17 octobre 2015

Le silence des chrétiens

Les incroyants, " les communistes  démasquent notre silence, qui dans d'autres milieux restent masqués. Ils nous apprennent que le silence des chrétiens est le plus souvent ou bien ignorance, ou bien lâcheté".
On pourrait se contenter de méditer ces deux phrases qui déjà interpellent nos silences. 
Madeleine poursuit néanmoins sur deux points : "Croire, c'est savoir, Croire c'est parler". (1)

Il y a là une piste de travail intérieure qui interpelle notre relation à Dieu au delà de la simple émotivité vers la question de l'écoute de la Parole comme de l'articulation entre foi et raison.

(1) Madeleine Delbrel , Nous autres gens des rues, op Cit p. 223

Kénose de l'Église - 5

La kénose de l'Église n'est autre que la réponse au "viens et suis moi" du Christ aux apôtres. En s'effacant le serviteur entre dans la contemplation ultime de son maître,  se love dans la kénose trinitaire,  entre dans sa danse.
" Celui qui est envoyé entre dans la vie et la mission de celui qui « s'est dépouillé lui-même en prenant la condition de serviteur » (Ph 2,7). Le missionnaire doit donc être prêt à persévérer pour la vie dans sa vocation, « à renoncer à lui-même » et à « tout ce qu'il a possédé » jusque-là (Lc 14,26.33), et à « se faire tout à tous » (1Co 9,22).     Lorsqu'il annonce l'Évangile parmi les nations, il doit « faire connaître avec assurance le mystère du Christ qui l'a chargé d'être son ambassadeur » (Ep 6,19) ; en lui il doit parler avec toute l'audace nécessaire, sans rougir du scandale de la Croix. En suivant les traces de son Maître, qui est « doux et humble de cœur », il manifestera que le « joug de celui-ci est facile à porter, et son fardeau, léger » (Mt 11,29). En ayant une vie vraiment évangélique, une constance inlassable, de la patience, de la douceur, une charité loyale, il rendra témoignage à son Seigneur ; et cela, si c'est nécessaire, jusqu'à répandre son sang. Il obtiendra de Dieu force et courage pour découvrir que, dans toutes les détresses qui le mettent à l'épreuve, et dans la plus profonde pauvreté, il y a une joie immense." (1)

(1) Vatican II, Gaudium et Spes, 

Kénose de l'Église - 4

Dans la même collection,  on peut méditer ce qu'écrivait Ignace d'Antioche à la veille de son martyre " Laissez-moi devenir la pâture des bêtes : elles m'aideront à atteindre Dieu. Je suis son froment : moulu sous la dent des fauves, je deviendrai le pain pur du Christ. ~Suppliez le Christ pour que ces animaux fassent de moi une victime offerte à Dieu. ~Que me feraient les douceurs de ce monde et les empires de la terre ? II est plus beau de mourir pour le Christ Jésus que de régner jusqu'aux extrémités de l'univers. C'est lui que je cherche, qui est mort pour nous ; c'est lui que je désire, lui qui a ressuscité pour nous. Mon enfantement approche. De grâce, mes frères. Ne m'empêchez pas de vivre, ne complotez pas ma mort. Ne livrez pas au monde ni aux séductions de la terre celui qui veut appartenir à Dieu. Laissez-moi embrasser la lumière toute pure." (1)

(1) Saint Ignace d'Antioche,  Lettre aux Romains,  source AELF

16 octobre 2015

Lettre à l'incroyant - 2

"L'action de l'homme travaille à la raison d'être de l'humanité maîtresse du monde : sa ressemblance avec Dieu . Or aimer tous les hommes de l'humanité c'est ressembler à Dieu, parce que lui, Dieu, les aime." (1) Dans ce "tous les hommes" je  trouve la des correspondances avec ce que le pape François appelle dans Laudato Si, l'écologie intégrale, ce souci de la maison commune.

