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10 juin 2022

Danse trinitaire ? 2.64

 Paul dans la deuxième lecture de ce dimanche évoque notre détresse, bien présente aujourd’hui. Il nous introduit pourtant à la persévérance puis à l’espérance… (Rom 5) 

Pouvons nous voir la lumière ?

Peut-être en écoutant ce que nous glisse Jésus, à la veille même de sa mort…

Vous ne pouvez pas encore porter tout cela…

Mais…

Mais « quand il viendra (...) l’Esprit vous conduira à la Vérité toute entière » Jn 16 

Le mot conduire n’est il pas à entendre dans cette discrétion particulière de Dieu, qui ne s’impose pas, mais nous accompagne sur ses chemins de liberté… ? 


Le livre des Proverbes nous donne la clé de cette tendresse discrète de Dieu. 

« je fus enfantée, quand n’étaient pas les sources jaillissantes (...) , j’étais là, (...) je grandissais à ses côtés »


La sainte Trinité que nous fêtons dimanche nous est présentée par Jésus comme le point ultime de la révélation au terme de son grand discours du chapitre 16 de Jean.


Révélation mais sommet aussi de cette lente pédagogie d’un Dieu qui nous fait goûter cette danse (1) discrète d’une Trinité qui se penche amoureusement vers l’homme.


Depuis cette danse originelle du souffle sur les eaux, que nous chante à sa manière le livre des Proverbes, jusqu’à la triple humilité, au delà des nos détresses évoquées par Paul se révèle la triple humilité / miséricorde de Dieu.

 1. Ce Père qui se retire devant l’amour du Fils jusqu’à cette « gloire » fragile évoquée par Jésus qui ne sera qu’un homme nu, signe de l’amour, dressé sur le bois de la Croix. 

 2. Nudité qui révèle cette humilité du Fils qui s’efface maintenant pour concéder, à son tour que la vérité viendra en nous par l’Esprit

 3. Esprit, enfin, souffle fragile que la Pentecôte rend à peine visible dans des langues de feu avant de s’effacer dans nos profondeurs intérieures. Esprit qui demeure en nous comme une flamme légère, avant de s’embraser à nouveau quand, ouvrant notre cœur, se réveille le feu joyeux de l’Amour.

C’est bien d’une danse qu’il s’agit…

Danse humble, des trois personnes [triple humilité/kénose (3)] qui s’efface tour à tour devant l’autre et que le prologue grec de Jean résume dans un petit mot « pros ». Tourné vers. (2).

Le Fils tout tourné vers le Père dont il reçoit et transmet l’amour…


Amour et dessaisissement. Ce que nous fait goûter l’évangile se perçoit si bien dans le regard croisé de la belle icône de Roublev qui nous fait percevoir que chacun s’efface tour à tour pour laisser l’autre devenir.




N’est-ce pas cela l’amour d’agapè qui est effacement, qui « ne cherche pas son intérêt mais prend patience, endure tout, excuse tout ».(1 Co 13).


Tourbillon(4), danse ? 

C’est dans cette symphonie du retrait réciproque que l’amour se révéle et nous entraîne loin de nos détresses.

Amour, Inaccessible rêve ? (5)

Non !

Dieu est là. À nos côtés. Il est le chemin…

Et l’Esprit, enfin révélé dans cette révélation finale, qui nous conduit de la persévérance à l’espérance est la force qui nous conduit, par la danse fragile en nos cœurs blessés à dépasser nos insuffisances bien humaines…pour devenir les mains fragiles de l’amour donné.


(1) cf. la thèse d’Emmanuel Durand Emmanuel Durand, La Périchorèse des Personnes divines, Cerf, Collection Cogitatio Fidei - N° 243. 416 pages - mars 2005. https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/1993/la-perichorese-des-personnes-divines qui m’a bcp inspiré dans ce sens.


(2) voir sur Kobo Fnac mes essais Dieu dépouillé et À genoux devant l’homme https://www.kobo.com/fr/fr/ebook/pedagogie-divine-3


(3) cf. la 3eme partie de la trilogie d’Hans Urs von Balthasar 


(4) Ce mystère trinitaire que les pères de l’Église appelaient d’un mot double évoquant cercle et intériorité (circumincession) un ami l’évoque sous le beau concept de tourbillon.


(5) révélation pour moi dans cette belle interprétation de Monteverdi, lamentatio de la Ninja https://youtu.be/zsL4MGFh6QI

28 avril 2022

La danse de l’Esprit - 2.52

 L’échange avec Nicodème qu’évoque partiellement la liturgie d’aujourd’hui (Jn 2) nous permet de contempler la brise fugace et tendre de l’Esprit…


Dimanche nous verrons à la fois un Pierre hésitant et désemparé (Jean 21) et sûr de lui dans les Actes. 

Le premier Pierre a pêché seul sans succès et doit plonger nu pour trouver le chemin du triple pardon de Jésus et comprendre qu’il n’est pas digne, encore de l’agapè. Le second est empli d’un souffle puissant qui convertit les foules.  Qu’est-ce qui explique cette tension apparente si ce n’est l’Esprit qui vient transformer l’homme ?


La liturgie nous prépare à la contemplation du don de l’Esprit… 


Un chemin pour tous ?


Que va-t-il se passer dans le double mouvement sacrementel  que nous allons vivre dimanche prochain dans ma paroisse alors que nous célébrerons coup sur coup un baptême et une eucharistie ?


Pas grand chose finalement si ces deux rituels ne sont  la base d’un double mouvement à la fois théologal et actif au sein des récipiendaires… 


Le rite du baptême comme celui de l’Eucharistie sont bien fragiles si nous passons à côté de l’essentiel : Dieu nous invite à sa danse kénotique et à dépasser les gestes du rite pour vivre en actes et en vérité ce que nous célébrons. Le rite n’est rien si nous ne parvenons pas à transformer les symboles en chemins de vie, si nous ne devenons « porte-Christ » comme le suggère cette ancienne catéchèse de Jérusalem.


Le sacrement est vide s’il ne se transforme en « dynamique sacramentelle » (1).


Jésus glisse aujourd’hui à Nicodeme que nous ne sommes rien tant que nous ne sommes pas « nés du souffle de l’Esprit » 

Qu’est-ce que ce souffle ?


Un souffle ténu, le bruit d’un fin silence (1 Rois 19), le chant ou la danse des priants. Nous vivons souvent dans un balancier fragile entre les excès charismatiques et la pudeur des communautés qui refusent d’écouter ce que l’Esprit enseigne dans le silence d’un orant.


La vie chrétienne consiste finalement à trouver 

le juste équilibre entre kénose et prosélytisme, enfouissement et moralisme, pastorale et ritualismes.

Attention aux excès comme aux extrêmes ! 😉 


Au pharisaïsme hésitant de Nicodème, Jésus rappelle que la guérison de la morsure du mal, de ces « serpents du désert »  ne s’est pas faite dans le combat et la violence mais dans un signe fragile, élevé et suscitant de détourner son regard.


Appel bien mystérieux pour ce chercheur de Dieu que ce serpent de bronze évoqué au chapitre 11 du livre des Nombres qui devient pourtant le prélude et l’annonce de la Croix et du mystère d’un Christ transpercé d’où jaillit l’Esprit.


Ce qui était voilé devient lumière.


En versant l’eau vive par trois fois sur la tête du petit Côme dimanche, un rien va se produire et pourtant une étincelle mystérieuse va se glisser dans le cœur d’un enfant, flamme fragile que la prière conjointe de ceux qui l’entourent et la nourriture spirituelle transformera, par l’action discrète et humble de l’Esprit en lumière.


Nos rites sont inutiles si nous ne choisissons pas d’entrer dans la danse de l’Esprit…


Nos communions sont façades si nos joies intérieures ne deviennent lumières pour le monde, dans la contagion discrète mais joyeuse des danseurs pour le royaume.


(1) cf. mon livre éponyme

14 décembre 2021

L’Esprit comme don - 2-18

Nous approchons de la conclusion. Et comme esquissé plus bas, la place de l’Esprit se précise comme le travail intérieur et mystérieux qu’il est.

Est-il visible, saisissable cet Esprit qui souffle où il veut ?

Marion nous guide vers un sujet sur lequel il excelle, cette notion du divin comme « grand donateur qui s’efface ». Dans le jeu trinitaire, l’Esprit ne déroge pas à ce concept d’effacement (kénose), au même type d’invisibilité puisqu’il est don, gratuit, icône mêlée et danse d’un don de ce grand Donateur qui disparaît en se dévoilant, à la fois « don du donateur (Le Fils) et le donateur du don (le Père) » (1) qui dans leur communion invisible se donne puis s’efface dans cette triple kénose qu’évoque Hans Urs von Balthasar. 


Danse…


La Trinité nous est finalement invisible parce qu’elle demeure insaisissable étant par essence un don gratuit, qui s’efface totalement après avoir tout donné (comme le Christ après sa mort dans la discrétion d’une résurrection non tangible sans le regard de la foi et le prisme de l’Esprit, cf. 17.5) de peur de devenir une dette qui forcerait notre liberté.


Ici la théologie pratique du baptême peut trouver une piste de méditation de même que les concepts de vertus théologales (cf. 1 cor 13) qui sont les fruits visibles de ces dons gracieux. En donnant à l’homme, foi, espérance et charité, Dieu se donne et se retire tout en invitant, dans le bruit d’un fin silence à danser de ces dons.


Flamme fragile que cet Esprit qui vient et s’enfouit dans le silence intérieur pour germer dans le désert de nos terres desséchées et répandre en nos cœurs des fruits surprenants qui se distinguent de nos habitus.

Comme cet Esprit qui pousse Jésus au désert pour affiner l’homme et le rendre capable d’attendre sa mission de Fils, laissons nous interpeller d’Ailleurs, pour qu’agisse en nos cœurs ce don gratuit et discret que Dieu nous fait…


Je ne me lasse pas, en pastorale du mariage de faire découvrir cette humilité du père qui accepte le départ du fils prodigue (Luc 15) et guette de loin son retour pour courir à sa rencontre. N’est-ce pas l’écho subtile de cet « où es-tu ? » lancé à l’homme dans le premier jardin…


Seul l’Esprit est don fragile qui distille en nous, par le biais du Verbe, le chemin discret de Dieu dans nos déserts. 


Il « donne le premier don, donne en premier (...) dans le secret (...) on ne sait ni ne voit comment on reçoit ce qui se donne »(2), mais on entre dans la danse… 


Cette danse passe par cette découverte toute intérieure, cette contemplation, de l’immensité du don reçu, comme ce fiancé qui s’extasie devant celle qu’il reçoit avant d’entrer à son tour dans le don [je te reçois et me donne à toi]… Contemplation du don immense quel Dieu nous fait, de son pardon et de la communion (danse) à laquelle se destine toute l’économie trinitaire…(3)


Tourbillon…

Kénose…(4)

Danse.


(1) Jean Luc Marion, D’ailleurs la Révélation, ibid. p. 503sq

(2) p. 512

(3) sacrifice, pardon et communion, ibid. p. 527-28

(4) p. 529

27 septembre 2021

Révélation et don - 5

Pourquoi les français ne croient-ils plus ? 

On peut facilement sombrer dans le désespoir quand on sent la fragilité et les échecs de nos pastorales, il nous faut peut-être prendre de la hauteur pour saisir que nous n’avons pas pour tâche de convertir mais de labourer une terre qui puisse s’ouvrir à la foi. Creuser un sillon fragile, non par des mots mais par des signes et des actes, des questions et des sourires, loin des certitudes imposées ? 


La foi reste un don, une grâce, un surgissement non programmable d’une rencontre entre Dieu et l’homme…

La foi d’autrui nous échappe. Elle est réservée aux moissonneurs, quand nos semailles seront achevées en dépit des larmes de nos efforts souvent stériles..


Comment l’insaisissable se donne-t-il à voir alors que sa lente pédagogie échoue à le rendre visible et qu’un voile demeure en dépit de la lumière des signes successifs que l’Exode met notamment en scène.

Le visage rayonnant de Moïse d’Ex 34 n’est probablement qu’un conte du 6eme siècle avant Jésus-Christ même s’il nous prépare à des épiphanies plus rayonnantes. 

Et la Transfiguration ou la résurrection ?

Esquisses mais inaccessibles et réservées à des privilégiés…


Nos perceptions fragiles de l’invisible, sont peut-être que des signes avant coureurs qui nous préparent à l’incroyable ?

Les signes ou « miracles » comme tous les phénomènes non saturés, nos tressaillements intérieurs sont peut être à compter dans les faibles étincelles qui précèdent et complètent le feu ardent, le don total, inouï d’un Père qui laisse son Fils mourir pour révéler la danse trinitaire et tragique.  Le grand Donateur s’efface sur une croix et jusque dans les profondeurs de l’humain, « terreux » souvent inconscient de ce qui lui est offert.


Pourquoi l’homme passe t il à côté ?


