28 janvier 2017

La barque de Solwenn - réédition

Vient de paraître sur Fnac.com / Kobo
une nouvelle édition numérique de ma trilogie "Le chant du large", un roman sur l'amour, la souffrance et l'espérance :
1) La barque de Solwenn (en téléchargement gratuit)
2) Maria et Elena
3) Le sourire de Nolwenn
Un roman qui se nourrit de mes recherches pastorales.

Le chant du large (texte intégral) est aussi disponible en version papier sur Amazon.fr, sous ce lien.

27 janvier 2017

Mère Térésa et l'Église

Je ne peux m'empêcher de citer cette anecdote reprise par Flipo (1): "un journaliste demanda un jour à mère Térésa : "que faudrait-il changer dans l'Église pour la réformer ?" Après in silence, elle le regarda et lui dit : "vous et moi !". Heureux, conclut Flipo celui qui, comme Simon-Pierre reconnaît sa propre faiblesse et renonce à sa suffisance".

Heureux celui qui reconnaît sa "docte ignorance", disait hier mon curé...

Bienheureuse humilité...
Chemin inaccessible à l'homme, mais grâce donnée par Dieu ?

(1) Claude Flipo, ibid. p. 117-8

25 janvier 2017

Jaïre, croire au delà de la mort

C'est probablement le plus grand acte de foi du NT nous dit Flipo que celui de se père ébranlé par la mort de sa fille de 12 ans. Et pourtant Jésus l'entraîne à sa suite. "Aie seulement la foi". Pourrons nous croire comme cet homme au coeur de l'adversité et de la souffrance. Le parallèle avec Thérèse de Lisieux fait par Flipo en page suivante est édifiant. Jusqu'ou Seigneur ?

(1) Claude Flipo, Hommes et Femmes du Nouveau Testament, cinquante portraits bibliques, ibid. p. 78.

24 janvier 2017

Centre et décentrement

Écouter est au coeur de notre vocation première. Elle est le préalable. "Ce qui définit l'homme (...) est qu'il est capable de comprendre que son Créateur et Seigneur s'adresse à lui (...) mais l'homme dès qu'il a pris conscience de sa liberté a préféré écouter une autre voix, celle de l'Adversaire, et se faire centre, plutôt que d'entrer en relation de louange et de service(1)", et se faisant de ce décentrer.

(1) Claude Flipo, ibid. p. 107

23 janvier 2017

La foi qui touche

Flipo(1) nous partage une phrase d'Augustin à propos de l'hémoroisse qui appelle un commentaire. Elle a touché Jésus par le coeur. Et nous, comment le touchons-nous. Je trouve qu'il devrait y avoir une méditation sur le fait de prendre Jésus dans sa main, pour accompagner le geste de réception, l'amplifier.

Mais peut-être que je donne trop la communion en paroisse et que ces bouches ouvertes manquent de charme... :)

(1) Claude Flipo Ibid p. 174

22 janvier 2017

Va chercher ton mari - Jn 4

Dans mon interprétation de ce dialogue avec la Samaritaine je m'attachais à la symbolique des 5 maris et du compagnon de cette femme y voyant le signe d'un manque affectif que l'arrivée de Jésus transformait et convertissait. Claude Flipo à une interprétation plus contextuelle et voit dans les cinq une allusion aux dieux de ce peuple d'immigrés voisins d'Israël (1). Une chose nous rapproche : "Le va chercher ton mari est un appel à une autre quête, celle du vrai Dieu. Il se base sur Osée 2 où le "ton Baal" devient "Ton Mari". Épousailles d'un autre niveau.

(1) Claude Flipo, ibid. p. 66

21 janvier 2017

De l'Église à l'homme

La contemplation du récit de la guérison du paralytique par Marc, nous dit Claude Flipo s'inscrit dans une trame qui vise l'intérieur de l'homme, sa conversion intime. Et ce travail passe par l'aide d'une petite église : quatre hommes qui ont la foi jusqu'à faire un trou dans le toit pour descendre leur ami devant Jésus.
On ne sait rien, à ce stade de la foi de l'homme, mais il faut goûter à ce passage de la foi des autres à sa propre espérance. "Ne regarde pas mes péchés mais la foi de ton Église". C'est bien la foi de l'Église qui nous porte jusqu'à Lui, alors même que la nôtre est encore fragile, et que notre coeur est bien pauvre en amour"(1).

(1) Claude Flipo, ibid. p. 51

20 janvier 2017

Joseph le passeur

Belles images que ces 50 portraits bibliques de Claude Flipo(1) que je découvre 10 ans après leur parution.
Après celles de Zacharie, d'Elisabeth et des bergers qui entrent en résonance avec Silo le berger, ma dernière lecture pastorale, je m'arrête sur la figure de Joseph. Flipo en fait un portrait de passeur, d'écoutant du "bruit de fin silence", de lanceur qui mérite d'être contemplée dans une lectio très ignatienne.


(1) Claude Flipo, Hommes et femmes du nouveau testament, cinquante portraits bibliques, Paris, Seuil, 2006, p. 30ss.

19 janvier 2017

Le cosmos pour Aristote

"Voir le cosmos comme un temple du divin(1)" selon Aristote a-t-il aujourd'hui un sens ? Non si l'on considère ce que l'on sait du vide et de l'espace. Oui si l'on passe dans la contemplation spirituelle de l'ordre des planètes et ce qu'il révèle du Dieu créateur. Non si l'on s'arrête au chaos. Oui si l'on cherche au delà le sens, la direction, l'oméga...

(1) Hans Urs von Balthasar, GC6, p. 187

18 janvier 2017

Souffrance des enfants

A relire, la Croix de ce Week-end sur la souffrance des enfants et cette belle phrase citée sur cet « autre Dieu » que la protestante Marion Muller-Colard a découvert à l'âge adulte : Il n'est ni justicier (« si le mal me tombe dessus, c'est que je l'ai mérité »), ni pervers (« je n'ai pas mérité cela »). Il « compte sur chacune de nos vies pour circonscrire avec lui le chaos ».(1)

On y retrouve une préoccupation longuement évoquée dans mes travaux de 2013 et 2014(2)

(1) cité dans La Croix du 7-8/1/2017
(2) Quelle espérance pour l'homme souffrant et Où es-tu mon dieu ?

17 janvier 2017

Joie céleste - Dante

C'est probablement le passage du tome 2 de la Gloire et la Croix qui m'avait le plus marqué il y a douze ans. Il s'agit de cette vibration céleste où "la montagne entre en transe chaque fois qu'une âme se sent purifiée (...) le purgatoire tout entier accompagne d'un Gloria tumultueux qui ébranle ses fondements mêmes, cette irruption dans la liberté éternelle" (1). Elle est pour moi une belle anticipation de la cité de Dieu, non lieu de rédemption individuelle mais collective. L'image se complète par celle des "corps lumineux des bienheureux" (...) "qui tournent sur eux-mêmes, comme des roues de lumière" (2) et me font penser à cette "danse des anges(3)" si bien représenté dans le "jugement dernier" de Fra Angelico que l'on trouve maintenant à Florence.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 384
(2) Dante, Par. 24, 13, cité p. 385
(3) cf. aussi mon livre éponyme.

15 janvier 2017

Bonnes nouvelles du cosmos - Un film, un livre, une rencontre...

Je sors de ce film, ému jusqu'au fond de l'être. Une magnifique rencontre de la personne humaine dans sa différence et la densité de sa profondeur. Et en prime, surprise, elle était là samedi au Luminor, en chair et en os avec sa mère et la réalisatrice pour répondre à nos questions. Sa réponse écrite lettre à lettre à ma question sur Dieu me laisse d'autant plus rêveur que je l'ai entendu dit d'une autre manière dans l'Évangile de demain. "L'infini était avant Babouillec", le nom que cette jeune autiste s'est donnée.

