24 mai 2018

Le mystère de Dieu - saint Colomban

« Qui donc est Dieu ? Père, Fils et Esprit Saint, Dieu est un. Ne te demande rien de plus au sujet de Dieu. Que ceux qui veulent savoir le fond des choses concernant Dieu commencent par considérer l'ordre naturel. Le savoir concernant la Trinité est en effet justement comparé à la profondeur de la mer, dont la Sagesse a dit : Ce qui est profond, qui peut l'atteindre ? Comme le fond des mers est invisible aux regards des hommes, ainsi la divine Trinité demeure insaisissable à la compréhension humaine. C'est pourquoi, si quelqu'un veut comprendre ce qu'il doit croire, qu'il ne s'imagine pas pouvoir le faire davantage par des raisonnements que par la foi ; car la sagesse divine ainsi recherchée se retirera plus loin encore.» (1)

Une belle correspondance avec la sourate 39 largement commentée dans mon livre « le mendiant et la brise » est donnée dans ce texte de l’office des lectures.

(1) Saint Colomban, instruction sur la foi



Kierkegaard dans la Pléiade

Saluons l’article d’Elodie Maurot aujourd’hui dans La Croix et cette belle citation du maître : «  De même que le lac immobile a sa cause première dans une source cachée à l’œil des hommes, de même l’amour de l’homme a sa cause première dans l’amour de Dieu et Celui-ci est une cause plus profonde encore. S’il n’existait pas de source dans les profondeurs, si Dieu n’était pas amour, il n’existerait pas plus de lac immobile que d’amour en l’homme », écrivit Kierkegaard (Vie et règne de l’amour, 1847).»

21 mai 2018

Oeconomicae et pecuniariae quaestiones - Considérations pour un discernement éthique sur certains aspects du système économique et financier actuel

La doctrine de la foi vient de publier un texte qui mérite qu’on s’attarde : Oeconomicae et pecuniariae quaestiones - Considérations pour un discernement éthique
sur certains aspects du système économique et financier actuel.

Extrait du n.17 : « Ce qui est moralement inacceptable, ce n’est pas le simple fait de faire un gain, mais celui d’utiliser à son avantage une inégalité pour générer des profits importants au détriment des autres; c’est de faire fortune en abusant de sa position dominante au détriment d’autrui ou de s’enrichir en nuisant au bien-être collectif ou en le perturbant »

N. 20 : «  Il est donc clair que les marchés ont besoin de directives solides et fortes, macro-prudentielles aussi bien que normatives, qui soient uniformes et partagées par le grand nombre. Ces règles doivent aussi être continuellement mises à jour, vu la réalité même des marchés constamment en évolution. Ces orientations doivent garantir un contrôle sérieux de la fiabilité et de la qualité de tous les produits économiques et financiers, en particulier les plus complexes. Lorsque la rapidité des processus d’innovation produit des risques systémiques excessifs, les opérateurs économiques doivent accepter les contraintes et les freins exigés par le bien commun, sans tenter de les contourner ou d’en réduire la portée. »

N.24 : « La circularité naturelle qui existe justement entre le profit – facteur inhérent à tout système économique – et la responsabilité sociale – élément essentiel pour la survie de toute forme de coexistence civile – est appelée à manifester toute sa fécondité. »

Un thème à creuser.


Voire sur le même sujet : Confessions d’un banquier d’affaires

11 mai 2018

Image de Dieu ? - Gaudete et Exsultate 98

« Quand je rencontre une personne dormant exposée aux intempéries, dans une nuit froide, je peux considérer que ce fagot est un imprévu qui m'arrête, un délinquant désœuvré, un obstacle sur mon chemin, un aiguillon gênant pour ma conscience, un problème que doivent résoudre les hommes politiques, et peut-être même un déchet qui pollue l'espace public. Ou bien je peux réagir à partir de la foi et de la charité, et reconnaître en elle un être humain doté de la même dignité que moi, une créature infiniment aimée par le Père, une image de Dieu, un frère racheté par Jésus-Christ. C'est cela être chrétien ! Ou bien peut-on comprendre la sainteté en dehors de cette reconnaissance vivante de la dignité de tout être humain ? » (1)

À méditer en vue de l'agir.

