12 février 2018

Une vérité sur soi-même

Saluons encore une fois la finesse de l'analyse d'Elodie Maurot dans la Croix du 1/2/2018 (1) sur le tome 4 de Foucault dont elle souligne l'originalité de la recherche. L'extrait qu'elle donne du livre invite à aller plus loin :

« Si l'exagoreusis(l'"examen-aveu" pratiqué par les moines) incline à s'examiner soi-même et sans répit, ce n'est ni pour pouvoir s'établir soi-même dans sa propre souveraineté, ni même pour pouvoir se reconnaître dans son identité. Elle se déroule en permanence dans la relation à l'autre : dans la forme générale d'une direction qui soumet la volonté du sujet à celle de l'autre ; avec comme objectif de déceler au fond de soi-même la présence de l'Autre, de l'Ennemi  ; et avec pour fin dernière d'accéder à la contemplation de Dieu, en toute pureté de cœur. Cette pureté elle-même, il ne faut pas la comprendre comme la restauration de soi-même, ou comme un affranchissement du sujet. Elle est, au contraire, l'abandon définitif de toute volonté propre  : une façon de n'être pas soi-même ni par aucun lien attaché à soi-même. Paradoxe essentiel à ces pratiques de la spiritualité chrétienne  : la véridiction de soi-même est liée fondamentalement à la renonciation à soi. » (2) 

Il y a une piste à suivre, très personnelle, qui invite au véritable décentrement.

(1) Elodie Maurot, Michel Foucault explorateur du christianisme, La Croix du 1/2/2018, p. 12
(2) Michel Foucault, Les Aveux de la chair, Gallimard, 438 p., 24 € (p. 156-157).

Tradition dynamique

Poursuivons notre lecture de Veritatis Gaudium : « L'Esprit Saint embellit l'Église en lui indiquant de nouveaux aspects de la Révélation et en lui donnant un nouveau visage ». Cette perspective – c'est évident – assigne une tâche exigeante à la théologie ainsi que, dans leurs compétences spécifiques, aux autres disciplines prévues dans les études ecclésiastiques. Avec une belle image, Benoît XVI, faisant référence à la Tradition de l'Église, a affirmé que celle-ci « n'est pas une transmission de choses ou de paroles, une collection de choses mortes. La Tradition est le fleuve vivant qui nous relie aux origines, le fleuve vivant dans lequel les origines sont toujours présentes ».(1) « Ce fleuve irrigue diverses terres, alimente différentes géographies, en faisant germer le meilleur de cette terre, le meilleur de cette culture. De cette manière, l'Évangile continue à s'incarner dans tous les lieux du monde, de manière toujours nouvelle » (2)
J'aime cette image qui ne fige pas la Tradition dans une vision réduite au passé mais donne à l'Esprit la capacité de renouveler son apport au monde sans renier le bénéfice de l'histoire, de la Sagesse dont Proverbes 3 nous fait découvrir aujourd'hui la profondeur (3) dans l'office de la nuit.
(1) Catéchèse, 26 avril 2006.
(2) Veritatis Gaudium n.4d.
(3) C'est par la sagesse que Yahweh a fondé la terre, par l'intelligence qu'il a affermi les cieux. C'est par sa science que les abîmes se sont ouverts, et que les nuages distillent la rosée. Mon fils, qu'elles ne s'éloignent pas de tes yeux, garde la sagesse et la réflexion; elles seront la vie de ton âme, et l'ornement de ton cou. Alors tu marcheras en sécurité dans ton chemin, et ton pied ne heurtera pas. Si tu te couches, tu seras sans crainte; et quand tu seras couché, ton sommeil sera doux. Proverbes 3:19‭-‬24
« Yahweh m'a possédée au commencement de ses voies, avant ses œuvres les plus anciennes. J'ai été fondée dès l'éternité, dès le commencement, avant les origines de la terre. Il n'y avait point d'abîmes quand je fus enfantée, point de sources chargées d'eaux. Avant que les montagnes fussent affermies, avant les collines, j'étais enfantée. Lorsqu'il n'avait encore fait ni la terre, ni les plaines, ni les premiers éléments de la poussière du globe. Lorsqu'il disposa les cieux, j'étais là, lorsqu'il traça un cercle à la surface de l'abîme, lorsqu'il affermit les nuages en haut, et qu'il dompta les sources de l'abîme, lorsqu'il fixa sa limite à la mer, pour que les eaux n'en franchissent pas les bords, lorsqu'il posa les fondements de la terre. J'étais à l'oeuvre auprès de lui, me réjouissant chaque jour, et jouant sans cesse en sa présence, jouant sur le globe de sa terre, et trouvant mes délices parmi les enfants des hommes.
Proverbes 8:22‭-‬31 traduction BCC1923

