Quelques milliers de notes et réflexions interactives sur la vie et la foi, à partir de lectures souvent théologiques et à la lumière d'un Autre... Petit "blog" catholique d'un apprenti théologien (Bac canonique), perdu dans l'immensité de la toile... (ordonné diacre en septembre 2018)...
14 avril 2019
Au fil de Luc 22 et 23, dimanche des Rameaux, homélie 3
24 janvier 2021
Autorité et danse - 32
Le mûrissement intérieur du Christ qui se prépare dans le silence d’une vie cachée est une belle méditation qui interpelle nos propres chemins de parole. Je m’interroge toujours sur cette notion d’autorité dont parle l’Evangile d’aujourd’hui.
1) L’autorité du Christ vient-elle de son originalité, de sa personnalité ou de Dieu ? Première question qu’il faut peut-être se poser en reprenant la question de Marc 11,28 puis Jn 14, 10 : « Ne crois-tu pas que, moi, je suis dans le Père, et que le Père est en moi? Les paroles que, moi, je vous dis, je ne les dis pas de ma propre initiative; c’est le Père qui, demeurant en moi, fait ses œuvres.» avant de faire, de notre côté, abus d’autorité ?
C’est un sujet bien délicat qui rejoint le risque clérical.
2) L’autorité s’explique t-elle dans l’Evangile d’aujourd’hui par la présence particulière et dérangeante du Mal ? Probablement aussi.
La liturgie de ce dimanche nous donne ici à manduquer de beaux textes, difficiles à commenter en tout cas. Nous avons besoin des autres pour temporiser et canaliser nos interprétations « abusives ». C’est au milieu de nos quêtes que se dresse, fragile, la Vérité.(1)
Hier, dans le diocèse de Chartres les diacres se réunissaient (cf. Photo) pour fêter la saint Gilduin, leur saint patron (2) qui a été jusqu’à Rome pour plaider son refus d’être nommé évêque et son souhait de rester diacre. Il est mort à son retour de Rome dans notre diocèse autour de l’an 1000. Un chemin intéressant pour nous diacres.
Notre vicaire général en commentant hier la place du diacre en liturgie a repris cette belle image du Père Faure sj sur le diaconat(3). Le diacre en proclamant la Parole, et parfois en la commentant (4) sur la pointe des pieds, atteint un sommet liturgique puis s’efface progressivement jusque dans le silence laissant au prêtre la présidence de la deuxième table.
Kénose, lavement des pieds, à l’image de Jésus en Jn 13... un mouvement où l’on renonce à toute autorité.
Tout au plus nous reste-t-il le droit de verser une goutte d’eau dans ce qui deviendra le précieux sang en prononçant comme dans un murmure fragile cette belle phrase « Comme cette eau se mêle au vin, puissions être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité ». Puissions nous en effet avoir part au mystère immense qui se noue au creuset de la danse trinitaire...(5)
Le diacre, disait probablement avec humour un commentateur (6) peu être comparable à ces anges qui montent et descendent l’échelle de Jacob... Fonction d’intermédiation. Je le prends avec un sourire.
Intermédiaire, serviteur d’un mystère qui nous dépasse, le diacre est appelé à s’enfoncer dans le silence, s’agenouiller devant le mystère de la Présence comme il s’agenouille devant l’homme.
Que dire de plus si ce n’est que c’est probablement le cœur du mouvement diaconal ?
Quelle est finalement sa fonction liturgique. Proclamer la Parole puis s’effacer devant le travail qui se joue dans les cœurs, contempler le mystère puis soulever le calice en silence, en portant la souffrance des hommes et demander à Dieu de nous envoyer son amour et sa paix...
Lui vient alors d’autres fonctions : porter aux autres ce trésor jusqu’aux périphéries les plus lointaines...
