Que Jésus ai connu la peur ou pas, reste un mystère.
Mais l'exclure semble pour moi réduire son humanité.
L'intérêt n'est pas la peur, mais ce que l'on en fait, ce qu'elle transforme en nous.
Dans le texte de la femme adultère, il s'agit pour moi d'une démarche kénotique.
En habitant notre condition humaine, jusque dans la souffrance et la peur, Dieu nous rejoint.
En la traversant, la transcendant par une parole qui donne vie, un geste qui sauve, il nous conduit au delà de nos peurs et nous fait avancer.
C'est pour cela qu'il est signe élévé sur le bois de la Croix en réponse au serpent que Moïse avait dressé.
Il a dépassé la peur, peut-être même le désir (qui n'aurait pas été troublé dans son corps par une femme baisant ses pieds).
Mais il a été au delà et nous permet d'avancer au lieu de rester inhibé.
2 commentaires:
Il s'agit d'une suite des billets : Humanité de Jésus et de celui plus ancien mis en référence dans ce dernier.
Un mail reçu de Annie, que je retransmets avec son accord...
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Jésus a-t-il eu peur?
Cette question me rappelle deux souvenirs.
1 ) Il y a une bonne paire d'années, j'avais confié à un collègue musulman qu'après avoir découvert l'évangile j'étais en train de quitter les plaines luxuriantes de l'athéisme pour des terres plus difficiles à cultiver. Il s'en réjouit et m'avertit du danger redoutable de percevoir en Jésus une véritable incarnation de Dieu. Jésus ne pouvait être Dieu et l'un des premiers motifs avancés était que Dieu ne pouvait pas aller aux toilettes. Penser une telle chose était, à ses yeux, épouvantable. Je ne fus pas séduite par l'idée que l'on puisse être déshonoré par le fonctionnement naturel (certes peu affriolant, mais voulu par Dieu, béni soit Il) de son organisme. Et le Seigneur Lui-même ne précise-t-Il pas que l'on est souillé par ce qui sort de son coeur?
2 ) Je songe dévotement à St Maxime le Confesseur et au Pape St Martin 1er qui furent torturés et martyrisés pour s'être opposés à l'idée que la volonté humaine de Jésus n'existe pas. Pour ces deux héros pacifiques c'est bien la volonté humaine de Jésus qui s'exprime à Gethsémani et qui s'accorde de façon démonstrative à la volonté divine (commune au Père au Fils et au Saint Esprit). L'homme Jésus peut-il être homme s'Il est dépourvu de volonté humaine? Ah mais! la volonté humaine du Christ pourrait-elle donc s'opposer à la volonté divine? Précisément! elle est parfaitement libre de le faire mais elle ne s'oppose pas, au contraire c'est librement qu'elle s'accorde. Notre volonté humaine déchue est appelée à s'accorder librement à celle de Dieu, il en est de même pour la volonté humaine de Jésus-Christ.
Jusqu'à preuve du contraire, la nature humaine de Jésus est complète, il ne Lui manque aucun de Ses attributs naturels (l'homme étant créé à l'image et à la ressemblance de Dieu cela doit rendre l'incarnation plus simple), Il ne diffère de nous que parce qu'Il n'a pas connu le péché.
Ainsi, la question de la peur de Jésus semble être un élément du vieux débat "Le Verbe de Dieu en S'incarnant a-t-il pris, ni plus ni moins, toute notre nature humaine? S'est-Il humilié à ce point? S'est-Il anéanti à ce point? N'a-t-Il pas pris soin d'éviter nos faiblesses naturelles les plus indignes de Lui?" Or, [Phillip 2:7] Mais il s'est dépouillé [ekenôsen, "vidé", "anéanti" -> la kénose en théologie], prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, reconnu à son aspect comme un homme.
Ma foi profonde est que Jésus est parfaitement homme et parfaitement Dieu si bien qu'il ne me reste plus qu'à répondre à cette question: les diverses émotions, sentiments et autres sensations comme la souffrance physique, la faim, la soif, la joie, la tristesse, le zèle dévorant, le juste courroux, la peur, le trouble, l'inquiétude, l'amour... etc. font-elles vraiment partie de notre nature actuelle?
Comment distinguer quelles émotions sont naturelles et celles qui, liées à l'exercice de notre liberté, effleurent le peccamineux?
