La lecture de Jérémie 33,15, dimanche prochain, nous annonce un « germe de justice ». Qu’est ce à dire ? une semence, un grain qui meurt ?
Puissante prophétie puisqu’elle nous fait probablement à la fois espérer la venue du Christ, fragile espérance, mais aussi, peut-être, ce que Justin appellera les « semences du Verbe », ce que Vatican II (GS §2) relève comme ce don de Dieu fait à tous les hommes qui peut faire germer en nous l’amour…
Le message à porter au monde est-il de l’ordre d’une semence fragile ? Quelle semence ? Peut-être cette danse discrète vers l’homme, que Dieu nous donne à contempler en Jn 13, pour que se révèle en nous "la philanthropie de Dieu ". (1) Un message, précise J. Moingt qu'il ne suffit pas d’évoquer mais qu’il faut ensuite mettre en « oeuvre et en image, en paraboles comme le faisait Jésus »
Quelle sera notre trace ?
Congar au Concile disait : "Dieu m’a amené à la servir et à servir les hommes à partir de lui et pour lui, surtout par la voie des idées. J’ai été amené à une vie solitaire, très vouée à la parole et au papier. C’est ma part dans le plan d’amour. Mais je veux m’y engager aussi de cœur et de vie et que ce service d’idées lui même soit un service des hommes."(2)
Pense-t-il alors à Pascal qui après l’écriture s’est consacré à la charité ?
Difficile de servir l'humain... Quel que soit soit sa forme, sa visibilité, l'essentiel est peut être ce qui rayonne, en dépit de nos balbutiements fragiles, de la philanthropie même de Dieu, de ce germe d’amour enfoui dans l’homme qui lui chatouille et lui réchauffe le cœur et le conduit, à son tour à aimer.
N'est-ce pas d'ailleurs ce que le monde retient de plus beau à travers les gestes désintéressés des soeurs Téresa, Emmanuelle ou d'un abbé Pierre ou Ceyras. Si ce service de l'humain est le seul message qui passe, n'est-ce pas parce qu’il est signe, à sa manière de celui qui le premier, à la suite des Marie et autres femmes figures fragiles de l’Evangile, s’est mis "à genoux devant l'homme".(3)
Poursuivons avec Congar : "Quand on regarde vivre l'Église, (...) ce qu'elle est et porte en elle (...) il y a là, de sa part, dans les formes mineures au moins de son sacerdoce, de son prophétisme, l'exercice d'une forme de royauté, non d'autorité et de puissance — elle ne l'a pas — mais d'influence et de service, qui répond à sa véritable situation par rapport au monde. Car on peut dire qu'elle en a la responsabilité (...)". (4)
Un texte qui rebondit avec ma méditation n.15…. Non pas une royauté de pouvoir, mais le service diaconal du royaume. Danse fragile à la lumière de celles que je cherche à thématiser.
Congar précise que "l'Eglise a [notamment] dans ce cadre véritablement le nom de semence ou cellule germinale du Royaume qu'aiment à lui donner en particulier les théologiens de langue allemande (Keimzelle)(5)".
Ce que saint Justin appellait les spermatikos logos ne sont-ils pas ces germes d'amour qui, en scintillant de l'amour humain véritable, deviennent signes de la philanthropie de Dieu.
Germes en tout homme, chrétiens ou non ? C’est notre espérance, celle de voir l’homme touché par le Verbe.
« Que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant, comme celui que nous avons pour vous. » nous dit la 2eme lecture. ((1Th 3) Un sentier se dessine…
Une mesure sans mesure…
(1) J. Moingt, L'Évangile sauvera l'Église, op. cit p. 121
(2) Yves Congar, Mon Journal du Concile I, 1960-63, Cerf, Paris, 2002, op. cit. p. 384
(3) cf. mon livre éponyme
(4) Yves Congar, Jalons pour une théologie du laïcat, Cerf 1953, p. 133
(5) ibid. p. 134 et sa note où il cite le livre de H. André, Die Kirche als Keimzelle der Weltgöttlichung (Leipzig, 1920)
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