(1) Pape François, Gaudete et Exsultate n. 98

10 mai 2018

Dynamique sacramentelle de l’image

Dieu a mis en l'homme une étincelle de sa gloire insaisissable nous dit en substance le Ps 8. « L'homme a part à la forme théophanique de Dieu » surenchérit Hans Urs von Balthasar citant notamment Si 17, 1-10. Mais si la dimension dialogale et sexuelle de la rencontre est visée à travers Gn 2, dont on trouve les prémisses chez Osée et Jérémie, si l'homme, comme le suggère Karl Barth est « formellement préparé pour la grâce » (2), « l'affirmation reste flottante et ouverte, l'énigme ne se laisse déchiffrer que prospectivement en direction de la Nouvelle Alliance où le rapport homme-femme justement aussi avec sa différence de niveau, plongera dans la zone de la « gloire » (1 Co 11, 7-12), parce que le rapport charnel homme-femme ne sera plus seulement une image pour le rapport Dieu-humanité (...) mais en tant que rapport incarné du Christ époux et de l'Eglise épouse, deviendra le terme supra-sexuel auquel tendait tout le rapport entre les sexes. Le mariage n'est donc pas protologiquement « l'image » de Dieu ; il l'est eschatologiquement, au point où il se dépasse dans le rapport virginal et eucharistique du Christ-homme et de l'Eglise-femme » (3).
Comment résumer cela. Notre prétention à la gloire n'est qu'une trace insaisissable et sacramentelle d'une dynamique plus vaste, celle de la rencontre entre Dieu et l'homme, celle de l'amour entre le Christ et l'Église.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974 p. 84
(2) KD III/1 p. 331, cité par Hans Urs von Balthasar p. 89
(3) Hans Urs von Balthasar, ibid p. 90

Parole et décentrement

« Si la communauté (...) dispose d'un prêtre, donc de la messe, alors elle a tout et entre dans l'autosuffisance. Au fond elle n'a plus besoin des autres. Elle estompe la pauvreté du Christ [et oublie les affamés] »(1). Le diacre introduit la chance d'un « aller et retour entre l'Église déjà présente et les semences du Royaume »(2). Il est passeur, « serviteur de la Parole, au triple sens de phrases prononcées, d'acte de s'exprimer par toute la vie et de témoignage. Le ministère diaconal décentre l'Église d'elle-même »(3)

(1) Mgr Albert Rouet, diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 173
(2) et (3) ibid p. 177

03 mai 2018

L’hostie fracturée - 2

« Loin de nous contenter et de nous remplir de satisfaction, l'eucharistie creuse en nous un plus large désir :
« c'est celui-ci [l'amour] qu'elle mange, et qu'elle mange à tout heure, car ce qu'elle ne cesse de manger, elle ne cesse, après l'avoir mangé, d'en avoir faim(1) ».

Je retrouve en d'autres mots une idée portée par Teilhard de Chardin dans La custode : on croit le tenir, mais déjà Il nous échappe...(2)

(1) Jean de Ford, Sermons sur le cantique, 51,3, Oka, Québec 2000 p. 97 cité par Mgr Albert Rouet, diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 170
(2) cité de mémoire

Témoignage et unité

Après son allusion à l'aller-retour du diacre entre le monde et l'Église, Mgr Rouet précise les deux raisons principales de la « sacramentalité du diaconat : 1) témoigner de l'initiative [primerea - première (1)] de Dieu et 2) unifier la création dans le souffle de l'esprit qui prend les hommes pour collaborateurs" (2)
Une double dimension qui fait sens dans nos « hôpitaux de campagne » (3)

(1) expression chère au Pape François d'après Antonio Spadaro dans L'Église que j'espère, Flamarrion/Etudes, 2013 p. 119
(2) Mgr Albert Rouet, diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 117
(3) Spadaro ibid p. 67

30 avril 2018

Église et homosexualité - La Croix du 21 avril

Saluons ce numéro du 21 avril qui ose aborder un sujet qui fâche dans notre Église. A l’aune des tensionsbpost-mnif pour tous, il fallait prendre du recul et oser un discours tout en nuance. Je retrouve lá certaines interrogations de mon livre “un désir brisé”.


29 avril 2018

La coupe percée

"Un corps qui saigne ne garde rien, il se vide (...) répandu sur l'univers [le corps du Christ] n'a pas de présence sans don de soi - c'est le sacrifice et [son] don est universel ; voilà pourquoi le [diacre] (...) celui qui partage la vie des hommes, leurs joies et leurs peines familiales, professionnelles, politiques... celui-là élève la coupe du sang" (1) et ce faisant, il fait de la grande doxologie finale un acte spécifiquement eucharistique, il entre ainsi dans la dynamique sacramentelle même où tout est eucharistié, partagé, offert et en cela "construit l'Église" (ibid).