(1) Madeleine Delbrel ibid. p. 200


Kénose de l'Église - 3

L'humilité chrétienne se nourrit d'une constante : "Ce que l'homme fait de bon vient de Dieu". Tout prends sa source dans l'immense fleuve jaillissant du coeur du Christ.
"Nous devons prendre autant de soin et travailler de notre côté, comme si nous n'attendions rien de la part de Dieu : et néanmoins nous ne devons non plus nous appuyer sur notre soin et travail, que si nous ne faisions rien du tout, mais attendre tout de la seule miséricorde de Dieu." (1)

(1) Saint Jean Eudes, Le Royaume de Jésus, 2ème part., 30. Œuvres complètes (1922), t. 1,  p. 238.

La kénose de l'Église -2

Dans la suite de mon post sur le même sujet,  comment ne pas contempler ce qu'Augustin nous dit dans la cité de Dieu : "Mon bonheur, c'est d'être uni à Dieu. Il en résulte évidemment que toute la cité rachetée elle-même, c'est-à-dire le rassemblement et la société des saints, est offerte à Dieu comme un sacrifice universel par le grand prêtre qui s'est lui-même offert pour nous dans la Passion, afin que nous soyons le corps d'un tel chef, sous sa forme de serviteur. C'est elle, en effet, c'est son humanité qu'il a offerte, car c'est selon celle-ci qu'il est médiateur, qu'il est prêtre, qu'il est sacrifice. 

C'est pourquoi l'Apôtre nous a d'abord exhortés à présenter nos propres corpsen sacrifice saint, vivant, agréable à Dieu, en culte spirituel ; à ne pas nous conformer à ce monde, mais à nous réformer par le renouvellement de notre esprit ; et cela afin de savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. C'est ainsi que nous-mêmes constituons tout le sacrifice. Et alors il ajoute : Au nom de la grâce qui m'a été donnée, je le dis à chacun d'entre vous : n'ayez pas de prétentions au-delà de ce qui est raisonnable, soyez raisonnables pour n'être pas prétentieux, chacun selon la mesure de foi que Dieu lui a donnée en partage. En effet, comme nous avons plusieurs membres en un seul corps, que ces membres n'ont pas tous la même fonction, ainsi à plusieurs, nous sommes un seul corps dans le Christ, étant tous membres les uns des autres, chacun pour sa part. Et nous avons des dons qui diffèrent selon la grâce qui nous est accordée.

Voilà le sacrifice des chrétiens : à plusieurs nous sommes un seul corps dans le Christ. C'est ce que l'Église célèbre dans le sacrement de l'autel, bien commun des fidèles, où il lui est montré que dans cette réalité qu'elle offre, c'est elle-même qui est offerte."

(1) La cité de Dieu,  source AELF

15 octobre 2015

Lettre à l'incroyant

On connaît les difficultés d'une apologie de la foi. Madeleine s'y essaye dans des notes personnelles. Son premier cri et sa première motivation est de réaliser combien le jugement de l'incroyant est faussé pour une raison qui vient en partie de nous. Intéressante démarche kénotique.

"Si vous critiquez le chrétien médiocre que nous sommes, nous n'acceptons pas la contradiction sur des définitions qui n'ont jamais été celles d'un chrétien, des fantaisies ou des caricatures. Le chrétien veut ressembler au Christ. Discutez le Christ : nous acceptons la discussion"‎ (1)

La suite est une approche du mystère, non comme un "touche pas mon Dieu invisible", mais plutôt comme une contemplation. Vient ensuite une synthèse sur la tâche du chrétien : dire ce que Dieu dit et agir. On est souvent très fort sur la première partie et plus balbutiant sur la deuxième. C'est pourtant là que se joue la conversion du coeur.

(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit p. 195ss


Écrit sur le sable

Il a écrit sur le sable nous rapporte Jean au chapitre 8. Qu'est-ce à dire ?
 La loi divine dépasse toutes les lois humaines. Elle est gravée au fond de notre coeur en lettres de feu. Elle va jusqu'au jointures de l'âme (cf. Héb 3). Elle équivaut à le voir "à genoux devant nous" nous dire : relève toi et ne péche plus. 

Appel à notre humanité,  injonction an-archique (avant tout commandement,  comme le souligne Emmanuel Lévinas), appel à notre responsabilité...

Quand on n'y parvient pas, un seul remède,  la lente méditation du psaume 118.

