Hommage à Michel Rondet, décédé à 98 à ans. Un jésuite hors du commun, croisé il y a bien des années à la Baume les Aix, et dont le texte suivant m’a longtemps habité :
« Pendant des siècles, notre pédagogie spirituelle s'est appuyée sur une tradition, reçue et transmise, qu'il s'agissait d'ouvrir à l'expérience spirituelle. On partait de la tradition reçue pour tenter de faire vivre une expérience.
Aussi sommes-nous désarmés lorsque nous nous trouvons face à une expérience qui a sa valeur, son dynamisme, mais ne dispose d'aucun repère pour se comprendre et se développer. Qu'est-ce qui m'arrive ? Suis-je le premier à vivre de tels états ? Est-ce que je ne suis pas sur le bon chemin ? Questions angoissantes que rencontrent vite les nouveaux chercheurs de sens et qui les conduisent à aller frapper à toutes les portes, sauf à celles qui justement sont dépositaires d'une tradition spirituelle qui semblerait pouvoir répondre à leur attente. Pourquoi ?
Parce que, trop souvent, nous proposons des réponses là où l’on nous demande des chemins. Ceux qui, d'horizons très divers, se mettent en marche, au souffle de l'Esprit, n'attendent pas que nous leur offrions la sécurité d'un port bien abrité. Ils ont justement quitté le port des sécurités factices. Ils ont gagné le large à leurs risques et périls, ils savent que la traversée sera longue. Ils ne nous demandent pas de leur décrire le port, mais de les accompagner sur un chemin dont ils ne connaissent pas encore le terme : ils savent qu'une rencontre les attend, qui leur fera découvrir le meilleur d'eux-mêmes et le sens de l'aventure humaine. Ce qu'ils espèrent, c'est un compagnonnage de recherche et de disponibilité, pas un étalage complaisant de certitudes. Ceux qu'ils aimeraient rencontrer, ce sont les mages dans leur marche à l'étoile, pas les scribes de Jérusalem qui, eux, savent. Or, trop souvent, l'Église a pour eux le visage des scribes de Jérusalem.
Trop occupés des vérités à transmettre, nous sommes peu sensibles à l'attente de ceux qui ne nous demandent pas encore ce qu'il faut croire, mais ce que c'est que croire. Nous partons d'une tradition à transmettre, alors qu'il faudrait accompagner une naissance. Mais qui d'entre nous est assez libre dans sa foi pour oser la nouveauté, dans une fidélité créatrice au don qu'il a reçu ? » [1]
[1] Michel RONDET s.j., La Baume-les-Aix, Études Fév 97
1 commentaire:
Je me retrouve vraiment dans ce texte que je rapprocherais de la pensée de Joseph Moingt.
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