(1) Maison d’Evangile, un lieu de manducation à plusieurs cf. :
https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/?ref=share
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Gilduin_de_Dol
(3) pierre Faure, le rôle liturgique du diacre, cf. https://diaconat.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/5/2017/06/LMD-249-role-liturgique-du-diacre-P.-FAURE.pdf
(4) voir aussi http://chemin.blogspot.com
(5) cf. mon livre éponyme repris également dans « A genoux devant l’homme »
(6) Aimé-Georges Martimort, l’Église en prière, tome 1
04 avril 2016
Sur le toit du monde - 2
J'étais là (1)
Je suis celui qui suis (2)
Je serai qui je serai (2)
Je suis.(3)
Un "je suis" (ego eimi) répété trois fois auquel Pierre réponds, à notre image un je ne suis pas (ouk eimi)
Il n'est que murmure, car c'est la voix du silence(4) et de l'abaissement, de l'humilité et du renoncement. Et pourtant, il ne cesse de résonner dans nos déserts, de crier sa soif de nous rejoindre.
Donne-moi à boire (5)
J'ai soif (6)
Sur la croix, le chant du Christ semble s'éteindre. Il est remit au Père.
Et pourtant, alors qu'on croit venue la fin, résonne un ultime chant. Est-ce le chant des anges ?
Je serai avec vous (7)
Allez
Il vous attend au coeur de l'humain, en Gallilée
À ceux qui doutent encore, il demeure un signe, celui d'un fleuve immense jailli du sein du Fils de l'homme.
(1) Proverbes 8, 27 - cf. C. Gripon, op. Cit. p. 61
(2) Ex 3
(3) Jn 18
(4) 1 Rois 19, cf. La voix d'un fin silence, in L'amphore et le fleuve
(5) Jn 4
(6) Jn 19, cf. aussi Sur les pas de Jean
(7) Mt 28, 20
10 août 2022
En route vers Galilée - 5
Chapitre 1, fin
Dans le Nouveau Testament, notre contemplation trouve un sommet dans le déchirement du voile du temple qui chez Marc 15 révèle le silence du Dieu crucifié. Dans le silence de la croix, le verbe de Dieu se fait murmure et nous invite à la conversion. Il nous conduit d’Emmaüs vers la Galilée…
Le signe de Jonas
Revenons sur les pas d’Élie.
Nous avons déjà évoqué le signe de Jonas. Le prophète, appelé par Dieu pour convertir la ville de Ninive, est lui aussi désespéré. Il refuse de voir la clémence de Dieu pour ce peuple. À travers l’image d’un ricin, qui meurt alors que Jonas y avait trouvé refuge, Dieu lui montre l’ironie de sa situation et l’étendue de sa tendresse. Comme Élie
Jonas se croyait tout investi de la mission de juger Ninive, mais l’amour de Dieu est plus fort que son propre jugement des hommes et des choses.
On a évoqué à ce sujet, ce qui peut apparaître comme le pathos du prophète qui trouvera un lointain écho dans l’agonie du Christ décrite surtout chez Luc. C’est face à cette peine, à cette plainte qu’Élie, comme Jonas reçoit une réponse de Dieu, une espérance performative pour lui, mais aussi pour sa descendance spirituelle (Élisée) et le salut d’une multitude de 7 x 1000 hommes (plénitude). Les 7.000 hommes s’inscrivent d’ailleurs en contraste avec les 3.000 tués de l’épisode du veau d’or (Ex 32).
Ce texte fait ainsi résonner l’affirmation du Christ : « il ne vous sera donné que le signe de Jonas ». Et au cœur de cette vision de Dieu, fragile et ténue, nous pouvons faire résonner celle du silence de Dieu en croix. Comme le Christ, poussé au désert avait subi la tentation pendant 40 jours, comme l’agonie qui précède la mise à mort, il semble qu’Élie doivent parcourir un chemin initiatique équivalent, au terme d’une période où il n’a plus de force et il est pourchassé pour être mis à mort… C’est au bout de ce chemin, quand l’espérance semble morte que le don de Dieu peut apparaître et pas avant.
