05 novembre 2015

Les compatissants - 2

Pour répondre à la question laissée sans réponse dans le post précédent il me faut entendre ce qu'elle dit à peine plus loin :
"Donne moi la charité 
pour que je baise l'empreinte de tes doigts indélébiles sur les âmes,
sur la ‎mienne comme sur la leur."

(1) ibid. p. 73

04 novembre 2015

Les compatissants

Intéressant chemin que celui de Madeleine Delbrêl en 1927 qui la conduit de l'écriture à la charité. Pour moi qui hésite encore entre les deux (peut/doit-on choisir ? )‎ je note cette strophe dédiée aux artistes qui résume bien mes essais de romans : "Dieu vous a choisis pour moissonner le blé des larmes". (1)

Loin de moi l'idée d'affirmer que j'ai été choisi par Dieu,  mais c'est pourtant bien dans cet axe que j'ai écrit "Le chant du large", "La caresse de l'ange" ou "Le collier de Blanche". Non pour me complaire dans un dolorisme morbide, mais pour souligner, à chaque fois, les germes d'espérance qui jaillissent de ces situations tragiques et révèlent les pas de Dieu à côté de l'homme.


02 novembre 2015

Chemin de désert - Suite


‎Dans son poème sur le désert qui marque sa conversion en 1924, on notera ces strophes qui entrent en résonance avec ce que j'écrivais dans chemin de désert. Le style de Madeleine lui donne une dimension plus métaphorique :
"Mais le désert a dit : "‎Je suis un océan
Qui possède la vie en ses vagues de flammes,
Une enclume embrasée où se forgent les âmes,
Je suis le livre ouvert sur le bord du néant" (1)

On a envie d'ajouter que ‎les flammes de la lumière divine qui viennent lécher nos coeurs, comme des vagues inlassables, forgent en nous ce désir si souvent ignoré et pourtant essentiel, celui du Verbe, dont le livre ouvert(2) ne cesse de creuser en nous ‎l'éternel appel.

Dans leurs lectures, Pitaud et François s'attardent quand à eux sur la proximité entre le livre et le néant et considèrent, probablement avec raison, que cette phrase résume la vocation de Madeleine : "le livre sera toujours lu sur le bord du néant (...) plongée en milieu marxiste" (3)

(1) Madeleine Delbrêl, La route, Paris, édition Alphonse Lemerre, 1927, p. 125-126
(2) est-ce celui dont parle Apocalypse 5 ?
‎(3) op. Cit p. 59

01 novembre 2015

Chemins d'humilité

Après nous autres gens des rues, nous poursuivons notre approche de Madeleine Delbrêl avec sa biographie par Gilbert François et Bernard Pitaud (1). Un poème de Madeleine y résonne avec ce que nous écrivions sur les chemins d'humilité, mais aussi avec cet agenouillement d'Etty Hillesum. Il retrace le cheminement intérieure de la jeune athée, touchée par un appel à 5 minutes de silence de Sainte Thérèse d'Avila.
"J'ai ployé mes genoux et j'ai tendu mes mains et j'ai l'humilité des pauvres qui demandent. Je me suis prosternée car je ne suis pas digne que tu passes ma porte et que tu t' y reposes" (2)

(1) in Gilbert François et Bernard Pitaud, Madeleine Delbrêl, Poète, assistante sociale et mystique, Nouvelle cité, 2014
(2) 2 février 1924, p. 48

La source

Jérémie 31:33 BCC1923

Car voici l'alliance que je ferai avec la maison d'Israël, après ces jours-là, - oracle de Yahweh: Je mettrai ma loi au dedans d'eux, et je l'écrirai sur leur cœur, et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple.

31 octobre 2015

Un coeur à coeur - humilité et douceur

Il nous faut abandonner toute tentation d'être des sachants. "L'Évangile n'est vraiment annoncé que si l'évangélisation reproduit entre le chrétien et les autres le coeur à coeur du chrétien avec le Christ de l'Évangile. Mais rien au monde ne nous donnera l'accès au coeur de notre prochain sinon le fait d'avoir donné au Christ l'accès au nôtre". Pour Madeleine, ce que nous apprend le Christ, c'est "l'humilité et la douceur", condition nécessaire pour avoir un coeur véritablement fraternel.
A contempler sans modération...

Madeleine Delbrel, ‎ibid. P. 271


30 octobre 2015

Théorie et pratique

"Nous ne pouvons annoncer que la foi dans toute la vérité de son réalisme ‎et, en l'annonçant, nous sommes bien obligés de nous reconvertir nous mêmes." (1) Par ces mots Madeleine adresse le coeur même du problème, ce que Jésus lui même ne cessait de marteler aux Pharisiens : la cohérence entre théorie et pratique, la foi et les actes. Rien ne sert de dire la bonté si elle ne transpire de nos actes, si tendresse et miséricorde, 77 x 7 fois répétée ne prime sur tous les discours. Le langage de l'Église et sa morale, sont creux, s'ils ne transpirent de la course infinie de Dieu aux pieds de l'homme (2).

