13 septembre 2015

Signes et miracles - Cohérence 2


"Pour le croyant qui se tient au centre (1), les miracles du Christ ne sont pas d'abord ce qui rend subjectivement la foi plus facile (car il en a à peine besoin), mais le rayonnement, sur le domaine sensible, de la gloire divine déjà vue spirituellement" (2).

Là encore la finesse de l'analyse de Balthasar nous conduit dans l'axe de ce que nous contemplons dans ce qu'il appelle (à la suite de nombreux exégètes) la "théologie des signes" chez Jean.

Depuis Cana, la guérison du fils, le relèvement (même mot grec que résurrection) du malade de Bethesda , Jean nous conduit en effet à la contemplation de la Passion et de la résurrection...

Toute la vie de Jésus est alors symboliquement organisée vers la révélation du Père. On retrouve ce que je notais plus haut à propos de la cohérence sacramentelle...

Saint Augustin l'exprimait ainsi : "ce que notre Seigneur a fait corporellement, il voulait le savoir compris spirituellement. Il n'acomplissait‎ pas de miracles pour le plaisir d'en faire, mais afin que le fait accompli apparaisse à ceux qui le voyait comme merveilleux, à ceux qui le comprenaient comme vrai. (....) celui qui ne sait pas lire (...) admire la beauté des lettres, mais ce que les lettres veulent dire, il ne sait pas. (...) un autre, au contraire, célèbre l'oeuvre d'art et en comprend le sens (...) c'est de tels disciples que nous devons être à l'école du Christ (3)

On perçoit, à la différence des balbutiements de l'analyse historico-critique que nous avons commenté chez John P. Meier (4), qu'il y a là ce que Jean de Lubac appelle véritablement une lecture spirituelle (5)‎ rejoignant l'esthétique de la gloire que cherche à démontrer Balthasar.

‎(1) cf. le livre éponyme de Balthasar : retour au centre
(2) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 172
(3) Serm. 98, 3 (PL. 38. 592), cité ibid
(4) cf par ailleurs nos travaux sur John P. Meier, Un certain juif...
(5) Henri de Lubac, Exégèse Médiévale, Les quatre sens de l'Écriture. 1, Cerf, DDB, 1993, p. 110ss



Cette Église que je veux aimer

Plus j'avance dans la lecture de ces chercheurs de Dieu,  plus je prends conscience que la construction du temple est complexe et que nous devons chercher à faire corps pour ne pas déchirer l'unique tunique du Christ.  L'unité de l'Église devrait nous importer plus que nos petites allergies à certains de ces membres.  Dans cette période délicate où elle est souvent décriée,  nous avons à être attentifs à la manière dont nous contribuons à sa marche vers le Père et dépasser nos hésitations et nos résistances (1). 
Et nous devons prier pour nos évêques...
Cette phrase d'Augustin m'y aide : "Beaucoup sont chrétiens sans être évêques ; ils arrivent à Dieu par un chemin peut-être plus facile et ils marchent sans doute avec une allure d'autant plus dégagée qu'ils portent un moindre fardeau. Quant à nous, nous sommes chrétien, et nous devrons donc rendre compte à Dieu de notre propre vie ; mais nous sommes en outre évêque, et nous devrons donc rendre compte à Dieu de notre gestion." (2)

(1) cf. à ce sujet mes développements dans : Cette église que je cherche à aimer, et Chemins d'Eglise, repris dans Serviteur de l'homme
(2) Saint Augustin,  Sermon sur les Pasteurs, source AELF

12 septembre 2015

Cohérence sacramentelle

"Le mystère de l'Eucharistie (...) peut ‎devenir symbole (...) contenant réel d'une manducation spirituelle  [car] il est au croisement de lignes qui partant de données plus évidentes, montrent au regard de la foi, leur point de rencontre comme juste et tout à fait cohérent. Elle lui confèrent une nécessité théologique qui semble indispensable. (...) tous les sacrements ont d'abord leur figure dans la mission du Christ lui-même". (1)


En lisant ce passage je me rends compte que je n'ai peut être pas assez insisté dans ma recherche sur la dynamique sacramentelle sur la figure même du Christ . Certes mon commentaire d'Éphésiens 5 insiste sur le "comme le Christ a aimé‎ son Église", mais la formulation de Balthasar dévoile bien à quel point tout cela s'inscrit dans le plan de Dieu ...
Pour lui, la dimension trinitaire habite l'ensemble de la vie du Christ , transpire de sa Parole et de ses actes et les sacrements respirent de tout cela, sont donc à leur façon surchargés de sens. En prendre conscience nous interpelle dans notre manière même de vivre les dits sacrements.