14 octobre 2015

Obligations d'Église

Une petite pointe méritée sur nos pharisaïsme qui se passe presque de commentaires : "Les obligations morales ou d'Église (...) ‎constituent le règlement de ce que nous appelons nos devoirs religieux. Ça sent la discipline et la crainte des pénalités. Ça sent surtout les chrétiens qui n'ont pas eu leur ration de vérité ou dans des conditions qui l'ont rendue inadmissible" (1)

Ce qui interpelle est peut être ce que soulignera plus tard Jean-Paul II dans Veritatis Splendor : toute conscience doit être éclairée.

(1) Madeleine Delbrel , Nous autres gens des rues, op Cit p. 193

La kénose de l’Église

A partir de 2 Cor 6, 4sq. Paul n'apporte pas d'autre démonstration de sa foi que dans l'énumération de ses faiblesses. Quel est l'enjeu ? La force de l'Église est-elle dans sa puissance triomphante ? N'est elle pas au contraire ‎dans sa kénose, dans sa capacité à faire rayonner le Christ dans et à travers son humilité. Dans "Serviteur de l'homme, kénose et diaconie", j'exprime cela sur l'angle individuel, en soulignant l'importance du enmimetai chez Paul (imitez-moi comme j'imite le Christ, Ph. 3, 17). Mais ce qui peut se dire à l'échelle particulière n'est-il pas valable pour toute l'Église. Ses ors et sa puissance ne seront jamais lieu d'évangélisation. La force du Christ est sa faiblesse sur la Croix. La force de l'Église ne peut être ailleurs que dans la qualité de sa diaconie. En oubliant cela on fait le jeu de la bête...


La caresse de l'ange - Roman


Vient de paraître : La caresse de l'ange.
Extrait :  "Pourquoi faut-il que les romans se finissent bien, que les histoires se terminent toujours par l'amour ? 

Depuis que je me suis installée dans mon petit appartement, loin du cocon familial, je vis seule. Non pas seule au monde, sur une île déserte, dans un désert perdu ou dans la jungle, Non !Seule au milieu d'une ville qui compte douze millions d'habitants, seule parce que dehors, je croise d'autres solitudes et que rien ne m'invite n les rompre. Seule, parce que celui qui aurait pu emplir ma vie ne s'est pas présenté à ma porte, n'a pas fait le siège de mon coeur, n'a pas tenté l'histoire. Seule parce que ma vie était ailleurs. Seule parce que rien, ni personne, ne peut communier à ce que je vis. Bien sûr, il m'arrive de rêver que le monde serait autre, que celui qui m'écoutera, un jour, me comprendra, que l'homme en quête d'amour reconnaîtra en moi celle qu'il n'espère plus. Mais aujourd'hui, il me semble que tout cela n'est qu'un rêve. Que si je m'y accroche, je risque de perdre, ce qui en moi, me fait encore vivre"

Ce nouveau roman est à lire dans la foulée de mes travaux sur la souffrance. L'histoire croisée de deux femmes confrontées à l'insupportable réalité et qui trouve, à leurs manières, un chemin d'espérance.

Il fait suite à la série suivante :

13 octobre 2015

Penser l'entreprise - Baudoin Roger / Olivier Favereau


Projet de recension pour une revue amie (à discuter...)
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À partir d'un travail de 6 années aux Bernardins, un groupe de travail publie un compte-rendu de ses recherches sur une nouvelle appréhension de l'entreprise qui essaye de se libérer du carcan de la financiarisation. Cet essai, qui mériterait d'être plus rédigé pour être plus accessible, à néanmoins l'avantage d'interroger les fondements d'un vivre ensemble dans l'entreprise, où la valeur travail, la création collective, la gestion des relations reprennent leurs droits face aux demandes exacerbées d'un rendement à court terme et au pouvoir exagéré des seuls actionnaires. Le questionnement, progressif et exhaustif, permet d'envisager la création d'un autre univers, d'une entreprise à « objet social étendu » qui redonne place au travail, mais aussi à la responsabilité sociale au sens large de l'entreprise, loin des seules exigences instantanées du marché. Ce travail entre dans une réflexion plus large, celle du vivre ensemble, de la construction d'un monde plus respectueux et responsable. La conclusion se situe entre le rêve et l'utopie : croire que l'on peut échapper aux seules règles financières et laisser place à l'humain.