Comme nous dit A. Wénin : « Au fil du livre, les images de Dieu souvent violentes qui traînent dans les cultures et dans les têtes sont reprises et traversées une à une, comme si toutes recèlaient quelque chose de la vérité de Dieu, mais aussi comme si cette vérité « captive de l’injustice » disait Paul (Rm 1, 18) – attendait d’être affranchie du mensonge qui dit Dieu complice du mal. Jésus est cet homme qui traverse le mal dont il est victime sans le relayer en violence et en mensonge. Librement, il fait du mal subi le lien d’un don de soi dans un amour capable d’assumer ce mal au point d’y tracer un chemin de vie pour les violents eux-mêmes. De la sorte, la croix manifeste la vérité de Dieu quant à la violence. »
Où es-tu ? - transition
Où es-tu mon Dieu ? Dans notre monde où Dieu semble de plus en plus absent, où la violence, la haine et le mépris semblent avoir pris la première place, nous pouvons répéter la question : « Où es-tu mon Dieu ? »
Loin des tremblements de terre et des orages de la guerre, loin du vent de la haine, la réponse de Dieu se trouve dans le bruit d'un fin silence (cf. 1 Rois 19), dans le chant des martyrs et des anges.
Écoutons ce que nous dit Augustin : « Croyez-vous, frères, que Dieu ignore ce qui vous est nécessaire ? Celui qui connaît notre détresse connaît d'avance aussi nos désirs. C'est pourquoi, quand il enseignait le Notre Père, le Seigneur recommandait à ses disciples d'être sobres de paroles : « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin avant même que vous l'ayez demandé » (Mt 6,7-8). Si notre Père sait ce qui nous est nécessaire, pourquoi le lui dire, même en peu de mots ? ... Si tu le sais, Seigneur, est-il même nécessaire de te prier ? Or celui qui nous dit ici : « Ne multipliez pas vos paroles dans vos prières » nous déclare ailleurs : « Demandez et vous recevrez », et pour qu'on ne croie pas que c'est dit en passant, il ajoute : « Cherchez et vous trouverez », et pour qu'on ne pense pas que c'est une simple manière de parler, voyez par où il termine : « Frappez, et on vous ouvrira » (Mt 7,7). Il veut donc que pour recevoir tu commences par demander, que pour trouver tu te mettes à chercher, que pour entrer enfin tu ne cesses de frapper... Pourquoi demander ? Pourquoi chercher ? Pourquoi frapper ? Pourquoi nous fatiguer à prier, à chercher, à frapper comme pour instruire celui qui sait tout déjà ? Et même nous lisons dans un autre endroit : « Il faut prier sans cesse, sans se lasser » (Lc 18,1)... Eh bien, pour éclaircir ce mystère, demande, cherche et frappe ! S'il couvre de voiles ce mystère, c'est qu'il veut t'exciter à chercher et trouver toi-même l'explication. Tous, nous devons nous encourager à prier. » et la seule question de l'où es-tu ? nous conduira vers Celui qui nous cherche derrière le voile de l'amour donné. Dans le jardin du monde, il pose lui aussi la question. Où es-tu homme ? (cf. Gn 3). Ta vie est-elle don fragile ? Si elle l'est tu ne peux que me trouver. Car je suis don.
Nous venons de tracer un fil ténu qui part d’Osée, nous conduit au désert jusqu’à la quête d’Élie et pointe déjà vers le Christ. Dans cet axe fragile nous pouvons maintenant marcher comme des funambules vers le sommet de la révélation en retraversant d’autres textes fondateurs qui affinent cette marche et renforcent notre espérance : Dieu a soulevé le voile, écoutons le.
On a une tendance naturelle à commencer la
lecture de la Bible par la Genèse, pour deux raisons : elle commence elle-même par un récit de la création du monde et le peuple juif l’a placée au début du Pentateuque, les cinq grands livres de la Thora.
Mais les travaux récents démontrent que le texte de la Genèse est surtout rédigé après l’exil, au moins dans ses dernières strates rédactionnelles.
Une autre approche serait alors d’analyser les récits dans l’ordre de leur apparition. C’est un peu ce que nous venons de faire avec Osée, considéré comme le, ou l’un des plus anciens textes écrits disponibles, même si de nombreuses traditions orales l’auraient précédé.
Ce renversement dans l’ordre de la lecture nous a apporté un a priori positif sur ce qui se révèle de Dieu et permet d’entamer une lecture qui rejoint, in fine, la révélation chrétienne. C’est cet exercice que nous venons de tenter.