(1) Hans Urs  von Balthasar, La gloire et la Croix, op. cit. GC1 p. 170ss


11 septembre 2015

Solitude

‎"Trouver [Dieu]‎ c'est trouver la vraie solitude : c'est lui qui nous attend. Le trouver c'est la trouver car la vraie solitude est esprit et toutes les solitudes humaines ne sont que des acheminements relatifs vers la parfaite solitude qui est la foi . La vraie solitude ce n'est pas l'absence des hommes, c'est la présence de Dieu" (1)

Je crois qu'il faut du temps pour percevoir la finesse de ces propos... Elle entre pour moi en résonance avec mon Prologue de "La caresse de l'ange", mais aussi avec "Le chemin du désert" deux de mes très récentes recherches sur la souffrance et la foi.

"C'est lui qui nous attend" est surtout une variation de "l'où es-tu ? " de Gn 3, 9. Contempler la solitude de Dieu n'est autre que percevoir la quête du Père raconté dans Luc 15, guettant le fils à qui il a tout donné.


(1) Madeleine Delbrel, Celui qui me suit, p. 76, cité in NAGDR, op. cit. p. 29

10 septembre 2015

Captif d'un élan - Madeleine Delbrel

"Le chrétien est captif d'un élan : d'un désir à la taille de Dieu , qui veut sauver ce qui est perdu, guérir ce qui est malade, unir ce qui est séparé, perpétuellement et universellement" (1)

Nous retrouvons ici la dynamique paulinienne de Philippiens 3, mais aussi la course infinie de Grégoire de Nysse à la sauce miséricorde...

Dans ces temps d'incertitude,  soyons à la hauteur de l'appel.

(1) Nous ouvrons ici un autre chemin de lecture avec Madeleine Delbrel, Nous autres, gens des rues (NAGDR), Paris, Seuil, 1966 p. 20.

09 septembre 2015

Contemplation et reflet - 2

‎Le stade esthétique (Kierkegaard) ne sert à rien, s'il n'est dépassé par une mise en oeuvre de l'être, prêt à refléter véritablement cette figure du bien qui s'est révélée à lui dans la foi. "Cette compréhension commençante‎ de la figure" doit être comprise "dynamiquement" (1) à travers "joie et souffrance, insouciance et ascèse" dans un "équilibre sans faute" (2)

Cette foi peut alors être prise dans la grâce, devenir une force d'attraction, une victoire du Christ sur nos impuissances humaines, chemin de conversion véritable.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1, op Cit p. 159.

08 septembre 2015

La figure du Christ


"Le Christ est la figure historique qui dans sa réalité positive humaine, rend présent d'une manière définitive pour le monde l'être divin (...) lumière [pour notre foi], image qui se place elle-même devant nous, comme quelque chose d'humainement inimaginable‎ et qui ne peut être perçu, compris et cru que comme une invention de l'amour de Dieu." (1)

Au delà de la notion de dette vis à vis de Dieu, que je trouve chez un auteur, il me semble que nous avons affaire là à autre chose. Ce n'est plus de l'ordre de la dette, de l'obligation, mais de l'interpellation en résonance avec cet "où es-tu ? " de Gn 3, 9 contemplé plus haut.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, tome 1 GC1, op. Cit p. 144-5

Où es-tu ? Gn 3, 9

L'office des lectures de mardi nous fait contempler cette question posée à l'homme au jardin. Une quête de Dieu vers l'homme qui n'est pas sans résonance avec le "que fais tu ?" de ta "maison commune" de notre pape dans son encyclique de Laudato Si.

A contempler non comme un jugement sur le tiers mais comme une interrogation personnelle. Car cette quête est au coeur de la première étape de notre vie spirituelle : " au spectacle de nous-mêmes, nous sommes troublés et contrits pour notre salut, tandis que, dans la contemplation de Dieu, nous respirons et la joie du Saint-Esprit nous procure la consolation. D'une part, crainte et humilité ; d'autre part, espérance et charité." (1)

