08 juillet 2016

Création dynamique

Dans sa très riche analyse de Paul, Ronald D. Whiterup souligne qu'un des traits de sa théologie est celle d'un Dieu créateur qui "continue de créer" l'univers. Il cite pour cela le verset 6 de 1 Cor 8 :"Toutefois, nous n'avons qu'un seul Dieu, qui est le Père, duquel procèdent toutes choses, et nous sommes pour lui; et un seul Seigneur Jésus-Christ, par lequel sont toutes choses, et nous sommes par lui.‎"

Dans "Où es-tu mon Dieu, souffrance et création", j'aborde ‎ce sujet du Dieu omni-créateur en introduisant une limite celle de notre liberté. Tension ? Oui si l'on considère notre liberté comme toute puissance, non si l'on accepte de penser que nos erreurs font partie d'un plan de Dieu qui nous dépasse. (1) Ronald D. Whiterup, 101 questions et réponses sur Paul de Tarse, Bruxelles, Lumen Vitae 2010, p. 101 (question 57).


07 juillet 2016

Face à la barbarie - Saint Jean-Paul Il

En ces périodes de trouble, j'apprécie tout particulièrement ce texte que nous rappelle l'AELF dans sa méditation du jour, Jean Paul II y évoque les événements du 11 septembre et conclut :"quel est le chemin qui conduit au plein rétablissement de l'ordre moral et social qui est violé de manière aussi barbare ? La conviction à laquelle je suis parvenu en réfléchissant et en me référant à la révélation biblique est qu'on ne rétablit pleinement l'ordre brisé qu'en harmonisant entre eux la justice et le pardon. Les piliers de la véritable paix sont la justice et cette forme particulière de l'amour qu'est le pardon." (1)

A méditer à la lumière de la Croix et de cette phrase issue du Cantique des Cantiques : "Fort comme la mort est l'amour" que nous aimons transformer en cette année de la miséricorde en disant, à la suite de nos pères "L'amour est plus fort que la mort"

(1) Saint Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale de la Paix 2002, §1-2 (trad. © Libreria Editrice Vaticana)

06 juillet 2016

Le choix de Judas

" Il a voulu l'abandon, il a voulu la trahison, il a voulu être livré par son apôtre, pour que toi, si un compagnon t'abandonne, si un compagnon te trahit, tu prennes avec calme cette erreur de jugement et la dilapidation de ta bonté" (1)

À contempler

(1) Saint Ambroise, Commentaire sur l'évangile de Luc, V, 44-45 (trad. cf SC 45, p. 199)

05 juillet 2016

Pape François - Une pensée ouverte

Dans son deuxième  commentaire de l'interview qu'il a eu avec notre pape, Antonio Spadaro souligne un point qui mérite d'être commenté tant il rejoint nos travaux sur la dynamique :"le pape François donne du jésuite (et donc de lui même)" une définition qui donne à penser :"une personne incomplète à la pensée ouverte" et encore "Le jésuite pense continuellement, en regardant l'horizon et en mettant le Christ au centre" (...) Pour lui c'est en marchant qu'on ouvre le chemin (1).

Revenons sur la première définition. L'incomplétude est signe d'humilité. S'il est incomplet c'est bien parce qu'il reste en mouvement, ouvert sur le monde et surtout sur ce que Dieu veut. L'enjeu est d'articuler "recherche, créativité générosité" et "humilité, sacrifice courage" (2), allant jusqu'à la "kénose", à "sortir de notre amour de notre volonté et de notre intérêt" (3)

Nous rejoignons là nos travaux sur "kénose et miséricorde".

(1) Le pape François, L'Église que j'espère, Flammarion/Etudes, 2013 p. 56
(2) p. 57
(3) p. 59

04 juillet 2016

Vide et plénitude - Saint Thomas d'Aquin

La quête de l'Aquinate, toute centrée sur la compréhension de "l'esse" est aussi un lieu d'humilité. Selon Balthasar, la plénitude et le vide qui frappait Nicolas de Cuse et Thomas "fait déclarer qu'au fond de toute précision se trouve l'imprécision (...) [et conduit] l'homme à osciller entre grandeur et misère. Cette zone intermédiaire exige comme fondement constant d'une métaphysique une humilité active de chaque instant, qui, sans renoncer à la vérité, ne revendique jamais une vérité définitive et quasi divine" (1), mais s'approche du réel, "le pénètre et cependant le dépasse"(2).‎
N'est-ce pas toute notre quête face à un Dieu qui se voile et se dévoile pour nous attirer sans contrainte ‎dans ses filets et nous conduire à contempler son plan pour l'homme sans en tirer gloire.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC7, op Cit p. 78
(2) ibid.