Retournons maintenant vers ce récit de l’origine, non comme une véritable histoire de l’humanité, mais plutôt comme l’interprétation fondatrice d’un peuple en marche, qui mêle aux mythes fondateurs une interprétation plus spirituelle et psychologique de notre nature humaine.
On peut dire que la Genèse, avant d'être une théologie, c'est-à-dire une science de Dieu est d'abord une anthropologie, c'est-à-dire une science de l'homme. En visitant ces histoires humaines, c’est notre histoire qui est revisitée, dans ce qu’elle a de beau et de vil, de passionné et de malheureux. Suivre les pas des patriarches, c’est aussi mettre à jour nos faiblesses, ce qui fait de nous des êtres qui ont besoin de Dieu.
Il y a dans ce texte les traces d’une révélation qui semble au départ « lumineuse » alors qu’elle est pour l’auteur, comme pour le lecteur d’aujourd’hui plus voilée. Deux explications semblent possibles. Les premiers chapitres de la Genèse sont probablement une projection des auteurs en exil qui gomment une partie du passé pour redonner espoir à un peuple qui se croit perdu. À l’inverse, Dieu semble maintenant en retrait et le présent est de plus en plus noir. C’est peut-être parce que dans ce "reste" qui demeure, proche de celui découvert par Elie (cf. plus haut), une même dynamique est demandée que celle des premiers chrétiens. S’ils ont été capables d'accueillir l'incroyable d'un Dieu qui le rejoint en s’incarnant, il nous reste à les suivre sur ce chemin.
Dès le chapitre 3, nous sommes confrontés à l’irruption du mal. Nous y contemplons ces violences qui ne sont pas absentes de notre humanité et viennent en nous réveiller nos propres désirs, tentations et fragilités.
Le Pape François évoque ce « chemin de souffrance et de sang qui traverse de nombreuses pages de la Bible, à partir de la violence fratricide de Caïn sur Abel et de divers conflits entre les enfants et les épouses des patriarches». Dieu est-il absent de tout cela ? Non ! Sa tendresse s’est révélée en Os. 115 et reste visible, entre les lignes. Laissons-nous habiter par ce texte, manduquons-le et trouvons, au sein des tensions qui se révèlent la pédagogie de Dieu dont l’aboutissement ne sera visible qu’en Christ.
Entrer dans la pédagogie de Dieu, c’est se laisser façonner petit à petit, comme il l’a fait avec son peuple. « L'entreprise [divine] (...) [est] l'objet d'un travail (...) Dieu la prend, la touche, la pétrit, l'effile et la façonne. Représente-toi Dieu tout entier occupé à donner figure à l'œuvre de sa main : il y applique son intelligence, son action, son conseil, sa sagesse et sa providence et avant tout son affection (...) Dieu fit l'homme. Ce qu'il façonna, « il le fit à l'image de Dieu », c'est-à-dire du Christ ».
On le verra, si Dieu se révèle, c’est souvent dans l’alternance d’un caché/dévoilé qui ne heurte pas nos sens, respecte notre liberté. Au terme du voyage, nous pourrons mieux contempler le Fils, figure ultime de toute pédagogie divine, « image du Dieu invisible » (Col. 1, 15). Il n’est pas pour autant le voile de Dieu. Il nous faut comprendre, à la lumière des deux mille ans de révélation qui l’ont précédé, l'enjeu de son humanité, de son humilité, de l'abaissement qui nous ouvre à la contemplation de « l'homme en qui Dieu resplendit ». Au bout du chemin, comme nous le dit si bien le centurion, devant la Croix, chez Marc, le voile se déchire. Dieu est là... « Dieu apparaît en l'homme-Jésus ». Il est « l'homme-Dieu indivisible » nous dit Balthasar, contre une idée fausse qui verrait Jésus comme une figure incomplète, réservée aux simples, incapables de saisir la réalité de Dieu.
À suivre
Photo : Christ en croix, Robert Schneider, chapelle Baltard, saint Séverin
18 juin 2015
Silence intérieur
Couvez la vie, c'est elle qui loue Dieu !
