06 juin 2006

Aimer c'est risquer...

On ne rêve plus. Le monde s'enterre sous la peur, l'insécurité ? Est-on prisonnier à ce point de la désespérance, quelle place laisse-t-on au possible, au sourire, à autrui ?
Notre XXIème siècle n'est-il pas malade de cette course au bonheur individuel, loin de la joie véritable, celle qui risque, ose, de lance dans l'inconnu de la rencontre.
L'amour est-il dans le confort douillet d'un "autour-de-moi" ou dans la lancée vers autrui, au mépris de l'inconfort et de ce que cela pourra générer chez moi de peine et de souci...
Difficile tension me direz vous... ?
Mais n'est-ce pas là l'enjeu d'une humanité en devenir...

04 juin 2006

Un engagement...

La foi chrétienne engage. Et elle dégage le croyant autant de l'activisme exaspérant de certains militants que du repli sur soi et de la piété sans prise sur le sort de l'humanité. La foi chrétienne engage au nom du souci universel non seulement de toutes les Eglises, mais de toutes les communautés humaines. Pour le Père Paul Valadier, le chrétien ne peut pas se contenter du moins, il doit viser l'humanité tout entière.
Et c'est bien là où nous sommes pauvres, où nous restons englués dans nos microcosmes, enfermés dans notre horizon... Ouvrir grand nos coeurs, l'enjeu et la réponse d'une mondialisation croissante de nos économies ?

03 juin 2006

Individualisme

Alexis de Tocqueville, dans son livre célèbre sur La démocratie en Amérique, définissait l'individualisme comme « un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l'écart avec sa famille et ses amis ; de telle sorte que, après s'être créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même. »
On ne peut que constater à quel point notre société semble emporté dans le tourbillon d'un tel mouvement. Phénomène lié à la mondialisation, il est aussi peut-être, la source possible d'une prise de distance intérieure, qui laisse à l'homme le temps de reprendre pied, à condition de faire de ce temps de solitude, un temps de regénération, pour être à nouveau au centre du monde, ouvrier de Dieu.
Ce repli et cette solitude doit pour cela ne pas être un lieu de fuite, mais d'écoute intérieure, de reconnexion avec ce qui au centre de notre existence, nous vient d'ailleurs, nous vient de Dieu.

Viens Esprit-Saint...


02 juin 2006

De l'ombre à la lumière,

Il y a dans ce film de Ron Howard, une grande finesse de traits. Admirablement interprété par Russel Crowe et Rénée Zwellinger, on notera la fragilité de cette histoire conjugale, malmenée par la grande dépression de 1929. Une grande rage de vivre anime le boxeur déchu, Jimmy Braddock et le pousse à résister, à conserver sa famille unie, à se battre pour ses enfants...
De l'ombre à la lumière est un film d'espérance, parfois violent sur le ring, il est très discret et sensible dans son exécution.
A voir (maintenant en DVD).

31 mai 2006

Décentrement - III

Peut-être que c'est dans ce très beau texte de Jérémie (17, 6-9) que l'on peut voir les fruits d'un décentrement. A l'inverse de celui qui s'appuie "sur un être de chair et se détourne du Seigneur (...) buisson desséché sur une terre aride (...) Béni soit l'homme qui met sa confiance dans le Seigneur, dont le Seigneur est l'espoir. Il sera comme un arbre planté près d'un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt ; tout ce qu'il entreprend réussira...".

29 mai 2006

La mort - II

La mort n'a plus de sens dans une société technocratique ou l'homme est remplaçable, l'homme est jetable, ce qui entraîne d'importantes conséquences sur la personne et même sur la vie en général. Mais cela a aussi un impact sur Dieu car "la présence de l'absolu dans le relatif est escamoté comme insignifiante" (1). L'acceptation de l'absurde d'une existence sans achèvement, relayée par cette médiatisation des morts innombrables qui ne nous affectent plus que comme des statistiques pourrait conduire à deux solutions : "Ou l'on s'abandonne au totalitarisme croissant du collectif, où l'on persiste malgré tout à se réserver une liberté existentiale pour la mort, vécue dans l'angoisse et repliée sur elle-même" (2) mais il y a peut-être une troisième voie, celle du décentrement où l'on persiste à être tout en devenant obéissant à l'absolu qui nous interpelle.
Et en cela, nos réflexions sur le décentrement prennent une importance aigüe. Si l'on reste dans l'individualité, la mort nous prendra tout. Si l'on fusionne dans le tout, nous sommes rien. Si l'on se décentre, au sens d'une inhabitation d'un absolu, proche et distant, interpellant et créateur, alors nos efforts formeront avec la grâce, les ailes d'un même oiseau, pour reprendre l'expression déjà citée dans ce blogue.