09 février 2018

Polyèdre papal :-)

Il y a « une tension entre le particulier et l'universel, entre l'un et le multiple, entre le simple et le complexe. Annihiler cette tension va contre la vie de l'Esprit ». Il s'agit par conséquent de pratiquer une forme de connaissance et d'interprétation de la réalité, à la lumière de la « pensée du Christ » (cf. 1Co 2, 16) dont le modèle de référence et de résolution des problèmes « n'est pas la sphère [...] où chaque point est équidistant du centre et où il n'y a pas de différence entre un point et un autre (1)», mais « le polyèdre qui reflète la confluence de tous les éléments partiels qui, en lui, conservent leur originalité » (2)
Nous avons déjà croisé plusieurs fois ce concept cher au pape. Il a là aussi sa place.

(1) Pape François, Veritatis Gaudium n.4d
(2) EG 236

Une culture de la rencontre - Veritatis Gaudium 4b

Après une contemplation sur le monde et la souffrance des hommes le pape nous appelle à « une authentique culture de la rencontre, bien plus, une culture, pouvons-nous dire, de la rencontre entre toutes les cultures authentiques et vivantes, grâce à l'échange réciproque des dons respectifs de chacun dans l'espace de lumière entrouvert par l'amour de Dieu pour toutes ses créatures. »(1)

À méditer dans un contexte de repli culturel et de peurs.

(1) Pape François, Veritatis Gaudium n. 4b
Voir aussi sur le meme sujet : Le mendiant et la brise

05 février 2018

Une théologie à genoux - Veritatis Gaudium

Le monde est devenu complexe. Il nous faut « comprendre la vie, le monde et les hommes ; non pas une synthèse, mais une atmosphère spirituelle de recherche et de certitude basée sur les vérités de la raison et de la foi. La philosophie et la théologie permettent d'acquérir les convictions qui structurent et fortifient l'intelligence et éclairent la volonté... mais tout ceci n'est fécond que si on le fait dans un esprit ouvert et à genoux. Le théologien qui se satisfait de sa pensée complète et achevée est un médiocre. Le bon théologien et philosophe a une pensée ouverte, c'est-à- dire incomplète, toujours ouverte au maius de Dieu et de la vérité, toujours en développement(1)

L'expression « théologien à genoux » a été utilisée à ma connaissance par Ratzinger (Benoît XVI) lors de son Homélie à l'occasion des obsèques de Hans Urs von Balthasar. Elle ne me surprend pas dans la bouche du pape. Elle résonne avec ce que j'ai cherché à exprimer dans « à genoux devant l'homme ». Une théologie qui suit la théologie de Jn 13...

On la retouve chez Bonaventure « pour que nous parvenions à ce fruit et à ce terme directement en progressant par la route étroite des Écritures, il faut commencer par le commencement, c’est à dire accéder à une foi pure au Père des lumières en fléchissant les genoux de notre coeur afin que par son Fils, dans son Esprit-Saint, il nous donne la vraie la vraie connaissance de Jésus-Christ et, avec sa connnaissance son amour » (2).

(1) Pape François, Veritatis Gaudium n.3
(2) Bonaventure, Breviloqium, source Aelf, LDH, tome 4 p. 532

03 février 2018

Le conflit des interprétations

La lecture du livre de 2 Sam 24 cette semaine, et de cette peste qui serait envoyée par Dieu sur Israël pour punir David de sa faute appelle à un commentaire. Où es Dieu ? Qui est-il ? Est-il violent ? Le sujet ne peut être évité dans un contexte de violence religieuse ?
Je regrette que l'on ne prenne pas le sujet à bras le corps en pastorale. Mon livre « Dieu n'est pas violent » esquisse une réponse bien maladroite.
Le conflit des interprétations (sans allusion à ce qu'en dit Ricoeur) est prégnant. Peut-on avoir une lecture spirituelle de ce texte ? Est-ce la peste qui implique une lecture de Dieu ou Dieu qui envoie la peste ? Dieu est-il violent ?
J'ai aussi esquissé cette question dans "le mendiant et la brise"...
En attendant j'adhère à ce qu'en dit Christoph Théobald : Être à l'écoute de « l'imprévisible nouveauté de l'évangile et de ses destinataires infiniment diversifiés, et le courage de l'interprétation qui en découle ici et maintenant, en relation confiante avec les interprètes autorisés de l'Église » (1)
Tout un programme.