Tout est du vent s’il ne se concentre sur l’essentiel, sur ce qui n’est finalement visible que dans le déchirement du voile. La Croix est le seul signe élevé comme un nouveau serpent, nouvel Adam si différent de l’ancien qu’il devient figure de guérison et de conversion pour un centurion inculte. « Vraiment cet homme était fils de Dieu » révèle Marc au bout d’un long chemin.


Semences….

Agapè

Don


Trois mots qui révèlent à eux seuls l’inouï divin et cette invitation fragile d’un Dieu à genoux.


Kénose…

Triple kénose.


En poursuivant la lecture de Marion (1) je ne fais que danser une fois encore avec cette triple kénose qu’il cite chez Hans Urs von Balthasar et qui ne cesse de me faire tressaillir depuis que je me suis plongé dans sa trilogie.


De Bultmann à Barth, de Pannenberg à Rahner(2), la théologie bute sur des oxymores quand Dieu se joue de nos hésitations et de nos théories pour se concentrer sur une seule chose, simple et subtil : « tout est don ». 

Si l’Evangile de dimanche se résumait à une chose, ce n’était peut-être que dans une invitation presque anodine, « un verre d’eau » qui est en fait la première marche de l’agapè…


Dieu n’est qu’amour, disait le bon François Varillon sur la pointe des pieds.


(1) Jean-Luc Marion, d’ailleurs la Révélation, p. 164-186…

(2) ibid.


PS: pour aller plus loin sur ce thème voir : 

1. Le beau texte publié par A. Fossion, cf. supra 

et les réflexions de Michel Rondet 

2. mes essais fragiles  : Pédagogie divine, Le rideau déchiré, A genoux devant l’homme et Danse trinitaire tous rassemblés dans « Dieu dépouillé » disponible gratuitement sur Fnac.com mais aussi Pastorale du Seuil, qui pourraient avoir pour sous titre, échecs et humilité.

3. Mon billet 48 sur danse et silence https://www.facebook.com/100003508573620/posts/3669493763177540/

14 septembre 2021

Surnaturel ou incarnation - 4

Le choix des textes que nous propose la liturgie d’aujourd’hui sur la Croix glorieuse est cornélien.

 

1. Soit nous optons pour le livre des Nombres qui nous conduit à une méditation sur le cycle mimétique de la violence qu’un serpent dressé vient guérir et suivons la piste de René Girard. Nous avançons alors sur le discernement tout intérieur de ce qui nous conduit à la violence et de ce qui peut nous en sauver.

 

2. Soit nous contemplons le don de Dieu dans la triple kénose : 

- d’un Père qui donne un Fils et s’efface, 

- d’un Fils qui se vide par amour 

- et de la musique ténue de l’Esprit en nous… Danse trinitaire (1) ?


Dilemme ?

Non, il faudrait au contraire faire danser les deux, mesurer la distance entre le don de Dieu et notre petite amphore bien faible au milieu du fleuve (2) comme l’évoquait Bonaventure.


Je te reçois et je me donne à toi. 

Ce n’est pas qu’un échange matrimonial mais la danse à laquelle Dieu nous invite.


Le don de Dieu précède toujours notre réponse.


Jn 3, proposé comme Évangile, récapitule les deux, mais la profondeur théologique qui se joue dans ces trois textes d’aujourd’hui est abyssale. 


Elle est prélude à la contemplation de cette danse divine qui ne cesse d’engendrer des tressaillements intérieurs et de multiples interpellations (3)


(1) cf. mon livre éponyme gratuit sur fnac.com

(2) voir L’amphore et le fleuve

(3) cf, le rideau déchiré ou À genoux devant l’homme 


Illustration : crypte de la cathédrale de Bayeux ?

16 mai 2021

Limites ? Un pont trop loin ? - danse 46.11

Les discussions lancées par Bruno interpellent finalement la place du prêtre. En triple écho et communion avec les propos de Bruno Anel, Claire CV et Sylvaine Landrivon voire ceux de Marie Jo Thiel repris par Marie Odile Dervin sur « réflexion théologique » et mon billet précédent je m’interroge sur la fonction même du prêtre. Est-il le maître de l’eucharistie ? Est-elle sa chose ? Comment interpréter fondamentalement le sens du début du canon 906 déjà cité qui spécifie : « Le prêtre ne célébrera pas le Sacrifice eucharistique sans la participation d'un fidèle au moins. » ? 

Pourquoi cette limitation ?

Il me semble qu’il faut creuser cela.

Dans ce temps particulier de l’entre-deux entre l’ascension et la Pentecôte, avant que l’Esprit embrasse toute l’Église il est intéressant de rappeler que la Présence réelle n’est pas la chose du prêtre mais un don de Dieu.

Rappelons-nous l’épisode de Pierre en Jean 21 (*). Il est moteur de la pêche nocturne mais ne prends rien… il faut l’action et la Parole du Verbe pour que cette pêche devienne miraculeuse. 


L’enjeu est peut-être de comprendre que la vocation sacerdotale n’efface pas la dimension diaconale première, que l’eucharistie ne découle que de la danse kénotique et trinitaire et n’est pas, jamais le fait de l’homme. « Tu n’aurais ce pouvoir si Dieu ne te l’avais donné » avait glissé Jésus à Pilate…

En survalorisant la place du prêtre nous avons/risquons de tuer l’Église… il nous faut probablement contempler que la vocation sacerdotale est essentiellement une fonction diaconale avant d’être signe pastoral, c’est à dire capacité à structurer l’Église, voire que l’autorité n’est pas innée mais découle uniquement de la capacité du prêtre à s’agenouiller dans le schème trinitaire et kénotique qui le fait entrer dans la danse divine de l’effacement. Alors la présence devient réelle car il n’est plus acteur de la transsubstantiation mais serviteur de cette conversion globale du peuple en Corps du Christ… 

Saint Grégoire nous conduit sur ce chemin en méditant le sens de la gloire

« Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée »


« L'unité », dit-il, « consiste en cet aboutissement du salut : tous sont unis entre eux par l'adhésion à l'unique bien, (...)  le sens de ces paroles nous apparaît plus clairement dans le discours du Seigneur rapporté par l'Évangile. Par sa bénédiction, il a donné toute puissance à ses disciples ; puis, en priant son Père, il accorde les autres biens à ceux qui en sont dignes. Et il ajoute le principal de tous les biens : que les disciples ne soient plus divisés par la diversité de leurs préférences dans leur jugement sur le bien, mais qu'ils soient tous un PAR leur union au seul et unique bien. Ainsi, par l'unité du Saint-Esprit, comme dit l'Apôtre, étant attachés par le lien de la paix, ils deviennent tous un seul corps et un seul esprit, par l'unique espérance à laquelle ils ont été appelés. »


« Mais », ajoute-il, « nous ferons mieux de citer littéralement les divines paroles de l'Évangile : Que tous, dit Jésus. soient un, comme toi, mon Père, tu es en moi, et moi en toi ; qu'eux-mêmes soient un en nous. Or, le lien de cette unité, c'est la gloire. Que le Saint-Esprit soit appelé gloire, aucun de ceux qui examinent la question ne saurait y contredire, s'il considère ces paroles du Seigneur : La gloire que tu m'as donnée, je la leur ai donnée. Effectivement, il leur a donné cette gloire quand il leur a dit : Recevez le Saint-Esprit.


Cette gloire, qu'il possédait de tout temps, avant que le monde fût, le Christ l'a pourtant reçue lorsqu'il a revêtu la nature humaine. Et lorsque cette nature eut été glorifiée par l'Esprit, tout ce qui lui est apparenté a reçu communication de la gloire de l'Esprit, en commençant par les disciples. C'est pour cela que Jésus dit : La gloire que tu m'as donnée, je la leur ai donnée ; qu'ils soient un comme nous sommes un ; moi en eux et toi en moi, pour qu 'ils soient parfaitement un.


Celui qui, de petit enfant, est parvenu en grandissant à la stature d'homme parfait, qui a rejoint la mesure de l'âge spirituel ~ ; celui qui est devenu capable de recevoir la gloire de l'Esprit par sa maîtrise de soi et sa pureté : il est cette colombe parfaite que regarde l'Époux lorsqu'il dit : Unique est ma colombe, unique ma parfaite. »(1)


Il faudrait revenir sur cette glorification du Christ homme pour comprendre qu’elle n’est possible que par la croix et la kénose. Il n’y a pas de gloire sans agenouillement… en écho à mon billet précédent.


La difficulté à laquelle nous arrivons, dans cette lancée est de ne pas considérer la gloire comme un acquis magique donné par un sacrement qui rendrait le prêtre vêtu d’un pouvoir ineffaçable mais bien de considérer la « dynamique sacramentelle » (2) dans l’axe même d’un éternel mouvement insaisissable entre Dieu et l’homme, cette « course infinie »(3) qui ne nous permet jamais d’affirmer que nous détenons seul un pouvoir, fut il donné par l’évêque, mais qu’il reste lié à cette abandon visé par Philippiens 3, cette course infinie (3);dont le même Grégoire de Nysse s’est fait le grand porte parole. 


«Mais ce qui était pour moi un gain, je l’ai considéré comme une perte à cause du Christ. En fait, je considère tout comme une perte (...) Il s’agit maintenant de le connaître, lui, ainsi que la puissance de sa résurrection et la communion de ses souffrances, en étant configurés à lui dans la mort, pour parvenir, si possible, à la résurrection d’entre les morts. Ce n’est pas que j’aie déjà obtenu tout cela ni que je sois déjà parvenu à l’accomplissement; mais je le poursuis, tâchant de le saisir, pour autant que moi-même j’ai été saisi par Jésus-Christ. En ce qui me concerne, mes frères, je n’estime pas moi-même l’avoir déjà saisi; mais une seule chose compte: oubliant ce qui est en arrière et tendant vers ce qui est en avant, je cours vers le but pour obtenir le prix de l’appel céleste de Dieu en Jésus-Christ.»

‭‭Philippiens‬ ‭3:7-15‬a


La capacité d’être prêtre n’est pas un acquis définitif. Il reste un don et une dynamique fragile, plus encore une vocation à la fois sublime et peut-être « impossible à l’homme » au sens de Mat 19,  mais pourtant donnée par Dieu comme un appel et une éternelle vocation, au même titre que le mariage, dans un autre ordre, n’est signe, que s’il reflète, non l’amour fragile des époux, mais sa capacité à signifier ce à quoi il est appelé, au sens donné par le « comme » d’Ephésiens 5…


Je l’ai déjà glissé, le prêtre n’est pas saint par nature, il peut le devenir au bout du voyage. Le sacrement de l’ordre ne le sanctifie pas « subito » mais le met en marche au même titre que le baptisé, qui revêtu de blanc, doit continuer à purifier son habit baptismal…


Mais peut-être vais-je un pont trop loin en disant cela…


(1) Gregoire de Nysse, Homélie sur le cantique des cantiques, source office des lectures du 7eme dimanche 

(2 et 3) cf. mes essais éponymes 

(*) sur ce thème voir mon commentaire dans « à genoux devant l’homme » plus développé que celui de Zumstein (op. cit. p.300) que je trouve bien frustrant compte tenu de l’enjeu ecclésiologique qu’il évoque sans développer et que je cherche à manduquer ici. 


20 avril 2021

Danse avec la nouvelle Ève - 50


«Marie, était fiancée à Joseph; avant leur union, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit saint.» Matthieu‬ ‭1:18‬ ‭‬

Le commentaire de François Cassingena-Trévedy  soulève chez moi plusieurs vagues contemplatives. Écoutons-le d’abord : « Inventa est un utero habens de Spiritu Sancto » - l’homme découvrit que la femme avait quelque chose dans le ventre. Au milieu de sa province la plus familière, l’homme découvrit que la femme était une terre habitée. Et lui, l’homme du petit pays, il découvrait que la femme était habitée par l’étranger, par l’inconnu. La femme tenait du Saint-Esprit. La femme était toute chose. La femme depuis quelques temps avec quelque chose d’étrange. Quelque chose d’autre. Quelque chose. Et l’homme, un instant égaré dans le sous-bois de la femme, ne savait pas encore que cet indéfini était l’Infini même. (1)


La profondeur de ces textes suscite souvent des résonances. Ici, j’ai été un pas plus loin puisque cela rime avec d’autres échanges que je vous partage ce soir.

 

1er pas de danse

C’est peut-être ce cri de l’homme devant la femme au jardin d’Eden, cet autre, ce vis à vis(2), à la fois différente et fait de la même chair, qui nous conduit à percevoir à la fois l’altérité et notre vulnérabilité (3).

Il y a pour nous les « terreux », quelque chose à méditer qui vient fissurer nos désirs de puissance, de pouvoir et d’autorité. Elle est là, fragile parfois, vulnérable souvent, elle interpelle notre moi profond par sa différence et sa sensibilité, souvent plus intérieure, qui réveille chez nous notre propre sensibilité, ce qui peut être féminin en nous et que nous n’osons voir... premier pas d’une symphonie à construire.