Pas un seul mot, et pourtant c'est son Nom
Que tout sécrète et presse de chanter :
N'avez-vous pas un monde immense en vous ? Soyez son cri, et vous aurez tout dit."
13 octobre 2018
Homélie de Baptême - 1 - Au fil de Marc 9, 39
29 mai 2022
Ascension, ultime agenouillement ? 2.60
D’agenouillements en agenouillements nous contemplons aujourd’hui l’élévation comme l’ultime et grand retrait du Fils, dans la dynamique même décrite par Paul en Ph 2.
Il nous faut probablement prendre du recul et percevoir peut-être la pédagogie divine (1) qui de théophanies en théophanies corrigent nos fausses idées de Dieu (2) jusqu’à prendre conscience qu’après le retrait du Père suit l’effacement du Fils.
Humilité extrême de celui qui après le grand abaissement devant l’homme, mimé dans le lavement des pieds (Jn 13) (3) et accompli et dévoilé sur une croix:(Marc 16) (4) vient l’enlèvement ultime de son corps transfiguré (Actes 1 - Luc 24) pour que ne demeure plus qu’un souffle fragile et ténu.
Comme certaines interprétations le suggèrent, le bruit d’un fin silence n’est plus habité que par le chant des anges (1) Le retrait de Dieu (5) est le don ultime qui conditionne notre liberté. Dieu se fait discret et fragile pour nous rendre capable d’avancer à notre tour vers l’amour.
« Encore un peu de temps » et c’est maintenant « l’heure » favorable où nous devons tisser le Royaume de celui qui nous aime au point de livrer son corps pour transformer nos eaux en vin capiteux (cf. cana en Jn 2) ? et nous laisser les clés du Royaume.
Il s’est retiré sur la point de les pieds. Comme le suggère Varillon, il ne sert à rien de lever la tête. Il nous faut peut-être contempler plutôt Celui qui pleure, probablement à chaque fois que nous refusons de marcher sur Ses pas.
L’amour trinitaire ne se dévoile jamais autant que dans ce silence qui suit l’élévation ultime. Sommes nous à nouveau dans ce silence du samedi saint qu’évoque si bien Joseph Moingt ?
La symbolique de Luc reprend ici probablement le schéma du livre des Rois et le départ d’Elie, pour nous faire comprendre que l’élévation du Fils ne se perçoit que dans le retrait et le silence.
Il faut probablement revenir jusqu’à 1 Rois 19 pour entendre résonner sous une harmonique nouvelle la double question de « l’où es-tu ? » discrète posé dans le jardin originel et lancé à tout homme depuis Gn 3.
Le Fils de l’homme est le signe que l’indicible et l’inaccessible se joue dans le paradoxe du retrait et l’absence d’un Dieu qui s’est totalement révélé « à genoux devant l’homme » (1) agenouillement ultime devant ce que nous pouvons devenir si nous entendons le cri d’amour d’un Dieu qui attend que nous devenions ce à quoi nous sommes appelés.
Retrait et présence ?
Dieu s’efface pour que nous entrions dans sa danse trinitaire et que nous devenions enfin ce qu’il a rêvé pour nous : des aimants véritables qui dans l’amour vécu et partagé, dans le don gratuit, commence à faire de nous le grand Corps de Celui qui a déjà tout livré pour préparer l’arrivée fragile du Défenseur, ce souffle discret qui après les feux follets de la Pentecôte s’effacera progressivement dans une multitude d’étincelles intérieures où Dieu vient souffler en nos cœurs la force d’avancer.
Ce matin résonne le chant :
« Entré dans la gloire,
Jésus nous trace le chemin
Et nous conduit vers le matin
De sa victoire.
℟Mais l'amour seul est puissance,
Mystère découvert
Aux yeux de l'espérance.
Vêtu de lumière,
Il transfigure pour toujours
Le fils prodigue de retour
Auprès du Père.
Ouverte est la porte,
En sa demeure il nous reçoit,
Dans son offrande, vers la joie,
Ses mains nous portent.
