11 août 2015

L'amour d'aimer - Saint Bernard

Je découvre et vous laisse contempler ce sermon de Saint Bernard :
" L'amour se suffit à lui-même, il plaît par lui-même et pour lui-même. Il est à lui-même son mérite, il est à lui-même sa récompense. L'amour ne cherche hors de lui-même ni sa raison d'être ni son fruit : son fruit, c'est l'amour même. J'aime parce que j'aime. J'aime pour aimer. Quelle grande chose que l'amour, si du moins il remonte à son principe, s'il retourne à son origine, s'il reflue vers sa source pour y puiser un continuel jaillissement ! De tous les mouvements de l'âme, de ses sentiments et de ses affections, l'amour est le seul qui permette à la créature de répondre à son Créateur, sinon d'égal à égal, du moins dans une réciprocité de ressemblance. Car, lorsque Dieu aime, il ne veut rien d'autre que d'être aimé. Il n'aime que pour qu'on l'aime, sachant que ceux qui l'aimeront trouveront dans cet amour même la plénitude de la joie. L'amour de l'Époux, ou plutôt l'amour qu'est l'Époux, n'attend qu'un amour réciproque et la fidélité. Qu'il soit donc permis à celle qu'il chérit de l'aimer en retour. Comment l'épouse pourrait-elle ne pas aimer, elle qui est l'épouse de l'Amour ? Comment l'Amour ne serait-il pas aimé ?"(1)
On le verrait bien aussi en commentaire de 1 Cor 13 ou d'Éphésiens 5.

( 1) Sermon de saint Bernard sur le cantique des Cantiques,  source Bréviaire,  AELF

03 août 2015

Effacement et Kénose

La quête de Paul, son humilité,  son imitation de la kénose du Christ n'est pas un chemin de dénigrement personnel.  Ce n'est pas non plus le plan de Dieu de nous réduire à néant.  La kénose à laquelle nous invite le Christ est plutôt cette danse d'un ami vers un ami (cf. Jn 15, 15), de celui qui en s'effacant laisse place à celui qui est plus immense, celui qui comble et qui rassasie, non pas en cette vie mais en notre éternel quiétude à venir.
"Celui qui aime sa propre vie (Jn 12,25) ne peut pas aimer Dieu, mais celui qui, à cause des richesses débordantes de l'amour divin, ne s'attache pas à lui-même, celui-là aime Dieu. Un tel homme ne cherche jamais sa propre gloire mais celle de Dieu, car celui qui aime sa propre vie cherche sa propre gloire. Celui qui s'attache à Dieu aime la gloire de son créateur. En effet, c'est le propre d'une âme sensible à l'amour de Dieu que de chercher constamment la gloire de Dieu chaque fois qu'elle accomplit les commandements, et de se réjouir de son propre abaissement. Car la gloire convient à Dieu en raison de sa grandeur, et l'abaissement convient à l'homme, car il fait de lui le familier de Dieu. Si nous agissons ainsi, nous serons joyeux à l'exemple de saint Jean Baptiste et nous commencerons à répéter sans relâche : « Lui, il faut qu'il grandisse, et moi, que je diminue » (Jn 3,30) (1). 


(1) Diadoque de Photicé, La Perfection spirituelle, 12 (trad. Solesmes, Lectionnaire II, p.149 rev.) source Bréviaire, AELF

02 août 2015

Ma crainte...

2000 ans plus tard, pouvons nous affirmer que nous sommes à la hauteur des espérances de Paul ?  : "Ma crainte, c'est qu'à mon arrivée je ne vous trouve pas tels que je voudrais, (....) Je crains de trouver parmi vous des querelles, des rivalités, des animosités, des contestations, des médisances, des faux rapports, de l'enflure, des troubles".
La liste est longue.  Elle reste à méditer,  non pour trouver les failles des autres, mais comme un examen personnel.
Ne déchirons pas l'unique tunique du Christ. 

