30 juin 2005

Silence - IV

"La parole définitive de Dieu est si profonde qu'elle creuse l'espace où peut se faire aussi entendre son silence, de même que les astres révèlent l'immensité du ciel nocturne"(1)

On rejoint ce que j'évoquais sur la pastorale des "passeurs de Dieu" qui en voulant donner la lumière ne doivent pas faire obstacle au travail intérieur en l'homme. Car l'infini n'est accessible qu'au coeur de l'homme et non par l'extérieur.
Il faut pour cela que la parole reste "première et souveraine" tout en "s'offrant au dialogue". Si par le silence de l'extérieur elle a pu pénétrer le coeur de l'homme, la parole peut cheminer, comme la marche au désert et sans qu'on puisse parler pour autant de progression linéaire, jusqu'à ce qu'elle prenne chair.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 88

29 juin 2005

Intelligence de la foi

Il faut que, par l'Esprit qui enseigne le coeur de l'homme pour qu'il entende et qu'il parle, le langage de Dieu devienne intelligible de telle manière qu'il puisse y répondre. C'est le coeur de l'évangélisation.
On peut ajouter à ce stade un bémol. Il s'agit de fait du travail de l'Esprit, ce qui implique que l'on ne se substitue pas à ce dernier par des paroles qui ne seraient pas "habitées". C'est là toute la difficulté d'une pastorale qui ne se substitue pas mais qui reste "passeur de Dieu".

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 75

28 juin 2005

Insondable

Pour connaître l'abîme insondable de l'amour divin il faut les yeux de la foi, mais cela ne doit pas dégénérer en "savoir absolu" c'est pourquoi la dramatique divine prend ses distances par rapport à Hegel. Car le savoir absolu est la mort de la Dramatique Divine tandis que l'amour de Dieu qui surpasse toute connaissance est la mort du savoir absolu. (1)

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 74

27 juin 2005

Drame - II

L' homme est dans une situation bien plus exposée entre Dieu et le mal que l'on ne le croit...(1). On a une tendance naturelle a ne pas voir, probablement parce qu'en nous-mêmes aussi règne l'univers sournois de nos petitesses et de nos finitudes... Prendre conscience de la tension dramatique qui marque notre univers, c'est peut-être aussi faire preuve d'empathie à tout ce qui nous entoure et qui n'a pas les privilèges que nous avons et dans lequel nous reposons dans une trop douce quiétude.
Le mal est à l'oeuvre dès qu'il y a souffrance, jalousie, comparaison. Et nous sommes au sein de cette tourment, parfois les mains de Dieu, quand sa Parole n'est plus entendue. Nous sommes aussi parfois "de l'autre bord"...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 74

26 juin 2005

Figure

"La figure du Christ de l'incarnation à la résurrection est l'expression effective de l'amour que Dieu porte au monde." (1) Cette expression est lumière et c'est à cette bougie fragile que nous sommes invités à nous éclairer. Le voile se déchire pour montrer le silence qui demeure sur un corps déchiré. En apparence, la source ne coule plus visible des crucifix de nos églises. Dans cette épiphanie discrète de la gloire de la révélation se perçoit l'expression effective et délicate de l'amour infini.

(1) D'après Urs von Balthasar, ibid p. 73

Médiateur

Le Christ est ce "lieu englobant à l'intérieur duquel se déroule tout drame humain". (1) Au sein de ce drame, l'homme est à la fois "comparé" à cette perfection achevée et sauvé par le pouvoir rédempteur de sa présence. Il y a là pour le théologien deux issues possibles. Soit l'acteur est sauvé comme à travers le feu (1 Co 3,15) même si comme le suggère Paul, son oeuvre sera éliminée ou bien par grâce, il sera "reconnu comme" s'inscrivant dans le drame du Christ et dans ce cas il devient partenaire, coopérateur de Dieu (1 Co 3,9). Pour moi, ce jugement "dernier" n'est pas celui de l'homme seul, mais celui de la rencontre entre la liberté finie de l'homme et la grâce. Ce qui fera la différence, c'est peut-être la persuasion de la grâce, sa capacité à réveiller nos finitudes pour les inviter à devenir participant de l'infini transcendant. Le pourquoi du non à la grâce ne peut être qualifié pour l'instant. Il participe seulement à l'agonie du Christ venu pour les pécheurs...