Je remarque que les saints évangélistes n'ont nullement cherché à minimiser l'acuité des sentiments éprouvés par notre Seigneur avant Sa Passion:
ekthambeô, frapper de stupeur ou d'épouvante, Mc 14:33;
tarassô, être bouleversé, troublé, ému, agité (souvent de frayeur dans le NT), Jn 12:27;
adêmoneô, être tourmenté, déprimé, en détresse, Mt 26:37, Mc 14:33;
perilupos, profondément triste, Mc 14:34
Il ne s'agit pas d'un doux spleen ou d'une vague inquiétude, visiblement notre Seigneur fut ébranlé.
Je pense que le saint Carême vient à propos nous rappeler qu'après son baptême Jésus fut poussé par l'Esprit Saint au désert pour y être tenté, le saint évangéliste Luc nous précise même que Jésus fut tenté de toutes les manières. Au désert, Jésus y a, notamment, connu la faim et la soif et, sans doute, c'est en prenant appui sur ces sentiments parfaitement naturels que satan intervint pour Le tenter. Quand satan enlève Jésus pour le placer au sommet du Temple, Jésus a-t-il eu peur d'être précipité à terre par le tentateur? On ne sait pas mais ne pas avoir peur de tomber eut été tenter Dieu...
De même, à l'approche de Sa Passion Jésus a sans doute eu peur de souffrir ou de ne pas être "à la hauteur" et peut-être même a-t-Il eu peur du séjour en Hadès, quoi de plus naturel? Le diable Lui a-t-il susurré "laisse tomber...", mais les évangélistes nous invitent à penser que c'est plutôt St Pierre qui Le tenta (encore !) en engageant un ultime combat, et Jésus refusa cette tentation comme en Mt16:23.
La peur de ne pas être "à la hauteur" ou celle de souffrir seraient-elles plus ou moins déshonorantes que l'on craigne que Jésus ne les ait connues?
Le français tente de distinguer subtilement la peur de la crainte, l'angoisse de la terreur... mais le grec du Nouveau Testament ne nous aide pas beaucoup. Par exemple:
1-Jn 4:18 condamne en effet une peur, le "phobos", parce qu'il serait antinomique à l'amour. Mais le "phobos" est chaudement recommandé par 1-Pi 1:17, car c'est aussi la crainte de Dieu. Le saint apôtre Paul n'hésite pas à avouer aux Corinthiens qu'il a ressenti un "phobos", et il invitera les Éphésiennes à ce même sentiment à l'égard de leurs maris! Et c'est le verbe phobeô que notre doux Seigneur Jésus emploie dans ses "N'ayez pas peur!"
Alors, je pense qu'il ne faut pas surinterpréter le mot "peur" à la lumière des nuances du français soutenu et qu'il convient prudemment de distinguer deux grandes familles de peurs:
* La peur qui est un mouvement naturel d'autoprotection, un réflexe de sauvegarde, une légitime inquiétude face à l'ampleur des difficultés qui surgissent, une crainte salutaire début de la sagesse, ou une crainte respectueuse... etc.
* Et la peur qui témoigne d'un manque de confiance en Dieu, qui résulte d'une soumission à un autre maître, ou qui est associée à un manque d'amour... etc.
La première, naturelle, a été assumée en plénitude par notre Sauveur, je ne vois aucune trace de la seconde en Jésus.
La peur fait-elle partie de la tentation?
Difficile de répondre tant le mot "tentation" est chargé d'arrière pensées. La douleur, la faim, la soif, la peur... font évidemment partie de l'épreuve, une épreuve où l'on ne ressentirait absolument rien de particulier serait-elle une épreuve?
En réalité, l'enjeu de peirasmos/tentation/épreuve n'est pas tant de savoir comment on y entre mais plutôt de savoir comment on en sort. Est-ce que nous succombons à la tentation? une tentation surmontée est une victoire, et dès lors il n'y a pas à rougir d'avoir été tenté. Jésus a connu, paraît-il, toutes les tentations/épreuves, Il les a toutes surmontées et Il n'a jamais succombé. Comme le dit l'auteur inspiré de l'épître aux Hébreux, c'est justement parce que Jésus fut tenté qu'Il peut venir en aide à ceux qui sont tentés. La communauté de nature entre le Verbe incarné et nous-mêmes est toujours essentielle.
Annie
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