 

2eme pas de danse

C’est peut-être, plus loin encore que la première Ève, cette Marie qui porte en elle l’Infini de Dieu. Première inhabitée qui interpellera toujours nos propres tressaillements intérieurs. Sans idolâtrer la « première en chemin », il faut considérer combien elle trace une route pour nous, dans cette capacité à recevoir Celui qui veut demeurer chez nous, Celui qui descends de Jérusalem à Jéricho, aux plus profond de nos sous-bois, pour dire comme à Zachée : je veux habiter chez toi. Comment recevons-nous le Verbe qui s’invite dans nos rendez-vous espacés pour danser avec nous la triple valse du croire, de l’espérance et de l’amour. Ève nouvelle qui va porter dans sa chair, le glaive d‘une présence jusqu’aux « jointures de l’âme » (Heb 4,12) et la double Pâques de l’enfantement et de la mort du Fils. Chemin qui précède notre capacité à traverser la souffrance ? (4).

 

3eme pas de danse

Peut-être cet hommage aux femmes délaissées, ignorées, méprisées par une Église qui ne cesse de croire que Jésus ne se conjugue qu’au masculin sans percevoir combien la communion et la collégialité polyédrique passe par le relèvement du féminin pour qu’enfin nos Églises retrouvent la dimension première qu’elle a perdue depuis Hippolyte de Rome (5)

 

4eme pas de danse

C’est peut-être contempler, à la suite de l’invitation du pape François, l’humilité de Joseph, silence qui permet la naissance de l’Infini chez l’autre

 

5eme pas de danse

Voir en l’autre la flamme fragile de l’Esprit qui couve doucement au cœur du silence les graines délicates semées par le Verbe, pour que le dit murmuré par Dieu devienne un Dire au sens lévinassien (6)

 

6eme pas de danse

C’est plus essentiellement la contemplation de cette danse trinitaire qui se prépare. « Les mouvements en Dieu, le simple amour du Père et du Fils ne produit qu’une « binité » (Binität). Ce qui manque, ajoute Hans Urs von Balthasar, c’est « le miracle de la fécondité, du cadeau qui dépasse l’un et l’autre ». (7) On ne peut s’empêcher de penser, quand on a la joie d’être père, à ce « toujours plus » que constitue l’enfant. Car c’est bien de la même « image et ressemblance » qu’il s’agit. Le conjugal s’épuise quand il est tourné sur soi-même et qu’il n’intègre pas le don, ce débordement que constitue toute fécondité, dont l’enfant naturel n’est que la face la plus visible.

À partir du don de l’enfant se prépare celui de l’Esprit que la liturgie nous prépare lentement à recevoir, cet Esprit envoyé au monde, invitation non contraignante à un retour. Rêve de Dieu (8) ? que l’homme réponde par sa danse à l’invitation que lui fait la danse trinitaire (9).


7eme pas de danse... suggéré dans le cadre d’une autre discussion avec Marie-Odile Dervin  qui avait « une pensée pour les couples qui ne connaissent pas la joie de donner la vie. Quand le sacrement de mariage donné l’un à l’autre se vit sous le regard de Dieu, la relation devient fécondité. »


Une belle remarque que celle-là ! Pour avoir souffert de cette non fécondité charnelle avec mon épouse - je danse avec cette idée... La fécondité est un concept large qui dépasse de loin celle de la naissance d’un enfant et en même temps elle est déchirement et vulnérabilité, soit parce que l’enfant ne vient pas (ou ne vient plus, c’était notre cas, Dieu nous ayant fait deux beaux cadeaux), soit parce que l’enfant qui naît est différent de notre rêve et nous fait grandir en grandissant...

Dieu élargit toujours notre regard, lui qui est source de nos fécondités...

Il faut néanmoins souligner combien la stérilité est d’abord souffrance. Comme toute souffrance elle passe d’abord par une saine révolte, un cri, une nécessaire conversion intérieure avant de trouver en soi l’embryon d’une réponse, souvent délicate à articuler avant de devenir chemin d’espérance. Là Dieu devient aidant.


L’enjeu de ce septième pas serait alors de trouver une fécondité commune - par l’enfant, mais plus largement par tous les fruits que Dieu nous confie et qui deviennent par nos mains une co-création...


Huitième pas de danse qui reprend celui de toute la valse (proposée par Sylvaine Landrivon, suite également à un bel échange) :

« Mouvement de danse qui commence, en effet, par la stupeur du masculin se reconnaissant autonome face à celle qui se tient devant lui, à la fois semblable et autre, issue de la même chair du premier humain. Tellement proche et pourtant si différente que cet humain, devenant « il » en vis-à-vis de celle qui naît à l’être « elle », ne sait comment entrer en dialogue ni comment s’en dissocier autrement qu’en se l’appropriant par une série de dangereux possessifs « os de mes os, chair de ma chair »

Est-ce que le masculin n’est  pas souvent  en train de lutter contre cette emprise inaugurale, sauf dans l’union des corps où se lâche sa crainte d’être privé d’autrui? 

Il ne pourra sortir de la solitude délétère qui l’enferme et n’apprendra à danser qu’en apprivoisant le rythme de la création jusqu’à ce que murmure en lui l’appel d’une valse nouvelle. Il parviendra enfin à ce à quoi ils sont tous deux appelés : une valse à trois temps, symphonie réorchestrée par les valeurs théologales que sont l’amour, la  foi et l’espérance.

 

Dieu est bel et bien le musicien dont parle Saint Irénée. La « mélodie harmonieuse »  (A.H. IV, 20, 7) que Dieu compose est nécessaire à la réalisation de l’œuvre, et n’a d’autre but que de faire danser la vie jusqu’à la divinisation de ses créatures humaines. Il nous envoie son Fils pour nous emporter dans les ondes de l’Esprit. Et la valse commence.

Au premier temps de la valse, se dit l’amour de Dieu qui, dans la création nouvelle, vient s’incarner dans le corps consentant de Marie. Femme puissante porteuse du poids (kavôd = pesant et sacré) du Dieu Unique, elle porte le Verbe qui irradie dans l’intimité de sa toute faiblesse humaine. Il vient révéler la dimension trinitaire et universelle  du Don.

Au deuxième temps de la valse, Joseph unit ses pas aux siens et sa foi virevolte dans la lumière de la bonne Nouvelle, conjuguant les charismes du masculin et du féminin pour assurer l’harmonie qui vibre dans l’inouï du don offert. Au troisième temps de la valse, la promesse de joie éternelle par le salut à jamais donné, enlace la communauté d’amour dans l’espérance apaisante.

« Rêve de valse » ou « Apothéose de la danse », il faut savoir danser sa foi comme Claude Hériard nous y invite, car la danse est la plus belle des métaphores pour exalter la beauté des harmoniques masculines et féminines au service de la gloire de Dieu.(10) ».


À méditer...


Le 9eme pas de danse que suggère ce 8ème pas est peut-être ce à quoi nous conduit tout cela, ce double agenouillement du Fils et de sa mère, « pas de danse » kénotiques où l’un et l’autre s’effacent devant l’infini de Dieu à venir, entrent dans le vrai silence, celui de l’intime et en cela dans un « fiat » à deux voix, un « tout est accompli », avant de s’effacer comme à Emmaüs et nous conduire, en « Galilée », au bout d’un long chemin, à entrer aussi dans cette kénose tant attendue de l’Église qui seule rend possible une véritable harmonie entre l’homme et Dieu...


10eme pas de danse qui nous ramène à François Cassingena-Trévedy qui fait écho au premier texte d’où est partie cette valse, de Jésus qui « dans sa mort, les yeux ouverts et loin de chercher à rentrer, à régresser dans sa mère, nous la donne [au contraire], mais incomparablement plus large » (11). Que veut-il nous dire ? Peut-être que cette matrice nouvelle est dans l’oxymore de l’effacement et de la proximité, un royaume « ouvert », un Corps, une cathédrale fragile dont nous sommes les pierres vivantes, chacune utiles, chères aux yeux de Dieu, comme nous le rappelle le pape Francois dans son insistance sur le polyèdre...


« En confiant l’un à l’autre le Bien-aimé et Marie, Jésus sur la croix offre l’universalité au peuple d’Israel que symbolise sa mère. Il donne ses fondations à notre Église précisément là... et annonce ce qu’il dira ensuite à la Magdaléenne : Son Père devient Notre Père parce que, par le lien nouveau créé à la croix, nous sommes tous devenus les frères et sœurs du Christ » (10).


Je ne trouve pas encore de 11 eme pas de danse..., à vous de l’écrire 😉

 


(1) François Cassingena-Trévedy, Étincelles III, op.cit. p.101

(2) cf. Sylvaine Landrivon, La femme remodelée

(3) voir mes échanges récents avec Isabelle Laurent et son mémoire « Vulnérabilité et unité de la personne

Une lecture des tentations du Christ au désert » Mémoire de licence canonique de théologie, Septembre 2017

(4) cf. mon « Quelle espérance pour l’homme souffrant ? »

(5) cf. sur ce point Joseph Moingt, L’esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018.

(6) Emmanuel Lévinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, Poche, 1975?

(7) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, III – L’Esprit de Vérité p. 39

(8) j’emprunte cette belle image du rêve de Dieu à François, in Un temps pour changer

(9) cf. mon livre éponyme

(10) Sylvaine Landrivon, inédit 🙂

(11) Étincelles p. 109

09 avril 2021

La kénose de Pierre - danse 49.2

L’évangile d’aujourd’hui, bien que triste saucisson du chapitre 21 de Jean nous conduit bien loin.

Simon-Pierre veut pêcher tout seul ou entre amis, mais les poissons ne sont pas là. N'est-ce pas la leçon de Dieu face à nos ambitions humaines. « Cette nuit-là, ils ne prirent rien » (Jn 21, 3). 

Dans une lettre à Louise Brunot, Madeleine Delbrêl insiste sur l’importance de mourir à nous-mêmes afin que nous puissions renaître dans le sens développé par Jean 3, 5-7. Pour elle notre naissance se fait « à proportion » de notre mort. C'est-à-dire que tout abandon, de l'obéissance à notre père spirituel  jusqu'au renoncement à « obéir au métro qu'on rate », est à la fois obéissance au monde, renoncement à « sa volonté propre » et de ce fait abandon de notre autonomie pour se couler dans le vouloir de Dieu sur nous. Plus qu'un regard mystique sur le monde, c'est aussi une hygiène de vie, un retour au centre. « Non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux » (Luc 22,42 // Matt 26,42). Leçon d’humilité qui nous rend réceptifs à la miséricorde.

Pourquoi évoquer tout cela à propos de la pêche miraculeuse ? À la question de Jésus sur le rivage : « Enfants, n'avez-vous rien à manger ? », ils doivent reconnaître l'échec de leurs volontés humaines. Ce n'est finalement qu'en obéissant à l'ordre du Christ que se révèle les dons de Dieu. Une leçon intérieure qui se poursuivra pour Pierre, comme on le verra, jusqu'à sa fin : « tu étendras la main et c'est un autre qui nouera ta ceinture et te conduira jusqu'ou tu ne voudras pas ». (v. 18)

Il nous faut passer au-delà de l’illusion de se croire capable seul de réussir, ébaucher une démarche de pardon, de mise à nu. Comme il est dur, souvent de consentir, alors que l'illusion de notre valoir nous semble justifier nos actes. Et pourtant nous ne sommes que des serviteurs, instruments fragiles d'un plan de Dieu qui nous dépassera toujours.

9. Quand ils furent descendus à terre, ils virent là des charbons allumés, du poisson mis dessus, et du pain. 10. Jésus leur dit : « Apportez de ces poissons que vous venez de prendre. » 11. Simon-Pierre monta dans la barque, et tira à terre le filet qui était plein de cent cinquante-trois grands poissons; et quoiqu'il y en eût un si grand nombre, le filet ne se rompit point. 12. Jésus leur dit : « Venez et mangez. » Et aucun des disciples n'osait lui demander : « Qui êtes-vous ? » parce qu'ils savaient qu'il était le Seigneur.

13. Jésus s'approcha, et prenant le pain, il leur en donna; il fit de même du poisson.

14. C'était déjà la troisième fois que Jésus apparaissait à ses disciples, depuis qu'il avait ressuscité des morts.

Notons, en passant, que John P. Meier considère que la version de Jean de la pêche miraculeuse est probablement plus plausible que celle placée par Luc avant la mort de Jésus, même si Jean a instillé dans le texte, comme en Jn 11, un important ajout théologique et symbolique que nous commentons plus loin.


La contemplation du Dialogue avec Pierre Jean 21, 15-25 nous conduit plus loin. 

Il est dangereux de couper le chapitre alors que l’ensemble du récit à sa structure propre. Rappelons le contexte. Il y a d’abord l’opposition nuit/jour que nous avions déjà notée entre Nicodème et la Samaritaine. Ici, comme nous l’avons vu, la nuit du pêcheur a été stérile et c’est à l’appel du Christ que la pêche devient féconde.