(1) D'après Urs von Balthasar, ibid p. 72

25 juin 2005

De la norme à l'hyperbole

Balthasar introduit ainsi une distinction qui marque que le normatif de Jésus n'est pas une loi humaine. Face à ceux qui se querellent devant le Christ, celui ci répond : "Je ne suis pas venu régler vos héritages (Lc 12,13-14). Mais cependant, tout de suite après cette affirmation non normative le théologien note que survient la parabole du riche qui veut entreposer son blé...C'est bien là toute la force d'interpellation de la Parole que je qualifie, à la suite de Beauchamp ou de Ricoeur comme une hyperbole. La norme n'est pas une atteinte à la liberté mais bien un éclairage qui libère de nos finitudes pour entrer dans une liberté plus vaste.
"La norme concrète saisit la liberté et en même temps la suscite, mais justement pour garantir la liberté, elle indique la source de la vraie liberté, c'est-à-dire la disponibilité du Fils à l'égard de la volonté du Père" (1)

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 72

Liberté reçue

Il existe "un espace préalable de liberté" où l'homme peut développer sur la base de critère propres un véritable discernement. Mais "cet espace de libre choix, qui fait partie de la condition humaine comme présence au monde et aux hommes n'est nullement réduit à néant ni amoindri par la norme qu'apporte le Christ" Il est ciselé par celle-ci, car "à la lumière de l'Evangile, il devient clair que les choses ont été créés dans la Parole qui allait un jour devenir chair et que par conséquent elle est depuis toujours incluses dans la norme qui devait se manifester définitive dans le Christ. L'appel de la conscience à choisir la valeur la plus haute (...) se place secrètement sous la norme de la [libre] obéissance du Christ à son Père." (1)
Balthasar souligne ainsi notre héritage et en même temps ce chemin de crête qui nous permet, dans le brouillard de comprendre et saisir la direction de nos vies. C'est ce qu'exprime d'ailleurs autrement le "Je suis le chemin, la vérité et la vie" repris par saint Jean.
Le terme de norme utilisé par Balthasar peut paraître un peu désuet dans nos sociétés pour lesquelles la liberté est la seule valeur universelle. On pourrait y substituer une notion plus transcendance d'éclairage. Et l'on rejoindrait alors le concept de "conscience éclairée" donné par Jean-Paul II dans Veritatis Splendor...

(1) D'après Urs von Balthasar, ibid p. 71

24 juin 2005

Le drame

Le drame du Christ est pour Balthasar à la fois cette descente au plus profond de l'abîme, ce qu'une entreprise purement humaine n'aurait pu réussir et un moment de grâce qui derrière l'horreur de la crucifixion trace déjà une réponse à l'absurdité de la souffrance et que pointe ainsi l'aube de la grâce et de la réconciliation. "Saint Jean rassemble ces deux aspects dans son idée d'élévation sur la croix et pour monter vers Dieu ainsi que dans la notion de Gloire. La Gloire est l'épiphanie de l'amour que le Père porte au monde dans le Fils, assumant le péché du monde et cet acte de pure obéissance au Père appelle intrinsèquement la glorification du Fils par le Père et la promet déjà d'avance." (1) Comme le dit Jean "Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifie lui-même et il le glorifie bientôt" (Jn 13,22).

(1) D'après Urs von Balthasar, ibid p. 70 et sv.

Solitude

Tout conduit inévitablement à cette scène où l'on est seul dans le drame tant il est vrai que chacun aura à répondre personnellement de ses actes. Mais loin d'être comme un couperet de Damoclès qui pèse sur nos têtes, nous devons rester nourri de l'espérance, qu'au delà de nos efforts humains, Dieu est là avec la tendresse d'un père, pour nous porter dans ces moments les plus intenses de notre solitude. Tel est en tout cas mon espérance de chrétien.

23 juin 2005

Serviteurs inutiles.