Elle a écrit, lettre à lettre, un livre très dense poétiquement : "Algorythme éponyme".
Voir aussi  :
- La bande annonce : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19565405&cfilm=247964.html
et sur ce film, la recension de la revue Etudes de décembre 2016...
D'après Julie Bertuccelli, réalisatrice, le DVD sort le 9 mars avec plein de bonus...

Dynamique sacramentelle 2

"Béatrice regarde Dieu, Dante regarde Béatrice, et dans ce pur miroir voit le signe que Dieu lui fait. Car la bien-aimée n'enferme pas en elle le poète; au contraire, elle lui ouvre le regard à toute réalité, alors qu'il se serait contenté d'elle seule et qu'il sent sa parole et son esprit se dérober lorsqu'il s'agit de dépeindre l'amour qui jaillit de ses yeux sanctifiés". (1) Dante le souligne d'ailleurs ainsi "Elle me dit : "Retourne-toi et écoute, car ce n'est pas dans mes yeux qu'est le Paradis"(2)

(1) Hans Urs von Balthasar GC2 p. 376
(2) Dante, La divine comédie, par. 18, 13-21.


14 janvier 2017

Dynamique sacramentelle chez Dante

Béatrice tourne ses regards vers le Christ, ce qui conduit Dante à réaliser qu'il est comme un vieux chêne déraciné par la tempête. "Il tombe vaincu sur le sol". Intéressante composition romanesque qui introduit ce qu'Hans Urs von Balthasar appellera la scène la plus dense de la Divine Comédie: "Ici, l'éros a dépassé sa subjectivité, il a grandi jusqu'à la forme objective d'un sacrement, et inversement la forme sacramentelle se dévoile, elle se justifie et apparaît comme amour".

Pourquoi parler de dynamique sacramentelle ici. Parce qu'à mon avis, le chemin "érotique" de Dante trouve ici son point culminant. C'est la direction du regard de Béatrice qui conduit Dante à la conversion et cette unité retrouvée en Christ est signe...

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p.373.

13 janvier 2017

La voie ascétique - Dante

Hans Urs von Balthasar nous prévient (p. 366), la Divine Comédie est centrée autour de la "rencontre de Dante avec Béatrice dans le purgatoire". "Dante commence par se laver dans la rosée du ciel (...) puis revêt la ceinture ascétique en jonc. Puis viennent les degrés de la montagne, et chaque fois c'est comme une mue (...) le dépouillement des ténèbres du monde (...) et par là le cœur s'ouvre à la paix, se purifie "pour revenir à celui qui t'a fait" (2).

Hans Urs von Balthasar souligne que le trajet se fait de jour à la différence du chemin de saint Jean de la Croix. Mais que nous importe... Car si dans la nuit de nos jours, nous marchons vers la lumière de nos nuits, l'enjeu est ailleurs, dans ces mues successives qui nous conduisent à la voie unique, celle des pas du Christ vers le Père.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2, op. Cit. p. 366
(2) p. 369

12 janvier 2017

La violence n'est pas en Dieu...

Depuis la publication de mon tome 10 des lectures pastorales sous le titre "Dieu n'est pas violent" (1), il me semble que cette piste de théologie négative mérite d'être poussée plus loin. 

Dire que Dieu n'est pas, c'est avancer dans le mystère.  C'est aussi vérifier dans nos coeurs et nos vies combien cela prend corps.

Que le Christ ait rejeté toute violence, nul n'en doute. 
Pourquoi Pierre avait-il alors sur lui une épée ? (Jn 18, 10). Quid aussi de la fameuse colère de Dieu et du jugement dernier.  Sont-ils compatibles avec l'amour de l'ennemi ?  (Luc 6, 27-35 / Mat 5, 44)
Quid surtout de la violence qui monte en nous face à l'injustice,  à la violence du monde, à l'islam ? Peut-on suivre le Christ les armes à la main ?

Dieu est amour,  miséricorde... jusqu'où...?
La violence de l'apocalypse est-elle compatible avec le Dieu amour ?
Jusqu'où balayer devant notre porte avant de critiquer l'extrémisme islamique ?
Peut-on aller plus loin ? Face au judaïsme radical et un coran intégral où se situe le "plus" chrétien ? N'est-il pas dans le jusqu'au bout de l'amour ?  Est-ce utopie, naïveté ou fidélité au chemin sur lequel le Christ nous conduit ?
Un travail de recherche à venir...

(1) : Lectures pastorales (essai de numérotation)
0. A genoux devant l'homme (Jean)
1. Chemins de miséricorde (Luc)
2. Sur les pas de Marc
3. Sur les pas de Jean
4. Chemins croisés (Matthieu)
5. Chemins d'Evangile (Recueil : 1 à 4)
6. Chemins d'Église (Actes)
7. Kénose et Diaconie (Actes et Paul)
8. NT, tome 3 (Autres lettres et Apocalypse) 
9.  Lire l'AT, tome 1 - Osée et Genèse
10. Dieu n'est pas violent (Exode et Rois)
11. Chemins de prière (psaumes)
12. Silo le berger (Luc 2)




11 janvier 2017

Beauté infinie

Il n'est pas humain de croire que l'on peut saisir l'insaisissable, comprendre l'infini de Dieu et tous nos efforts humains ne valent rien face à l'excès en Dieu. On peut comprendre dans cette dynamique que Dante dépose aux pieds de Béatrice "son emploi de poète ; car il est sûr, non seulement de ne pas pouvoir dire combien elle est belle, mais qu'elle est beaucoup plus belle qu'il ne le comprend et que, seul, son Créateur peut jouir totalement de cette beauté"(1).

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2, p. 389

08 janvier 2017

Cana - une lecture spirituelle -Faust de Riel

Le récit de Jean mérite un large détour.  Sa force symbolique dépasse largement l'histoire elle même,  la simple compassion de Jésus pour des fiancés d'une bourgade de Gallilée.  La simple allusion au troisième jour et donc à la résurrection nous interpelle.  Celle des noces, thème récurrent de l'Ancien Testament aussi.
Comme le puits de Jn 4, l'enjeu est donc plus vaste et l'ironie johannique sur les rapports de Jésus et sa mère ne doit pas nous dérouter. Je découvre comme toujours chez les Pères de l'Église des pépites dans leur lecture spirituelle de Cana. Celle ci,  proposée dans l'office des lectures vaut le détour : "Le troisième jour, il y eut des noces. Que sont ces noces, sinon les vœux et les joies de l'humanité sauvée, célébrées le troisième jour, dans le mystère de ce chiffre qui désigne soit la confession de la Trinité, soit la foi en la résurrection.
Car, dans un autre passage de l'Évangile, c'est avec la musique et les danses et la robe des noces que l'on accueille le retour du fils cadet, c'est-à-dire la conversion du peuple païen.
Aussi, comme un époux sortant de la chambre nuptiale, le Verbe descend jusqu'à la terre, jusqu'à l'Église qui doit rassembler les nations; en assumant l'incarnation, il va s' unir à celle qu'il a gratifiée d'un contrat de mariage et d'une dot. Un contrat, quand Dieu s'est uni à l'homme ; une dot, quand il a été immolé pour le salut de l'homme. Le contrat, c'est la rédemption présente ; par la dot, nous entendons la vie éternelle.
Aussi était-ce des miracles pour ceux qui voyaient, des mystères pour ceux qui comprenaient. C'est pourquoi, Si nous regardons bien, on découvre d'une certaine manière, dans les eaux elles-mêmes, une ressemblance avec le baptême et la nouvelle naissance. En effet, lorsqu'une chose se transforme intérieurement en une autre, lorsque la créature inférieure, par un changement invisible, se transmue en une nature meilleure, le mystère de la seconde naissance s'accomplit. Les eaux sont changées tout à coup, elles qui plus tard doivent changer les hommes.Par l'action du Christ en Galilée, voici du vin. C'est-à-dire que la loi disparaît et la grâce la remplace: le reflet est écarté, la vérité est rendue présente ; les réalités charnelles conduisent aux spirituelles, l'observance ancienne disparaît au profit de l'alliance nouvelle.
Comme dit l'Apôtre :Le monde ancien s'en est allé, un monde nouveau est déjà né. De même que l'eau contenue dans les cuves ne disparaît pas, mais reçoit alors une existence qu'elle ne possédait pas auparavant, ainsi la loi ne disparaît pas, mais se perfectionne par l'avènement du Christ.Le vin venant à manquer, un autre vin est procuré; le vin de l'ancienne alliance était bon, mais celui de la nouvelle est meilleur. L'ancienne alliance, celle que les Juifs observent, s'évapore dans la lettre. La nouvelle alliance, celle qui nous concerne, nous restitue le goût de la vie en nous donnant la grâce. Le bon vin, c'est-à-dire le bon commandement, est celui de la loi qui t'enseigne: Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais le vin de l'Évangile est meilleur et plus fort, lorsqu'on t'enseigne: Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent." (1)
Que l'auteur de ce sermon, abbé de Lerins puis évêque de Riez, au Veme siècle soit ensuite accusé de semi-pelagianisme enlève-t-il de l'intérêt à cette interprétation ?
Sa lecture est doublement sacramentelle. Elle donne sens au baptême comme à l'eucharistie,  dans une dynamique cohérente avec d'autres analyses,  sans parler de mes travaux de recherche sur ce thème (2).
(1) Fauste de Riez, Sermon sur l'épiphanie
(2)  cf. Dynamique sacramentelle et Sur les pas de Jean