Il y a ensuite la symbolique du vêtement. Pierre est à nu (v. 8). Il ne se cache plus derrière son assurance. Depuis son reniement, il est probablement couvert de honte. C’est à ce moment-là que Jésus choisit l’ultime appel. Le dernier « où es-tu ? » vient le relever. Il passe un vêtement, mais est-ce suffisant ? Il lui faut plonger dans la mer pour accéder au repas. Est-ce une allusion au baptême de l'Église ?

Le questionnement montre qu’il a encore du chemin à parcourir jusqu’au décentrement final où l’amour pourra être un amour d’agapè et d’une certaine manière, un « lavement des pieds » au sens où il devient imitation de « l’amour-serviteur » de Jésus :

« Quand tu deviendras vieux, un autre te ceindra et t’entraînera, là où tu ne veux pas aller ». Jn 21, 18.

Ramenée à l'Église, cette dernière arche fait résonner ce que nous avons découvert, dans cette longue traversée de la Passion. Au pas de Dieu qui s’agenouille devant l’homme doit répondre ceux de l’homme vers Dieu. Il ne peut en tirer gloire, puisque Dieu seul emplit les filets. Mais au bout du chemin sera la pêche abondante, le repas partagé et la gloire de voir Dieu…

Pierre, lors du lavement des pieds, n’avait pas saisi l’enjeu du geste. Il restait crispé sur l’apparence. Ce que nous fait découvrir l’ensemble du récit, c’est que l’invitation du Christ n’est pas rituelle, mais totale. Ce qui est demandé à l’homme, par l’agenouillement de Dieu, est d’entrer dans une réciprocité totale, une participation à la danse trinitaire qui va jusqu’à l’amour total, sans limites, et peut conduire à la croix, non comme un autosacrifice, mais comme la conséquence d’un dépouillement, d’un décentrement de l’homme, jusqu’à l’extrême, en Dieu.

Au bout de cette traversée, nous retrouvons un schéma qui traverse l’ensemble de nos recherches, celle de la « descente de tours », ce lieu où l’homme, en quittant toutes ses certitudes, y compris pour Pierre, l’illusion de tenir dans l’adversité, parvient à la nudité d’une rencontre, « sous la tente légère ». En rencontrant Jésus lui-même dépouillé de sa toute-puissance, il parvient à l’entre-vue véritable, celle d’un Dieu aimant.

C’est ainsi que ce dernier pont peut nous apparaître, comme une révélation finale :

Décentrement                            Réception

Ils étaient nus Gn 2                Don du Jardin

Où es-tu ? Gn 3                Don de la vie

Retire tes sandales Ex 3                     Je suis

 Retire tes vêtements Ex 33     Tente de la rencontre

Il retira son vêtement Jn 13 Il lave les pieds

Ils lui enlevèrent sa tunique Jn 19

J’ai soif

        Tout est accompli

     Jaillissement du cœur

     Tombeau vide Jn 20

       Don de l’Esprit Jn 20


Le Seigneur ne demande pas plus que ce que nous pouvons porter. Il considère chacun comme s'il était la perle unique en qui il avait mis tout son amour.  Contemplons le dialogue sublime qui réunit Pierre avec Jésus au bord du lac de Tibériade. Le dialogue commence par une subtilité des deux verbes grecs utilisés par Jésus dans son questionnement.  Il demande d'abord si Pierre l'aime d'amour (agapas me) avant d'utiliser le verbe qu'utilise Pierre à chaque fois pour lui répondre. Philo te ! Je t'aime d'amitié.  

On sait que Pierre sort de son reniement,  qu'il doit avoir la honte du fils prodigue, qu’il a plongé nu dans la mer – un geste à la forte symbolique baptismale – pour se présenter devant le Seigneur et pourtant Jésus se remet à genoux devant lui, en le rejoignant dans ses mots mêmes. Et lui dit "paix mes brebis".

Écoutons ce commentaire de saint Augustin : « Le Seigneur demande à Pierre s'il l'aime, ce qu'il savait très bien ; et il le lui demande non pas une fois, mais deux et même trois fois. Et chaque fois Pierre répond qu'il l'aime, et chaque fois Jésus lui confie le soin de faire paître ses brebis. À son triple reniement répond une triple affirmation d'amour. Il faut que sa langue serve son amour, comme elle a servi sa peur ; il faut que le témoignage de sa parole soit aussi explicite en présence de la vie qu'elle l'a été devant la menace de la mort. Il faut qu'il donne une preuve de son amour en s'occupant du troupeau du Seigneur, comme il a donné une preuve de sa timidité en reniant le Pasteur. »

N'est-ce pas nos tentations pastorales,  qui ne sont autres que celles que Mat 4 décrit au désert.  L'avoir, le pouvoir, le valoir.

Saint Augustin poursuit : « Ceux qui s'occupent des brebis du Christ avec l'intention d'en faire leurs brebis plutôt que celles du Christ se montrent coupables de s'aimer eux-mêmes au lieu d'aimer le Christ. Ils sont conduits par le désir de la gloire, de la domination ou du profit, et non le désir aimant d'obéir, de secourir et de plaire à Dieu. Cette parole trois fois répétée par le Christ condamne ceux que l'apôtre Paul gémit de voir chercher leurs intérêts plutôt que ceux de Jésus Christ (Ph 2,21). »

Prenons le temps de relire  ce texte de Philippiens 2, dans son contexte, c'est-à-dire depuis l'évocation de la kénose du Christ (qui n’est autre qu’une illustration théologique du lavement des pieds évoqué en Jn 13).

« Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus : bien qu'il fût dans la condition de Dieu, il n'a pas retenu avidement son égalité avec Dieu; mais il s'est anéanti lui-même, en prenant la condition d'esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui; il s'est abaissé (en grec : ekenosen) lui-même, se faisant obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix. (...) Agissez en tout sans murmures ni hésitations, afin que vous soyez sans reproche, simples, enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu de ce peuple pervers et corrompu, dans le sein duquel vous brillez comme des flambeaux dans le monde, étant en possession de la parole de vie; et ainsi je pourrai me glorifier, au jour du Christ, de n'avoir pas couru en vain, ni travaillé en vain. (...) Car je n'ai personne [hormis Timothée] qui me soit tant uni de sentiments, pour prendre sincèrement à cœur ce qui vous concerne; tous, en effet, ont en vue leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ (Ph2, 5-8, 14-16, 20-21) ».

C'est dans l'esprit kénotique de Paul et sous l'éclairage de la triple tentation (Mt 4 / Lc 4) que l'on peut entendre l'évêque d'Hiponne. « Que signifient, en effet, ces paroles : « M'aimes-tu ? Pais mes brebis » ? C'est comme s'il disait : « Si tu m'aimes, ne t'occupe pas de ta propre pâture, mais de celle de mes brebis ; regarde-les non comme les tiennes, mais comme les miennes. En elles, cherche ma gloire, et non la tienne ; mon pouvoir, et non le tien ; mes intérêts, et non les tiens »... Ne nous préoccupons donc pas de nous-mêmes : aimons le Seigneur et, en conduisant ses brebis vers leur pâturage, recherchons l'intérêt du Seigneur sans nous inquiéter du nôtre. »

À nous les pécheurs pardonnés, Jésus nous met l'anneau,  nous revêt du manteau du pardon (Luc 15) et nous comble de sa grâce. Louange et gloire à notre Dieu.

02 avril 2021

Homélie du vendredi saint... - La Croix 12.0 - la danse finale (n.45)

Projet 2

Qu’est-ce que nous contemplons ce soir ?

Peut-on épuiser le mystère ? Il y a au moins douze dimensions dans la Croix que notre entrée en semaine sainte nous permet de manduquer lentement :

  1. La dimension verticale et descendante qui est celle de l’abandon trinitaire. Triple kénose où :
    • Le Père renonce à toute puissance pour laisser l’homme Jésus révéler l’amour.
    • Le Fils renonce à toute divinité pour se dépouiller d’abord de son vêtement par le mime kénotique tout symbolique d’un lavement des pieds (Jn 13) puis « forcé » sur la croix pour prendre la condition finale d’un esclave, d’un rejeté...(1)
    • L’Esprit sera déposé au fond de nos cœurs de pierre pour faire danser en nous l’amour(2)
  2. La dimension horizontale où les bras ouverts d’un Dieu transpercé nous invitent à sa danse pour l’humanité toute entière 
  3. La dimension « inversée » où le serpent moqueur qui nous empêche d’aimer et nous pousse à la violence, la jalousie, l’orgueil ou la cupidité est transpercé et dressé (Nb 11) par le feu d’un amour qui se révèle derrière un rideau déchiré (3)
  4. L’appel mystique d’un fin silence qui pèse sur le bruit du monde avant que bruisse le chant des anges à la sortie de nos carêmes...(4). Chant discret qui apparaît au terme de nos chemins de désert (5) et se prépare à l’Alleluia pascal...
  5. Un homme au paroxysme de la souffrance, agneau innocent qui révèle l’amour d’un Dieu avec nous.
  6. La déréliction de celui qui va jusqu’à connaître l’abandon du Père et rejoint ainsi les assoiffés du monde qui crie leurs « où es-tu ? » solitaires et souffrant.(6)
  7. La nudité révélée de l’Epoux déchiré sur le bois et qui n’en a plus honte, nouvel Adam au sens transcendé de Gn 2,25 (7) 
  8. La soif d’un Dieu qui crie pour la énième fois un « où es-tu ? » à l’homme depuis l’appel du premier jardin, le « donne moi à boire » de Jean 4 au « j’ai soif » de toi final d’un Dieu mourant de son désir d’amour (8).
  9. La joie cachée d’un Dieu qui en criant « tout est accompli » révèle qu’au delà de la souffrance et de l’abandon du Père se cache le mystère d’un chemin trinitaire.(3)
  10. L’Alliance ultime de l’homme Dieu qui épouse l’humanité par une danse ultime 
  11. Le don inouï d’un Dieu qui meurt et entre dans le silence du samedi saint dans l’attente fragile que le murmure d’une femme, devenue fidèle par une danse aimante(9), révèle à des hommes incrédules le bruissement du ressuscité qui déjà les précède en Galilée 
  12. La petite espérance où la soif de l’homme-Dieu se change en don et transforme un corps transpercé et « livré pour nous » en source jaillissante d’eau et de sang mêlés(10)


Je suis sûr que j’en oublie. 

Le chiffre 12 est révélateur mais on pourrait parler aussi de  l’Église fondée par un « Mère voici ton Fils » ou d’un « m’aimes tu ? » qui encadre le mystère. Je vous laisse compléter ;-). On n’épuisa jamais la révélation de la Croix. 


Jean nous conduit aussi à une interrogation particulière. Nous l’avons vu, quand Jésus, au jardin, affirme par trois fois Je suis, c’est à la fois une révélation du mystère même de l’homme Dieu et un écho aux trois « je ne suis pas » de Pierre. 

Ego eimi / ouk eimi


Et nous qu’allons nous dire. Je suis ? Je te suis ? Ou je ne suis pas, je ne te suis pas.


Laissons la question résonner dans le silence. Est-ce que Jésus est mort en vain... est-ce que notre marche vers Pâques est stérile ou sommes-nous prêts à avancer, à répondre enfin à l’où es-tu de Dieu, aidé par la contemplation de la croix et sa miséricorde ? 



Pour aller plus loin :

(1) relire Philippiens 2 ou ma « danse trinitaire » et « Serviteur de l’homme » en téléchargement libre sur Kobo

(2) Ezechiel 36, 26 et mon « Dieu dépouillé »

(3) voir Marc 15, 38 ou mon « Rideau déchiré »

(4) 1 Rois 19

(5) cf. mon livre éponyme 

(6) voir Hans Urs von Balthasar - Dramatique divine.  les travaux d’Adrienne von Speyr, Jurgen Moltmann et son Dieu crucifié ou mes deux livres sur ce thème dont « où es-tu ? »

(7) cf. « Le Dieu est nu » d’Arnold longuement commenté dans mes billets précédents...

(8) cf. À genoux devant l’homme 

(9) cf mon billet précédent 

(10) Ezeckiel 47 ou mon  livre « L’amphore et le fleuve »


27 mars 2021

La Croix 12.0 - danse finale ? (Billet n.45)


Peut-on épuiser le mystère ? Il y a au moins douze dimensions dans la Croix que notre entrée en semaine sainte nous permet de manduquer lentement :

 1. La dimension verticale et descendante qui est celle de l’abandon trinitaire. Triple kénose où :

 • Le Père renonce à toute puissance pour laisser l’homme Jésus révéler l’amour.

