05 janvier 2007

Le Grand Silence

Comment ne pas saluer ici dans ses pages sur le décentrement, la kénose et l'abandon, le nouveau film de P. Gröning, le Grand Silence et au travers lui cette épopée de la Grande Chartreuse où des hommes font l'expérience de la solitude et de la prière, du dépouillement et de la méditation...
Ce documentaire, qui commence par l'évocation de mon texte préféré de l'Ancien Testament : 1 Rois 19, est une invitation au silence intérieur. A voir absolument...

Une ligne de fuite

"Jésus a subi la contradiction : non seulement celle de Dieu offensée par l'homme mais aussi celle de l'homme menacé à mort par Dieu, voué à la mort sous le jugement de Dieu, puisqu'il était entré dans la ressemblance de la chair du péché (homiôma) : fait péché pour nous" (1)
C'est ainsi, dit Balthasar que se réconcilie l'apparente contradiction entre l'amour miséricordieux et la colère de Dieu dans les deux passages de l'épître aux Romains (1 Rm 1 à 3), Rm 3,25 ou il est présenté à la fois comme la victime expiatoire et dans Rm 9 comme portant les vases de colère... (2)
Ces textes visent pour Balthasar "un point de fuite" où la ligne de la colère et celle de l'amour se rencontrent. Or cela n'est possible que si l'objet de la juste colère de Dieu est replacé dans la relation Trinitaire. (3)
Et cela n'a de sens pour moi que dans ce cadre, c'est-à-dire au sein d'une triple kénose où se joue à la fois l'amour et le don parfait...

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 3, p. 321
(2) p.323
(3) p.323

04 janvier 2007

Agonie

Pour Balthasar, celui qui se débat dans l'agonie du Mont des Oliviers est révélateur de pathos (de son amour comme de sa colère sur les refus d'amour). Il porte les conséquences de sa médiation pour nous. Pour Urs von Balthasar, c'est ainsi que le rejet du Vendredi Saint est si terrifiant; et c'est aussi pourquoi dans la déréliction, se cache pourtant déjà le oui pascal de la justice de Dieu.

Je retiens personnellement ce lieu de combat intense, que les évangélistes évoquent sur la pointe des pieds, mais qui est pour moi le mystère même de la lutte entre le bien et le mal...

(1) UvB DD 3 p. 321

03 janvier 2007

Colère de Dieu - V

Il y a pour Balthasar, "une descente toujours plus en profondeur sur l'échelle de l'obéissance" jusqu'à la totale incarnation finale du Verbe divin (...), un enfouissement de plus en plus profond de la colère de Dieu au coeur des hommes médiateurs. Et cela va si loin que le prophète n'a plus finalement qu'à laisser muette cette voie de la colère - comme pour Jésus et Jérémie. La colère se tait mais pas la souffrance...

02 janvier 2007

Sainte Colère - IV

Si l'on poursuit dans cette analyse, la mort du Christ apparaît alors comme le point focal de la violence de l'homme, mais aussi de la violence de Dieu, au sein même de la manifestation même de Tendresse et de miséricorde. Le Christ est alors à la fois porteur de nos fautes, subissant la violence des hommes, mais aussi sacrement, signe efficace du pardon de Dieu, parce qu'acceptant, par son oui, de porter et de subir cette violence de Dieu, jusqu'à l'expérience de l'abandon. Il n'en subit pas la force comme la résultante d'un sadisme de Dieu, mais comme le signe d'un point de convergence, une hyperbole entre la rage de Dieu face au non de l'homme, dont il en subit l'expérience et dans le même temps comme signe de l'amour infini du Père qui refusant de frapper l'homme, accepte que le Christ devienne sacrement, signe du pardon de Dieu, parce que son abandon même est chemin de résurrection. On est au coeur du mystère même de la croix... (1)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.320-328
Balises : Décentrement Balthasar

Prier la parole - III

Se mettre à l'écoute nous dit E. Bianchi c'est écouter le Christ. Non pas se lancer dans une prière qui reste un monologue auto-centré mais se rendre écoutant...
St Ambroise : "Ecoute le Christ ! C'est à lui que tu parles quand tu pries, c'est lui que tu écoutes quand tu lis les divines écritures".

(1) Des devoirs des ministres sacrés I, 20,28 (PL 16, 50A)

01 janvier 2007

Prier la parole - II

Souvent nous dit E. Bianchi, notre usage de la Parole devient dangereux et sectaire, lorsqu'il n'est plus que le choix des thèmes accrocheurs qui vont permettre d'orienter la vie du groupe. Notre écoute est intéressée. Notre lecture est orientée... C'est pourquoi, l'auteur nous invite à lire et méditer longuement, et à prier de sorte que la Parole nous domine, nous décentre. Cette lecture est plus riche si elle suit la liturgie, ou reprend l'intégralité d'un évangile ou d'une lettre, en cherchant, non pas à choisir ce qui nous parle, mais à rester écoutant...

PS : Je vous avez annoncé quelques éléments de réflexion suite à la lecture d' Enzo Bianchi, Prier la Parole, Vie Monastique, nº15.

Voici, donc, dans les billets à venir et en alternance avec nos commentaires de Balthasar et en préparation du temps de carême et de notre reprise de la lecture de l'Evangile de Jean, quelques passages commentés de cette excellente lecture...