(1) Mgr Albert Rouet, Diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 166 et 164.

26 avril 2018

L’hostie fracturée

"l'hostie ronde, complète, intacte, qui révèle une Présence en soi, (...) ne va pas jusqu'au bout d'elle-même, en ce sens que la présence ne se donne comme présence réellement réelle, accomplie et parfaite, que lorsqu'elle se livre, se donne et se partage. C'est à la fraction du pain (le premier nom de la messe) que le Christ est reconnu par les pèlerins d'Emmaüs (Lc 24, 31). Le partage du pain entre les mains du Christ déchire la nourriture comme se fend le voile du temple, et "leurs yeux s'ouvrirent". (...) Sa présence ne peut s'effectuer autrement que sous la forme du don, de la source et de l'envoi. Loin d'être statique ou assignable à résidence (le divin prisonnier du tabernacle), Dieu se rend présent (...) est mouvement (...) souffle dynamique (...) levain dans la pâte" (1)
C'est dans l'hostie fracturée, immolée sur la Croix, signe du don et de la communion des souffrants que se réalise ce que Dieu veut signifier.

Est-ce en cela qu’il faut entendre ce que disait Augustin en donnant la communion, “deviens ce que tu recoit, le corps du Christ “(2) ?

(1) Mgr Albert Rouet, Diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 158
(2) cité par André Brompart, dans La Croix du 19/4/18

17 avril 2018

Douceur - Maurice Bellet

Bel hommage à Maurice Bellet dans la Croix du 12 avril (1) avec cette citation qui résume l’homme et fait écho à ce que je citais récemment chez Emmanuel Mounier : «   la puissance de la charité, cette douceur « qui fait à l’autre ce don majeur : qu’il se sente exister, humain parmi les humains, sans que de lui ou d’elle on exige rien » 
(Un chemin sans chemin, Bayard, 2016). (1)

(1) Frédéric Boyer, La Croix du 12 avril 2018

La tentation gnostique - GE 38

Tout discours prend le risque «  d’une superficialité vaniteuse : beaucoup de mouvement à la surface de l’esprit, mais la profondeur de la pensée ne se meut ni ne s’émeut. Cette superficialité arrive cependant à subjuguer certains par une fascination trompeuse, car l’équilibre gnostique réside dans la forme et semble aseptisé ; et il peut prendre l’aspect d’une certaine harmonie ou d’un ordre qui englobent tout. » (1)

À méditer

(1) Pape François,  Gaudete et Exsultate n.38

La tête et le corps

Une petite remarque de Mgr Rouet qui donne à penser : chez Paul, la Tête n'avait pas forcément la suprématie sur le corps (1). Il faut, pour lui, attendre Gatien au 2eme siecle pour que cela prenne sens. Le Christ tête n'exclut pas une dimension polyèdrique de l'Église comme le dirait le pape François. À méditer à l'aune de nos tentations cléricales.

(1) Mgr Albert Rouet, Diacres, une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 98

Faiblesse et grâce - Gaudete et Exsultate n• 34

Je me plonge dans la nouvelle exhortation apostolique et trouve sans étonnement des pépites : « la rencontre de ta faiblesse avec la force de la grâce » C'est un beau résumé du chemin que le pape François nous ouvre là.
À contempler

Dynamique 19 : Diaconat - ministère de l’aller retour

Comme évoqué plus haut, la compréhension du sacramentel autour de la prise en compte de la personne même du Christ - Sacrement source - dépasse et amplifie l'enjeu des 7 sacrements ritualisés pour traduire la nécessité d'un aller retour constant entre le monde dans sa réalité complexe et le divin en ce qu'il nous appelle à l'amour sous ses deux formes complémentaires (Dieu et le prochain).
Quand Albert Rouet parle du diaconat comme le « ministère de l'aller -retour » (1), il traduit bien à mon avis ce souci de creuser dans le monde un chemin pour la grâce qui n'est alors pas le seul fait de Dieu mais la danse entre l'homme et Dieu.

