20 avril 2015

Le chemin du désert - 2

La traversée du désert est aussi ce lieu de mise en retrait où nous pouvons prendre du recul sur nos vies pour percevoir le don de Dieu et notamment ses fruits invisibles. 
Comme le suggère Newman,  "nous ne discernons pas la présence de Dieu au moment où elle est avec nous, mais seulement après, quand nous reportons nos regards vers ce qui s'est passé et qui n'est plus... Des événements nous arrivent, agréables ou pénibles ; nous n'en connaissons pas la signification ; nous ne voyons pas en eux la main de Dieu. (...) Nous ne voyons rien. Nous ne voyons pas pourquoi telle chose arrive, ou à quoi elle tend. Un jour, Jacob s'est écrié : « Tout est contre moi ! » (Gn 42,36) ; certainement il semblait bien que ce soit ainsi... Et pourtant tous ses malheurs devaient tourner à bien. Considérez son fils Joseph, vendu par ses frères, emmené en Égypte, emprisonné, les fers entrant même dans son âme, et qui attendait que le Seigneur jette sur lui un regard de bienveillance. Plusieurs fois le texte sacré dit : « Le Seigneur était avec Joseph »... Après coup, il a compris ce qui sur le moment était si mystérieux, et il dit à ses frères : « Dieu m'a envoyé en avant de vous pour sauver vos vies. Ce n'est pas vous qui m'avez envoyé ici, c'est Dieu » (Gn 45,7).  Merveilleuse providence, si silencieuse et pourtant si efficace, si constante et infaillible ! C'est ce qui déjoue le pouvoir de Satan ; il ne peut pas discerner la main de Dieu à l'œuvre dans le cours des événements". (1)

Or Satan est le diviseur, qui se complait dans le bruit et la confusion.  Dans le désert,  l'ordre réapparaît et sa confusion est mise à jour.  C'est pourquoi dès les premières pages de la Bible, chez Osée (2) face à la confusion de Gomer, Dieu dit : "je la conduirait au désert".  (Osée 2, 7).
 C'est pourquoi à sa suite,  l'Esprit conduit l'homme-Jésus au désert,  car là seulement la claire vision de Dieu nous est rendue.

À notre tour, le passage au désert peut être le lieu d'un combat intérieur entre nos tendances à l'adhérence au mal et cette libération de nos êtres en vue de la réception pleine et entière du don de Dieu. 

À l'image de ce combat évoqué de Jacob, la lutte peut être douloureuse,  mais combien plus sera la libération accessible.  Car en se purifiant de l'inessentiel nous trouvons l'essence de nos vies, le coeur à coeur auquel nous sommes invités.  La danse de Jacob est le prélude de la danse des anges,  c'est l'ultime symphonie de celui qui trouve son Dieu, et en se laissant saisir,  reprends la course sans fin de l'apôtre,  qui ne perçois plus le passé que comme des balayures, tant la marche vers et avec Dieu le comble. (Cf. Ph 3).

 Les pèlerins d' Emmaüs ( luc 24, 13ss) en ont fait l'expérience.  Fuyant la mort du Fils dans le désert, ils trouvent Celui qui ouvre leurs yeux sur le passé, leur fait distinguer Ses fruits invisibles et surtout Se rend présent dans la fraction du pain, au point que leur coeur devient tout brûlant d'une présence inaccessible et qui pourtant les transporte. Alors, "devenants des « porte-Christ » [« christophe »], Son corps et son sang se répandant dans [leurs] membres, [ils deviennent] participants de la nature divine" (3) et peuvent revenir à Jérusalem,  monter sur le "mont de la rencontre" car Dieu est en eux, avec eux.


(1) Bienheureux John Henry Newman in PPS IV,17 « Christ Manifested in Remembrance.
(2) l'exégèse moderne considère le livre d'Osee comme le plus ancien.
(3) Saint Cyrille de Jérusalem Catéchèses baptismales n 22 (trad. Éditions du Soleil levant, 1962, p. 471)







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