Penser l'entreprise, Nouvel horizon du politique, par Olivier Favereau et Baudoin Roger, Paris, Editions Parole et Silence, 2015, 10 €.

12 octobre 2015

Cyberthéologie, Penser le christianisme à l'heure d'internet


Quels sont les enjeux du net à l'aune de nos efforts en pastorale ? Comment intégrer ce formidable mouvement collectif, lui donner sens, en percevoir les limites et les atouts ?
Le jésuite Antonio Spadaro, célèbre en France depuis son entretien du pape François paru dans Études, est docteur en philosophie et en théologie, directeur de la revue Civiltà Cattolica.
L'intérêt de son livre « Cyberthéologie, Penser le christianisme à l'heure d'internet » publié en Français chez Lessius, est d'explorer les enjeux théologiques de la "toile", à la fois dans ses moyens et sa finalité.
Pour cela, l'approche retenue est en particulier celle de la sémantique et de l'herméneutique. En décryptant le nouveau sens des mots sur le Web, l'auteur nous invite à comprendre les glissements qui se sont opérés, à la faveur conjointe des idéologies qu'il véhicule - y compris une analyse fine des apports et des faiblesses des « creatives commons » et de l'esprit "hacker".
On y trouve aussi une réflexion pertinente sur les dangers d'internet, ses addictions. Il y décrypte ses modes, les risques du virtuel qui peut passer à côté des relations vraies et faire d'un idéal de connexion une "fausse" impression de communion. Spadaro nous permet néanmoins de discerner ce en quoi le net peut devenir « un lieu de connexion significative des personnes, capable de fournir la base pour construire des rapports de communion dans une société fragmentée ».
Mais ce livre nous ouvre surtout à une vision théologique du net, qui rejoint d'après lui le génie teilhardien et sa Noosphère. Car l'intelligence collective qui s'y déploie peut être aussi une manière d'entrer « en tension », de « soulever l'humanité » vers le mieux, sans pour autant détruire ce qui reste « unique et intransmissible » en chacun. Si l'on passe ainsi l'écueil «collectiviste » qui gomme l'individu et son unicité, le net peut être un chemin vers l'Oméga, et devenir un « réseau eucharistique » ou le Logos qui s'y révèle est force de convergence, d'attraction pour nous reconduire à Dieu.

11 octobre 2015

Un autre regard sur le handicap - La caresse de l'ange

Mon dernier roman est aussi un moyen d'aborder la question du handicap. Quel regard l'autre porte sur l'handicapé. Comment ce regard peut changer. Ce week-end, j'entendais un témoignage d'handicapé en retour de pélérinage. Il disait :"ici au moins, on ne souffre pas du regard des autres..."
La caresse de l'ange est une petite tentative d'humanisation...
A découvrir...

10 octobre 2015

Dans la peau d'un incroyant

Kénose : se vider de soi-même pour épouser la souffrance de l'autre. Ce terme, dont l'origine remonte à Philippiens 2, 7 est surtout utilisé pour décrire l'incarnation du Christ. Dans Retire tes sandales (1), je souligne combien il peut décrire l'économie trinitaire. Mais ce mouvement de Dieu qui se met à genoux devant l'homme peut être aussi celui de l'homme devant autrui. 
Là encore, Madeleine Delbrel nous invite à une kénose, celle du croyant devant l'incroyant . Elle nous fait découvrir ce que nous ne pouvons connaître : l'angoisse infinie devant la mort de ceux qui ne croient pas que Dieu est là, la solitude infinie et inhumaine de ceux qui ne connaissent pas l'amour de Dieu. "Si nous réalisons chez l'incroyant cet état de malheur‎, oserions-nous déduire ce qu'il dit, ce qu'il fait, de ce qu'il cherche ? (...) ou bien le Dieu de l'évangile ne nous brûlerait-il pas insupportablement tant que nous n'aurons pas crié le nom [de Dieu] à voix haute parmi ces hommes désespérés sans le savoir. S'ils se retournent en nous entendant appeler Dieu, ce serait pour eux le début de la Seule Bonne Nouvelle" (2)

(1) Texte repris dans "L'amphore et le fleuve"
(2) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit p. 190