(1) 2 Corinthiens 12:16, 20 

01 août 2015

Éloge de la simplicité

Souvent nous nous perdons dans des calculs et des marchandages, oubliant que le chemin du Christ est dans la simplicité. Écoutons Paul : "Je crains bien que, comme Ève fut séduite par l'astuce du serpent, ainsi vos pensées ne se corrompent et ne perdent leur simplicité à l'égard du Christ " ( 2 Corinthiens 11, 3). Si l'Apôtre s'abaisse pour nous élever, c'est pour annoncer gratuitement l'Évangile de Dieu ? (Ibid. V. 7). Il se distingue des " faux apôtres, des ouvriers astucieux, qui se déguisent en apôtres du Christ. (...) Ne vous en étonnez pas; car Satan lui-même se déguise en ange de lumière."  (11, 13) De quelle race sommes nous ?

30 juillet 2015

Les 6 questions

Quand on a réussi à passer le stade des trois tentations de l'homme : "combien j'ai ?",  "qu'est ce que je vaux ?", "quel est mon pouvoir ?" (1), reste trois autres questions qui peuvent aider à orienter sa vie : "à quoi je sers ?", "pourquoi je souffre ?", "qu'est ce que je donne ?"
Les trois premières sont des impasses parce qu'elles sont auto-centrées.  Les trois secondes tournent vers autrui et conduisent à l'amour...

Or "Dieu est amour : qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui." (1 Jean 4,  16)

(1) cf. mes développements dans "le chemin du désert"

29 juillet 2015

Donner sans mesure

Combien de fois agissons nous par calculs? Nos actes sont conduits par les bénéfices que nous attendons. Saint Augustin a raison de distinguer 3 strates d'amour :

  • l'aimer être aimé qui nous pousse à acheter l'amour d'autrui par nos dons, 
  • l'aimer aimer où nous prenons plaisir à donner en ce que cela nous valorise, satisfait notre ego (1) 
  • et l' amour véritable qui consiste à aimer "sans intérêt" (1 Cor 13). 
L'amour de Dieu est d'un autre ordre :
 "Avec largesse, il a donné aux pauvres; sa justice subsiste à jamais. " Celui qui fournit la semence au semeur et du pain pour sa nourriture, vous fournira la semence à vous aussi, et la multipliera, et il fera croître les fruits de votre justice." (2)
Entrer dans le don de Dieu,  c'est aller au delà. 

(1) cf. notre analyse de Mat 4, in Le chemin du désert.
(2) 2 Corinthiens 9:9-10 

28 juillet 2015

La vraie miséricorde

A l'heure des migrants, des malnutris, des chômeurs et des nouveaux martyrs,  il est bon d'entendre saint Césaire d'Arles nous rappeller à sa façon,  ce que le Christ nous dit sur la double mesure que nous utilisons : "Comment définir la miséricorde humaine ? C'est que tu prennes garde aux misères des pauvres. Comment définir la miséricorde divine ? Sans aucun doute, c'est qu'elle accorde le pardon des péchés. Tout ce que la miséricorde humaine dépense dans le voyage, la miséricorde divine le rend dans la patrie. Car c'est Dieu qui, en ce monde, souffre du froid et de la faim en tous les pauvres, comme il l'a dit lui-même : Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits, c'est à moi que vous l'avez fait. Dieu qui, du haut du ciel, veut donner, sur la terre veut recevoir. 

Quelle sorte de gens sommes-nous donc, nous qui voulons recevoir lorsque Dieu donne ; et lorsqu'il demande, nous ne voulons pas donner ? Quand le pauvre a faim, c'est le Christ qui est dans l'indigence, comme il le dit lui-même :J'avais faim, et vous ne m'avez pas donné à manger. Ne méprise donc pas la misère des pauvres, si tu veux espérer avec confiance le pardon de tes péchés. Le Christ a faim maintenant, mes frères, lui-même a voulu avoir faim et soif dans la personne de tous les pauvres; et ce qu'il reçoit sur la terre, il le rend dans le ciel.