Soleil de justice,
Il fait mûrir tout l'univers,
Et son Esprit, dans nos déserts,
Est source vive. » (5)
(1) cf. le tome 1 de ma trilogie Pédagogie divine, suivi de « À genoux devant l’homme » gratuits sur Kobo/Fnac
(2) cf. Tomas Rõmer l’invention de Dieu
(3) Xavier Léon Dufour.
(4) voir mon « rideau déchiré » et le magnifique « Dieu est nu. Hymne à la divine fragilité » de Simon Pierre Arnold, Lessius 2019 qui précise notamment p. 28 : « La kénose [humilité et dépouillement de Dieu au sens donné par Ph. 2] est une décision, et non une erreur stratégique. Elle est le point de départ de toute véritable nouveauté
(5) voir Dieu qui vient à l’homme de J. Moingt
(6) hymne de l’office des lectures de l’ascension qu’il faut lire tout entier sur AELF.org
15 mai 2022
Retraits et testament - 2.58
Et si nous entrions dans le rêve de Dieu, comme nous le suggère notre pape François.
La deuxième lecture de ce dimanche est tirée de l’apocalypse de St Jean. Elle nous introduit à sa manière à ce rêve : « J’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, Car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés Et, de mer, il n’y en a plus. Il essuiera toute larme de leurs yeux..Ap. 21
Comment atteindre ce rêve, cette terre nouvelle ?
Cela passe peut-être par un premier retrait… Laisser se retirer cette mer envahissante de nos désirs et de nos doutes pour marcher vers « autrui ». Décentrement…
Peut-être est-ce ce qu’a cherché Charles de Foucault dans sa quête au bout du silence.
Le chemin du désert (1) est le temps où se prépare en nous le royaume.
Jésus. nous invite ailleurs. Il vient déranger nos habitudes Par ses derniers mots, il signe à sa manière son humble retrait.du monde. Dans l’Évangile (Jn13) Jésus le suggère à sa manière :
« Encore un peu de temps… »
Encore un peu de temps avec vous…
À dix jours de l’ascension, nous goûtons déjà ce dimanche aux derniers signes de la présence du ressuscité avant son grand retrait…
Jean nous invite à méditer le contraste saisissant entre la gloire du Fils et son retrait…
Imaginons la scène. Elle se situe après le lavement des pieds et avant la Passion. Déjà le Fils prépare son retrait… Derniers pas de cette danse tragique où Dieu révèle qui IL EST, sans forcer notre liberté.
Vague discrète d’un amour qui a lechè les pieds des disciples avant le don total et silencieux de la croix qui sera lumière pour le monde.
Écoutons le…à nouveau…
Où en sommes-nous ?
Nous avons passé Pâques…
Au Christ lumineux, qui est apparu plusieurs fois pour conforter ceux qui avaient perdu confiance, se prépare un nouveau temps, celui du désert et du manque…
Jésus quitte la plage de nos vies.
Il ne reste plus qu’une étendue immense d’où s’évapore les dernières lueurs de sa présence.
Dans ce désert qui se prépare, les disciples n’auront plus que quelques traces fragiles. Des mots, des gestes, le souvenir d’un Christ à genoux, des paraboles, griffonnées en chemin, ce qui va préparer la naissance des quatre évangiles.
Pourquoi ce départ ?
Pourquoi ce silence ?
Où es-tu mon Dieu ?, disons-nous souvent ?
« Tu m’as répondu », suggère le psaume.
Les fragiles étincelles de la présence du Fils révèlent autre chose.
Dans l’amour reçu, dans la tendresse qui affleure parfois d’un sourire, Dieu nous laisse quelques pâles souvenirs.
Quelques traits sur le sable…
Souvenons-nous de cette belle prière d’Ademar de Barros que je vous invite à relire, à méditer : « j’ai rêvé que je cheminais sur la plage en compagnie du Seigneur »
« Je ne t’ai pas abandonné : les jours où tu n’as vu qu’une trace sur le sable sont les jours où je t’ai porté… »
Dieu n’est pas où on l’attend.
IL EST, mais dans le surgissement inattendu d’un fin silence, insaisissable et incontrôlable.