07 janvier 2017

Cana 2 -Saint Ephrem

Une deuxième interprétation qui n'enlève rien à la première est aussi digne d'intérêt.  "Au désert, notre Seigneur a multiplié le pain, et à Cana, il a changé l'eau en vin. Il a ainsi habitué la bouche des hommes à son pain et à son vin, jusqu'au temps où il leur a donné son corps et son sang. Il leur a fait goûter un pain et un vin transitoires, pour faire grandir en eux le désir de son corps et de son sang vivifiants...
Il nous a attirés par ces choses agréables au palais, afin de nous entraîner plus encore vers ce qui vivifie pleinement nos âmes. Il a caché de la douceur dans le vin qu'il a fait, pour indiquer aux convives quel trésor incomparable est caché dans son sang vivifiant. Comme premier signe, il a donné un vin réjouissant pour les convives, afin de manifester que son sang réjouirait toutes les nations. Si le vin intervient en effet dans toutes les joies de la terre, de même, toutes les vraies délivrances se rattachent au mystère de son sang. Il a donné aux convives de Cana un vin excellent qui a transformé leur esprit, pour leur faire savoir que la doctrine dont il les abreuverait transformerait leur cœur. Ce vin, qui n'était d'abord que de l'eau, a été changé dans les jarres, symbole des premiers commandements amenés par lui à la perfection. L'eau transformée, c'est la Loi menée à son accomplissement. Les invités de la noce ont bu ce qui avait été de l'eau, mais sans goûter à cette eau. De même, lorsque nous entendons les anciens commandements, nous les goûtons dans leur saveur non pas ancienne mais nouvelle." (1)

Que l'auteur de ce texte soit docteur de l'Église ajoute-t-il du crédit à sa thèse ? :)
Est-elle très différente de celle de Fauste de Riez ? Elle est en tout cas plus ancienne puisqu'Ephrem était diacre en Syrie au IVeme siècle.

Il nous faut puiser à ces deux sources comme à toutes les semences du Verbe.  L'Écriture est un puits sans fond et la diversité est aussi source d'unité quand elle nous conduit à l'ultime contemplation,  celle du Christ.

(1) Saint Ephrem, Commentaire de l'Évangile concordant, 12, § 1-2 ; SC 121 (trad. cf SC, p. 213)

05 janvier 2017

Diversité et unité - Augustin, Cité de Dieu

En complément d'un post récent sur ce thème je relève l'allégorie spirituelle fait par l'évêque d'Hiponne sur l'arche de Noé (quelques pages après la "couverture sacramentelle" de la nudité du patriarche par ses fils). Pour Augustin, les différentes espèces dans l'arche peuvent être considérées comme une "figure de l'Église qui pouvait être constituée de plusieurs nations" (1).

Au sens de 1 Co 12, 14, cette multitude est représentative d'une unité encore à trouver dans une barque ecclésiale encore soumise aux tempêtes et aux divisions et chemin d'une sainteté encore en marche. Elle fait écho à une barque traversée d'une ligne blanche (symbole de la persistance du péché en son sein) croisée dans une église croate dédiée aux martyrs de la guerre.

Les divisions et les différences n'ont de sens que pour nous conduire à l'unité in Christo qui ne viendra pas de nos efforts mais de notre humble capacité à être traversé par l'Esprit.

(1) Saint Augustin, La Cité de Dieu, Bourges, Éd. Gilles, 1818, p. 22

29 décembre 2016

L'Église au XVIème siècle

"La situation religieuse en Europe à la veille de la Réforme protestante (...) est en fait plus complexe, à un degré qui ne permet pas les raccourcis sommaires et qui remet en question les stéréotypes toujours dominants dans les médias populaires" (1)

O'Malley évoque ainsi une réforme spontanée du clergé, surtout dans les ordres religieux.

Si je résume c'est un peu comme dire que l'église actuelle se résume aux crimes et abus de certains. La tentation de l'amalgame ignore le travail de l'Esprit dans le Corps...

Sommes-nous des pécheurs pardonnés ?

La sainteté de l'Eglise est-elle un but à atteindre ici-bas...?

La coexistence entre une Église sainte et pécheresse reste une tension. Affirmer le contraire serait présomptueux, ce que l'on ne peut plus se permettre.

(1) O'Malley, Le concile de Trente ibid. p. 57

Langue vernaculaire 2 - Concile de Trente

Une première contre-vérité démantelée à la lecture des travaux d'0'Malley : "La messe devrait être célébrée uniquement dans la langue vernaculaire". En d'autres termes, selon le concile de Trente, "le latin était légitime mais pas obligatoire" précise l'historien (1).
On est loin de l'image tridentine colportée près de 500 ans plus tard.

Affaire à suivre.

(1) John W. O'Malley, Le concile de Trente, Ce qui s'est vraiment passé, Bruxelles, Lessius, 2013, p. 33

Souffrance - Saint Bernard

"N'interroge pas ce que tu souffres, toi, mais ce qu'il a souffert, lui. À ce qu'il est devenu pour toi, reconnais ta valeur à ses yeux, afin que sa bonté t'apparaisse à partir de son humanité. En effet, l'abaissement qu'il accomplit dans son humanité a été la grandeur même de sa bonté, et plus il s'est rendu méprisable en ma faveur, plus il me devient cher." (1)

A méditer

(1) Saint Bernard,  Homélie sur l'épiphanie

28 décembre 2016

Anima ecclesiastica

Dante a cultivé ce qu'Hans Urs von Balthasar appelle à la suite d'Origène et jusque dans les commentaires médiévaux du Cantique des Cantiques l'anima ecclesiastica, cette "âme dont l'expérience et la sensibilité, la pensée et le vouloir, se sont dilatés jusqu'à l'universalité de la Sponsa Christi, l'épouse de l'Agneau, la Jérusalem céleste, jusqu'à la communauté de tous les saints et de tous ceux qui aiment". (1)

On a là une description presque poétique de la Koinonia paulinienne, cette unité à construire en dépit de la nécessaire diversité décrite par lui en 1 Co 12, 14.