Le désir de Dieu - Mechtilde de Magdebourg

Contempler "Dieu, brûlant de désir" qui sort de lui et va dans "ce qui est étranger à Dieu", éveille par là le désir de l'âme, la submerge de son flot et l'oblige à se répandre avec lui, dans l'excès de sa plénitude, sur tout ce qui est étranger, nous pécheurs, "l'imperfection des clercs", "la misère des pauvres âmes" dans la plus totale liquéfaction (2), tel est pour moi l'enjeu d'une vision de la kénose trinitaire.
Malgré ses élans poétiques et mystique il y a chez Mechtilde comme chez François d'Assise une approche superbe de la diffusion de la bonté et de la grâce divine qui rejoint ce que je tente maladroitement de décrire dans l'amphore et le fleuve, puis dans Kénose, humilité et miséricorde

(1) Mechtilde de Magdebourg, La lumière de la divinité qui se répand, cité par Hans Urs von Balthasar, in GC7, op Cit p. 64
(2) Balthasar ibid.

03 juillet 2016

Humilité et beauté

Dans la mouvance de ma trilogie sur Humilité et miséricorde, je ne peux que relever cette belle prière de louange de François d'Assise :"Tu sei amore et charità, Tu sei sapienta, Tu sei humilità, Tu sei patienta, Tu sei belleza... Tu sei bonté infinita" (1)

Là où Balthasar ajoute un commentaire c'est de montrer que l'axe de François dépasse la distinction entre datio et donatio d'Erigène‎ ou entre création et décoration de l'école de Chartres pour ouvrir à une autre dimension soulignée par Thomas d'Aquin et propre à François celle qui met en "harmonie [douloureuse] humilité, pauvreté et beauté" (2)

(1) François d'Assise, Bénédiction et louange pour frère Léon in Franz von Assise, Legende und Laude, O. Karrer, 1945, 3eme édition, p. 552 cité par Hans Urs von Balthasar, GC7, op. Cit p. 57.
(2) GC7 p. 58.

02 juillet 2016

Le summum de la bonté

Dans les résumés saisissants de Balthasar qui nous portent de l'école de Saint-Victor à l'école de Chartres, puis à la métaphysique de Thomas d'Aquin ressort à la fois la recherche de l'être dans une dynamique trinitaire et le bon et le beau comme sommet de l'esse divin. Quel est l'enjeu de son discours sinon de nous conduire, au delà d'un lien trop étroit entre Trinité et création vers la contemplation de la Bonté comme centre et finalement du Christ comme seule forme, figure et sommet de la révélation.
On comprend cela quand il cite E. Gilson qui affirme que "l'exemplarisme est le coeur de la métaphysique" (1).
Une question se pose. S'est-on éloigné de l'imitation paulinienne ? Tout ce détour par les Transcendentaux est-il nécessaire ?
Ne cédons nous pas là au rêve, à la tentation mystique ? Oui et non, tant la contemplation du beau peut être porte du ciel. Et pourtant la gloire du Christ n'est pas dans sa beauté platonique, elle réside dans sa pauvreté et sa kénose et la beauté du Christ en Croix est d'un autre ordre que les canons de l'esthétique.

(1) Etienne Gilson, La philosophie de saint Bonaventure, 12eme édition (1943), p. 120, cité en GC7 p. 54

01 juillet 2016

Se laisser envahir

Il nous faut contempler " l'envahissement de l'amour incompréhensible de Dieu qui nous crée et nous fait don du monde" (1) nous dit Hugues de Saint-Victor. Pourquoi parle-t-il d'incompréhension ? Est-ce pour souligner notre indignité foncière face à l'abondance de l'amour du Père. Je pencherai ‎plutôt, à la suite de Bonaventure, pour cette image de l'homme debout dans le fleuve et tenant une pauvre amphore, telle qu'évoquée également par Balthasar en GC2 (2).

(1) Arrha an., II, 959 sq. Cité par Hans Urs von Balthasar in GC7, op Cit  p. 41.
(2) titre repris pour mon livre : l'Amphore et le fleuve.