(1) Saint Bernard,  Sermon les degrés de la contemplation,  source AELF

07 septembre 2015

La communion des souffrants, ciments de l'Église

Troublante affirmation de Paul, dans sa Lettre aux Colossiens : "Frères, maintenant je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église." (1) que la liturgie nous donne à lire ce matin. Elle ne justifie aucune souffrance,  ne répond pas à la question de Job,  mais nous fait néanmoins percevoir ce ministère particulier des souffrants qui, comme le suggérait Danielou (2) ouvre en nous les failles de notre coeur,  nous fait percevoir le fleuve immense de l'amour.
En cela, le texte proposé de saint Césaire nous fait entrer en résonance :"Le Seigneur dira à ceux qui ont méprisé sa miséricorde : « Homme, c'est moi qui  (...) ai enduré les soufflets et les crachats de ceux qui se riaient de moi, j'ai bu le vinaigre avec le fiel. Frappé de verges, couronné d'épines, attaché à la croix, transpercé par la lance, j'ai rendu mon âme dans les tourments pour t'arracher à la mort. Vois la marque des clous auxquels j'ai pendu ; vois mon côté transpercé de blessures. J'ai supporté tes souffrances pour te donner ma gloire ; j'ai supporté ta mort pour que toi, tu vives pour l'éternité. J'ai reposé, enfermé dans le sépulcre, pour que toi, tu règnes dans le ciel.     « Pourquoi as-tu perdu ce que j'ai souffert pour toi ? Pourquoi as-tu renoncé aux grâces de ta rédemption ? ... Rends-moi ta vie, pour laquelle j'ai donné la mienne ; rends-moi ta vie que tu détruis sans cesse par les blessures de tes péchés. » (3)
(1) Lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens 1,  24
(2) cf. sa théologie de l'histoire
(3) Saint Césaire d'Arles (470-543), Sermons au peuple, n°57,4 (trad. SC 330, p. 25 rev), source AELF

04 septembre 2015

Contemplation et reflet

‎Contempler pour refléter...(1). Je vois dans ce mouvement une respiration sacramentelle, à l'image de cette recherche sur la "dynamique sacramentelle" publiée récemment. 
Voir l'Eucharistie comme contemplation et reflet, c'est prendre conscience qu'en s'abreuvant à la source, en s'ennivrant‎ de la Croix, on est appelé ensuite à en refléter l'essence. Rien ne sert de s'en nourrir si on l'enferme sous le boisseau. Tout un programme...

Heureux les hommes dont tu es la force :
des chemins s’ouvrent dans leur cœur !
7Quand ils traversent la vallée de la soif,
ils la changent en source ; Ps 83, 7

(1) P. Pierre Remise, salutation liturgique, Magnificat de septembre 2015, p. 5

03 septembre 2015

Le travail de l'Esprit

‎"Sans y avoir pensé auparavant, prononcer (...) les mots de Concile Oecuménique, de synode diocésain et de refonte du droit canonique, et ceci sans que j'aie fait la dessus une hypothèse ou un projet quelconque... Le premier à être surpris‎ de cette suggestion que je faisais ce fut moi-même, alors que personne ne m'en avait donné l'idée".

Sans commentaire

(1) Jean XXIII, le journal de l'âme, p. 503


Confiance et doute

Dans le désert de nos vies, combien de fois sommes nous désemparés par le silence apprarent de Dieu.  Peut être que ce silence n'est autre que la manifestation du brouillard qui entoure notre âme.  Il nous faut prendre de la distance. Écoutons saint Ambroise : "il fait encore nuit. (...) je n'ai encore rien pris. J'ai lâché le filet pendant le jour. J'attends que tu me l'ordonnes ; sur ta parole, je le lâcherai encore. La confiance en soi est vaine, mais l'humilité est fructueuse. Eux qui jusque-là n'avaient rien pris, voici que, à la voix du Seigneur, ils capturent une énorme quantité de poissons".(1)
Dans son commentaire de Luc 5, 1-11, Ambroise lâche une phrase qui m'éclaire : peut être ai-je trop confiance en moi, y compris en la pertinence de mes choix quand Dieu montre la fatuité de nos projets.  Seuls compte l'abandon à la grâce... "Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux".  Luc 22, 42. Ces paroles du Christ constitue le commentaire véritable de ce passage.  Quelles soient prononcées devant la croix nous laisse pantois.