 • Le Fils renonce à toute divinité pour se dépouiller d’abord de son vêtement par le mime kénotique tout symbolique d’un lavement des pieds (Jn 13) puis « forcé » sur la croix pour prendre la condition finale d’un esclave, d’un rejeté...(1)

 • L’Esprit sera déposé au fond de nos cœurs de pierre pour faire danser en nous l’amour(2)

 2. La dimension horizontale où les bras ouverts d’un Dieu transpercé nous invitent à sa danse pour l’humanité toute entière 

 3. La dimension « inversée » où le serpent moqueur qui nous empêche d’aimer et nous pousse à la violence, la jalousie, l’orgueil ou la cupidité est transpercé et dressé (Nb 11) par le feu d’un amour qui se révèle derrière un rideau déchiré (3)

 4. L’appel mystique d’un fin silence qui pèse sur le bruit du monde avant que bruisse le chant des anges à la sortie de nos carêmes...(4). Chant discret qui apparaît au terme de nos chemins de désert (5) et se prépare à l’Alleluia pascal...

 5. Un homme au paroxysme de la souffrance, agneau innocent qui révèle l’amour d’un Dieu avec nous.

 6. La déréliction de celui qui va jusqu’à connaître l’abandon du Père et rejoint ainsi les assoiffés du monde qui crie leurs « où es-tu ? » solitaires et souffrant.(6)

 7. La nudité révélée de l’Epoux déchiré sur le bois et qui n’en a plus honte, nouvel Adam au sens transcendé de Gn 2,25 (7) 

 8. La soif d’un Dieu qui crie pour la énième fois un « où es-tu ? » à l’homme depuis l’appel du premier jardin, le « donne moi à boire » de Jean 4 au « j’ai soif » de toi final d’un Dieu mourant de son désir d’amour (8).

 9. La joie cachée d’un Dieu qui en criant « tout est accompli » révèle qu’au delà de la souffrance et de l’abandon du Père se cache le mystère d’un chemin trinitaire.(3)

 10. L’Alliance ultime de l’homme Dieu qui épouse l’humanité par une danse ultime 

 11. Le don inouï d’un Dieu qui meurt et entre dans le silence du samedi saint dans l’attente fragile que le murmure d’une femme, devenue fidèle par une danse aimante(9), révèle à des hommes incrédules le bruissement du ressuscité qui déjà les précèdes en Galilée 

 12. La petite espérance où la soif de l’homme-Dieu se change en don et transforme un corps transpercé et « livré pour nous » en source jaillissante d’eau et de sang mêlés(10)


Je suis sûr que j’en oublie. 

Le chiffre 12 est révélateur mais on pourrait parler aussi de  l’Église fondée par un « Mère voici ton Fils » ou d’un « m’aimes tu ? » qui encadre le mystère. Je vous laisse compléter 😉. On n’épuisa jamais la révélation dans un billet sur FB ni d’ailleurs dans les milliers de pages citées ci-dessous.


Pour aller plus loin :

(1) relire Philippiens 2 ou ma « danse trinitaire » et « Serviteur de l’homme » en téléchargement libre sur Kobo

(2) Ezechiel 36, 26 et mon « Dieu dépouillé »

(3) voir Marc 15, 38 ou mon « Rideau déchiré »

(4) 1 Rois 19

(5) cf. mon livre éponyme 

(6) voir Hans Urs von Balthasar - Dramatique divine.  les travaux d’Adrienne von Speyr, Jurgen Moltmann et son Dieu crucifié ou mes deux livres sur ce thème dont « où es-tu ? »

(7) cf. « Le Dieu est nu » d’Arnold longuement commenté dans mes billets précédents...

(8) cf. À genoux devant l’homme 

(9) cf mon billet précédent 

(10) Ezeckiel 47 ou mon  livre « L’amphore et le fleuve »

10 janvier 2021

Baptême du Christ - danse 27

 On parle souvent de triple épiphanie. Qu’est ce à dire ? 

Petite distraction ce soir à la messe dominicale. 

Le baptême du Christ serait le troisième double agenouillement que nous offre la liturgie de Noël et est en même temps une porte d’entrée à la vie du Christ. 

Je m’explique. 

Il y a eu l’agenouillement de Dieu qui nous confie son Fils auquel répond quelques bergers.

Il y a l’agenouillement des mages devant un Dieu qui se révèle par sa faiblesse.

Il y a l’agenouillement du Fils pour recevoir le baptême de Jean, alors même que Jean affirme n’être pas digne de s’agenouiller pour délier ses sandales.


Qu’attendons-nous pour tomber à genoux ? Dieu vient nous visiter. Il plonge symboliquement dans les eaux de la mort pour éveiller en nous le sens de sa mort sur une croix et ce premier agenouillement est chemin pour qu’à notre tour nous prenions le temps de renoncer à nos certitudes et contempler la faiblesse d’un Dieu qui se penche devant l’homme pour l’inviter à la danse...


C’est dans ce mouvement que réside l’amour...


Don de l’Esprit, de l’eau et du sang nous dit Jean, puisque tout est lié. Tout prend chair dans cette kénose trinitaire.


On n’épuise pas pourtant ces textes en 2 paragraphes.. Il y a quatre beaux sermons chez les Pères de l’Église révélés cette semaine par le livres des heures que je vous laisse découvrir. Si Gregoire de Naziance nous donne par exemple à contempler un dialogue entre Jean et Jésus Fauste de Riez donne de son côté une belle correspondance entre Cana et le baptême. Ces jarres d’eaux usées transformées en vin peuvent y être comparées à ce Jourdain purifié par la plongée symbolique de l’Agneau. Tout cela révèle et prépare au sommet de l’incarnation, le mystère de cet amour porté jusqu’au bout, martyr finalement commun de Jean et du Christ au service d’une seule révélation : l’amour infini du Père. L’agenouillement du Fils n’a d’autre sens. On est loin d’une tour de puissance et d’orgueil. La kénose est ici à son paroxysme. 


C’est peut-être ce que nous révèle 1 Jn 5 : « C’est lui, Jésus Christ,

qui est venu par l’eau et par le sang :

non pas seulement avec l’eau,

mais avec l’eau et avec le sang.

Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit,

car l’Esprit est la vérité.

En effet, ils sont trois qui rendent témoignage,

l’Esprit, l’eau et le sang,

et les trois n’en font qu’un. »


Le baptême du Christ est la première réponse à cette soif de l’AT et finalement à notre soif, culminant dans ce geyser d’eau et de sang que décrit Jean 19





PS : on trouvera sur ce thème d’autres commentaires sous ce lien. https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/511470-commentaires-du-dimanche-10-janvier-2/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=commentaires-du-dimanche-10-janvier-2 


J’aime les découvrir le dimanche matin après une longue méditation personnelle ou partagée avec les amis de notre Maison d’Evangile dont je rappelle ici le lien. Un beau groupe qui compte maintenant une centaine de membres et surtout des interventions très respectueuses autour de la Parole cf. https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/?ref=share


C’est en s’éclairant et manduquant ensemble ces textes que nous déchirons le voile 😉

02 septembre 2020

Communion et liturgie

L'Esprit nous conduit et nous assemble. Cette communion est appelée à dépasser les frontières, elle s'étend à tous les hommes de bonne volonté. L'Église peut en être le phare, quand elle s'agenouille pour rejoindre l'homme et l'inviter à son ultime « danse ».
L'unité de l'Église reste cependant « toujours à faire[535] ». Si, comme l'affirme Lumen Gentium 8 : « L'Église est dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain. », l'unité de l'Église complète Congar, « ne se termine pas à elle-même, elle vise l'unité du genre humain… (...) [À la suite du] Verbe, en sa kénose de serviteur souffrant (...) [ l'Église est] grâce au don de l'Esprit, le pauvre signe et l'humble médiatrice du salut acquis dans le Christ[536] ».
Si Lubac insistait à ce sujet sur l'importance de la communion eucharistique, plusieurs dizaines d'années plus tard, mon expérience pastorale me fait mettre un bémol sur cette cristallisation sur la liturgie. Non que le sens du sacrifice eucharistique doive être limité, mais parce qu'avant d'arriver à ce niveau de communion, il nous reste à privilégier autre chose. Dans un sens, l'eucharistie n'est souvent vue que selon le prisme des trois Synoptiques en oubliant que Jean a présenté une autre vision de l'eucharistie en substituant à ce récit celui du lavement des pieds. Mon insistance portera là-dessus. L'Église ne peut vivre sa liturgie pleinement que lorsqu'elle aura rétabli d'une manière au moins égalitaire les deux aspects de sa théologie de communion et laissé au lavement des pieds (je ne parle pas du rite mais de l'attitude) une place aussi importante qu'au culte. Cette ouverture du cœur, préliminaire et essentiel constituera alors le sens profond du « faites ceci en mémoire de moi ».
L'Église, comme le souligne Maurice Vidal, est née de la Passion et de la résurrection. Avant d'être la mise en pratique d'un culte et d'un repas communautaire, elle passe par un vide qui est celui de l'humilité et de la distance : « on ne passe pas de plain-pied du ministère public de Jésus à l'Église, bien « que ce soit, au départ, approximativement le même groupe. Entre les deux, il y a un vide, créé par la condamnation et la mort de Jésus, pendant lequel ni les disciples, ni même les Douze n'assurent la continuité[537] ». Ce n'est pas précise Vidal plus loin « une défection de l'amitié — ce qu'elle n'a pas été —, mais comme un fléchissement, un trébuchement[538] ». Ce temps est celui de tout homme, pécheur et loin de « ressembler au Christ ». Un temps de vide où l'humanité entière qui doute peut être néanmoins rejoint par un Christ à genou devant l'homme, qui espère en sa conversion et se donne pour sa guérison (cf Jn 13 – Lavement des Pieds) ou qui « marche à ses côtés et explique la parole avant de se retirer au moment de la fraction du Pain (Lc 21 – Pèlerins d'Emmaüs).
Ce temps est celui de l'invitation trinitaire des hommes à la danse, qui constitue et justifie l'existence de l'Église. Ignorer ce temps, qui se renouvelle pour tous dans notre adhésion libre et consciente à l'Église, conversion qui se cristallise ensuite dans notre baptême et dans les sacrements, font de la communauté rassemblée, le lieu d'une Église à construire. C'est pour moi le sens et l'insistance donnée par les deux premiers chapitres de Lumen Gentium, qui précèdent ses développements sur la « nécessaire réalité d'une Église apostolique instituée et nécessairement hiérarchisée. Ce moment et cet ordre doivent être conservés pour donner du sens à sa manifestation liturgique [539]. Car l'unité, la sainteté, la catholicité de l'Église se fondent sur cela. Elle n'est pas imposée, mais une dynamique en perpétuel renouvellement, celle d'un peuple en marche vers la « ressemblance » et en cela vers la véritable sainteté dont Dieu seul rayonne.
Au cœur de cet appel, la proximité de Dieu, dans sa triple kénose se manifeste dans une « présence à fleur de peau »… Une présence délicate qui peut comprendre un retrait. « Il y a dans la fondation de l'Église par Jésus quelque chose d'analogue à la création du monde, dont Claudel disait que Dieu la fait exister comme la mer fait apparaître le continent, en se retirant[540] ». Écoutons, là encore Vidal sur ce point : « Le Royaume est là, comme quelqu'un qui est déjà à la porte (pour l'image, cf. Mc 13, 29), de sorte qu'il n'y a plus de délai pour rester neutre, ni pour se croire digne ou indigne de cette venue. Il n'est pourtant pas encore là, puisqu'il est seulement « tout proche », et cet intervalle définit le temps de la mission, de la prédication, de la conversion. »

[535] Y. M. Congar, L'Église une sainte, catholique et apostolique, in Mysterium Salutis n° 15, Dogmatique de l'histoire du Salut, Tome IV – L'Église communauté de l'homme-Dieu, Cerf, 1970, p. 60-61 : « Principe personnel et vivant (...) qui unit les Églises en une seule (...) et est principe de la sainteté de toutes créatures »
[535] P. 62
[536] P. 63
[537] Maurice Vidal, L'Église, peuple de Dieu dans l'Histoire des hommes, Centurion 1975, p. 42
[538] Ibid. p. 53
[539] Cette « circumincession » des notes de l'Église dont parle Congar, Cf. plus haut
[540] Cité par Vidal, op. cit. p. 54 »

Je teste ici un extrait de ma conclusion de « À genoux devant l'homme ».

31 juillet 2020

Hommage à Joseph Moingt


Pour ne citer que deux ouvrages (et sans évoquer la puissance de réflexion de « l'esprit du christianisme », j'ai trouvé dans les trois tomes de « Dieu qui vient à l'homme » une réflexion riche sur un thème qui m'habitait depuis longtemps, mais qui cherchait des mots. Après avoir passé beaucoup de temps à lire la trilogie de Balthasar, Rahner, Congar et Lubac, j'ai découvert chez J. Moingt une façon bien particulière de rejoindre le monde, il s'agenouillait comme le Christ à genoux
devant Judas et Pierre.

Il n'arrachait pas l'ivraie (comme le rappelle le texte médité plus bas), mais contemplait le travail de Dieu, sa douce pédagogie et la triple kénose... Un dépouillement particulier que j'ai cherché de mon côté à contempler de bien des manières et qui m'a conduit, à sa suite, à oser écrire beaucoup plus maladroitement probablement sur ce thème (1).