Je vous le demande, mes frères, que voulez-vous, que cherchez-vous quand vous venez à l'église ? Quoi donc, sinon la miséricorde ? Donnez celle de la terre, et vous recevrez celle du ciel. Le pauvre te demande, et tu demandes à Dieu: il demande une bouchée de pain, et toi, la vie éternelle. Donne au mendiant pour mériter que le Christ te donne ; écoute-le qui dit : Donnez, et il vous sera donné. Je ne sais de quel front tu veux recevoir ce que tu ne veux pas donner. Et c'est pourquoi, lorsque vous venez à l'église, faites l'aumône aux pauvres, selon vos ressources." (1)

(1) Homélie de saint Césaire d'Arles sur la miséricorde. 

27 juillet 2015

Tradition et critiques

‎Peut être devrais-je entendre ce que je lis dans le journal de l'âme : " la critique est lumière, elle est vérité, et la vérité est sainte et il n'y en a qu'une. Toutefois je m'efforcerai toujours d'apporter dans ces discussions, où trop souvent les enthousiasmes inconsidérés et les apparences trompeuses prennent le dessus, une grande modération, une harmonie, un équilibre, une sérénité de jugement qui n'iront pas sans une largeur de vues prudente et circonspects. Sur les points douteux  je préférerai me taire plutôt que de hasarder des propositions mêmes géniales, qui s'écarterai du juste sentiment de l'Église". (1)

Je suppose que l'on touche là à l'apprentissage de l'obéissance pour celui qui se préparait alors à l'ordination diaconale. Mais au delà de cela on sent déjà la mesure, critiquée mais salutaire de celui qui fera néanmoins grandir l'Eglise.

(1) Jean XXIII 1903, op. Cit p. 259




Accent rahnérien

En citant Paul et cette "lumière de Dieu qui brille en nos coeurs" (2 Cor 4, 6), Hans Urs von Balthasar nous précise que la foi chrétienne est "le témoignage de Dieu en nous qui ne peut ‎être comprise que comme réponse à cette auto-attestation interne, intime de Dieu s'ouvrant et se donnant dans ses mystères intimes" (1)

En dépit des différences qui séparent les deux théologiens on ne peut pas dire que cet extrait ne rejoint pas l'intuition de Rahner.


Mais ce serait faire trop crédit au théologien allemand puisque Urs von Balthasar montre que l'on trouve cette notion déjà chez Augustin, Bernard et Thomas d'Aquin. Elle trouve pour lui sa source dans la philosophie de l'antiquité tardive chez Philon, Plotin et Denys (p. 134). Albert le Grand parlait déjà d'une certitude secundum pietatem qui nous ouvre les yeux à la volonté première. Thomas et Eckhart parle ainsi de l'introduction "par grâce de la créature dans l'acte de génération et de naissance trinitaire (...) et de prépondérance entitative de Dieu dans le cœur et l'esprit de l'homme. (...) Ce n'est pas nous qui exigeons la grâce en fonction de notre dynamisme, c'est elle qui nous appelle et nous désapproprie". (2)

Nous retrouvons à la foi ici une idée qui s'approche de ce que nous voulons signifier par la danse trinitaire, mais aussi nos commentaires sur le décentrement et l'effacement (cf. tags). Plus haut Balthasar citait d'ailleurs Jaspers et sa "foi philosophique", cet acte qui ne gagne tout qu'en abandonnant tout. (ibid p. 134)

(1) Hans Urs von Balthasar ,La Gloire et la Croix, GC1 op. Cit p. 131-132
(2) ibid. p. 136


26 juillet 2015

Le sentiment de solitude - 1

Qui peut saisir l'âme humaine,  descendre dans ses profondeurs, traverser ses contradictions,  dépasser les impasses qu'elle prend parfois et découvrir,  in fine, la petite flamme qui brûle. Il faudrait avoir la perspicacité et la clairvoyance d'un Dieu. Dans nos rencontres, nous n'égratignons souvent que la surface de l'humain,  nous ne sentons pas les bouillonnements intérieurs,  les questionnements,  les frustrations, mais aussi les joies profondes de l'homme. Nos paroles atteignent rarement l'intériorité de l'autre,  car pour y accéder,  il faudrait oser se mettre à nu, s'exposer,  faire état de nos faiblesses et de nos fragilités.
Il est loin le temps de la nudité originelle qu'évoquait Gn 2 : "ils étaient nus et ils n'en avaient pas honte". Et pourtant, comme l'affirme certains commentaires,  ne doit on pas en avoir une lecture eschatologique, y voir une direction.  N'est ce pas aussi le chemin de la kénose ? 