30 juin 2016

La figure de David 2

Étonnante, cette histoire de 1 Sam 6 que la liturgie des heures nous propose.  On y voit David danser devant son Dieu et s'exposer ainsi, dans la nudité et l'humilité. Cela évoque la nudité d'Adam qui n'a pas honte (Gn 2, 25), mais aussi l'humilité de ceux qui enlèvent leurs vêtements de fête (Ex 33).
Visiblement cela ne plaît pas à son épouse,  Michol, la fille de Saul.
A contempler

Il faut peut être aussi entendre la question d'Isaïe :"
 Quelle est donc la maison que vous bâtiriez pour moi ? Quel serait l’emplacement de mon lieu de repos ? De plus, tous ces êtres, c’est ma main qui les a faits et ils sont à moi, tous ces êtres – oracle du Seigneur –, c’est vers celui-ci que je regarde : vers l’humilié, celui qui a l’esprit abattu, et qui tremble à ma parole." (Isaïe 66, 1-2)

Puis entendre celle de Zacharie : "Et toi, petit enfant, tu seras appeléprophète du Très-Haut : *tu marcheras devant, à la face du Seigneur,et tu prépareras ses chemins" (Lc 1, 76)

Le plan de Dieu

Contempler l'hymne de l'univers,  c'est voir ce qui de révèle au delà du chaos, percevoir la trace fragile du plan de Dieu et l'oeuvre des deux mains de Dieu qui faconnent le monde sans violence : "En vérité (...) le Créateur de toutes choses, l'Invisible, Dieu lui-même a établi chez les hommes la vérité en envoyant du haut des cieux sa Parole, le Verbe saint et insondable, et l'a affermi dans leurs cœurs.   (...) « le bâtisseur et l'architecte » de l'univers (He 11,10). (...) C'est de lui que toutes choses ont reçu disposition, limites et hiérarchies : les cieux et tout ce qui est dans les cieux ; (...) non pas, comme une intelligence humaine pourrait le penser, pour la tyrannie, la terreur et l'épouvante –- Mais en toute bonté et douceur, il l'a envoyé comme un roi envoie son fils (cf Mt 21,37), comme le dieu qu'il était. Il l'a envoyé comme il convenait pour les hommes : pour les sauver par la persuasion, non par la violence. Il n'y a pas de violence en Dieu." (1)

(1) La Lettre à Diognète, §7 ; PG 2, 1174-1175 ; SC 33 bis (trad. SC p. 67 rev.)

29 juin 2016

En marche

Tout est marche. "Cela s'applique à l'individu comme à l'humanité dans son ensemble. Parce que l'individu devra sans cesse partir du même point et accomplir la même ascension (qui s'écarte du monde et de la sensibilité pour tendre vers Dieu et à l'esprit), le cheminement de l'humanité ne peut lui aussi être un progrès que dans la mesure où se présente en lui exemplairement l'acte de quitter et de tendre comme le pas unique qui va de l'Ancienne Alliance à la Nouvelle (1)". L'enjeu n'est il pas de reprendre les termes mêmes de Paul.  "Oubliant le  chemin parcouru, je vais droit de l'avant, tendu de tout mon être (Ph. 3, 13).
Notre vie se résume à cette dynamique, commencée depuis Abraham et se poursuivant en chaque homme. "Ils quitteront père et ‎mère pour ne faire qu'une seule chair" avec Dieu...
Tel est l'enjeu de notre vie. Telle est notre vocation. On peut s'arrêter en chemin, mais le terme du voyage est là. C'est l'enjeu de l'homme comme celui de l'Église. Et le sacrement source n'est autre que le chemin et la vie.

Le chemin parcouru décide, lui‎ seul est, dans son caractère mobile, l'image de l'unité divine dans l'histoire du salut. Dans la figure, seule est intéressante la vérité, dans l'obscurité de l'ancien, seul le dévoilement du nouveau. (2) "c'est le changement lui-même qui démontre plus profondément l'unité des Testaments (3)".

Nous retrouvons là ce que nous cherchons à décrire dans la dynamique sacramentelle ce chemin qui est notre appel. Ne pas se contenter du présent, rester en tension. Il ne peut y avoir ‎de port, de certitudes acquises. La course infinie dont parle Grégoire de Nysse est ce qui garantit que notre passé est balayure et notre avenir, un Dieu qui nous attend.

(1) GC2 p. 93 citant Augustin, De vera religione (VR), 19‎.
(2) GC2, ibid.
(3) VR 39‎.

28 juin 2016

Harmonie compacte - Jean Scot Erigène

Contempler le Christ comme le point culminant de la révélation, avoir ainsi une "vision finale du Christ total(1) dans l'harmonia contacta(2), "multiplicité ramenée à l'unité", c'est voir la gloire dans/comme une "flamme ultime" qui emplira le monde entier, "dans la clarté de sa manifestation en tous"(3).