N'est ce pas aussi ce qu'affirme le pape François quand il parle d'un Dieu qui ‎sort et cherche l'homme (3) comme ce Père du fils prodigue de Luc 15

(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, ibid p. 264
(2) C. Hériard, Á genoux devant l'homme 
(3) Pape François, Homélie du 20 octobre 2015, source Zénith


29 octobre 2015

Qui est mon prochain ? - 2

Le déplacement qui s'opère à la lecture de Madeleine vient du fait que les vertus communistes du désintéressement, du don de soi, stimulées par la propagande interne du parti mettent en évidence que nous ne détenons pas le monopole de la charité. Je parlais plus haut d'Ahmed‎ pour souligner que l'accueil du prochain n'est pas non plus un monopole du christianisme. Lévinas, dans Difficile Liberté, soulignait avec humour que le royaume de Dieu viendrait sur place quand les chrétiens accepteraient de partager la lumière (je cite de mémoire).
A sa manière, Madeleine précise que le communisme la met dans l'obligation "de réaliser ce que c'est que de faire corps avec l'Église, de ‎substituer vis-à-vis d'elle une obéissance vitale à une discipline passive; d'apprendre que sa matière vivante, sa chair est l'amour mutuel entre chrétiens." (1)

Kénose intra-écclesiale‎ que ce cheminement qui nous conduit à percevoir l'importance d'être actifs (2) et les dégâts d'une passivité laïque entretenue par un clergé trop longtemps attaché à son pouvoir/savoir. 

Congar, dans sa "théologie du Laïcat" a fait sur ce point des avancées qu'il faudrait méditer à nouveau.

(1) Madeleine Delbrêl, Nous autres gens des rues, op Cit p. 262

21 octobre 2015

Qui est mon prochain...

Le visage d'autrui m'appelle disait Emmanuel Levinas‎. A sa manière, Madeleine précise que tous les hommes, "communistes autant que les autres" sont nos proches. "Sans problèmes et sans complications je leur dois, parce que je suis chrétien et parce qu'ils sont des hommes, l'amour du prochain tel que le Christ nous l'a appris et montré, l'amour dont Dieu a voulu que la charité pour lui sont inséparables." (1)
Je rajouterai que notre chemin est, à la suite du Christ, de se mettre à genoux devant l'homme, qu'il soit Pierre ou Judas, Jean ou Thomas, Charles ou Ahmed... même si cela nous coûte.

(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit p. 260.

20 octobre 2015

Porté par l'espérance

A la lumière du chemin que trace pour nous les chrétiens d'Orient, nous pouvons entendre à nouveau les propos de Madeleine Delbrel : "ce qui donne un sens au combat de l'Église, ce qui trace le sens de son histoire, c'est l'espérance. Pour marcher, pour se propager, pour libérer, l'Église lutte [j'ajouterai avec les armes fragiles de l'amour], les yeux et le coeur rivé sur les promesses de Dieu. (...) L'espérance chrétienne nous assigne pour place cette étroite ligne de crête, cette frontière où notre vocation exige que nous choisissions, chaque mois et à chaque heure, d'être fidèles à la fidélité de Dieu pour nous. Sur la terre ce choix peut être déchirant. Mais l'espérance nous interdit d'en faire un dolorisme. C'est comme la souffrance d'une femme qui met un enfant au monde. Chaque fois que nous sommes ainsi déchirés, nous devenons comme des brèches ouvertes dans la résistance du monde. Nous livrons passage à la vie de Dieu." (1)

C'est poursuit Madeleine un moyen d'entrer dans la vie intime de l'Eglise.

Bien sûr, les détracteurs parleront d'opium du peuple. Mais notre expérience de la paix trouvée en Dieu et le regard de nos frères nous révèle ex post que cette espérance n'est pas vaine.

‎(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit p. 249
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19 octobre 2015

Kénose pratique

Éternel conflit entre l'idéal et la réalité. Dans un long diatribe sur les tentations du chrétien face à l'incroyance, je note ce petit passage qui résume tout. Quand on lui demande "ça sert à quoi la foi", le chrétien aimerait "donner une réponse éclatante, obéir avec brio aux impératifs de la charité fraternelle : nourrir, habiller, loger, etc, mais il risque de perdre de vue l'oeuvre de rédemption qui se fait avec ces actes de charité fraternelle, mais aussi avec l'effacement, mais aussi avec la prière, mais aussi avec le mystère des épreuves que Dieu invente." Bref, ce qui se joue n'est pas toujours dans les actes, mais au delà, dans l'action invisible de Dieu en l'homme. Elle poursuit d'ailleurs plus loin en précisant que le chrétien "ne réalise pas que l'évangélisation demande une proximité, une présence, un a priori de véracité" (1)‎.