(1) Christoph Théobald, Donner un avenir à la théologie, Paris, Bayard, 2017 p. 60

Donner un avenir à la théologie - Christoph Théobald

Comme indiqué plus haut je me plonge dans la lecture de ce petit opus (1) dense et interpellant. Cela met en lumière mes propres interrogations sur l'avenir de la théologie à l'aune de la frustration pastorale ressentie à la fin de ma licence (baccalauréat canonique) à l'ICP. L'enjeu pastoral me semblait pas assez écouté (ou peut-être l'ai-je raté ?).
Un point que ce livre aborde sans fard et que je développe plus loin.

(1) Christoph Théobald, Donner un avenir à la théologie,  Paris, Bayard, 2017

01 février 2018

Le mendiant et la brise - Essai de dialogue islamo-chrétien

Mes lecteurs habituels retrouveront avec plaisir l'histoire du Père Gilbert et notamment l'ambiance de la Perle, petite nouvelle parue en 2010. Mais la fameuse Yasmina, héroïne de la Perle, accueillie par Gilbert, méritait d'être mieux introduite.

Et cette mise en situation nécessite une attention particulière puisqu'on est au cœur d'un dialogue islamo-chrétien. Sujet complexe dans le contexte actuel, mais qui ne peut être évacué d'un trait de plume.

C'est ce que j'essaye de développer dans ce nouveau petit opus, distribué gratuitement sur fnac.com ou publié en livre papier à petit prix sur Amazon.com (avec en bonus, le premier tome de la saga : "Le pont des planches").

La saga compte maintenant plus de 800 pages publiées en deux tomes ou 8 petites nouvelles séparées.


Le tome 1 intitulé « D’une perle à l’autre », rassemble :

1.     Le pont des planches (gratuit sur fnac.com)
2.      Le cheval d’écume
4.      Le mendiant et la brise (gratuit sur fnac.com)
5.      La perle (inclus dans le 3 et le 4)

Le tome 2 rassemblant les parties suivantes vient de paraître sous le titre Le désir brisé, D'une perle à l'autre, tome 2. Il rassemble en un volume les titres suivants :
6.      Le désir brisé… (ancienne édition)
8.      La danse des anges

Texte mis à jour le 1/2/18

L’humilité chez Augustin

« Écoute Dieu qui t'enseigne l'humilité : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé » (Jn 6,38). Je suis venu, humble, enseigner l'humilité, comme un maître d'humilité. Celui qui vient à moi s'incorpore à moi ; il devient humble. Celui qui adhère à moi sera humble ; il ne fait pas ma volonté, mais celle de Dieu. Aussi ne sera-t-il pas jeté dehors (Jn 6,37), comme lorsqu'il était orgueilleux. »
À méditer. Un chemin long et difficile...

(1) Saint Augustin, Traité sur l'Évangile de saint Jean 25, fin 15.16 (tr. alt. Tournay)

31 janvier 2018

Veritatis Gaudium - La joie de la Vérité - Pape François

Je découvre la publication par notre pape François de Veritatis Gaudium, la joie de la vérité dont voici un premier extrait invitatoire :

«1. La joie de la vérité (Veritatis gaudium) exprime le désir poignant qui rend le cœur de tout homme inquiet tant qu'il ne trouve, n'habite et ne partage avec tous la Lumière de Dieu. La vérité, en effet, n'est pas une idée abstraite, mais c'est Jésus, le Verbe de Dieu en qui se trouve la Vie qui est la Lumière des hommes (cf. Jn 1, 4), le Fils de Dieu qui est en même temps Fils de l'Homme. Lui seul « dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l'homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation » (1)

Amusante coïncidence, je commence la lecture de « Donner un avenir à la théologie » de Christoph Théobald, acheté dimanche au Bec Hellouin. Je tenterai de vous partager les correspondantves entre ces deux auteurs jésuites :-)

(1) Pape François, Veritatis Gaudium n.1


30 janvier 2018

Madeleine Delbrêl - En chemin vers la sainteté

L'actualité rejoint nos chemins de lecture. Pour ceux qui cherchent à découvrir cette petite porte vers le ciel, je vous invite à explorer la cinquantaine de « tags » sur madeleine Delbrêl dans ce blog.