Une unité en Christ à construire.

À méditer.

(1) GC2 p. 365

Contempler la grâce - Dante

"Ouvrez vos yeux et regardez : car avant que vous fussiez elle vous aima, préparant et ordonnant votre venue". (1)

On peut contempler en écho cette phrase de Dante sur la grâce et l'idée de prédestination chez Paul (cf notamment Eph. 1, 7), non au sens d'une perte de liberté mais dans celui du rêve de Dieu pour nous. Car s'il ne veut agir contre notre liberté, on peut penser qu'il rêve sans cesse de nous voir prendre le chemin de vie qu'il trace devant nos pas.

Certes les souffrants auront du mal à entendre cela. C'est ignorer que Dieu souffre à nos côtés ou prépare pour nous le creuset d'une tendresse qui nous permettra dans ce temps ou dans l'autre de comprendre l'inacceptable.

(1) Dante, Conv. 3, 15, (Le Banquet) cité par Hans Urs von Balthasar in GC2 p. 359

24 décembre 2016

Silo, berger de Palestine - extrait 1

 Extrait du conte interactif Silo le berger

"1. Silo et le vieil homme

Notre histoire commence il y a plus de deux mille ans, sous le règne du grand César Auguste, alors que Quirinius gouvernait la Syrie et le roi Hérode la Palestine. Quelque part, dans les montagnes de Juda, tu es là, petit homme de Palestine. Tu t'appelles Silo, tu es berger.
Enfin, c'est plutôt ton père qui est berger. Toi tu n'es qu'un petit pâtre, en charge d'une dizaine de brebis du troupeau. Comme dans ton pays, l'herbe et l'eau se font rares, il te faut les conduire vers des pâturages d'herbe fraîche et veiller à ce qu'elles puissent boire, en quantité suffisante. C'est un travail souvent épuisant, parce que le soleil tape fort dans ton pays et les cailloux dans les montagnes sont acérés.
Tu as les cheveux tout roux. Ta mère, parfois, t’appelle le petit David, du nom de ce roi d’Israël qui a tant marqué le peuple juif. Parfois, ce surnom te fait rêver et tu t’imagines roi de Palestine.
En ce jour d’été, tu as décidé de grimper sur la crête, pour voir l’étendue de ton royaume imaginaire. Depuis ton observatoire, tu aperçois au loin, les grandes montagnes de Judée, usées par le soleil et le vent. Au nord, dans la brume d’été, tu aperçois Jérusalem. Soudain, à ta gauche, un couple de jeunes bouquetins de Nubie apparaît. Tu les connais bien, ces grandes chèvres sauvages aux cornes acérées. Tu aimes leurs lignes gracieuses et souvent, tu guettes leurs apparitions le soir sur la crête ou près des ruisseaux.
Un cri rauque attire ton regard. C’est un faucon. Profitant de la brise légère, il se laisse porter vers les hauteurs. Par de brefs coups d’aile, il se maintient en dessus d’un point que tu cherches à deviner. Est-ce un petit rongeur, une vipère du désert ? Soudain, il plonge et tu le vois disparaître, derrière la colline. Comme le jeune David, tu t’amuses alors avec ta fronde, cherchant à atteindre, la grosse pierre, à plus de trente mètres devant toi. Tu n’as pas la dextérité légendaire du jeune roi et tu te lasses de ce jeu.
D’un coup d’œil, tu surveilles la course de l’astre de feu et, plus bas, ton petit troupeau. Tes brebis se sont regroupées à l’ombre d’un vieux sycomore et ne broutent plus. Tu décides qu’il est temps de leur donner à boire. En quelques grandes enjambées, tu les rejoins et, d’un petit sifflement, tu les appelles. Les voilà qui te suivent, sur le petit chemin qui conduit au puits. Là, tu lances le seau et remontes, une à une, de grandes lampées d’eau fraîche que tu déverses dans la longue vasque en pierre qu’elles entourent déjà. Au bout de dix seaux, épuisé, tu t’es assis sur la margelle d’un puits. Tu viens de tirer sur la corde de chanvre. C’est alors qu’au loin apparaît un vieil homme. Il marche doucement, appuyé sur sa canne. Il semble, lui aussi, terrassé par la chaleur.
Il s’approche. Il est là.
- Bonjour petit, tu peux me tirer de l’eau. Mes mains sont usées et le puits est profond.
Tu hésites. Tu ne connais pas l’homme. Il est habillé comme un prêtre, mais sa tunique est rapiécée. Pourtant tu te lèves, un peu malgré toi. Toi non plus, tu n’es pas riche. Et tes sandales sont usées par ces courses sans fin derrière le troupeau.
Tu lâches le seau. Il arrive au fond du puits et tu tires sur le bout de chanvre, pour qu’il se redresse et se remplisse à moitié. Et puis tu le hisses, à nouveau. Tes mains calleuses sentent les nœuds de la corde. La sueur coule sur ton front. D’un œil, tu surveilles tes brebis, qui boivent lentement. Bientôt le seau apparaît, tout près. Tu le soulèves dans un dernier effort et le présentes à l’homme.
- Comment t’appelles-tu, petit ?
- Silo, fils de Bénabath.
- C’est ton troupeau ?
- Oui, enfin, une partie. Mon père est là-haut, sur la crête.
L’homme te regarde, te dévisage. Il a une bonne tête, le regard qui pétille, au milieu de ses rides. Il ne dit rien. Puis soudain, il se met à parler.
- Je m’appelle Zacharie, dit-il, de la tribu d’Aaron. Je vais à Jérusalem, au Temple.
Tu ne réponds rien. Son regard t’intimide.
- Je vais prier le Dieu de nos pères, lui demander de nous envoyer le Messie.
- Le Messie, demandes-tu ?
- Oui, le sauveur de notre peuple. Celui que l’on attend.
Tu restes en silence. Il te parle encore un moment, assis sur la margelle. Tu l’écoutes, tout en surveillant tes brebis. Elles semblent ragaillardies. L’homme se lève, sourit et reprend sa route. Tu rejoins ton troupeau. Le soir, tu retrouves les tiens dans le campement itinérant, installé par ta mère, Judith, et tes deux grandes sœurs, Esther et Rebecca. Le petit Tobie est là, lui aussi, dans les bras de ta sœur aînée. Il n’a que six mois, mais déjà il pousse sur ses jambes et te tend les bras. Tu l’attrapes, le fais sauter en l’air, par trois reprises. Il rit de bon cœur.
Quand le soleil s’approche des collines, tu t’empresses d’y pousser tes brebis. Quand tout va bien, l’ensemble du troupeau est réuni par Félix et Nestor les deux chiens de ton père. Tu aides à la traite, puis tu retrouves ton frère et tes sœurs, au coin du feu. Là, tu manges en silence, les yeux tournés vers le ciel qui chaque nuit s'emplit d'étoiles. Ta vie est toute simple. Pourtant, la phrase du vieux Zacharie te taraude. Un Messie ? Est-ce possible ?"


Pour en savoir plus : voir post précédent....

22 décembre 2016

Dieu Trinité - Emmanuel Durand

J'ai beaucoup cité cet auteur dans mes travaux de recherche sur la danse trinitaire repris dans l'Amphore et le fleuve et Kénose et miséricorde.
Gageons que son nouveau livre(1) vaut le détour.
J'aime déjà sa conclusion citée dans la Croix du 22/12 : "il faut avant tout croire, espérer, aimer, célébrer, agir et… se taire."

(1) Emmanuel Durand, Dieu Trinité. Communion et transformation, Paris, Cerf, 2016.