Il nous porte dans ses bras même si nous ne le sentons pas pleurer à nos côtés
Il nous relève quand nous n’avons plus la force d’avancer.
Il est lumière,
IL EST.
Alors, Non, notre quête n’est pas vaine.
Car l’indicible se cache pour que nous découvrions ailleurs sa présence.
Viens, Esprit de feu !
Nos nuits obscures (2) attendent ta flamme.
Viens redonner courage à ceux qui pleurent dans le silence et la solitude.
Fais de nous des signes de ta présence discrète.
Aide nous à révéler ce feu qui brûle en nous sous le boisseau.
Viens embraser nos cœurs de chair de ta présence silencieuse.
Allume en nous le feu qui déjà réchauffe nos cœurs de pierre.
Laisse-nous être remués par ton dernier appel…
« Aimez-vous comme je vous ai aimé. »
Comme…
« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».
Une invitation surprenante nous est faite ce dimanche dans la liturgie de la Parole. Une forme de testament que Jésus laisse à chacun d’entre nous.
Invitation peu banale en soi, mais dont le contenu ne peut que nous interroger, nous bousculer : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » et comme je continue de le faire au-delà de mes silences… oserai je ajouter.
Comment faire ce pas ?
Si Jésus se retire, c’est pour que l’amour du « comme » devienne lumière.
Si Jésus disparaît c’est pour que nous devenions ses témoins, non par nos propres forces, mais pour que de son absence vienne le manque, cette quête salutaire qui nous conduit à sentir qu’il est DON et à trouver en nous la Force de réaliser ce qu’il nous offre.
Fais qu’en nous jaillisse l’Esprit.
Viens Esprit Saint
Pour aller plus loin :
(1) voir ici le livre en téléchargement gratuit : https://www.kobo.com/fr/fr/search?query=claude%20j%20heriard
(2) cf. François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017
30 décembre 2006
Ecoute...
Ecoute, tel est le premier mot de la règle de St Benoît. Dans notre société de l'information, l'interpellation à écouter prend une coloration particulière. Elle est invitation au silence et à une réceptivité nouvelle. Mais notre monde est il prêt à ce silence, à éteindre "les machines à bruit" pour laisser passer le souffle ténu, le bruit du fin silence qui souffle au fond de notre coeur...
Balise : Prier, Silence
29 janvier 2005
La graine tombée en terre...
il y a le temps du silence.
Le temps du silence en soi.
Le temps où l'on reçoit,
Le temps où l'on meurt
Le temps où l'on renaît...
Il y a aussi le temps où rien ne se passe.
Un autre silence.
Le silence d'une liberté qui demeure.
Mais la graine peut louper un printemps,
Elle peut en louper plusieurs...
Et renaître plus tard.
C'est l'espérance du semeur.
24 janvier 2005
Silence - I
cf. 1 Rois 19 : "Le bruit d'un fin silence"
ou Le silence du Christ pendant la passion (à 7 paroles près, et quelles paroles...)
Dans difficile liberté, E.Lévinas disait que le monde aurait accès à la lumière quand l'Eglise arrêtera de la cacher...
Un chemin ?
Certains pensent que c'est une erreur...
Je cherche...
Certes on a besoin de lumière et de repères...
Mais peut-on être forcé sur une voie avant d'avoir été saisi au coeur par un amour infini qui nous ébranle et nous pousse à ce décentrement...
25 décembre 2021
Double agenouillement et ouverture - 2.23
Avant d’arriver au cœur du mystère de l’incarnation, peut-être fallait-il descendre jusqu’au point où l’on écoute, dans le silence, le bruit du monde, sa plainte, son désarroi, ses impasses et ses chemins stériles, ses fausses joies, son désespoir et plus fondamentalement la violence qui demeure.
Ce chemin je viens de tenter de le parcourir. Ce n’est en effet qu’en descendant très bas, aussi bas que possible, dans le silence de la nuit, quand le cri de l’enfant martyrisé, abusé, violenté, ou plus sournoisement nié et tué que l’on peut comprendre l’agenouillement de Dieu devant la femme qui va porter en son sein un Sauveur.