L'église bâtiment comme l'Église institution ne sera jamais le seul contenant du travail de l'Esprit et en cela la place du diacre peut être dans ce souci visible ( donc sacramentel) de l'hôpital de campagne, tendu entre le monde et l'église, soucieux de ne pas rester au seuil mais d'aller loin, pour le compte et en obéissance avec l'évêque dans sa quête de la brebis égarée.

Sa place est donc bien dans “l’univers sacramentel” décrit par Mgr Rouet (2) d’une Église toute entière sacrement du Royaume.

(1) Mgr Albert Rouet, Diacres, une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 103
(2) ibid p. 112

Dynamique sacramentelle 18 - la place du diacre, Albert Rouet

Encore une phrase qui renforce ma thèse sur l'élargissement nécessaire de la conception du sacramentel :
« La sacramentalité de son ordination [diacre] découle de ce que l'Église étant sacrement du royaume, il sert « l'ecclésial » hors de l'Église. Sa dimension sacramentelle signifie et rend présent dans l'Église et pour son élan vers le monde le Christ Premier Né de toute créature. C'est donc par rapport au Royaume qu'il convient de comprendre Le sacramentel, et non seulement à partir de sa stricte « utilisation » communautaire (...) tout sacrement est sacrement de l'Église, qui est elle-même sacrement du Royaume » (1)
À quoi aboutit-on à ce stade ? Probablement à la prise en compte de la supériorité du sacrementel sur Le liturgique qui n'en est que la traduction symbolique et nécessaire.

La beauté de nos liturgies, ce qu'elles traduisent de nos traditions et de notre obéissance à ces rites reste creux si la dimension sacramentelle de la marche vers le royaume n'est pas la toile de fond.

(1) Mgr Albert Rouet, diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 99

La barque de l'Église

"Le Christ monte dans une barque : n'est-ce pas lui qui a découvert le lit de la mer après avoir rejeté ses eaux, afin que le peuple d'Israël passe à pied sec comme en une vallée ? (Ex 14,29) N'est-ce pas lui qui a affermi les vagues de la mer sous les pieds de Pierre, de sorte que l'eau fournisse à ses pas un chemin solide et sûr ? (Mt 14,29) Il monte dans la barque. Pour traverser la mer de ce monde jusqu'à la fin des temps, le Christ monte dans la barque de son Église pour conduire ceux qui croient en lui jusqu'à la patrie du ciel par une traversée paisible, et faire citoyens de son Royaume ceux avec qui il communie en son humanité. Certes, le Christ n'a pas besoin de la barque, mais la barque a besoin du Christ. Sans ce pilote venu du ciel, en effet, la barque de l'Église agitée par les flots n'arriverait jamais au port. (1)

A contempler

(1) Saint Pierre Chrysologue, Sermon 50, 1.2.3 ; PL 52, 339-340 (trad Bouchet, Lectionnaire, p. 324 rev.)

13 avril 2018

Dynamique sacramentelle - le diaconat a besoin d’espace

« Quand l'Église se considère elle-même, quand son regard se porte prioritairement sur elle-même, au fond elle peut se passer de diacre permanents. (...) Au contraire, quand elle se tourne vers l'humanité et vers le royaume dont elle est le sacrement, alors les diacres lui sont nécessaires » (1)
Une belle image qui réoriente la dimension sacramentelle de la diaconie.


Elle est complétée plus loin par un phrase qui souligne ce point. « Une sorte de myopie n'envisage les sacrements que pour l'Église et en son sein (...) il y a [au contraire] au coeur même de l'activité sacramentelle, un dépassement, une ouverture, par lesquels, comme aurait pu dire Pascal, l'Église passe par l'Église. Un outrepassement. (2)


(1) Mgr Albert Rouet, diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 87
(2) ibid p. 98

01 avril 2018

Déposer et revivre - il est ressuscité !

Comme le suggère déjà Isaïe 53, 12, "il s'est dépouillé lui-même jusqu'à la mort,et il a été compté avec les pécheurs, alors qu'il portait le péché des multitudes et qu'il intercédait pour les pécheurs."
Méditons un instant ce dépouillement à l' aune de Jn 10, 17-18.
Ma vie, nulle ne la prends, c'est moi qui la dépose ...

Il a déposé sa vie entre les mains du Père.  "C'est pourquoi Dieu l'a relevé et lui à donné le nom" de Dieu sauveur, suggère en écho Philippiens 2.

Louange et gloire à notre Dieu.  Il est ressuscité !