21 décembre 2016

Bach, échelle de larmes

"Bach, échelle de larmes sur lesquelles gravissent nos désirs de Dieu". Emil Cioran (1)
À méditer

(1) Un aphorisme cité par Bruno de Cessole lors d'une conférence aux Bernardins de novembre 2016

20 décembre 2016

Le phénomène érotique - Dante

J'emprunte à Jean-Luc Marion le titre de son livre pour décrire ce que Hans Urs von Balthasar nous dit de Dante. Par l'éros de Béatrice et la notion du voile et du dévoilement, il nous prépare en effet à cette révélation du divin qui culminera dans sa Divine Comédie : "la force de persuasion de la belle femme qui nous séduit en vue du mieux et qui voile et dévoile ses charmes, mais les voile en permettant de les dévoiler" est pour Hans Urs von Balthasar le prélude chez Dante de ce "désir éternel" vu comme contradiction, impossibilité et même éthiquement une abomination.
Cependant,  ajoute-il plus loin, l'éros nous purifie ainsi en nous rappelant l'humilité, (...) il nous entraîne toujours plus haut, jusqu'à cette figure ultime que Dante nous dévoilera dans la rose céleste (1).

Il y a donc là une dynamique qui n'est autre que celle de l'incarnation.  En rejoignant l'homme jusque dans ses tensions charnelles, en les purifiant jusqu'à comprendre leurs limites,   Dieu nous conduit à sa danse (un autre concept qui nous vient aussi de Dante).

(1) GC2 p. 359

18 décembre 2016

Moise et la captation de Dieu

Intéressant commentaire de Hans Urs von Balthasar sur Exode 19 à 34 qui rejoint mes travaux sur "Dieu n'est pas violent"(1) Les couches rédactionnelles de ces passages suggèrent des ajouts successifs, à partir d'une histoire originale où "le pasteur Moïse était conduit à la montagne de Dieu" (2), il y recevait l'ordre d'amener le peuple, puis congédié, il réclame plus...(3)
Ce que je commente dans mon livre à la suite de certains exégètes sur le quiproquo d'Exode 33, aboutit finalement, à la lecture de Hans Urs von Balthasar, à une question : Comment peut-on parler de Dieu ? Tout cela n'est-il pas une mise en exergue de nos propres désirs de mettre Dieu en bouteille, c'est-à-dire de le faire entrer dans nos cases, comme le judaïsme a pu le faire jusqu'au déchirement du voile de Marc 15,38 et ce que nous ne cessons de faire à notre tour. Comment peut-on parler de Dieu ? Lui seul est maître de sa révélation. Et tous nos propos ne peuvent être que de la théologie négative : Dieu n'est pas....
Seul le Fils et l’Esprit dévoilent le Père...
À méditer
(1) Lectures pastorales, tome 8
(2) La Gloire et La Croix, Théologie, Ancienne Alliance, p. 46
(3) ibid.

14 décembre 2016

Les profondeurs de la souffrance du Fils - Saint Jean de la Croix

"Il est impossible de parvenir à la profondeur de la sagesse et des richesses de Dieu sans pénétrer dans la profondeur de la souffrance de mille manières, l’âme y mettant sa joie et ses désirs (afin de comprendre avec tous les saints quelle en est la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur) ! L’âme qui désire vraiment la sagesse désire aussi vraiment entrer plus avant dans les profondeurs de la Croix qui est le chemin de la vie ; mais peu y entrent. Tous veulent entrer dans les profondeurs de la sagesse, des richesses et des délices de Dieu, mais peu désirent entrer dans la profondeur des souffrances et des douleurs endurées par le Fils de Dieu : on dirait que beaucoup voudraient être déjà parvenus au terme sans prendre le chemin et le moyen qui y conduit." (1)
À méditer...

(1) Saint Jean de la Croix,  Cantique spirituel, source AELF

13 décembre 2016

Silo le berger, un conte de Noël

Comment aider nos jeunes enfants à découvrir et à goûter l'Écriture ? Écrit pour mon jeune filleul, Silo le berger est une histoire interactive, inspirée du tome 1 de mes lectures pastorales : "Chemins de misericorde".
Il nous conduit, par les yeux d'un petit berger, devenu pêcheur en Gallilée, de Zacharie à la résurrection. Le livre, qui suit fidèlement l'évangile de Luc dans la version Crampon vient de paraître en édition brochée couleur à prix coûtant. Il est également disponible en version Kindle à prix mini. (0,99 €)
Les 16 premiers chapitres (un conte de Noël) peuvent être lus à partir de 7 ou 8 ans. L'ensemble vise plutôt 10 ans et plus.
Il est illustré de photos de Palestine.

08 décembre 2016

Langue vernaculaire

Poursuite de la lecture de la Gloire et La Croix tome 2 (GC2) de Hans Urs von Balthasar qui nous conduit sur les pas de Dante. Il y a, je trouve, dans le choix d'écrire en italien le même mouvement qui a emballé l'après Vatican II : une kénose véritable qui cherche à rejoindre l'homme jusque dans sa langue. Après tout, comme le note John P. Meier, Jesus appelait son Père Papa... La proximité est celle de l'amour vrai et nos ornements liturgiques, dont je ne nie pas l'esthétique et l'universalité oublie ce principe de proximité...

07 décembre 2016

L'apostolat de la bonté - Charles de Foucauld

"Charles de Foucauld a compris très vite qu'il n'avait pas à « proclamer » l'Évangile sur les toits, mais plutôt à vivre ce qu'il appelait « l'apostolat de la bonté » en le faisant rayonner par toute sa vie."(1)

A contempler

(1) Mgr Claude Rault Évêque de Ghardaïa (Algérie), La Croix du 4 décembre 2016

05 décembre 2016

Le flair du laïc - PF2

Plutôt que favoriser la construction d'une élite de laïcs, le pape poursuit en incitant à véritablement soutenir "et accompagner un baptisé dans sa vie de tous les jours". Leur rôle n'est pas de "servir les prêtres" mais bien de "poursuivre la lutte quotidienne pour vivre sa foi".(1)

Quel est l'enjeu ? Ne pas se focaliser sur la Vie sacramentelle mais bien au contraire transformer la vie entière en sacrement, aider le peuple de Dieu à vivre, habiter l'espace public. Le berger ne doit pas "dicter" ce que le peuple doit faire, il "le sait mieux que lui", mais il doit le soutenir et "l'accompagner" (2)

(1) Pape François, LME, op. Cit. p. 20
(2) p. 21

03 décembre 2016

Rite et Passion

Un autre point où je rejoins véritablement Bonaventure c'est bien dans cette phrase :"Toute la pompe des cérémonies ne représentent rien d'autre que la Passion du Christ ; pendant la messe, il n'y a rien de plus important que de penser à la mort du Christ"(1). Pour lui il s'agit de célébrer ce moment d'amour entre le Dieu qui s'est fait pauvre et l'homme qui s'est fait pauvre.

J'ajouterai que contempler l'hostie sans penser au don de son Corps, c'est mal comprendre le sens même du sacrement.

(1) Bonaventure, praep. ad. Miss., 10 (VIII, 103a) cité in GC2 p. 319

02 décembre 2016

La tentation cléricale - Pape François

Suite à une conférence donnée par Guzman Carriquiry à l'institut catholique, je découvre avec bonheur cette lettre apostolique du pape François au cardinal Marc Ouellet du 19 mars 2016, où le pape commence, dans la lignée d'Evangelium Nuntiandi de Paul VI à nous alerter sur la "mémoire et le flair" (1) du peuple de Dieu qu'un cléricalisme exacerbé priverait de considérer au nom d'un mépris pour la piété populaire.
"La foi de notre peuple (...) manifeste une présence authentique de l'Esprit" (2)

(1) pape François, Les laïcs, messagers de l'Evangile - lettre apostolique du pape François au cardinal Marc Ouellet du 19 mars 201, Paris, Salvator, 2106 (ci-après LME).
(2) ibid.

