraciner, le Seigneur les en a empêchés, se réservant à Lui-même de séparer la paille et le froment. (…) Personne, avant le jour du Jugement ne se peut s'approprier la pelle à vanner du Christ, personne ne peut juger qui que ce soit.(1)

(1) Saint Jérôme, Débat entre un luciférien et un orthodoxe (SC 473, p 179-180), source Evangelizo




25 juillet 2019

Solitude et absence du Père - De Speyr à Teresa - 8

Il faut revenir à l'analyse d'Adrienne von Speyr sur la place du « non-voir » qu'évoque le dialogue entre Moïse et Dieu en Exode 33 pour comprendre ce qu'elle contemple en Christ face à l'expérience de la déréliction. « Le non-voir est la condition même de la contemplation de la croix, de ce Dieu dont aucune image ne peut être donnée (1) ». La privation du voir est vision sur le mode de la non vision. Le refus du visage, la solitude est le chemin du mystère... La nuit contemporaine résiste à toute assimilation.
Elle conduit à la foi véritable évoqué à Thomas : « heureux qui croit sans avoir vu ». N'est-ce pas le chemin de nos solitudes...?

« il s'en est allé, l'amour pour quoi que ce soit, pour quiconque ; et, malgré cela, je brûle jalousement de désir pour Dieu, à L'en aimer de chaque atome de vie en moi. Je veux L'aimer d'un amour profondément personnel. Je ne peux pas dire que j'en suis distraite, car mon esprit, mon cœur sont ordinairement avec Dieu. Tout cela vous paraît délirant devant tant de contradictions ! »(2)
Et pourtant il y a l'essence de la déréliction speyrienne.

(1) Adrienne von Speyr, le visage du Père, p. 68-69, cité par Hans Urs von Balthasar et François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 438

(2) ibid p. 439

Solitude périphérique 7 - Mère Térésa

Comme en écho à mes 6 premiers billets sur le thème de la solitude, cette affirmation de mère Térésa vient résonner à mes oreilles : « En moi, rien d'autre que ténèbres, conflit, et cette si terrible solitude. Je suis parfaitement heureuse d'être comme ça jusqu'à la fin de ma vie »(1)

Sans commentaire

(1) cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 437

23 juillet 2019

Amour en toi - 37 - Mère Teresa

Au milieu de sa nuit, Mère Teresa rejoint à sa façon le chemin d'Etty Hillesum dans les camps de la mort : « Aucune joie, aucun attrait, aucun zèle dans mon travail (...) Je fais de mon mieux. Je me dépense, mais je suis plus que persuadée que cet ouvrage n'est pas le mien. Je n'ai aucun doute : c'est Vous qui m'avez appelée, et avec tant d'amour et de force ! C'était Vous, je le sais. C'est pourquoi cet ouvrage est le Vôtre et c'est encore Vous maintenant... » (1)

«Non pas que de nous-mêmes nous soyons capables de considérer quoi que ce soit comme venant de nous-mêmes: notre capacité vient de Dieu. C’est lui aussi qui nous a rendus capables d’être ministres d’une alliance nouvelle » (2 Corinthiens‬ ‭3:5-6‬ ‭NBS‬‬)

« Ne vous gonflez pas d’orgueil, car vous avez Jésus Christ en vous » (2)

Une leçon d’humilité...

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 434
(2) Saint Ignace d’Antioche, Lettre aux Magnésiens.

21 juillet 2019

Gloire et Grâce 5

(1) Le mot hèsèd constitue la substance proprement dite de l'Alliance. Il y a différents degré d'intensité dans la signification du mot. Tout d'abord c'est le Seigneur transcendant, fondateur de l'Alliance, qui possède hèsèd, et en ce sens la signification du mot est voisine de bienveillance, grâce, amour ; mais en conséquence, le subordonné qui entre dans l'Alliance, doit vivre conformément à la bienveillance qui lui a été manifestée, il doit pour ainsi dire la refléter, déterminer d'après elle son attitude générale - envers le Seigneur comme envers autrui.(1)

Peut être rejoint-on ici les éléments qui motivent la théologie sacramentelle. Il y a une dynamique propre (2) à l'Alliance où le récipiendaire est invité à se conformer à celui qui lui confère sa grâce, dans une subtile circumincession (danse -3) où l'homme devient signe efficace de cet amour qui soudain l'habite.