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action, ibid p.114
(2) ibid

28 mai 2006

La mort, au centre de notre horizon ?

Dans la question du décentrement, la question de la mort est un point majeur, inévitable. Intégrer la mort dans son horizon, c'est déjà accéder à une véritable maturité.
Or la mort interpelle depuis l'origine. Dans l'ancien testament, rappelle Balthasar, "Dieu n'a pas fait la mort" (Sg 1, 13). "C'est par l'envie du diable que la mort est entrée dans le monde" (Sg 2,24). Une idée d'ailleurs reprise par saint Paul qui précise que "par le péché la mort est entrée dans le monde" (Rm 5,12). Alors pourquoi la mort des innocents ? A cela, Balthasar ne réponds pas directement, mais il empreinte le chemin de la philosophie.
Chez Kierkegaard : "Le sérieux, c'est pour toi de penser à la mort et de la penser comme ton destin ; le sérieux c'est par conséquent pour toi d'accomplir ce que la mort est incapable de faire, de reconnaître que tu existes et qu'elle est aussi." (1)
Pour Heidegger : on ne peut jamais se posséder comme une totalité d'existence car "l'abolition du sursis d'être signifie l'anéantissement de tout son être".
La mort fait face à notre liberté. Mais dans ce face à face, dans l'affrontement du néant se révèle le sens de l'être en général et "un rayon de l'absolu tombe sur l'existence finie". (2)
La mort serait cette faille qui nous ouvre l'accès à la transcendance ?
Si pour Sénèque, toute individualité est souffrance, le salut serait de se fondre dans le tout. Mais alors le décentrement serait fusion. Pour moi il en est autrement. Le décentrement n'est pas une perte d'individualité mais devenir membre actif du Corps, avec sa fonction, sa liberté et sa responsabilité.
(1) Erbauliche Reden p. 17
(2) Cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action, ibid p.107

24 mai 2006

Eros et agapê, suite

Dans ce chemin vers le décentrement, le désir est vecteur central. Le désir qui naît de la chair, incarné, réel et en même temps tout tourné vers un ailleurs. La dramatique chrétienne nous y introduit fort bien comme le souligne Balthasar (1). Pour lui les drames où la passion éphémère se transforme en amour humain capable de résister devant le jugement de l'éternité sont retournés dans le milieu chrétien. Ainsi par exemple la transformation de Dante par l'amour de Béatrice qui le juge, la purification de Rodrigue par le sacrifice de Prouhèze demeure "l'étoile qui guide". Ces deux drames montrent par quelle mort l'éros doit passer, avant de se muer en agapê capable de tenir au jour du jugement dans la lumière éternelle. "L'éros seul est trop attaché à la continuité des générations à poursuivre sur terre pour qu'il puisse s'en délier, comme Soloviev le croyait possible". On rejoint là l'idée du dépassement de l'existence finie dans l'amour véritablement spirituel, que l'on trouve particulièrement développé dans le théâtre de G. Marcel à laquelle j'ai consacré il y a plus de dix ans, une longue analyse que l'on retrouvera dans "Chemins..."
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action p. 99ss

23 mai 2006

Décentrement - II

Entre l'homme tout puissant, Icare moderne et le Christ il y a la différence d'une "humilité d'un Dieu qui s'abaisse dans la condition humaine" (1). Ce chemin demande une adhésion, la liberté suscitant l'assentiment à une révélation de l'absolu avec la volonté de mettre en pratique dans le concret par une décision personnelle.
Peut-être que ce qui nous est demandé, est de devenir réceptacle d'un absolu, avec les limites de notre finitude. Et cette réceptivité bouleverse notre orgueil, introduit une faille au coeur même de notre recherche, de sorte que nous ne sommes pas fondu dans l'infini, mais libre, indépendant et pourtant "tout tendu" vers cette altérité qui nous interpelle et vers qui va notre désir le plus fondamental..

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action p. 96

Balises : Décentrement, Balthasar

22 mai 2006

Se décentrer sans se perdre...

Ceux qui suivent le lent cheminement de ce blogue depuis plusieurs mois ne peuvent avoir remarqué la recherche sémantique que je déploie autour du décentrement, comme lieu de croissance humaine et spirituelle. Mais ce concept est un concept délicat, que l'on pourrait assimiler à la perte de son identité au profit d'un tout, d'une fusion... Les quelques billets qui suivent vont encore préciser cette notion. Dans cette recherche, la lecture du 11ème tome de la trilogie de Balthasar continue de m'apporter des éclairages :
"Dans la contemplation de l'absolu, l'oeil peut-être ébloui au point d'en oublier de se garder le travail qu'il faut accomplir dans le périssable (...) perte de soi volontaire dans l'absolu que beaucoup admirent encore qu'elle ne soit rien d'autre qu'une dissolution de la figure humaine, finie en sa nature mortelle, tandis que la volonté pathétique de se tenir debout et de subsister en face de l'absolu cette figure est beaucoup plus authentique. Finalement vouloir se fondre dans l'absolu est alibi et un prétexte pour s'évader hors du drame qui se joue dans le monde" (1) C'est pour moi en effet différent du décentrement qui est quitter le même pour une communion où je ne me perds pas ?!