Dans « l'Evangile sauvera l'Église » il y a aussi un retour aux sources de notre foi, une contemplation de l'essentiel qui dépasse nos querelles superficielles sur rite, cléricalisme et traditions pour reprendre l'élan originel, la Dynamis du Verbe. Cette liberté particulière de Moingt a construit ma vocation diaconale...

Voir aussi ce bel hommage de C. Theobald : https://www.jesuites.com/deces-du-p-joseph-moingt-sj/

Paru dans La Croix, extrait qui me touche le plus et que je « pratique » à sa suite depuis 20 ans : « Il avait mis en place « des groupes de laïcs fréquentant l’eucharistie mais ayant besoin de se retrouver pour des partages d’évangile ou des relectures de vie », annonçait une « Église en diaspora », fondée sur des chrétiens, certes bien moins nombreux, mais mieux formés et vivant une vie spirituelle et apostolique réelle.

Car, pour Joseph Moingt, ce n’est pas en se focalisant sur l’institution ecclésiale que l’on pourra mener une réforme radicale du catholicisme, mais en revenant à l’Évangile. « Il y a urgence à repenser toute la foi chrétienne pour dire ”Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme” dans le langage d’aujourd’hui et en continuité avec la Tradition », répétait-il en puisant dans son immense culture théologique et biblique pour confirmer que l’Église ne peut s’imaginer un avenir avec des réponses dogmatiques et qu’il faut qu’en son sein des théologiens « fassent du neuf sans être menacés d’excommunication ». En ce qui le concerne, sa plume n’a jamais été motivée par la peur d’une sanction ecclésiale, mais plutôt par le désir d’écrire en accord avec sa foi. Et puis, « à mon âge, on ne risque plus grand-chose ! ».(2)

(1) cf. notamment « À genoux devant l'homme » en téléchargement libre sur Kobo et Fnac.com qui s'inspire bcp de Dieu qui vient à l'homme
Voir aussi les 36 balises sur Moingt dans ce blog
(2) La Croix du 28/7

21 mai 2020

Dieu dépouillé - 8 - Méditation sur l’ascension

Version 2
La clé de lecture de mes lectures pastorales se trouve dans l'humilité de Dieu (la kénose des théologiens). D'où le titre un peu provocateur de Dieu dépouillé de mon dernier opus (1)  - inspiré par un texte de François Cassingena-Trévédy publié récemment dans Etudes (cf. billet récent) sur le dépouillement. Cette humilité est le cœur du kérygme, inaccessible pour l'homme que je suis, et pourtant but à saisir (au sens de Ph. 3) et ligne de conduite bien difficile.

Elle est aussi une clé de l'ascension que nous fêtons aujourd'hui, comme le montre ce petit extrait du docteur angélique découvert ce matin sur l'Évangile au Quotidien alors que je me trouvais bien sec sur l'ascension : « le Christ méritait d'être au ciel à cause de son humilité. En effet, aucune humilité n'est aussi grande que celle du Christ, car alors qu'il était Dieu, il voulut devenir homme ; alors qu'il était Seigneur, il voulut prendre la condition de l'esclave, se rendant obéissant jusqu'à la mort (cf. Ph 2,7) et il descendit jusqu'en enfer : aussi mérita-t-il d'être exalté jusqu'au ciel, au trône de Dieu. L'humilité en effet est la voie qui conduit à l'exaltation. « Celui qui s'abaisse, dit le Seigneur, (Lc 14, 11) sera élevé, et saint Paul écrit aux Éphésiens (4, 10) : « Celui qui est descendu, c'est le même qui est aussi monté par-delà tous les cieux. »(2).
Pour comprendre cette affirmation il faut remonter un peu plus haut dans le texte cité «  Les saints aussi montent au ciel, cependant ils n'y montent pas de la même manière que le Christ ; le Christ en effet s'est élevé aux cieux de sa propre puissance, mais les saints s'y élèvent comme entraînés par le Christ. Aussi lui disons-nous avec l'épouse du Cantique (1, 3) : « Seigneur, entraîne-nous à ta suite. » On peut dire également que personne ne monte au ciel si ce n'est le Christ. Le Christ en effet est la Tête de l'Église, et les saints ne montent au ciel que parce qu'ils sont ses membres. »(3).
Le mystère de l'ascension s'inscrit dans la tradition hébraïque de l'ascension d'Élie (4) et dans la méditation des anges qui montent et descendent de l'échelle de Jacob (5) et notamment de l'interprétation donnée par le targum (6).
Cette dimension verticale est soulignée par Thomas d'Acquin dans le même texte « le Christ tire son origine de Dieu, qui est au-dessus de tout. Jésus dit en effet à ses Apôtres (Jn 16, 28) : « Je suis sorti du Père et je suis venu au monde : maintenant je quitte le monde et je vais au Père. » (7)
Cet axe vertical est surtout à contempler pour moi dans cet axe particulier de la kénose c'est pourquoi il faut relire Thomas dans le bon sens, pour percevoir in fine l'insistance sur le dépouillement comme clé d'interprétation de l'ensemble.
Paul le dit très bien dans Ph. 2, c'est parce qu'il c'est abaissé que Dieu lui a donné le nom (de Jésus c'est-à-dire de Dieu sauveur).
Il nous reste aujourd'hui à méditer la dernière phrase du Christ qui est notre espérance : « je serai avec vous » et contempler le triple don qu'il nous fait dans l'Écriture, l'eucharistie partagée et l'Esprit déposé en nous par les sacrements reçus du baptême et de la confirmation.

Alors, dans la dynamique même de son dépouillement, pourrons-nous le laisser « transformer notre corps humilié, en le configurant à son corps glorieux par l’opération qui le rend capable de tout s’assujettir.» Philippiens‬ ‭3:21‬

(1) cf. sur Fnac.com en téléchargement gratuit
(2) Saint Thomas d'Aquin, Commentaire du Credo (Le Credo; trad. par un moine de Fontgombault; collection Docteur Commun; Nouv. éd. latines, 1969; p. 137.139; rev.)
(3) ibid.
(4, 5, 6) Dieu dépouillé
(7) St Thomas, op. cit.

19 mai 2020

Kénose de l’Esprit et dépouillement - Chemin pour l’Église ? - 6

On ne peut contempler le retrait du Père et le dépouillement du Fils sans évoquer la kénose de l'Esprit qui se dépouille aussi de sa force originelle pour travailler l'homme au cœur du silence.

Cette triple kénose ou circumincession évoquée par les pères de l'Église est toujours à manduquer.

Comment comprendre qu'il ne reste plus de l'Esprit de Pentecôte originel, tel que mis en avant par Luc dans ses actes des apôtres, qu'un souffle fragile, à peine lisible dans l'Église d'aujourd'hui au travers de manifestations discrètes et loin du pentecôtisme originel qui a montré ses failles.

Ce n'est qu'en contemplant le retrait progressif de l'Esprit Saint et les failles d'une guérison tonitruante que l'on peut méditer sur la place d'un Dieu dépouillé (1) et humble, bruit d'un fin silence (2) et souffle fragile de Dieu qui vient visiter l'homme sans violer sa liberté.

Ce mouvement de kénose trinitaire s'inscrit dans cette danse (3) que nous ne cessons de contempler et qui prend aujourd'hui une couleur bien particulière.

Le dépouillement divin n'a pas fini de nous surprendre et pourrais devenir une piste de relèvement pour l'Église au delà des fastes d'antan.

2) le mot est d'Emmanuel Lévinas, au sujet d'1 Rois 19. Il est devenu le titre d'un de mes essais
(3) cf mon essai Danse trinitaire repris dans l'Amphore et le fleuve

21 avril 2020

Contempler la miséricorde divine

Dans son dernier article d'Études, intitulé Dépouillement, François Cassingena-Trévédy nous invite à trouver le chemin du dépouillement, à retrouver « Un Dieu qui ne nous exempte pas de l’aventure humaine avec ses inévitables affres, qui ne la domine pas du haut de sa toute-puissance, mais qui la partage, qui l’habite, qui cristallise, qui « précipite » au plus creux de la souffrance et de la compassion, celle-ci et celle-là se touchant dans le même Corps. Deus absconditus. Un Dieu caché. En ces jours, notre prière, [doit se faire sobre et descendre] (...), au lieu intérieur où le Père obscurément s’aperçoit, et nous découvrons que ce lieu est aussi le lieu commun d’une humanité dont Jésus reflète et rassemble le visage. Notre vœu le plus cher est alors qu’en sortant du confinement nous sortions aussi de la « religion » pour entrer dans la chair et dans l’esprit du christianisme, dans le mystère pascal qui seul est à la hauteur de l’homme »(1).

Quel est l’enjeu ?

Peut-être trouver ce qu’Urs von Balthasar appelle la triple kénose, cet effacement trinitaire qui part du Père qui s’efface devant le Fils et du Fils qui se dépouille jusqu’à la mort, laissant jaillir de son côté transpercé un fleuve de miséricorde - Esprit Saint confié au monde et glissé dans le silence de nos cœurs, danse sublime que les Pères de l’Église appellent circumincession et que j’ai osé appeler danse trinitaire.
Cette kénose est aussi la clé de la miséricorde divine que nous fêtons depuis dimanche. Un thème que notre pape à remis en avant dans son année de la miséricorde à la suite de sainte Faustine et de l’intuition de Jean Paul Il. Tout se tient. Le mouvement auquel nous invite François Cassingena-Trévédy n’est-il pas en quelque sorte cette kénose de l’Église que j’ai essayé de thématiser dans le tome 3 de ma trilogie « Humilité et miséricorde » que je viens de mettre en téléchargement libre depuis hier sur Kindle. Un travail qui reprend la thèse de Walter Kasper et les écrits du pape François et tente de pousser plus loin au service d’une église servante et à genoux, à la suite du Christ serviteur et miséricordieux.

Comme le suggère l’Évangile d’aujourd’hui : «Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle ».

(1) François Cassingena-Trévédy cf. le lien plus haut
(2) ma trilogie est accessible en téléchargement sous les liens du billet précédent ou sous ce lien, voir aussi « cette église que je cherche à aimer »


10 juin 2019

L’effacement du Fils - Christoph Théobald - kénose n. 163

Au bout du chemin, on parvient à une chose remarquable : « celui qui est en face – le Christ Jésus s'efface. C'est toute la logique des récits évangéliques. Tout commence ainsi : « suis moi », ou chez Paul : « Imitez- moi. » On s'attache à lui, Christ, Parole de Dieu, par une sorte de « fascination », de « séduction d'amour » ; mais si l'on va jusqu'au bout de cette relation avec lui, il nous conduit ailleurs. Il ne s'attache pas aux gens. Le suivre c'est un sens aller là où il s'efface dans le mystère pascal : « il est bien que je m'en aille » (Jean 16,7). C'est dans la tradition chrétienne, un seuil que nous avons du mal à passer, car beaucoup occupe la « place du Christ », qu'il s'agisse des accompagnateurs, des supérieurs, de l'autorité ecclésiale. Saint Augustin nous dit que, s'il faut écouter la parole des maîtres, celle-ci ne peut être autant assimilé à la Parole de Dieu. Les maîtres autour de nous renvoie à l'Unique Maître qui, lui, passe en nous. Il s'efface, je l'ai dit, tout en nous renvoyant à quelqu'un d'autre, à notre origine, à la Parole de Dieu, au Père. c'est une expérience que j'appelle d'inversion, et qui est peut-être le seuil essentiel de l'expérience d'écoute. (…) On ne regarde plus vers Dieu, mais on se voir regardé par Dieu : « dans ta lumière, nous voyons la lumière » (Ps 36,10). Regarder le réel de ses propres yeux avec les yeux de Dieu, c'est approcher de manière radicalement nouvelles les limites des choses – les souffrances, les tragédies –, mais aussi la beauté des hommes et de la création ». (1)

On rejoint peut-être cet agenouillement de Jean 13 qui nous pousse à l'agenouillement devant l'homme. L'inversion (Christoph Théobald ne parle pas de kénose - mais c'est bien de cela qu'il s'agit) nous fait perdre toute tentation cléricale pour se mettre à l'écoute du Verbe incarné dans l'homme, de la Parole de Dieu qui transparait dans la dynamique propre de sa création et fait jaillir devant nous des fruits inattendus...

Écouter, sentir, contempler. Tels sont les fruits à atteindre d'un effacement à la suite du Christ... Danse trinitaire à laquelle on est invité dans la spirale folle de la triple kénose où Dieu se tait pour laisser place à l'Esprit enfoui dans le coeur de l'homme ?