(1) Hans Urs von Balthasar, La gloire et la croix, 3. Théologie, Ancien Testament, ibid. p. 139

(2) cf. ma dynamique sacramentelle
(3) cf. également mes recherches sur la danse trinitaire

Grâce et Gloire 4 - Exode 33

Nous évoquions Exode 33, au sujet de la nudité. C'est au début du chapitre que Dieu invite l'homme à enlever ses habits de fête pour se (re)mettre à nu devant lui..

Il n'est pas inintéressant d'entendre Urs von Balthazar développer tout le thème de la gloire dans la fin du même chapitre. « Moïse ayant prié Dieu de lui faire voir sa gloire, Dieu le cacha dans la fente du rocher et passa devant lui en criant : « Yahvé, Yahvé, Dieu de tendresse (rahum, du mot rèhèm) et de pitié (hanumm, de hun, hén), lent à la colère, riche en grâce (hèsèd) et en fidélité (emet).
Faisant cette expérience Moïse obtint de voir la gloire de Dieu de dos (Ex 33,23) à son passage devant l'homme. Toute la révélation de Dieu fait de lui-même est grâce ; la formule « lent à la colère » exprime que la grâce n'est pas un côté d'une révélation à deux faces, mais plutôt que la colère est fonction de la grâce » (1)

Voilà un thème à creuser.
La colère (même si j'ai du mal à l'entendre, croyant, à la suite de Varillon que Dieu n'est qu'amour), la colère donc serait fonction de la grâce. Est-ce à dire que plus Dieu nous fait grâce plus il devient exigeant ? Une remarque qui ne doit pas devenir morale pour les autres, mais interpellation toute intérieure.
Si l'on résume, en se mettant à nu, c'est-à-dire en vérité devant le Seigneur on peut se laisser appeler à le contempler. Mais voir Dieu, c'est-à-dire participer à sa gloire nous engage plus qu'avant à répondre à son appel, faute de subir sa « colère », qui est d'abord sa peine, sa tristesse (puisqu'il est « lent à la colère ».
Cette interpellation est datée et masque une partie de la miséricorde (même si on la trouve déjà en Exode et Osée (2). Il faut attendre le Christ et un texte comme le fils prodigue (Luc 15) pour percevoir que ce que la colère du Premier Testament cache, c'est le dévoilement d'un Dieu qui va jusqu'à mourir pour l'homme...

(1) Hans Urs von Balthasar, ibid. p. 131
(2) cf. notamment mon livre « Dieu n'est pas violent »

Grâce et Gloire 3 - Nu devant Dieu

J'ai souvent commenté ce concept à propos de Gn 3 ou Exode 33(1). Balthasar développe dans GC3AT une thèse comparable : "Au bon sens du terme, est nu celui dont le coeur est dévoilé dans l'amour devant Dieu qui se dévoile à lui par amour : un tel homme est revêtu d'éclat et de gloire. Mais celui qui est privé de la grâce, et par là de la nudité de l'amour, doit se revêtir de la ceinture de feuilles de figuier, il est couvert de honte comme un manteau" (Jr 3,25, Mi 7, 10, Ps 35, 26 et 109, 29) (2)

Que dire de cette nudité véritable ? Jean Paul II développe ce thème dans ses catéchèses du mercredi (cf. homme et femme il le créa). On peut aller un cran plus loin dans l'analogie sponsale : la nudité conjugale qui appelle à une véritable exposition et transparence est image fragile de cette nudité réciproque entre un Dieu crucifié et mis à nu et l'homme qui conscent à son tour à l'humilité et la dépendance.
À méditer
(1) cf. notamment l'amphore et fleuve
(2) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, Théologique 3, Ancien Testament GC3AT, ibid. p. 130

Au fil de Luc 10 - Marthe et Marie - Sainte Élisabeth de la Trinité

« Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »
« Il faut prendre conscience que Dieu est au plus intime de nous et aller à tout avec Lui ; alors on n'est jamais banal, même en faisant les actions les plus ordinaires, car on ne vit pas en ces choses, on les dépasse ! Une âme surnaturelle ne traite jamais avec les causes secondes mais avec Dieu seulement. Oh ! comme sa vie est simplifiée, comme elle se rapproche de la vie des esprits bienheureux, comme elle est affranchie d'elle-même et de toutes choses ! Tout pour elle se réduit à l'unité, cet « unique nécessaire » dont le Maître parlait à Madeleine. Alors elle est vraiment grande, vraiment libre, parce qu'elle a « enclos sa volonté en celle de Dieu ».