24 mars 2018

Une lecture kénotique des Rameaux - Saint André de Crête

"Il vient donc, en faisant route vers Jérusalem, lui qui est venu du ciel pour nous, alors que nous étions gisants au plus bas, afin de nous élever avec lui, comme l'explique l'Écriture, au-dessus de toutes les puissances et de toutes les forces qui nous dominent, quel que soit leur nom.

Et il vient sans ostentation et sans faste. Car, dit le prophète, il ne protestera pas, il ne criera pas, on n'entendra pas sa voix. Il sera doux et humble, il fera modestement son entrée. ~

Alors, courons avec lui qui se hâte vers sa passion, imitons ceux qui allèrent au-devant de lui. Non pas pour répandre sur son chemin, comme ils l'ont fait, des rameaux d'olivier, des vêtements ou des palmes. C'est nous-mêmes qu'il faut abaisser devant lui, autant que nous le pouvons, l'humilité du cœur et la droiture de l'esprit afin d'accueillir le Verbe qui vient, afin que Dieu trouve place en nous, lui que rien ne peut contenir.

Car il se réjouit de s'être ainsi montré à nous dans toute sa douceur, lui qui est doux, lui qui monte au dessus du couchant, c'est-à-dire au-dessus de notre condition dégradée. Il est venu pour devenir notre compagnon, nous élever et nous ramener vers lui par la parole qui nous unit à Dieu.

Bien que, dans cette offrande de notre nature humaine, il soit monté au sommet des cieux, à l'orient, comme dit le psaume, j'estime qu'il l'a fait en vertu de la gloire et de la divinité qui lui appartiennent. En effet, il ne devait pas y renoncer, à cause de son amour pour l'humanité, afin d'élever la nature humaine au-dessus de la terre, de gloire en gloire, et de l'emporter avec lui dans les hauteurs.

C'est ainsi que nous préparerons le chemin au Christ : nous n'étendrons pas des vêtements ou des rameaux inanimés, des branches d'arbres qui vont bientôt se faner, et qui ne réjouissent le regard que peu de temps. Notre vêtement, c'est sa grâce, ou plutôt c'est lui tout entier que nous avons revêtu : Vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ. C'est nous-mêmes que nous devons, en guise de vêtements, déployer sous ses pas.

Par notre péché, nous étions d'abord rouges comme la pourpre, mais le baptême de salut nous a nettoyés et nous sommes devenus ensuite blancs comme la laine. Au lieu de branches de palmier, il nous faut donc apporter les trophées de la victoire à celui qui a triomphé de la mort.

Nous aussi, en ce jour, disons avec les enfants, en agitant les rameaux qui symbolisent notre vie : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d'lsraël" (1)

(1) Saint André de Crête,  Homélie pour le dimanche des rameaux, source AELF

22 mars 2018

Christ mystère - Albert Rouet

A partir de l'expression de Heb 2,2 : "Christ mystère" écoutons le commentaire de Mgr Rouet  ; "Le mystère désigne donc l'inépuisable générosité de Dieu, ce fleuve surabondant qui, du Père et à travers le cœur transpercé du Fils vivifie l'humanité. L'Église vit de cette eau. Elle la reçoit pour la répandre. Elle est ainsi dépassée, en amont par la largesse de Dieu qui se donne, l'infini de son amour ; en aval vers l'indéfini de l'humanité toujours multiple, nouvelle et ancienne, repliée et novatrice" (1)

Un écho à mon livre éponyme " l'amphore et le fleuve". Mais plus encore un hymne à la réalité du Dieu amour... Il nous abreuve et nous inonde de sa grâce. À contempler.

(1) Mgr Albert Rouet, Diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 56-7

Tendresse blessée - Péguy

"Nul chemin ne conduit le chrétien au Domaine qui ne passe au carrefour de la Croix. La joie ne lui est pas retirée : elle est le son même de sa vie. Mais le bonheur tranquille n'est pas la joie. La joie dans les larmes, ou pendant le bon temps, une joie ardente et voilée, voilà l'état naturel du chrétien. Péguy disait que la tendresse, à cause de cela est la moelle du catholicisme. Une tendresse blessée...(1)

Un écho à mon "Dieu de faiblesse" éponyme?