(1) Christoph Théobald, Paroles humaines, parole de Dieu, Salvator, 2015, p. 24-25

31 mars 2019

Au fil de Luc 15, un temps de réconciliation

Une après-midi sur la réconciliation


Méditer les dons de Dieu
Entrer au cœur du carême dans un chemin de réconciliation c'est s'inscrire dans une dynamique de joie et de grâce. Cela commence par un temps intérieur où je remercie le Seigneur  pour les dons, toujours immenses qu'il m'a fait. Et c'est dans cette constatation de l'immensité de l'amour de Dieu que je prends conscience de ce qu'il me reste à accomplir. La méditation de la parabole des talents s'inscrit là dedans.
Silence

Lecture de Matthieu 25 - Les talents
Jésus parlait à ses disciples de sa venue; il disait cette parabole: «Un homme qui partait en voyage appela ses serviteurs et leur confia ses biens. À l'un il donna une somme de cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul, à chacun selon ses capacités. Puis il partit. Aussitôt, celui qui avait reçu cinq talents s'occupa de les faire valoir et en gagna cinq autres. De même, celui qui avait reçu deux talents en gagna deux autres. Mais celui qui n'en avait reçu qu'un creusa la terre et enfouit l'argent de son maître. Longtemps après, leur maître revient et il leur demande des comptes. Celui qui avait reçu les cinq talents s'avança en apportant cinq autres talents et dit: "Seigneur, tu m'as confié cinq talents; voilà, j'en ai gagné cinq autres. — Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître." Celui qui avait reçu deux talents s'avança ensuite et dit: "Seigneur, tu m'as confié deux talents; voilà, j'en ai gagné deux autres. — Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître." Celui qui avait reçu un seul talent s'avança ensuite et dit: "Seigneur, je savais que tu es un homme dur: tu moissonnes là où tu n'as pas semé, tu ramasses là où tu n'as pas répandu le grain. J'ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t'appartient." Son maître lui répliqua: "Serviteur mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne là où je n'ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l'ai pas répandu. Alors, il fallait placer mon argent à la banque; et, à mon retour, je l'aurais retrouvé avec les intérêts. Enlevez-lui donc son talent, et donnez-le à celui qui en a dix. 
Car celui qui a recevra encore, et il sera dans l'abondance. Mais celui qui n'a rien se fera enlever même ce qu'il a. " »(1)
Silence et méditation sur les dons que Dieu m'a fait.
Dieu m'a fait des dons et j'ose les reconnaître, tout en réalisant que ce trésor reste enfoui parfois parmi d'autres préoccupations, que j'oublie de faire grandir, de partager, de faire fructifier.

Le temps du désert


Le jeûne est source de joie, car il se fonde sur la vraie joie, celle qui nous conduit à l'Époux. Écoutons sur ce point ce que nous dit Jean Paul II :

« Parmi les pratiques pénitentielles que nous propose l'Église, surtout en ce temps de Carême, il y a le jeûne. Il comporte une sobriété spéciale (...), pratiqué en signe de conversion, il facilite l'effort intérieur pour se mettre à l'écoute de Dieu. Jeûner, c'est réaffirmer à soi-même ce que Jésus répliqua à Satan qui le tentait au terme de quarante jours de jeûne au désert : « L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4). Aujourd'hui, spécialement dans les sociétés de bien-être, on comprend difficilement le sens de cette parole évangélique. La société de consommation, au lieu d'apaiser nos besoins, en crée toujours de nouveaux, engendrant même un activisme démesuré... Entre autres significations, le jeûne pénitentiel a précisément pour but de nous aider à retrouver l'intériorité.
L'effort de modération dans la nourriture s'étend aussi à d'autres choses qui ne sont pas nécessaires et apporte un grand soutien à la vie de l'esprit. Sobriété, recueillement et prière vont de pair. On peut faire une application opportune de ce principe en ce qui concerne l'usage des moyens de communication de masse. Ils ont une utilité indiscutable mais ils ne doivent pas devenir les « maîtres » de notre vie. Dans combien de familles le téléviseur semble remplacer, plutôt que faciliter, le dialogue entre les personnes ! Un certain « jeûne », dans ce domaine aussi, peut être salutaire, soit pour consacrer davantage de temps à la réflexion et à la prière, soit pour cultiver les rapports humains.
Quel est l'enjeu sinon de nous libérer de toutes ces addictions, de toutes ces adhérences qui nous retiennent vers le « monde » et nous privent de la double dimension qui nous conduit à Dieu et aux autres ?
Au nom d'un certain confort et d'une quête addictive aux distractions qui s'enchaînent et nous enchaînent nous oublions que tout vient de Dieu et qu'il appelle à répondre au cri de nos frères.
Quel est l'enjeu du jeûne si ce n'est de trouver au fond de soi la véritable prière qui est lumière de l'âme ? Écoutons sur ce point une vieille homélie du Vème siècle :
« Le bien suprême, c'est la prière, l'entretien familier avec Dieu. Elle est communication avec Dieu et union avec lui. De même que les yeux du corps sont éclairés quand ils voient la lumière, ainsi l'âme tendue vers Dieu est illuminée par son inexprimable lumière. La prière n'est donc pas l'effet d'une attitude extérieure, mais elle vient du cœur. Elle ne se limite pas à des heures ou à des moments déterminés, mais elle déploie son activité sans relâche, nuit et jour.
En effet, il ne convient pas seulement que la pensée se porte rapidement vers Dieu lorsqu'elle s'applique à la prière ; il faut aussi, même lorsqu'elle est absorbée par d'autres occupations — comme le soin des pauvres ou d'autres soucis de bienfaisance —, y mêler le désir et le souvenir de Dieu, afin que tout demeure comme une nourriture très savoureuse, assaisonnée par l'amour de Dieu, à offrir au Seigneur de l'univers. Et nous pouvons en retirer un grand avantage, tout au long de notre vie, si nous y consacrons une bonne part de notre temps.
La prière est la lumière de l'âme, la vraie connaissance de Dieu, la médiatrice entre Dieu et les hommes.
Par elle, l'âme s'élève vers le ciel, et embrasse Dieu dans une étreinte inexprimable ; assoiffée du lait divin, comme un nourrisson, elle crie avec larmes vers sa mère. Elle exprime ses volontés profondes et elle reçoit des présents qui dépassent toute la nature visible.
Car la prière se présente comme une puissante ambassadrice, elle réjouit, elle apaise l'âme.
Lorsque je parle de prière, ne t'imagine pas qu'il s'agisse de paroles. Elle est un élan vers Dieu, un amour indicible qui ne vient pas des hommes et dont l'Apôtre parle ainsi : Nous ne savons pas prier comme il faut, mais l'Esprit lui-même intervient pour nous par des cris inexprimables.
Une telle prière, si Dieu en fait la grâce à quelqu'un, est pour lui une richesse inaliénable, un aliment céleste qui rassasie l'âme. Celui qui l'a goûté est saisi pour le Seigneur d'un désir éternel, comme d'un feu dévorant qui embrase son cœur.
Lorsque tu la pratiques dans sa pureté originelle, orne ta maison de douceur et d'humilité, illumine-la par la justice ; orne-la de bonnes actions comme d'un revêtement précieux ; décore ta maison, au lieu de pierres de taille et de mosaïques, par la foi et la patience. Au-dessus de tout cela, place la prière au sommet de l'édifice pour porter ta maison à son achèvement. Ainsi tu te prépareras pour le Seigneur comme une demeure parfaite. Tu pourras l'y accueillir comme dans un palais royal et resplendissant, toi qui, par la grâce, le possèdes déjà dans le temple de ton âme.(2)

Long cri vers Dieu dans la détresse,
mains levées, cœur ouvert,
remise totale au Père,
force de la faiblesse,
Jésus, notre prière,
ouvre-nous le chemin vers le Père.
Que ta bienveillance nous accompagne, Seigneur, durant ces jours de privation, pour que la discipline imposée à nos corps soit vraiment pratiquée avec amour.

Le jeûne n'est pas une fin en soi. La prière nous aide à en trouver le sens. Ce dernier est inscrit dans une histoire d'alliance. je jeûne parce que je veux retrouver cet amour perdu.
Ensuite, viens le temps où je me souviens aussi de ce qui m'a éloigné de ce chemin qui va de la réception au don.

Ces adhérences au monde, ce mal, ces addictions dont nous sommes complices, volontaires ou parfois malgré nous peuvent être de trois ordres, comme le souligne saint Jean dans sa première lettre : ce qui est de l'ordre de l'avoir (j'ai et je ne partage pas, ou j'en veux plus : gourmandise, avarice, concupiscence), ce qui est de l'ordre du pouvoir (violence, abus, médisance, jugement), ou enfin du valoir (orgueil, mépris, etc.)…
Silence

Écoutons maintenant ce texte qui nous décrit Jésus poussé par l'Esprit au désert. Pourquoi d'ailleurs y est-il poussé sinon parce qu'il veut connaître et vivre ce qui fait notre lot d'homme, la tentation, la solitude....

Lecture du texte (tentations du Christ)

01 Jésus, rempli d'Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l'Esprit, il fut conduit à travers le désert 02 où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim. 03 Le diable lui dit alors : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. » 04 Jésus répondit : « Il est écrit : L'homme ne vit pas seulement de pain. » 05 Alors le diable l'emmena plus haut et lui montra en un instant tous les royaumes de la terre. 06 Il lui dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes, car cela m'a été remis et je le donne à qui je veux. 07 Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. » 08 Jésus lui répondit : « Il est écrit : C'est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. » 09 Puis le diable le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, d'ici jette-toi en bas ; 10 car il est écrit : Il donnera pour toi, à ses anges, l'ordre de te garder ; 11 et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » 12 Jésus lui fit cette réponse : « Il est dit : Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu. » 13 Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le diable s'éloigna de Jésus jusqu'au moment fixé.
Silence et méditation

A - Temps de discussion en petit groupe


  1. Quels sont les tentations du Christ ?
  2. Comment les qualifierions nous aujourd'hui ?
  3. Qu'est-ce que cela dit sur nous, ce qui nous détourne de Dieu
  4. Comment s'en sortir ?

Pour aller plus loin :
« Le diable s'est attaqué au premier homme, notre parent, par une triple tentation : il l'a tenté par la gourmandise, par la vanité et par l'avidité. Sa tentative de séduction a réussi, puisque l'homme, en donnant son consentement, a été alors soumis au diable. Il l'a tenté par la gourmandise, en lui montrant sur l'arbre le fruit défendu et en l'amenant à en manger ; il l'a tenté par la vanité, en lui disant : « Vous serez comme des dieux » ; il l'a tenté enfin par l'avidité, en lui disant : « Vous connaîtrez le bien et le mal » (Gn 3,5). Car être avide, c'est désirer non seulement l'argent, mais aussi toute situation avantageuse, désirer, au-delà de la mesure, une situation élevée...
Le diable a été vaincu par le Christ qu'il a tenté d'une manière tout à fait semblable à celle par laquelle il avait vaincu le premier homme. Comme la première fois, il le tente par la gourmandise : « Ordonne que ces pierres se changent en pains » ; par la vanité : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas » ; par le désir violent d'une belle situation, quand il lui montre tous les royaumes du monde et lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si tu tombes à mes pieds et m'adores »...
Il est une chose qu'il faut remarquer dans la tentation du Seigneur : tenté par le diable, le Seigneur a riposté par des textes de la Sainte Écriture. Il aurait pu jeter son tentateur dans l'abîme par le Verbe qu'il était lui-même. Et pourtant il n'a pas eu recours à son pouvoir puissant ; il a seulement mis en avant les préceptes de la Sainte Écriture. Il nous montre ainsi comment supporter l'épreuve, de sorte que, lorsque des méchants nous font souffrir, nous soyons poussés à recourir à la bonne doctrine plutôt qu'à la vengeance. Comparez la patience de Dieu à notre impatience. Nous, quand nous avons essuyé des injures ou subi une offense, dans notre fureur nous nous vengeons nous-mêmes autant que nous le pouvons, ou bien nous menaçons de le faire. Le Seigneur, lui, endure l'adversité du diable sans y répondre autrement que par des mots paisibles ».
Alors que Dieu au jardin cherche l'homme, dans un « où es-tu ? » qui résonne encore dans le jardin, Jésus, par le jeûne et la prière nous conduit vers un « me voici » qui fait écho au psaume 50, et aboutit sur une croix. La seule réponse valide au diviseur qui cherche à mettre en avant nos désirs de pouvoir, de valoir ou d'avoir est l'abaissement, la faiblesse, l'humilité, la kénose.
Méditons sous ce prisme les trois réponses du Christ :
« L'homme ne vit pas seulement de pain. »
« Il est écrit : C'est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. »
« Il est dit : Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu. »
Elles nous conduisent au delà du désert vers l'essentiel : l'écoute de la Parole vraies nourriture, l'humilité devant le très haut, et la faiblesse.
Les pas du Christ au désert nous conduisent à méditer sur ce que nous avons fait, depuis le début du carême pour nous libérer de ce qui nous empêche d'aimer Dieu et nos frères...