Face au chaos du monde, n'est ce pas percevoir que toutes ses imperfections prennent sens dans le dévoilement final, dont le déchirement partiel décrit en Marc 15, 38 nous a ouvert la voie ? 

Il est lumière donné par le Père au monde, "bruit d'un fin silence" (1 R 19), chant ultime, symphonie réconciliée, grâce qui assemble et unit tous nos chemins.

(1) DN V , 994 B
(2) ibid 987 B
(3) ibid 997 A, D 998 A cité par Balthasar in GC7 p. 31.



L'homme vivant -2 Irénée de Lyon

Nous l'avons évoqué la semaine dernière... voici l'intégrale de la fameuse citation qui entre bien dans notre quête actuelle sur le caché/dévoilé et peut être contemplée dans sa démonstration :

"Depuis le commencement, le Fils est l'exégète du Père, puisqu'il est depuis le commencement auprès du Père : au temps voulu, il a montré aux hommes pour leur profit les visions prophétiques, la variété des charismes, ses ministères et la glorification du Père, de façon cohérente et claire : Qui dit cohésion dit harmonie, qui dit harmonie dit temps voulu, et qui dit temps voulu dit profit. C'est pourquoi le Verbe s'est fait le dispensateur de la gloire du Père au profit des hommes pour qui il accomplit de telles économies : ainsi il montre Dieu aux hommes, et présente l'homme à Dieu, tout en préservant l'invisibilité du Père, de peur que l'homme n'en vienne à mépriser Dieu, mais, en même temps, pour qu'il ait toujours des progrès en vue, il rend Dieu visible aux hommes en le montrant par de nombreuses économies, de peur que, totalement privé de Dieu, l'homme cesse d'être. Car la gloire de Dieu, c'est l'homme vivant, et la vie de l'homme, c'est la vue de Dieu, Si la révélation de Dieu par la création donne la vie à tout être vivant sur la terre, combien plus la manifestation du Père par le Verbe donne-t-elle la vie à ceux qui voient Dieu !" (1)

(1) Irénée de Lyon,  Contre les hérésies,  2, 19, source AELF

Souffrance et Croix

Il y a des pépites du Concile que l'on n'a pas fini de contempler :
"Pour vous tous, frères éprouvés, visités par la souffrance aux mille visages, le Concile a un message tout spécial. Il sent fixés sur lui vos yeux implorants, brillants de fièvre ou abattus par la fatigue, regards interrogateurs qui cherchent en vain le pourquoi de la souffrance humaine, et qui demandent anxieusement quand et d'où viendra le réconfort. Frères très chers, nous sentons profondément retentir (...) vos gémissements et vos plaintes. Et notre peine s'accroît à la pensée qu'il n'est pas en notre pouvoir de vous apporter la santé corporelle ni la diminution de vos douleurs physiques, que médecins, infirmières, et tous ceux qui se consacrent aux malades s'efforcent de soulager de leur mieux. 
Mais nous avons quelque chose de plus profond et de plus précieux à vous donner : la seule vérité capable de répondre au mystère de la souffrance et de vous apporter un soulagement sans illusion : la foi et l'union à l'Homme des douleurs (Is 53,3), au Christ, Fils de Dieu, mis en croix pour nos péchés et pour notre salut. 
Le Christ n'a pas supprimé la souffrance ; il n'a même pas voulu nous en dévoiler entièrement le mystère : il l'a prise sur lui, et c'est assez pour que nous en comprenions tout le prix. Vous tous, qui sentez plus lourdement le poids de la croix, vous qui êtes pauvres et délaissés, vous qui pleurez, vous qui êtes persécutés pour la justice (Mt 5,5.10), vous sur lesquels on se tait, vous les inconnus de la douleur, reprenez courage : vous êtes les préférés du Royaume de Dieu, le royaume de l'espérance, du bonheur et de la vie. 
Vous êtes les frères du Christ souffrant ; et avec lui, si vous le voulez, vous sauvez le monde ! Voilà la compréhension chrétienne de la souffrance, la seule qui donne la paix. Sachez que vous n'êtes pas seuls, ni séparés, ni abandonnés, ni inutiles ; vous êtes les appelés du Christ, sa vivante et transparente image." (1)

A l'indicible, il reste difficile d'articuler d'autres messages. Mes deux essais n'apporte finalement pas grand chose de plus (2).

(1) Message de Paul VI aux pauvres, aux malades, à tous ceux qui souffrent, Clôture de Vatican II, Mercredi 8 décembre 1965,  source AELF