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action p. 95ss

Balises : Décentrement, Balthasar

21 mai 2006

Buisson ardent

Balthasar évoquait la double notion du feu dans son commentaire de l'Apocalypse (cf. supra DD3, 1) et notamment le feu vu dans le sens positif, celui qui embrase le coeur des saints.
Cela réveille chez moi une méditation sur le sens du buisson ardent, celui qui brûle de l'intérieur sans pour autant se consumer. Si l'on poursuit cette métaphore, il y aurait deux visions du feu. Celui pour ceux qui sont en Christ, qui les anime d'une lueur vive, digne de la transfiguration à venir. Et celui que l'on rejette. Parce qu'il n'est pas en nous, il devient contre nous. Rejetez le feu divin, c'est s'exposer à sa flamme qui détruit. L'accepter en nous, c'est accepter de devenir des passeurs de lumière.
Un beau programme...

20 mai 2006

De l'Eros à l'agape

On connaît maintenant la longue description de Benoît XVI dans "Deus caritas est" qui cherche une cohérence entre eros et agape. Pour Balthasar, l'éros "met l'individu au service de l'espèce (...) et lui présente dans l'amour d'un autre le mirage de l'absolu. Ce contact avec l'absolu s'évanouira pour autant que l'eros est un pur phénomène sexuel, mais dans la mesure où il creuse jusqu'à la racine de l'amour, il peut durer au delà de l'éros et c'est bien souvent sa volonté, tant qu'il ne se heurte pas à la limite tragique de la mort."
A méditer...
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 93

19 mai 2006

Solitude, solitude

Je ne sais plus d'où je tire ce vieil adage que je trouve fort juste. "Le couple, c'est deux solitudes qui se penche l'un vers l'autre". Mais j'ajouterai, ce n'est pas dans cette cohabitation que l'on trouvera la clé des champs. La solitude reste au coeur de notre existence. Pour Balthasar, la prise de conscience de sa finitude plonge l'homme "dans une solitude où inéluctablement le guette sa propre mort. C'est là une caractéristique qui ne le lâchera pas, même dans ses actes spirituels, ni surtout dans l'expression pourtant duelle de l'amour humain."
Et il ajoute :"chacun meurt seul, même s'il meurt en même temps qu'un autre".
Face à cela, la solitude du Christ en croix est le seul message...

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 83ss

18 mai 2006

Un Dieu-Progrès

Une des idéologies du monde moderne est probablement dans la lutte pure et simple pour la suprématie par la technique. Est-ce pas l'aboutissement d'une vision qui considère la technique comme un nouveau Dieu, idolâtrie des temps modernes. Pour Balthasar, si la technique est notre destin, elle fait partie de notre évolution (....) mais ce serait folie de croire qu'elle débouchera sur un royaume de liberté". (1) Pour lui, la foi dans le progrès est une fuite hors du temps (...) elle fuit devant toute présence d'éternité dans le temps". C'est dit-il un mirage trompeur qui traduit l'impossibilité de résoudre le paradoxe humain par la voie immanente. Doit-on alors attendre le Logos incarné ? Celui-ci, répond-il, "s'est baissé pour tracer du doigt des traits sur le sol, à partir des lettres écrites sur le sable de l'histoire, peut-on trouver un sens qui les interprète ?
S'il y a par contre une chose qui demeure, c'est l'amour de Dieu. Et cela n'est pas écrit sur le sable...
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 79-81

17 mai 2006

Le drame, porte de la transcendance

Quand tout va bien, quand on ne se pose pas de question, il est souvent difficile de s'inscrire dans une filiation. Nous restons autonome et insouciant du don qui nous ai fait. Jusqu'à ce que surgisse l'excès. Le bonheur ou le drame. Le bonheur peut être vecteur de transcendance. Mais le drame l'est plus essentiellement.
Pour Balthasar, "notre nature mortelle donne à penser qu'il y a un fait tragique, un désordre de l'histoire du monde". Et à ce moment là l'homme regarde pour lui, "moins en arrière que vers le haut". N'est-ce pas ce que Danièlou appelait la faille, cette brisure du coeur de l'homme qui face à l'inattendu, peut laisser entrer Dieu. Pour Daniélou, il y avait ainsi 3 failles : la naissance, le mariage et la mort. Clin d'oeil de l'infini dans nos histoire mortelles ?

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 73