  ( 1) Saint Ambroise,  commentaire de Luc IV,  71-76, SC 45 (traduction SC, cf. p. 180), source AELF

02 septembre 2015

Unité de l'Église

Je relisais hier soir les premiers chapitres du "Contre les hérésies" d'Irénée '1) et sa grande insistance sur la Tradition. Il en rayonne une profonde recherche d'unité qui réveillait en moi ce que j'écrivais sur la tunique unique du Christ. 
Triple unité à rechercher donc :
1) unité dans le temps (Tradition) que j'aime concevoir comme un processus dynamique dans le vent de l'Esprit.
2) unité de coeur,  qui commence par une attitude intérieure,  une quête transcendante qui rejoint l'unité intradivine, la circumincession des Trois personnes,
3) unité dans la charité qui rayonne d'une quête attentive des besoins d'autrui,  de la paix plus grande que toute tentation de violence,  de cette primauté de l'unité qui nous fait contempler la souffrance de la séparation.
Cela rebondit avec ce que je trouve dans ce commentaire de l'évangile de Jean 2 par Origène, cité dans l'office des lectures(2) : "Selon une interprétation possible, le Temple et le corps de Jésus, l'un et l'autre, me semblent être la figure de l'Église. Car celle-ci est bâtie de pierres vivantes ; elle est une demeure spirituelle pour un sacerdoce saint ; elle est construite sur les fondations que sont les Apôtres et les prophètes avec, pour pierre angulaire, le Christ Jésus. Elle est donc en toute vérité qualifiée de « Temple ».Selon l'Écriture, vous êtes le corps du Christ et vous êtes ses membres, chacun pour sa part. Pour ce motif, même si l'assemblage des pierres de ce Temple semble se disjoindre et se défaire ; même si, comme il est écrit au psaume 21, tous les os du Christ semblent dispersés dans la persécution et l'oppression, par les complots de ceux qui attaquent l'unité du Temple à coups de persécutions ; cependant le Temple sera relevé et le corps ressuscitera le troisième jour, après le jour de malheur qui l'a accablé et après le lendemain de celui-ci, jour de l'achèvement. Car il y aura un troisième jour dans le ciel nouveau et sur la terre nouvelle, lorsque ses ossements, qui sont de la maison d'lsraël se relèveront, lors du grand jour du Seigneur, après sa victoire sur la mort. Par conséquent, la résurrection du Christ après les souffrances de la croix englobe le mystère de la résurrection de son corps tout entier. De même que le corps visible de Jésus a été crucifié, enseveli, et ensuite ressuscité, de même tout le corps constitué par les fidèles du Christ a été crucifié avec le Christ et ne vit plus désormais. Chacun d'entre eux, comme saint Paul, ne se glorifie pas d'autre chose que de la croix de Jésus Christ notre Seigneur, par laquelle il est crucifié pour le monde, et le monde crucifié pour lui. Non seulement il est crucifié avec le Christ et crucifié pour le monde, mais encore il est enseveli avec le Christ. Nous avons été mis au tombeau avec lui, dit saint Paul. Et comme s'il jouissait déjà d'un avant-goût de la résurrection, il ajoute : Et avec lui nous sommes déjà ressuscités. "
Contemplons cette unité et tâchons ensemble de la faire vivre.

(1) Irénée de Lyon, Contre les hérésies (1, 10, 1-2), Paris, Cerf, 1984
(2) Origène, Commentaire de l'évangile de Jean, Source Bréviaire AELF

01 septembre 2015

Souffrir avec le Christ

‎"Souffrir et être humilié pour le Christ et avec le Christ" (1)


Comme le note récemment le pape François, on compte plus de martyrs aujourd'hui qu'au premier siècle...

Combien faudra-t-il de martyrs pour parvenir au troisième jour évoqué par Origène (cf. plus haut) ? Seigneur que ton règne vienne !

‎(1) attribué à saint Jean de la Croix, cf. Bruno de Jésus Marie, saint Jean de la Croix, Paris,Plon, 1929, cité par Jean  XXIII, le journal de l'âme, op. Cit p. 85 et p. 467‎ en contemplation de la Pieta, Jésus mort et l'Addolorata


Chemin de sainteté

‎"Elle consiste à se plaire à être contredit et humilié à tort ou à raison ; à se plaire à obéir ; à se plaire à attendre dans une grande paix ; à être indifférent à tout ce qui plaît aux supérieurs, et vraiment sans vouloir propre ; à reconnaître les bienfaits que l'on reçoit et à sa propre indignité ; à avoir une grande gratitude ; à respecter les autres (...) une charité sincère, dans la tranquillité, la résignation, la douceur, le désir de faire du bien à tous et l'ardeur au travail" (1)

(1) Antonio Rosmini, La Perfection chrétienne. Pages d'ascétique Turin 1948, p. 591 cité par Jean XXIII op. Cit p. 466