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 175

16 mars 2018

Piétisme et fadeur

« Si le chrétien donne si souvent l'impression dans ses homélies sociales de ne pas avoir prise sur la réalité vivante (...) c'est bien souvent que l'énergie chrétienne qui lui donnerait le mordant (...) s'est affadie en lui dans un piétisme sans âme et sans accent : si bien qu'aux meilleures mêmes l'âpreté et l'indignation apparaissent comme une faute, l'affirmation des déterminismes, des contradictions provisoirement insolubles, des nécessités comme une impiété. » Mounier nous invite ainsi à « l'ascèse des contradictions et des expériences directement débattues »(1).
Qu'est-ce à dire ? Sombrons nous encore aujourd'hui dans un laisser faire au nom d'une miséricorde trop vite accordée. Ses propos sont durs et interpellent. Dans le contexte de 1934 sont ils plus pertinents qu'aujourd'hui ?
Personnellement j'ai peut-être cette fadeur du miséricordieux et le manque de mordant d'une piété exacerbée. Mais je sais qu'un jugement hâtif n'est pas non plus chrétien.
Notons seulement que Mounier dénonce aussitôt le risque de sombrer dans un discours moral, « responsable de la médiocrité de l’action ».
À méditer

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 153

15 mars 2018

La discrétion de Dieu

Une belle évocation chez Mounier qui entre en écho avec « la voix d'un fin silence », mon livre éponyme : « Saint Irénée évoquait la pédagogie divine ; on a parlé depuis de la discrétion de Dieu. Un immense silence qui dure toute l'histoire ; une inspiration par touches intimes qui laissent le champ libre à tout appareil humain ; la patience de tous les détours qui séparent l'inspiration de l'effet : telles apparaissent ces voies qui ne sont pas nos voies ». (1)

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 116

13 mars 2018

L'eau qui purifie -Jn 5 - lecture spirituelle de Grégoire de Nysse

A propos de Jn 5 et de la piscine de Bethesda, prenons nous le temps de considérer que nous pouvons être cet homme englué dans nos adhérences au mal. 
Écoutons sur ce point Grégoire de Nysse : "Tout homme qui entend le récit de la traversée de la Mer Rouge comprend quel est ce mystère de l'eau, dans laquelle on descend avec toute l'armée des ennemis et de laquelle on émerge seul, laissant l'armée des ennemis engloutie dans l'abîme. Qui ne voit que cette armée des Égyptiens..., ce sont les diverses passions de l'âme auxquelles l'homme est asservi : sentiments de colère, impulsions diverses de plaisir, de tristesse ou d'avarice ?... Toutes ces choses et toutes celles qui sont à leur origine, avec le chef qui mène l'attaque haineuse, se précipitent dans l'eau à la suite de l'Israélite. Mais l'eau, par la force du bâton de la foi et la puissance de la nuée lumineuse (Ex 14,16.19), devient source de vie pour ceux qui y cherchent un refuge — et source de mort pour ceux qui les poursuivent... Cela signifie, si l'on en dégage le sens caché, que tous ceux qui passent par l'eau sacramentelle du baptême doivent faire mourir dans l'eau toutes les inclinations mauvaises qui leur font la guerre — l'avarice, les désirs impurs, l'esprit de rapine, les sentiments de vanité et d'orgueil, les élans de colère, la rancune, l'envie, la jalousie... (...) De même on doit engloutir toute l'armée égyptienne, c'est à dire toute forme de péché, dans le bain du salut comme dans l'abîme de la mer et en émerger seul, sans rien qui nous soit étranger.(1)

(1) Saint Grégoire de Nysse, La Vie de Moïse, II, 121s ; SC 1 (trad. SC p. 181 rev.)

12 mars 2018

Dynamique 16 - diaconie de l’Église

« Ou bien [l'Église] se pense comme une société religieuse qui a des œuvres envers les « autres » démunis ou incroyants, ou bien la présence des autres la transperce en son cœur. » (1)

L'enjeu est là souligne Mgr Albert Rouet. Qu'elle est la différence ? Elle est une question de hauteur. Soit l'autre est contemplé de haut, soit il devient le centre : « c'est à moi que vous l'avez fait » (Mat 25). Non pas par devoir, mais comme nous l'avons souligné sur les pas de Mounier parce que l'autre doit devenir premier, sens, centre de nos vies.