Lecture du psaume 50

03 Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché.  04 Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense. 05 Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi.  06 Contre toi, et toi seul, j'ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait. Ainsi, tu peux parler et montrer ta justice, être juge et montrer ta victoire.  07 Moi, je suis né dans la faute, j'étais pécheur dès le sein de ma mère. 08 Mais tu veux au fond de moi la vérité ; dans le secret, tu m'apprends la sagesse. 09 Purifie-moi avec l'hysope, et je serai pur ; lave-moi et je serai blanc, plus que la neige.  10 Fais que j'entende les chants et la fête : ils danseront, les os que tu broyais. 11 Détourne ta face de mes fautes, enlève tous mes péchés. 12 Crée en moi un coeur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. 13 Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint.  14 Rends-moi la joie d'être sauvé ; que l'esprit généreux me soutienne. 15 Aux pécheurs, j'enseignerai tes chemins ; vers toi, reviendront les égarés. 16 Libère-moi du sang versé, Dieu, mon Dieu sauveur, et ma langue acclamera ta justice. 17 Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. 18 Si j'offre un sacrifice, tu n'en veux pas, tu n'acceptes pas d'holocauste.  19 Le sacrifice qui plaît à Dieu, c'est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un coeur brisé et broyé. 20 Accorde à Sion le bonheur, relève les murs de Jérusalem. 21 Alors tu accepteras de justes sacrifices, oblations et holocaustes ; alors on offrira des taureaux sur ton autel.
Silence et méditation personnelle
Pour se libérer de ces trois adhérences, il nous faut entrer dans un chemin de conversion qui se nourrit des sacrements de la réconciliation, comme de l'eucharistie, tous deux indissociables. Cette dynamique est celle d'une vie. La réconciliation nous remet dans la réception et le don…
On ne peut oublier que rencontrer un prêtre pour nous aider à cela, c'est entrer dans la joie de Dieu.
Je prends le temps de méditer sur la dernière fois que j'ai rencontré un prêtre. Que s'est-il passé depuis. Si j'y allais ce soir, que lui dirais-je ?

Lecture d'un extrait de Luc 15 (jusqu'à l'attitude du père...)

11 Jésus dit encore : « Un homme avait deux fils.  12 Le plus jeune dit à son père : "Père, donne-moi la part de fortune qui me revient." Et le père leur partagea ses biens.  13 Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu'il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre.  14 Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. 15 Il alla s'engager auprès d'un habitant de ce pays, qui l'envoya dans ses champs garder les porcs.  16 Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. 17 Alors il rentra en lui-même et se dit : "Combien d'ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim !  18 Je me lèverai, j'irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi. 19 Je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. Traite-moi comme l'un de tes ouvriers." 20 Il se leva et s'en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l'aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.  21 Le fils lui dit : "Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d'être appelé ton fils." 22 Mais le père dit à ses serviteurs : "Vite, apportez le plus beau vêtement pour l'habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, 23 allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, 24 car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé." Et ils commencèrent à festoyer.
Silence et méditation

B - Temps de discussion en petit groupe

  • Que dit l'histoire ?
  • Que veut-dire Jésus ?
  • Comment vivre cela ?
Il est difficile de voir notre péché. Plus encore de le faire sans juger les autres. Écoutons ce que nous dit Jésus à ce sujet

Lecture de Luc 6, 36-38(Ne jugez pas....)

36 Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. 37 Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés.
38 Donnez, et l'on vous donnera : c'est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »
Silence et méditation

Lecture de Matthieu 7, 1-5 (paille et poutre) -

« Ne jugez pas, pour ne pas être jugés ; 02 de la manière dont vous jugez, vous serez jugés ; de la mesure dont vous mesurez, on vous mesurera. 03 Quoi ! tu regardes la paille dans l'œil de ton frère ; et la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques pas ? 04 Ou encore : Comment vas-tu dire à ton frère : "Laisse-moi enlever la paille de ton œil", alors qu'il y a une poutre dans ton œil à toi ? 05 Hypocrite ! Enlève d'abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l'œil de ton frère.
Musique

Lecture de la fin de Luc 15...

Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses.  26 Appelant un des serviteurs, il s'informa de ce qui se passait. 27 Celui-ci répondit : "Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu'il a retrouvé ton frère en bonne santé."  28 Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d'entrer. Son père sortit le supplier. 29 Mais il répliqua à son père : "Il y a tant d'années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis.  30 Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !" 31 Le père répondit : "Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. 32 Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !" »  
Je médite en mon coeur ce que je vais faire pour progresser. Si je le souhaite, j'avance à l'autel, pour exprimer ma décision d'avancer sur ce chemin et je pose une bougie pour demander à Dieu de m'aider...

Lecture de Luc 17, 13-19 - les dix lépreux

Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s'arrêtèrent à distance 13 et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. »  14 A cette vue, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. » En cours de route, ils furent purifiés. 15 L'un d'eux, voyant qu'il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix.  16 Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c'était un Samaritain. 17 Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n'ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ?  18 Il ne s'est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » 19 Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t'a sauvé. »

Silence et méditation

C - Temps de discussion en petit groupe

  1. Qu'est-ce que ces lectures ont fait jaillir en nous ?
  2. Comment résister au jugement ?
  3. Jusqu'où pardonner ?
« Je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés » (Ps. 31,5). Chaque pas est un acte de liberté, qui nous remet dans l'Église. Et quand le prêtre ouvre ses bras à l'image d'un père qui court au-devant du fils prodigue (Luc 15), nous ne pouvons que sentir monter en nous l'émotion de ce Dieu qui nous aime, envers et contre tout, dans sa miséricorde infinie et débordante.
Quel que soit notre faute, si nous voulons grandir, il nous faut contempler où mène nos refus, nos lâchetés et nos égoïsmes.
Nous contemplons pour cela la Croix
Silence

Lecture de Luc 23 - 33-47 - Père pardonne leur....

Lorsqu'ils furent arrivés au lieu dit : Le Crâne (ou Calvaire), là ils crucifièrent Jésus, avec les deux malfaiteurs, l'un à droite et l'autre à gauche. 34 Jésus disait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu'ils font. » Puis, ils partagèrent ses vêtements et les tirèrent au sort.  35 Le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d'autres : qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Élu ! » 36 Les soldats aussi se moquaient de lui ; s'approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, 37 en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »  38 Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. » 39 L'un des malfaiteurs suspendus en croix l'injuriait : « N'es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » 40 Mais l'autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! 41 Et puis, pour nous, c'est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n'a rien fait de mal. »  42 Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » 43 Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » 44 C'était déjà environ la sixième heure (c'est-à-dire : midi) ; l'obscurité se fit sur toute la terre jusqu'à la neuvième heure, 45 car le soleil s'était caché. Le rideau du Sanctuaire se déchira par le milieu. 46 Alors, Jésus poussa un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et après avoir dit cela, il expira.  47 À la vue de ce qui s'était passé, le centurion rendit gloire à Dieu : « Celui-ci était réellement un homme juste. »

Silence et méditation

Lecture de Matthieu 18,21-35 - Pardonner


Me voici avec toi Seigneur. Avec mes désirs, mes préoccupations, mon histoire, mon corps. Je désire écouter ta parole et me laisser façonner par elle. Oui Seigneur, je désire mieux te connaître : ouvre mon cœur et mes mains pour mieux t'accueillir tel que tu te révèles. Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.
Prions qu'au cœur de notre prière cet amour vienne vraiment nous transformer, pour que nous devenions chaque jour un peu plus miséricordieux, comme le Père est miséricordieux.
La lecture de ce jour est tirée du chapitre 18 de l'évangile selon St Matthieu
En ce temps-là, Pierre s'approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu'à sept fois ? »
Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à 70 fois sept fois. Ainsi, le royaume des Cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. Il commençait, quand on lui amena quelqu'un qui lui devait dix mille talents (c'est-à-dire soixante millions de pièces d'argent). Comme cet homme n'avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette.
Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait : "Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout." Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette.
Mais, en sortant, ce serviteur trouva un de ses compagnons qui lui devait cent pièces d'argent. Il se jeta sur lui pour l'étrangler, en disant : "Rembourse ta dette !" Alors, tombant à ses pieds, son compagnon le suppliait : "Prends patience envers moi, et je te rembourserai." Mais l'autre refusa et le fit jeter en prison jusqu'à ce qu'il ait remboursé ce qu'il devait.
Ses compagnons, voyant cela, furent profondément attristés et allèrent raconter à leur maître tout ce qui s'était passé. Alors celui-ci le fit appeler et lui dit : "Serviteur mauvais ! je t'avais remis toute cette dette parce que tu m'avais supplié. Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j'avais eu pitié de toi ?" Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu'à ce qu'il eût remboursé tout ce qu'il devait.
C'est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur . »

1 « Pardonner jusqu'à 70 fois sept fois ». Je réfléchis en moi même : Ai-je fait une expérience de pardon récemment ? Comment ? Est-ce qu'il me vient à l'esprit des pardons à donner ? Je demande au Seigneur de m'éclairer.
2 « Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette ». Je regarde la scène avec mon imagination, je laisse résonner en moi ces mots. Ai-je vécu des moments semblables de libération, de légèreté, d'avoir été pardonné ? Je laisse monter en moi les mots et les sentiments qui viennent.
Introduction à la deuxième écoute
A nouveau, je me prépare à écouter ce récit. Je laisse à chaque mot la possibilité de me rejoindre, de me réjouir, de me surprendre.
En ce temps-là, Pierre s'approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu'à sept fois ? »
Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à 70 fois sept fois. Ainsi, le royaume des Cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. Il commençait, quand on lui amena quelqu'un qui lui devait dix mille talents (c'est-à-dire soixante millions de pièces d'argent). Comme cet homme n'avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette.
Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait : "Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout." Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette.
Mais, en sortant, ce serviteur trouva un de ses compagnons qui lui devait cent pièces d'argent. Il se jeta sur lui pour l'étrangler, en disant : "Rembourse ta dette !" Alors, tombant à ses pieds, son compagnon le suppliait : "Prends patience envers moi, et je te rembourserai." Mais l'autre refusa et le fit jeter en prison jusqu'à ce qu'il ait remboursé ce qu'il devait.
Ses compagnons, voyant cela, furent profondément attristés et allèrent raconter à leur maître tout ce qui s'était passé. Alors celui-ci le fit appeler et lui dit : "Serviteur mauvais ! je t'avais remis toute cette dette parce que tu m'avais supplié. Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j'avais eu pitié de toi ?" Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu'à ce qu'il eût remboursé tout ce qu'il devait.
C'est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur."
Invitation à une prière personnelle
Ce temps de prière a peut-être été un moment pour m'interroger sur Dieu, sur ses appels dans ma vie. Avec mes mots je demande au Seigneur de pouvoir entrer dans ce mouvement du pardon, reçu et donné, dans cet amour reçu et donné (3)

« Et toi, tu as enlevé l'offense de ma faute » (Ps. 31, 5) continue le psalmiste. Ce que le Père nous donne n'est autre que le fruit merveilleux de la mort et de la résurrection de son Fils. En s'élevant de terre, il nous a conduits vers l'amour. Cet amour rendu visible et glorifié par le Père et porté et amplifié par le don infini de l'Esprit Saint revient en nous dès que nous ouvrons nos portes à son souffle guérisseur et joyeux.
Silence

Lecture du psaume 35

Heureux l'homme dont la faute est enlevée, * et le péché remis !  02 Heureux l'homme dont le Seigneur ne retient pas l'offense, * dont l'esprit est sans fraude !  03 Je me taisais et mes forces s'épuisaient à gémir tout le jour : + 04 ta main, le jour et la nuit, pesait sur moi ; * ma vigueur se desséchait comme l'herbe en été.  05 Je t'ai fait connaître ma faute, je n'ai pas caché mes torts. + J'ai dit : « Je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés. » * Et toi, tu as enlevé l'offense de ma faute.  06 Ainsi chacun des tiens te priera aux heures décisives ; * même les eaux qui débordent ne peuvent l'atteindre. 07 Tu es un refuge pour moi, mon abri dans la détresse ; * de chants de délivrance, tu m'as entouré.  08 « Je vais t'instruire, te montrer la route à suivre, * te conseiller, veiller sur toi. 09 N'imite pas les mules et les chevaux qui ne comprennent pas, + qu'il faut mater par la bride et le mors, * et rien ne t'arrivera. »  10 Pour le méchant, douleurs sans nombre ; * mais l'amour du Seigneur entourera ceux qui comptent sur lui. 11 Que le Seigneur soit votre joie ! Exultez, hommes justes ! * Hommes droits, chantez votre allégresse !
L'absolution du prêtre nous donne l'expérience que le pardon et la paix  rejaillissent en nous comme une source d'eau vive (Jean 4) et nous apporte la joie.
Cela peut alors devenir une autre quête, plus enivrante celle-là : goûter, à nouveau, à la joie d'être des enfants de Dieu. Plus je m'inscris dans la réconciliation, plus je vis en Christ… Alors l'eucharistie prend un sens nouveau, je deviens temple de Celui qui est revenu habiter chez moi, ou plutôt, qui habite en moi, mais que j'oubliais d'entendre…
(1) Textes d'Évangile, traduction liturgique source AELF
(2) Homélie du Vème siècle, source AELF, office des lectures du 3eme jour de carême
(3) Source, Prier en chemin