Balthasar : Sainte colère... III

Je ne peux qu'amener le lecteur de ce blog à se plonger dans la lecture de ce tome de Balthasar pour comprendre toute l'argumentation de l'auteur, qu'il serait difficile de traduire en quelques mots, sans en trahir l'originalité.
Si Hans Urs von Balthasar note que la colère de Dieu, bien visible dans l'Ancien Testament n'est pas effacée des propos de la vie publique de Jésus, puisqu'elle transparait dans de multiples paraboles (vignerons, invités du repas, Lazare) ou dans des attitudes du Christ (pharisiens, figuier, marchands du temple). Ces conjonctions ne peuvent nous amener à considérer Dieu comme un pur amour éthéré, mais bien comme un infini de miséricorde mais plein aussi d'une violence contenue, violence qui résulte de l'exaspération de Dieu face aux noms des hommes. La grande difficulté est de maintenir cette tension sans laisser libre cours à une vision d'un Dieu vengeur ou sadique. La violence de Dieu est le fruit même de son amour. Mais puisqu'il est Dieu, la façon dont il contient, maîtrise cette violence, la manière dont il reste le Miséricordieux est au coeur même de sa manifestation et de sa kénose... (1)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.316-320
Balises : Décentrement, Balthasar

30 décembre 2006

Colère de Dieu - II

Pour Balthasar, sans la colère de Dieu, il ne pourrait pas y avoir de grâce. La colère et la tendresse sont inséparables (1)
La colère de Dieu est cependant pour lui une colère maîtrisée. Comme Jésus qui s'irrite, se met en colère contre les pharisiens. Mais cette n'est pas incompatible avec son amour mais bien au nom de l'amour du bien. Il faudrait donc pour lui percevoir la colère avec la même intensité que la miséricorde et la tendresse comme des attributs essentiels mais contenu et maîtrisé, intrinsèque à la nature divine ?
L'erreur serait par contre de voir dans les séismes ou la peine injuste la manifestation de Dieu.
(cf. la distinction reprise chez Thomas d'Aquin).

(1) Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, p. 315

Ecoute...


Ecoute, tel est le premier mot de la règle de St Benoît. Dans notre société de l'information, l'interpellation à écouter prend une coloration particulière. Elle est invitation au silence et à une réceptivité nouvelle. Mais notre monde est il prêt à ce silence, à éteindre "les machines à bruit" pour laisser passer le souffle ténu, le bruit du fin silence qui souffle au fond de notre coeur...

Balise : Prier, Silence

22 décembre 2006

La tendresse de Dieu

C'est le temps de Noël... Chemins de lecture fait une pause et vous laisse méditer la tendresse de Dieu, qui dans les traits d'un petit enfant, vient habiter notre humanité...

20 décembre 2006

Un oui d'amour

Quand on compare le non libre de l'homme et le "oui" d'amour "purement gracieux et totalement sans cause de Dieu", on perçoit la distance abyssale de l'amour divin "qui suscite l'intensification croissante et sans cause (cf. Jn 15,25) de la haine humaine". (1)
On perçoit aussi la distance entre notre oui et celui du Christ.
Distance et appel...

(1) ibid p. 313

19 décembre 2006

L'abandon de Dieu...

La situation du Christ est pour Urs von Balthasar plus radicale et plus accablante que celle subie par le pécheur, parce qu'elle se déroule à un niveau de profondeur que nulle créature ne pourrait soupçonner, celle de la relation entre les hypostases divines. C'est pourquoi, ajoute-t-il, "l'abandon de Dieu est le contraire de l'enfer tout en étant son authentique réalisation. C'est pourquoi, les plaies du Christ demeurent éternellement ouvertes" (1)
N'est-ce pas aussi d'une certaine manière, le prix de notre liberté... Un prix bien cher à payer et que nous ne pourrons pas rembourser... Un prix qui nous interpelle surtout, signe élevé pour nous élever...

Urs von Balthasar, ibid p. 312

18 décembre 2006

Kénoses multiples...

Balthasar définit 3 niveaux de la même kénose :
1) la désappropriation du Père dans le Fils
2) celle du Fils en l'Eucharistie
3) de l'ensemble de la Trinité, dans le nous Trinitaire
Enfin, de part cette kénose originelle, d'autres kénoses de Dieu sont rendues possibles :
a) L'"autolimitation du Dieu Trinitaire" dans le don de la liberté aux créatures,
b) L'alliance indissoluble du côté de Dieu
c) L'eucharistie pro-nobis qui n'est pas que la kénose du Fils seul mais un don trinitaire, au monde, de la croix et de la résurrection.
En ce sens, Balthasar interprète l'échange admirable comme au coeur de l'impuissance de Dieu, plus fortes que toutes les puissances d'amour ou Dieu accepte d'aller jusqu'à être bouc émissaire, toute impuissance, jusqu'à aller au point d'éprouver le mal qui résulte du péché (il s'est fait péché). Pour lui la plus grande distance, infinie entre Dieu et le fils est le résultat même de cette impuissance.
Cette vision kénotique corrige à mon avis les premières impressions qui laissaient voir la distance comme une apatheia du Père. Le concevoir comme une kénose lui donne une autre dimension, celle de faire apparaître l'abandon comme l'acte ultime de la tendresse de Dieu, celle qui plonge l'ensemble de la trinité dans une démarche kénotique...

Urs von Balthasar, Dramatique divine, 3, p 305 à 312
Balises : Kénose Bathasar

17 décembre 2006

Fils Prodigue revisité

Et si nous devions relire le Fils prodigue (Luc 15) à l'échelle de l'humanité entière. Dieu aurait une multitudes de fils perdus et il n'aurait de cesse de guetter leur retour pour leur donner la place de fils, leur mettre les sandales au pieds, celle de l'homme libre et non du va-nu-pieds, les habiller de la robe de l'héritier...
Files infinies des hommes qui se présentent penauds et que Dieu comble de la joie du Père...
Et foules inombrables aussi des fils aînés qui ne connaissent pas la joie d'un "tout ce qui est à moi est à toi" et qui méprisent ceux que Dieu attends...
Suis-je loin de la réalité... ?