Au delà de toutes polémiques, il est demandé à l’homme de s’interroger pour savoir comment il est possible que le Père s’agenouille aussi bas…
C’est quand on perçoit le double agenouillement de Dieu et de la femme qui, dans leur « me voici / fiat » mêlés, que peut apparaître une lueur, un fragile rayon de lumière et que l’espérance jaillit.
La lecture très spirituelle de Luc et de Matthieu n’est-elle pas finalement au dessus de toute rationalité historique et charnelle ?
Ne devient elle pas chemin d’espérance ?
La kénose du Père et la réponse mariale mérite d’arrêter tout discours et de contempler à la fois dans le silence, l’innommable, l’impossible, l’imposture et l’insaisissable…
Comment l’infini s’approche-y-il de l’humain, au plus loin de toutes « périphéries » pour rejoindre sans violence ce monde pris dans le tumulte d’une suffisance.
Le double agenouillement de la femme et de Dieu, l’intercession, la rencontre, la danse, au sein même de la circumincession des Personnes divines, laisse finalement une seule voie fragile, celle de notre propre agenouillement…
À l’épaisseur du mystère et du voile qui recouvrent l’incarnation et cette question souvent discutée de celle qui s’ouvre à ce mystère, que cherche à percer les deux « évangiles de l’enfance », répond pour moi, comme en écho, deux voies / voix tout aussi fragiles, celles qui :
1. aboutit au cri / sommet sorti de la gorge du centurion infidèle (Mc 15, 39) que Marc fait suivre au déchirement du voile (*)
2. ou l’agenouillement sponsal d’un Christ (*) qui se dépouille de son vêtement pour laver les pieds de l’homme en Jn 13, dans ce X. Leon Dufour appelle un mime d’une extrême densité symbolique.
C’est au creux de ces quatre voies, dans la polyphonie des Écritures que prend chair, pour moi, la symphonie fragile des Évangiles…(1) et que peut se concevoir ce que l’Église cherche à contempler, y compris sur la virginité.
En ce jour du martyre des saints innocents peut on dire plus, espérer plus que de tracer un chemin fragile qui va d’un souffrant à l’autre jusqu’à la contemplation de la déréliction, ce silence de Dieu qui accompagne la mort du crucifié et nous appelle à croire que Dieu est vainqueur de la mort par ce mystère fragile qui va de l’incarnation à la résurrection ? Et qui, ce faisant, « a besoin de nos mains », comme le disait Etty Hillesum au camp de Westerbroch (2)
(*) cf. mes essais « Le voile déchiré » et « À genoux devant l’homme »
(1) un beau thème développé par Hans Urs von Balthasar dans la fin de sa trilogie
(2) cf. Une vie bouleversée
01 septembre 2019
Homélie de mariage n.9 - Cantique 2 et Genèse…
B- Homélie
31 mars 2019
Au fil de Luc 15, un temps de réconciliation
Une après-midi sur la réconciliation
Car celui qui a recevra encore, et il sera dans l'abondance. Mais celui qui n'a rien se fera enlever même ce qu'il a. " »(1)
Le temps du désert
Lecture du texte (tentations du Christ)
A - Temps de discussion en petit groupe
- Quels sont les tentations du Christ ?
- Comment les qualifierions nous aujourd'hui ?
- Qu'est-ce que cela dit sur nous, ce qui nous détourne de Dieu
- Comment s'en sortir ?
Lecture du psaume 50
Lecture d'un extrait de Luc 15 (jusqu'à l'attitude du père...)
B - Temps de discussion en petit groupe
- Que dit l'histoire ?
- Que veut-dire Jésus ?
- Comment vivre cela ?
Lecture de Luc 6, 36-38(Ne jugez pas....)
Lecture de Matthieu 7, 1-5 (paille et poutre) -
Lecture de la fin de Luc 15...
Lecture de Luc 17, 13-19 - les dix lépreux
C - Temps de discussion en petit groupe
- Qu'est-ce que ces lectures ont fait jaillir en nous ?
- Comment résister au jugement ?
- Jusqu'où pardonner ?