01 décembre 2016

Humilité et pauvreté chez Bonaventure

Les stigmates de François donnent en eux-mêmes une "force d'expression au langage de la Croix". Le double mystère de l'humilité et de la pauvreté du Christ lui-même conduit à considérer que devenir pauvre par amour, c'est faire place nette pour que les rayons descendants de l'amour de Dieu, en tant que beauté ne rencontrent pas d'obstacle"(1).

Ce "baiser nuptial" de Dieu en Croix est mouvement descendant et sponsal...

(1) Bonaventure, cité par Hans Urs von Balthasar, in La Gloire et la Croix, tome 2 (GC2) p. 318-9

30 novembre 2016

Humilité de Dieu chez Bonaventure

"Le Père a tout dans son Fils". Il s'y exprime en descendant dans le néant. C'est là l'humilité de Dieu, sa condescensio(1) que le mot condescendance traduit mal, puisqu'elle exprime littéralement une "descente avec". "Le Dieu éternel s'incline humblement (humiliter se inclinans)". Le plus profond de Dieu se révèle dans la Croix, clef de tout (omnia in cruce manifestantur), non seulement le péché, non seulement l'homme, mais Dieu lui-même.
Cette "sortie dans le néant" fait que son apparition devient son obscurité et se dépouille de sa beauté native. Christus deformis, le bien-aimé est dépouillé, mais sa laideur extérieure conserve en même temps intérieurement la beauté (...) puisque en lui habite toute la plénitude de la divinité" (2).

On pourrait suivre là Philippiens 2 et évoquer le relèvement, mais Hans Urs von Balthasar s'interroge sur la perception de la déréliction chez Bonaventure (sujet sur lequel il reviendra dans sa Dramatique) et nous conduit sur le cœur ouvert, la blessure visible qui rend visible l'invisible de l'âme (3)

(1) Bonaventure notamment dans Brevil. 4,1 (V , 241b), cité par Hans Urs von Balthasar in GC2 p. 315
(2) p. 317
(3) p. 318

29 novembre 2016

Beauté et gratuité

Revenons au tome 2. "En toute offre de beauté, il y a un facteur de gratuité, de liberté et de désintéressement (...) trace et reflet de la beauté trinitaire qui, en se donnant elle-même, ne doit rien à personne"(1). Cette manifestation objective de la bonté est en effet ce qui nous renvoie à notre excursus dans le tome 6. La beauté véritable est dans la bonté qui révèle, plus que tout agir, le don de Dieu qui se donne et s'efface.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 312

28 novembre 2016

Beauté et bonté chez Platon

La beauté est chez les Grecs un concept plus vaste et plus complexe que le sens commun dans le langage français. Le terme kalon se traduit,  nous dit Hans Urs von Balthasar, autant par beau que par juste convenable, bon, adapté à l'être... (1) jusqu'à atteindre une dimension transcendantale, qui nous échappe. De même le rapport entre bonté et beauté peut s'approcher :
"Tout ce qui est bon (agathon) est beau (kalon) et la beauté n'est pas sans mesure intérieure(2)".
Cette notion de mesure, qui inspirera le livre de la Sagesse puis saint Augustin nécessite une bataille contre le principe de plaisir, qui va être, selon Balthasar, le grand combat de Platon. L'enjeu est d'inverser le principe subjectif du plaisir (édonisme) pour caractériser objectivement la beauté sur une autre échelle, non plus celle de l'extérieur mais de l'agir. Est beau ce qui rayonne et transpire de bonté. Sur cette dimension objective le Christ peut alors être placé en haut alors qu'à l'inverse nos beautés apparentes se fanent à la mesure de nos hypocrisies.
Mais Hans Urs von Balthasar note une autre difficulté, celle du plaisir procuré par sa propre bonté, sa rectitude qui procure une certaine béatitude(3) et donc peu être source d'orgueil.
Là se comprend que les grands saints restent éprouvés jusqu'au bout. Car cette épreuve qui est aussi celle du Christ est la condition pour ne pas considérer que la bonté vient de l'homme mais bien de Dieu. Elle est théologale.


(1) Hans Urs von Balthasar, GC6 p. 162
(2) Platon, Le Timée, cité in GC6. p. 164.
(3) ibid.




26 novembre 2016

La sagesse, véritable beauté chez Bonaventure

Une deuxième approche de la beauté va du monde sensible "à celui, intérieur, de l'âme et des anges, puis au Christ, puis au Dieu trinitaire (...) voir l'humanité du Christ et la divinité du Dieu un et trine" (1).
"La véritable beauté réside dans la beauté de la Sagesse" ajoute-t-il. Tout en la ramenant au Verbe, "splendeur et expression du Père" (2).

Retrouve-t-on là l'oxymore de la beauté du Christ en Croix, image du donateur qui s'efface dans une kénose invisible pour les yeux mais éclatante pour le cœur ?

(1) Bonaventure, cité in GC2 p. 303
(2) p. 304

25 novembre 2016

Circumincession chez Bonaventure

Nous poursuivons l'analyse d'Hans Urs von Balthasar qui note l'insistance de Bonaventure sur trois transcendantaux : l'unité, la bonté et la vérité, mais précise à la suite de Karl Peter, que la beauté réside "nécessairement dans une circumincession de l'un, du vrai et du bon". Le terme même que nous avons traduit dans un autre ouvrage par danse trinitaire s'applique-t-il ici ? Pour Bonaventure le beau "circuit omnen causa et est commune ad ista [unum, verum, bonum]". (1)

Qu'est-ce à dire ? On ne parle pas ici d'une beauté apparente mais de cette unité des Personnes divines qui dans l'unité révèle le sublime. Pour Peter, Bonaventure élève la sensibilité à ce qui conduit distinctement les 5 sens vers une "rencontre directe avec l'essence divine". (2)

Il y a là un chemin délicat entre une contemplation mystique et par nature risquée et ce chemin dynamique d'interaction entre Dieu et nous, dans cette invitation discrète et kénotique du divin jusqu'en nous pour nous élever à la seule beauté qui vaille, celle du don, de l'unité et de la vérité qui ne se révèle pleinement que dans la mort en Croix et la résurrection.

(1) GC2 p. 300
(2) p. 301

24 novembre 2016

Christ au centre

En tant que "verbum incarnatum", le Christ est au centre de la théologie de Bonaventure poursuit Hans Urs von Balthasar. Mais la Trinité de Dieu permet d'en approcher la profondeur. "La profondeur du Dieu fait homme, c'est à dire son humilité, est si grande que la raison s'y brise (1) (...) Il est le centre qui s'efface en indiquant le Père dans le Saint-Esprit" (2).
On trouve déjà là des accents kénotiques repris par Balthasar dans sa Dramatique, semence de cette triple kénose qu'il commentera largement. 

(1) Hex. 8, 5 (V, 370a), cité in GC2 p. 295
(2) De Don. Sp. Sti. 1, 10, ibid. p. 296

22 novembre 2016

Sens spirituels et inspiration

Après un longue diatribe sur les cinq sens spirituels chez Bonaventure, Hans Urs von Balthasar apporte une précision qui mérite d'être contemplée à l'aune de nos élans mystiques. Ces sens ne sont accessibles que s'ils sont inspirés par Dieu (Verbum inspiratum).
"Si la Parole de Dieu ne retentit pas à l'oreille du coeur, si l'éclat éternel n'illumine pas l'œil spirituel, si le parfum du Dieu tout puissant n'est pas sensible à l'odorat et sa suavité au goût, si l'éternité ne pénètre pas dans l'âme, alors tu n'es pas apte à comprendre les visions."(1)

À méditer.

