Discussion intéressante avec des amis sur la Tradition. On peut la dire figée ou immuable, au nom d'une fidélité à l'Écriture. Je préfère la voir vivante et perfectible, capable d'auto-correction et d'humilité, consciente qu'elle reste la face visible et fragile de la volonté inaccessible de Dieu.
Ce texte de saint Vincent de Lérins me semble conforter ce point de vue : "Ne peut-il y avoir, dans l'Église du Christ, aucun progrès de la religion ? Si, assurément, et un très grand. Car qui serait assez jaloux des hommes et ennemi de Dieu pour essayer d'empêcher ce progrès ? À condition du moins qu il s'agisse d'un véritable progrès dans la foi, et non d'un changement. Car il y a progrès, si une réalité s'amplifie en demeurant elle-même ; mais il y a changement si elle se transforme en une autre réalité. Il faut donc qu'en chacun et en tous, en chaque homme aussi bien qu'en l'Église entière au cours des âges et des générations, l'intelligence, la science et la sagesse croissent et progressent fortement, mais selon leur genre propre, c'est-à-dire dans le même sens, selon les mêmes dogmes et la même pensée.
(...) : la règle de tout progrès légitime et la norme précise de toute croissance harmonieuse, c'est que le nombre des années révèle chez les plus grands la forme des membres que la sagesse du Créateur avait ébauchée lorsqu'ils étaient enfants. Et s'il arrivait qu'un être humain prît quelque apparence étrangère à son espèce, soit que le nombre de ses membres augmente, soit qu'il s'amenuise, tout le corps périrait nécessairement, et serait en tout cas gravement débilité. Il en va de même pour les dogmes de la religion chrétienne : la loi de leur progrès veut qu'ils se consolident au cours des ans, se développent avec le temps et grandissent au long des âges.
Nos ancêtres ont jadis ensemencé le champ de l'Église avec le blé de la foi. Il serait injuste et inconvenant pour nous, leurs descendants, de récolter l'ivraie de l'erreur au lieu du froment de la vérité. Au contraire, il est normal et il convient que la fin ne renie pas l'origine, et qu'au moment où le blé de la doctrine a levé, nous moissonnions l'épi du dogme. Ainsi, lorsque le grain des semailles a poussé avec le temps et se réjouit maintenant de mûrir rien cependant ne change des caractères propres du germe."(1)
L'enjeu, en cette période difficile du synode est de trouver un chemin de progrès. Prions en cela pour le travail de l'Esprit.
(1) Saint Vincent de Lérins, Commonitorium, source AELF