C'est là peut être que se comprend la kénose de l'Église. Cette dernière ne sert qu'à être petit instrument, serviteur de l'immense oeuvre de Dieu. Un travail qu'elle ne peut contenir à elle seule.

(1) Madeleine Delbrel , Nous autres gens des rues, op Cit p. 259-260

L'Église, lampadaire du Christ

Je découvre la finesse de cette analogie chez saint Maxime : " Ta Parole est une lampe pour mes pas, une lumière sur mon chemin. Notre Sauveur et notre Dieu est celui qui dissipe les ténèbres de l'ignorance et du mal : voilà pourquoi il est appelé lampe dans l'Écriture. Lui seul, en détruisant l'obscurité de l'ignorance et les ténèbres du mal, à la manière d'une lampe, est devenu pour tous le chemin du salut. Par la vertu et la connaissance, il mène vers le Père ceux qui veulent marcher grâce à lui sur le chemin de la justice, en observant les commandements divins. 
Quant au lampadaire, c'est la sainte Église. C'est sur sa prédication que repose la Parole lumineuse de Dieu, qui éclaire tous ceux qui sont dans le monde comme dans une maison, par les rayons de la vérité, en remplissant tous les esprits de la parfaite connaissance de Dieu." (1)

( 1) Saint Maxime le Confesseur,  Questions à Thalassius,  source AELF


18 octobre 2015

Kénose de l'Église - 6

"L'imitez-moi" de Paul en Philippiens 3, 17 a été repris par les Pères de l'Église jusque dans ce texte de saint Thomas d'Aquin que le bréviaire nous donne à contempler en écho de la question des fils de Zébébédée en Marc 10. Pour le docteur Angélique,  "la Passion du Christ nous fournit un modèle valable pour toute notre vie... Si tu cherches un exemple de charité : « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13)... Si tu cherches la patience, c'est sur la croix qu'on la trouve au maximum... Le Christ a souffert de grands maux sur la croix, et avec patience, puisque « couvert d'insultes il ne menaçait pas » (1P 2,23), « comme une brebis conduite à l'abattoir, il n'ouvrait pas la bouche » (Is 53,7)... « Courons donc avec constance l'épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l'origine et au terme de notre foi. Renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré, sans avoir de honte, l'humiliation de la croix » (He 12,1-2).       Si tu cherches un exemple d'humilité, regarde le crucifié. (...) Si tu cherches un exemple d'obéissance, tu n'as qu'à suivre celui qui s'est fait obéissant au Père « jusqu'à la mort » (Ph 2,8). (...) Si tu cherches un exemple de mépris pour les biens terrestres, tu n'as qu'à suivre celui qui est le « Roi des rois et Seigneur des seigneurs », « en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance » (1Tm 6,15 ; Col 2,3) ; sur la croix il est nu, tourné en dérision, couvert de crachats, frappé, couronné d'épines, et enfin, abreuvé de fiel et de vinaigre. (1)

(1) Saint Thomas d'Aquin,   Conférence sur le Credo, 6, traduction Bréviaire 



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Chemin de prière


Il connaît d'avance notre désir,  alors pourquoi prier sans cesse. Saint Augustin,  dans sa lettre à Proba sur la prière apporte une réponse qui mérite d'être méditée "Le Seigneur ne veut pas être informé de notre désir, qu'il ne peut ignorer. Mais il veut que notre désir s'excite par la prière, afin que nous soyons capables d'accueillir ce qu'il s'apprête à nous donner." La prière est une école d'humilité.  Non pas notre désir,  mais Sa volonté (cf. Luc 22, 42).  Comme le suggère le livre des Proverbes (12:15) "La voie de l'insensé est droite à ses yeux, Mais celui qui écoute les conseils est sage." Nous pensons maîtriser notre destin, mais seul le Seigneur connaît la voie.  Après une nuit sans rien prendre,  c'est lui qui nous dit, "jette-là tes filets" (Jean 21, 6)

Idéalisme et pratique

Sommes nous des idéalistes à professer une vie éternelle et un Christ ressuscité ? Oui si ce n'est qu'un rêve mystique‎, une foi éthérée, un voeu pieux.
Il y a une différence nous dit Madeleine entre affirmer la résurrection dans le credo et l'affirmer dans un dialogue avec un incroyant. Pourtant la rendre visible dans nos vies, montrer qu'elle est au coeur de notre foi, pas seulement dans les mots, mais dans l'espérance reçue de Dieu et portée dans nos actes est l'enjeu et la tâche qui nous incombe.

"La bonté de Jésus-Christ vécue, ou qu'on tente de vivre dans toutes ses dimensions, sans exception, sans limites, pour chaque homme, est un miracle par elle même car elle est comme le signe sensible de la charité de Dieu".

(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit p. 231