(1) Bonaventure,  cité par Hans Urs von Balthasar in GC2 p. 293

20 novembre 2016

Le chemin intérieur

Le chemin vers soi évoqué plus haut consiste à contempler, à l'aune de nos imperfections la perfection divine. "Nul ne sait discerner ce qui est le meilleur, s'il ne sait reconnaître ce qui ressemble le plus au bien par la excellence" (1)

(1) d'après GC2 p. 277

19 novembre 2016

Tourné vers

Il y aurait chez Bonaventure une bonne dialectique entre l'être tourné vers soi et celui qui est tourné vers Dieu. Quel est l'enjeu ? Il n'est pas a fortiori égoïste précise Hans Urs von Balthasar mais "comme la saisie par soi de l'être qui est l'homme" (1)
Je la conçois comme cette ouverture intérieure aux deux tables, à cette Parole et ce Corps livrés qu'il nous faut accueillir jusqu'au "jointures intérieures" (cf. Heb 4,12) de l'âme pour balayer ces adhérences qui nous éloignent de Lui.

(1) GC2 p. 274

18 novembre 2016

Avis de publication - 2016-2022

Dans la suite des travaux de recherche publiés sur ce blog, voici maintenant disponible la série complète de mes "Lectures pastorales"*, un essai de lecture cursive du Nouveau Testament :

  1. Sur les pas de Marc
  2. Chemins de miséricorde (Luc)
  3. Chemins croisés (Matthieu)
  4. Sur les pas de Jean (une nouvelle édition de "A genoux devant l'homme")
  5. Chemins d'Evangile (1 à 4 en un recueil)
  6. Chemin d'Eglise (Actes)
  7. Serviteur de l'homme, Kénose et Diaconie (Actes et Paul)
  8. Commentaire du NT, tome 3
A cela s'ajoutent les trois tomes qui viennent de paraître sur la miséricorde* :
  1. Humilité et miséricorde - Tome 1 : L'humilité de Dieu (qui reprend "Sur les pas de Jean")
  2. Humilité et Miséricorde - Tome 2 : Décentrement et communion
  3. Humilité et Miséricorde - Tome 3 : Miséricorde, un chemin en Eglise
Puis les trois livres écrits en écho à partir de Gn 1 à 3, Os et Ex.
:
  1. Lire l'Ancien Testament, tome 1 - une lecture pastorale des livres d'Osée et de la Genèse (Os, Gn) 
  2. La dynamique sacramentelle - quatrième édition
  3. Dieu n'est pas violent - Lire l'Ancien Testament, tome 2 - une lecture pastorale de l'Exode (parution le 18 octobre 2016)
Utilement complétés par :
15. Le chemin du désert, un itinéraire spirituel
16. L'amphore et le fleuve
17. Danse avec ton Dieu

* Ces livres sont disponibles à prix coûtant sur Amazon.fr et publiés en "Creative commons"

Proximité divine

"Au moment où il devient un être intérieurement lumineux [tout un programme en soi !], son origine et son but doivent s'éclairer pour lui. Il est capax Dei, et pour cette raison, informabilis par Dieu. Il a la plus excellente de toutes les puissances réceptives: celle d'être uni (unibilitas) à Dieu". "il porte en lui la lumière de la face divine". (1)

On ne peut s'empêcher de penser aux montées successives de Moïse vers le mont Moriah qui culmine en Ex. 34. (2). Pour Hans Urs von Balthasar, on touche là également au "point central de la spiritualité de saint Bonaventure, et en même temps de son esthétique : l'esprit humain ne peut s'accomplir que dans la foi, car c'est alors qu'il se comprend lui-même comme expression de la vie trinitaire (...) et voit apparaître en lui l'image immanente du Dieu trinitaire" (3).

On rejoint là aussi mes propos sur la danse trinitaire, mais également cette découverte humble que cette inhabitation de Dieu en nous n'est qu'éphémère de peur qu'elle se traduise en orgueil et manque de nous conduire à la communion in Christo.

Nos élans mystiques n'ont pas d'autres buts que de nous rapprocher de nos agir in ecclesia, porte étroite de notre vie en Christ.

(1) S 2 de Nativ. (IX, 110a) cité in GC2, p. 272
(2) voir Dieu n'est pas violent, une lecture de l'AT, tome 2
(3) GC2 p. 273

17 novembre 2016

De la trace à l'image - Bonaventure

Nous avons déjà largement commenté cette idée de saint Augustin reprise par Bonaventure des trois degrés de ressemblance entre la simple trace (vestigium), l'image et la ressemblance (similitudo)(1).

Ce qui me marque en deuxième lecture est le double rapport entre l'image et le beau souligné plus bas par Hans Urs von Balthasar : soit comme "renvoi à l'archétype", soit comme représentation ( donc réceptacle) de l'archétype. (2)

L'enjeu souligne-t-il est de n'être pas seulement un simple renvoi ou rappel de l'existence de Dieu, comme la fleur qui signale la création, mais devenir en soi une représentation. Comment est-ce possible ? Probablement par le travail intérieur de l'humilité et de la miséricorde (3) qui nous rend temple de l'Esprit et signe efficace de sa présence. C'est pour moi l'enjeu décrit dans ma "dynamique sacramentelle".(4)
Cette attitude n'est belle et vraie que dans la mesure où elle reproduit celle du Fils envers son Père(5). Le Fils ne veut être rien d'autre que l'image du Père.
"Contrairement à la trace, l'imago en l'homme est une assimilatio expressa et de proximo à Dieu", probablement en phase avec les propos de Paul en Philippiens 3 (du saisissement à l'imitation).

(1) GC2 p. 271, repris notamment dans "Aimer pour la vie".
(2) Ibid. p. 271.
(3) cf. Ma recherche éponyme.
(4) idem.
(5) De red. art., 8 (V, 322 a), cité par Hans Urs von Balthasar GC2 p. 270
(6) 2 d 16, 1 q.1, ibid. p. 272

16 novembre 2016

Qu'est ce que l'amour?

"Qu'est-ce que l'amour » ? L'amour est ce par quoi nous aimons." (1) il ne vient pas de nous, il nous vient de Dieu.  Je suppose que c'est ce que veut dire l'expression vertu thélogale.
A méditer à l'aune de la distinction augustienne entre amare amari, amare amare et amare (aimer être aimé,  aimer aimer, et aimer tout court).

(1) Saint Augustin, commentaire du psaume 63, source office des lectures

12 novembre 2016

Une théologie de l'excès - Bonaventure

Pourquoi la première lecture de ce tome 2 de la Gloire et la Croix d'Hans Urs von Balthasar avait fait germer chez moi le titre de l'Amphore et le Fleuve. Ce n'est pas seulement la mention de la cruche et de la Seine de la page 244 mais probablement cette insistance de Balthasar sur la "théologie de l'excessus" de Bonaventure et cette phrase qui est tout un programme : "l'excès d'amour dans le Crucifié requiert la pure humilité et le don de soi, et même (...) la pauvreté totale qui, en tant que geste humain de renoncement à tout, est la réponse exacte, autant que l'homme peut la donner, au don total de Dieu jusqu'à la mort de la Croix". (1)

C'est peut-être là qu'une juste interprétation de ce que nous disions plus haut chez Anselme prend du sens. Devant l'amour infini de Dieu nous sommes comme un homme debout dans le fleuve, une petite amphore à la main, et notre réponse n'est peut-être pas dans le désir de retenir le don mais de se laisser porter par l'amour qui vient.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 256