Les vases communiquants - Eclats d’Evangile, Marion Muller-Collard


Il existe un système de vase communicants entre Dieu et l'homme nous suggère Marion Muller Collard (1) à l'aune de ce que dit Jean-Baptiste "pour qu'il grandisse, il faut que je diminue".
A trop vouloir prendre la place, nous n'en laissons plus à Dieu et inversement s'il se fait petit et fragile, c'est pour que nous trouvions en nous la force de l'imiter. C'est bien une tension théologique qui est en jeu ici. A nous de contempler la tripe kénose trinitaire pour percevoir l'abaissement et l'enfouissement de Dieu en nous qui nous introduit dans sa danse.


(1) Marion Muller-Collard, Éclats d'Evangile, Paris, Bayard, 2017 p.22

21 janvier 2018

Dieu flagellé et fragile

S'il est un Dieu fragile en dehors de la crèche, c'est le Dieu crucifié qui n'a d'autres paroles que celui du silence.

"Jésus, à cette heure de la journée tu as été flagellé pour moi, couronné d'épines, abreuvé pitoyablement de souffrances. Tu es mon vrai roi, hors de toi je ne connais personne. Tu t'es fait l'opprobre des hommes, abject et repoussant comme un lépreux (Is 53,3) jusqu'à ce que la Judée refuse de te reconnaître comme son roi (Jn 19,14-15). Par ta grâce, que moi au moins je te reconnaisse comme mon roi ! Mon Dieu, donne-moi cet innocent, si tendrement aimé, mon Jésus" (1)

La contemplation d’un Dieu fragile n’a d’autre finalité que de percevoir l’immensité de son amour, notre liberté et le chemin qui s’ouvre à nous, loin de toute quête de pouvoir ou d’orgueuil.

(1) Sainte Gertrude d'Helfta (1256-1301), moniale bénédictine 
Les Exercices, n° 7, Tierce ; SC 127 (trad. SC p. 269 rev.) 

15 janvier 2018

Faire de notre vie une danse spirituelle

Je retombe sur un beau texte, qui résume bien l'enjeu de toute prière: "nous faisons de toute notre vie une fête, persuadés que Dieu est présent partout (...) notre prière est une conversation avec Dieu. Même si c'est en silence que nous nous adressons à lui, ou en remuant à peine les lèvres, intérieurement nous prions. (...) nous demeurons, même quand la prière vocale est finie, tendus, dans le tremblement [tressaillement] de notre âme, vers l'univers spirituel (...) seul dans le réduit de son âme, s'il médite, il invoque le Père avec des gémissements ineffables et celui-ci est proche de lui(1).

(1) Clément d'Alexandrie, cité par Claude Ollivier Le Pélerin, 4/4/1982

La maternité comme vocation

A l'heure où la place de la femme dans notre humanité devient un sujet brûlant, je relis avec un intérêt particulier un article de Lucetta Scaraffia dans Etudes de mai 2017 (1) qui interpelle à la fois le risque de parler du "génie féminin" sans aborder la question de sa place dans l'Eglise et celui d'ignorer encore la complémentarité homme femme comme nouvel horizon d'une dynamique sacramentelle.
Le plus intéressant dans son analyse est de souligner que la maternité est souvent une élection et donc la réponse à une vocation qui dépasse et élève la femme au rang de co-créatrice. Cette particularité donne à la femme une place privilégiée dans l'économie du salut. Certes la maternité n'est pas donnée à toutes et la paternité n'est pas exclue de ce mouvement, mais reconnaître l'appel, c'est entendre là une dimension spéciale et essentielle devant laquelle, nous, les hommes devons être à genoux.
Au delà de cette particularité, il nous reste à changer notre regard, faire amende honorable et tout faire pour que le rejet de la femme dans l'Église laisse place à une saine harmonie ou nos complémentarités font grandir la sainteté et l'unité du peuple des baptisés, prêtres, prophètes et rois.
En donnant une vraie place à la femme, l'Église sera signe de sa pleine humanité.

(1) Lucetta Scarafia, Contre le génie féminin, Etudes n. 4238, mai 2017, p. 75sq