« Pour avoir des œuvres, point besoin de diacres. Mais si ces « autres » pénètrent le centre et pour qu'ils y arrivent, des diacres deviennent nécessaires. C'est toute la différence entre assistanat et présence » (2)
La diaconie se joue là. Dans cette inversion qui dépasse la simple pitié pour devenir kénose, à la suite du Christ, c'est à dire pour entrer dans la prise de conscience que l'Eglise est Corps où chacun devient essentiel. Ce n'est pas mon salut que je vise, mais la construction eschatologique du grand Corps, du Royaume.

La fonction du diacre ne peut être cléricale. Elle est bien au contraire une chance de remettre la kénose au centre de sa dynamique sacramentelle. Le diacre est le signe que la diaconie est centrale, essentielle et constitutive de la dimension kénotique de l'Eglise tout entière, il devient le bras visible de cette dimension particulière.

(1) Mgr Albert Rouet, diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 49
(2) ibid.


Foi et espérance

Peut-on définir le chrétien comme « « pessimiste actif ». Non répond Emmanuel Mounier qui préfère l'expression « d'optimiste tragique » (1). La différence tient aux trois vertus théologales. La foi et l'espérance nous interdisent tout pessimisme, même si le réalisme nous force à considérer le tragique de l'existence.
À méditer

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 110

Dynamique 15 - visibilité ou enfouissement

Il semblerait que les balancements actuels entre visibilité et enfouissement ne datent pas d'aujourd'hui. Entendre Mounier évoquer en 1948 qu'il y a 20 ans « le grand souci des jeunes chrétiens était de se manifester et de conquérir (« Vous êtes chrétiens et cela doit se voir ») » interroge. Je préfère personnellement sa deuxième version, plus inductive : « Vous êtes chrétiens, ça doit se percevoir, mais ça ne doit pas se voir (...) Être chrétien, c'est peut-être s'effacer sous une certaine transparence plus que s'efforcer à trop d'évidence. Se prêter difficilement à laisser agir en soi un Être plus qu'en ses nom et place »(1)

On est là bien sûr au cœur d'un conflit très profond digne de celui de Jn 8 entre les défenseurs de la loi gravée sur le roc et les traits dans le sable de Jésus. Pharisaïsme ou Présence intérieure ? Drapeaux et étendards ou contagion de l'amour ?
La foi ne s'impose pas. Elle est don de Dieu.

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 98

08 mars 2018

Dynamique 14 - engagement en tension

« L'homme n'est homme que par l'engagement. Mais si l'homme n'était que ses engagements, il serait esclave, surtout dans un monde où le réseau collectif se fait de plus en plus serré. (...) il faut [alors] qu'un drame intérieur anime l'engagement. Ce drame atteint son maximum d'intensité et de fécondité quand il résulte de la tension, dans l'impromptu de l'expérience, entre l'exigence inflexible de l'Absolu et l'exigence pressante de la réalisation. La situation d'insécurité et de hardiesse où elle nous introduit est le climat des grandes entreprises » (1)

Sans commentaire

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 96-97

07 mars 2018

Dynamique 13 - engagement

Où nous conduit l'adsum evoqué plus haut. Pour Mounier le chrétien est celui qui s'engage... « non pas seulement ici ou là, mais tout entier dans chaque acte, si bien que chacun de ses actes (...) devrait être comme le ramassement de toute sa vie (...) unité (...). [Être qui ] toujours dit je en pensant moi le moins souvent possible ; car ce je qui s'engage et qui s'affirme (...) s'efface d'un effacement cette fois supérieur, comme un médiateur, un répondant qui serait tout entier sa réponse (...) une parole unique dans un don unique : « cette goutte de sang que j'ai versé pour toi »(1)
Ici on sent l'accent christique du discours, mais n'est-ce pas notre chemin.

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 86

06 mars 2018

Dynamique 12 - Adsum

Après une contemplation de l'événement qui n'est pas sans écho avec « l'irruption du regard » dont parle Emmanuel Lévinas, Emmanuel Mounier nous invite à un pas de plus dans la dynamique sacramentelle : « adsum, dit le jeune diacre qui reçoit les ordres : ´je suis ici et je suis tel' ; j'ai lutté contre le pharisaïsme, les illusions de l'amour propre, les plus subtiles lâchetés ; si je n'ai accepté le compromis, je n'ai pas refusé mes données ; peut-être puis-je commencer à offrir un être consistant au mystère du Christ » (1)

Pas fragile de celui qui médite l'appel de Dieu et ne saisit pas encore où cela va le mener...

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 85