11 novembre 2016

Science et sagesse chez Bonaventure

Il y a une distinction intéressante chez Bonaventure entre science et sagesse. Elle passe par la sainteté c'est à dire par la rencontre transformante avec le divin. "C'est la sainteté qui permet de s'approprier vraiment la sagesse" (1). Or la sainteté ne se trouve pas dans les livres mais dans cette lente manducation de la Parole qui ravive la foi et nous conduit à l'agir. Le chemin est rude...
Par cette affirmation Bonaventure prend de la distance avec le thomisme grandissant et renvoie "à l'étude approfondie de l'Écriture (...) mais il ne faut pas verser dans le vin de l'Écriture tant d'eau de philosophie que le vin devienne de l'eau, ce serait un bien triste miracle"(2)...
Ce qui compte chez l'homme c'est l'événement intérieur, la venue du Christ dans l'esprit, "se laisser porter par la lumière surnaturelle de la foi, autrement dit par l'inspiration divine qui ne peut se tromper"(3)

(1) Hex. 2, 3, cité par Hans Urs von Balthasar, in GC2 p. 251.
(2) ibid. p. 252.
(3) p. 254

10 novembre 2016

Union spirituelle avec le Syrien de Mossoul

À la suite de mes propos sur François d'Assise et en union de prière avec les chrétiens de Mossoul, contemplons la méditation du jour donnée par Isaac le Syrien :

" Dieu et ses anges désirent l'homme qui cherche Dieu dans son cœur jour et nuit avec ferveur, et qui repousse loin de lui les agressions de l'ennemi. Le pays spirituel de cet homme pur en son âme est au-dedans de lui : le soleil qui brille en lui est la lumière de la Sainte Trinité ; l'air que respirent les pensées qui l'habitent est le Saint Esprit consolateur. Et les saints anges demeurent avec lui. Leur vie, leur joie, leur réjouissance sont le Christ, lumière de la lumière du Père. Un tel homme se réjouit à toute heure de la contemplation de son âme, et il s'émerveille de la beauté qu'il y voit, cent fois plus lumineuse que la splendeur du soleil.       
C'est Jérusalem. Et c'est « le Royaume de Dieu caché au-dedans de nous », selon la parole du Seigneur. Ce pays est la nuée de la gloire de Dieu, où seuls entrerons les cœurs purs pour contempler la face de leur Maître (Mt 5,8), et leur entendement sera illuminé par les rayons de sa lumière." (1)

(1) Isaac le Syrien (7e siècle), moine près de Mossoul
Discours ascétiques, 1ère série (trad. DDB 1981 rev.)

09 novembre 2016

Les 4 fleuves du Paradis - saint Bonaventure

Revenons sur cette image du fleuve chez Bonaventure qui m'a inspiré le titre de l'amphore et le fleuve (1). Pour le franciscain, les quatre fleuves du Paradis résonnent comme l'éternel mouvement de Dieu vers l'homme, ce que j'appelle la danse trinitaire :"Le premier, c'est l'éternel épanchement trinitaire de Dieu lui-même ; le second, c'est la création vaste et profonde comme la mer, dans l'abîme de laquelle habite le dragon ; le troisième, c'est l'incarnation de Dieu qui, dans le Christ sort de lui et y retourne ; (...) le quatrième, ce sont les Sacrements, ce "torrent d'eau vive, claire comme le cristal, qui jaillit du trône de Dieu et de l'Agneau".(2)

Ils résonnent aussi pour Bonaventure avec les 4 mystères cachés : l'essence divine, la sagesse, la puissance et la miséricorde(3).

(1) cf. le livre éponyme dont le titre est une libre adaptation d'un texte parlant de la Seine et d'une cruche, cité par Hans Urs von Balthasar in GC2 p. 244
(2) ibid. p. 241
(3) p. 244

Une expression de l'amour du crucifié - stigmates de saint François

Dans la suite de ma recherche sur la dynamique sacramentelle je note cette contemplation par Bonaventure des stigmates de saint François comme "expression de l'amour du crucifié" qui, plus que l'extase fugitive va jusqu'à imprimer dans la chair du saint les traces de la Croix. "En voyant le Séraphin, François comprit qu'il devait par une ardeur spirituelle être entièrement changé en une image expressive (expressam similtudinem) du Crucifié (...) et sa chair marquée d'une ressemblance avec le Crucifié" (1)
N'est on pas là au point ultime de cette dynamique sacramentelle déjà évoquée, qui voit chez un homme un tel désir de ressembler au Christ sauveur que celui-ci lui permet de communier à son sacrifice,  d'être signe en sa chair du sacrifice ultime et unique de l'homme-Dieu pour l'humanité ?
Il ne s'agit plus ici d'une simple extase,  mais d'une union retrouvée entre l'homme et son Dieu.


(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 247

08 novembre 2016

Anselme et Bonaventure - Convergences

Une phrase de Bonaventure reprise dans le tome 2 de la Gloire et la Croix d'Hans Urs von Balthasar me fait entrer en contemplation : "la créature rendue bienheureuse par Dieu, elle qui ne saisit pas son bonheur, mais est saisie par lui" (1)
Le verbe saisir renvoie à Philippiens 3, mais nous retrouvons aussi cette distinction déjà notée chez Anselme entre un Dieu qui ne fait pas que venir en nous, mais nous tire toujours plus loin. Le bonheur ne peut être intérieur longtemps. S'il n'est pas communion sponsale ou surtout ecclésiale il est une cymbale qui résonne dans le vide (1 Cor 13). Le bonheur se conjugue avec le sens symphonique du "une seule chair" de Gn 2, 24 (2)

(1) Bonaventure citant Anselme in Hans Urs von Balthasar, GC2, p. 239
(2) cf. Lire l'Ancien Testament, tome 1, Genèse et Exode.

04 novembre 2016

Le gérant malhonnête - Luc 16


Paul nous le souligne dans la première lecture : "Ils ne pensent qu’aux choses de la terre. Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ". ( Ph. 3). On pourrait y voir un élitisme.  Ne s'agit il pas plutôt d'une exhortation,  car en nous réside bien les deux extrêmes,  cette adhérence au monde et l'appel divin ?

Cette interprétation prépare une clé de lecture de ce texte difficile du gérant malhonnête (Luc 16, 1-10). Elle est donné par la petite Thérèse (1) : si les gens de ce monde sont habiles en générosité,  combien plus devrions nous faire oeuvre de charité,  nous qui avons reçu de Dieu des biens en abondance.  "Donne nous un double Amour", demande-telle, soulignant qu'il nous viendra de Dieu. Reste ensuite à agir.

(1) Thérèse de Lisieux, Manuscrit autobiographique B, 4r°

03 novembre 2016

Trois lectures de l'Écriture - Saint Jérôme

"La science de la loi de Dieu, nul ne peut la recevoir si elle ne lui a été donnée par le Père des lumières qui illumine tout homme venant en ce monde". Jérôme continue plus loin en précisant : "Une triple manière nous est chère pour exposer les Écritures. La première est de les comprendre selon le sens historique, la seconde selon la tropologie [sens éthique], la troisième selon l'intelligence spirituelle". (1) Dans le dernier niveau, il ajoute que "la méditation de la vie courante devient ainsi la figure du bonheur futur". Henri de Lubac, dans ses exégèses médiévales parlera, sur la base d'autres Pères de l'Église de quatre sens. Il distingue la lecture spirituelle de la téléologique qui sont contenues, de fait, dans ce troisième point. Personnellement je travaille notamment à la croisée de ces deux points. Mes 8 tomes de lectures pastorales cherchent pour l'instant à réveiller dans l'aujourd'hui de nos vies, les pas de Dieu vers nous. Les 4 sens sont présents mais ce qui prime, c'est le chemin du Verbe jusqu'au coeur.

(1) Saint Jérôme, Lettre 120 à la veuve Hédypia, cité in Claude Ollivier, Jérôme, Paris, Éditions Ouvrières, 1993, p. 101.