(1) Sainte Élisabeth de la Trinité, La grandeur de notre vocation n°8 (Œuvres Complètes, Cerf, Paris, 1996, p. 137)

20 juillet 2019

Grâce et Gloire 2

Quand le Créateur, une fois son travail achevé, contemple son œuvre et la trouve très bonne (tob) - et dans le bon est inclus le beau - le caractère bon et beau du cosmos n'est certainement pas séparable de l'acte et de la vision du Créateur puisque c'est dans la lumière rayonnante que baigne le monde ; malgré tout, ces biens de la grâce sont réellement donnés par Dieu au monde et il peut les garder légitimement aussi longtemps qu'il les restitue au Créateur en le louant et en lui rendant hommage. Cette transcendance et cette immanence du bon et du beau sont  (...) [rayonnement et resplendissement ] divins. Ce ne serait pas la grâce si elle ne faisait que rayonner au-dehors sans affecter intérieurement l'être doué de grâce. Si la grâce est sans cesse comparée avec la source d'eau vive jaillissant de Dieu (Isaïe 12,3 ; 55,1 Jérémie 2,13, Ezéchiel 47, 1 ; Psaume 36,9-10 ;  46,5 ; Zacharie 14,8 ;  Jean 4,14 7,37 ; Apocalypse 7, 17 ; 22, 17), ce n'est pas seulement pour que l'homme s'y baigne extérieurement, mais pour qu'il la boive et étanche sa soif. La grâce avec sa suavité peut devenir intérieure et propre à la créature dans la mesure même où celle-ci est prête à restituer le don divin : Ainsi Abraham n'a jamais possédé plus intimement son fils qu'après avoir passé par le suprême renoncement. (1)

Que retenir de ce long passage ? Balthasar insiste beaucoup sur la restitution. A méditer à l'aune des dons que Dieu nous fait...

(1) Hans Urs von Balthasar, ibid p. 129

Grâce et Gloire - Urs von Balthasar

La gloire et la grâce se conjuguent dans l'Ancien testament. La gloire est "sans aucun doute beaucoup plus qu'une certaine forme sensible d'apparition, elle est la manifestation totale du Dieu de la grâce, qui a ouvert ses biens divins aux hommes et les leur a rendu accessibles. Cela ne signifie pas que les contenus des concepts de gloire (kabod) et de grâce coïncident, mais la grâce à sa beauté propre qui s'ajoute essentiellement à la gloire divine. Le mot grec karis n'est pas seul à posséder le fameux double sens éthique et esthétique  : faveur bienfaisante et aspect gracieux ; d'autres termes hébreux (hén, hèsèd, gedula, ton, raham, rason) ont tous, avec une intensité diverse, leur aspect esthétique" (1).

Il nous reste à les conjuguer nous aussi dans le présent pour retrouver le goût de Dieu. Parmi ces termes bibliques on notera la délicatesse (hèsèd) qui n'est pas le vent cité plus haut (hèbèl) mais la délicatesse des œuvres divines (cf. Is 40, 6).

(1) Urs von Balthasar, GC3AT ibis p. 128

19 juillet 2019

Le souffle et le vent - Urs von Balthasar

Pour Urs von Balthazar, il faut distinguer le grand vent hèbèl de ruah, le souffle de Dieu qui souffle où il veut. 

Hèbèl est "sans poids et emporté à cause de sa pure légèreté. (...) 

Le souffle de l'irréalité court au-devant de la mort et la description de la mort, qui s'approche avec l'arrêt des mouvements et des bruits de la vie, est bien le sommet du livre de Qohélet et l'un des sommets de toute la Bible (Qo 12, 3-8). 

Mais (quand est comprise) la grande fin de la vanité (...), le souffle de l'Esprit de Dieu saisit le vent errant de la créature et lui fait apparaître cette vérité : de même que le "dieu des philosophes" était une abstraction pour un sage d'Israël, ainsi le sage en tant que philosophe est devenu une abstraction pour lui-même. (...)

Le Dieu vivant a "soumis à la vanité" sa propre image (Romains 8, 20), afin que celle-ci apprenne par expérience que la seule chose réelle et sans équivoque est la grâce par laquelle Dieu ouvre à sa créature un espace de vie.(1)

Une leçon mystique et théologique qui nous pousse à l'humilité.

(1) Hans Urs von Balthasar, La gloire et la croix, GC 3. Theologie Ancien Testament p. 124sq