25 juillet 2015

Le travail de Dieu en nous

"Ce n'est pas toi qui portes la racine, mais (...) c'est la racine qui te porte" Rom 11, 18

Il nous faut prendre une fois encore le temps de contempler le travail de Dieu en nous. Nos oeuvres ne sont rien sans la dynamique trinitaire qui nous habite, nous fait grandir et fait jaillir de nous des signes qui dépassent toute nos finitudes.

Je rejoins ici ce qu'écrivait Balthasar "dans la figure lumineuse du beau, l'être de l'étant devient visible [en langage courant on pourrait traduire : le divin apparaît derrière l'homme] (...) [conduisant au] renoncement (à maîtriser et à abuser) pour pouvoir être saisi de joie (...) base et première lueur de (...) la révélation et de la grâce. (1)

L'allusion au saisissement nous ramenant à ce que nous avions souligné dans Phil 4.

(1) Hans Urs von Balthasar,  la Gloire et la Croix,  GC1, op. Cit p. 128

Sagesse

Les livres ne sont rien, si notre coeur se ferme à la Parole. "Que votre foi repose, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu".  (1)

Bon été...

(1) Corinthiens 2:5 BCC1923

24 juillet 2015

Le visage du Christ

A l'aune de mes contemplations du visage depuis Ex 33/34, je note une pépite chez Ambroise, dans la liturgie de cette semaine : 

"Pourquoi détournes-tu ton visage ? C'est-à-dire : Bien que tu détournes de nous ton visage, cependant, la lumière de ton visage, Seigneur, est imprimée en nous. Nous le gardons en nous et il resplendit dans notre cœur, car personne ne pourrait survivre si tu détournais ton visage".‎ (1)

(1) Saint Ambroise, commentaire du Psaume 43

Figure du Christ

Au delà de ce que j'ai écrit à propos de la dynamique sacramentelle,  on peut écouter en écho ce que nous révèle Balthasar,  en ce qu'il dit de la "figure placée devant le regard de l'homme (...) quoi qu'il en soit du caractère caché (...) déguisé (Luther), incognito (Kierkegaard), (...) nous sommes ici devant une figure authentique,  déchiffrable, (...) plus et autre chose qu'un simple signe (...) Fils de Dieu."
Plus que la fleur(2) qui n'est vue telle que si elle est aperçue comme manifestation d'une profondeur divine, "la figure de Jésus n'est vue telle qu'elle se donne elle même,  que si elle est appréhendée et reçue comme la manifestation d'une profondeur divine, dépassant toute nature du monde (3)".

(1)  Hans Urs von Balthasar,  La Gloire et la Croix,  GC1, p. 128-9 
(2) on retrouve chez lui cette comparaison dans son commentaire de Bonaventure ( cf. GC2, Styles, 1) et notamment sur les 6 niveaux de ressemblances qu'il note entre la trace, l'image et la ressemblance de Dieu.
(3) GC1, ibid.

23 juillet 2015

Bonté - Angelo Roncali

‎Je poursuis la lecture du journal de Jean XXIII,  qu'il faut parfois contextualiser mais qui révèle des pépites.  Nommé évêque en 1923, il est en Bulgarie quand il écrit cela : "toujours chercher, dans "mes rapports avec autrui (...) de la dignité, de la simplicité, de la bonté. Une bonté sereine et lumineuse. Et puis une manifestation constante de l'amour pour la Croix : amour qui de plus en plus me détachera des choses de la terre, me rendra patient, imperturbable, oublieux de moi-même, toujours joyeux dans les effusions de la charité (...)(1) "qui enfante les uns et se fait faible avec les autres (...) qui se penche sur les uns et se dresse contre les autres ; qui est caressante pour les uns et sévère pour les autres ; qui n'est une ennemie pour personne et qui est une mère ‎pour tout le monde.(2)

(1) Journal de l'âme, op. Cit 1928 p. 345
(2) Saint Augustin, De catechizandis rudibus, XV‎, 23 ; PL, 40, 328