"Oubliant le chemin parcouru, je m'élance pour tacher de le saisir..."
Ce texte de Philippiens 3 s'applique à l'Eglise toute entière, comme une course relais. Le fait que nous soyons tous des "Serviteurs inutiles" permet que l'on ne se repose pas sur nos lauriers, mais que l'on poursuive sans cesse cette participation active au drame. Si l'on se focalisait trop sur l'attente du retour, on s'assoupirait dans une espérance molle et sans responsabilisation. On peut concevoir d'ailleurs que les premiers chrétiens qui attendaient le retour imminent puisse s'être laissé bercer par cette illusion, comme tous ceux qui s'arrêtent sur un discours eschatologique en oubliant de retrousser les manches.

Sang versé

"Dans le sang et l'eau, jaillissant du coeur ouvert (...), il n'est plus aucune parole temporelle à prononcer, parce que la dernière objection du Mal, dores et déjà, est assumée et réfutée : mais cela veut dire aussi que cette ultime Parole fait jaillir désormais une source intarissable de discours" (1)
Dans ce signe offert, on peut percevoir combien l'amour du Christ s'étend dans le temps et l'espace pour être dans nos aujourd'hui, à tout moment, un "événement actuel" et non restrictif, un constant passage dans l'aujourd'hui : "c'est maintenant que Jésus promet de l'eau à celui qui a soif, et c'est une eau qui devient source". (2)
S'il n'y a pas de croissance en humanité, on peut dire par contre que l'intelligence de la révélation est en croissance à la mesure de celle de l'inhumanité des hommes. La révélation ne cesse d'être éclairée par la parole renouvelée de tout homme et cette révélation douloureuse s'abreuve à la source du sang versé. Chaque fois que le sang continue à couler, c'est le coté de Dieu qui s'ouvre et interpelle. C'est peut-être cela l'évangile de la souffrance, qu'évoque Jean-Paul II dans Salvifici Doloris.

(1) D'après Urs von Balthasar, ibid p. 61
(2) ibid.

22 juin 2005

La Parole

"La parole est près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton coeur" (Deut 30,14, Rm 10,8). Pour reprendre la phrase célèbre de Saint Augustin (cf. Confessions), longtemps je t'ai cherché beauté si ancienne et pourtant tu étais là et je ne le savais pas. Cette parole nous semble loin quand on se heurte à ce que l'on appelle le silence de Dieu. C'est oublier qu'au delà du bruit du monde, il subsiste le bruit d'un fin silence que l'on ne peut trouver qu'en prenant de la distance par rapport au tourbillon de nos serfs-arbitres... Cela n'est pas pour fuir le monde, mais bien pour être habité de cette parole qui peut à travers nous s'incarner dans le monde.

Dialogue

Le drame chrétien n'est pas un monologue mais bien un dialogue. Ce n'est pas une doctrine tombée du ciel à la différence du Coran mais une concertation, un débat. On ne peut ainsi "attendre la fin" il nous faut nous "laisser pénétrer (dia) d'un bout à l'autre par l'argumentation de l'interlocuteur". (1) La première qualité de Dieu à la différence du peuple de l'Ancien Testament c'est de rester écoutant : "j'ai entendu le cri de mon Peuple"... et donc de continuer avec constance dans son dialogue avec le Peuple. Ce dialogue se poursuit jusqu'au merveilleux échange de la croix. Et après la croix dans le don aux disciples et à l'Eglise de la foi qui les rend capables de dialoguer, dans la prière filiale adressée au Père (Abba) et suscitée par l'Esprit Saint et ainsi permettre que "dans le coeur des fidèles" soit prononcé les mots ineffables qu'ils sont incapables de formuler par eux-mêmes
C'est à travers la capacité humaine de dialoguer qui réside en Jésus que le Père révèle son ouverture divine au dialogue.
Notre mission est de poursuivre ce dialogue, en restant écoutant par toutes les pores de notre peau à ces pas de Dieu en nous et autour de nous dans l'autre.

(1) D'après Urs von Balthasar, ibid p. 59

21 juin 2005

Tous sauvés...

"Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (1 Tm 2,4) et non d'un effort humain pour s'arracher au monde et se hausser à Dieu" (1) Il s'agit d'une initiative de Dieu en faveur du monde. Cette initiative est au coeur du drame divin l'affrontement de l'ennemi, que certaines mystiques comme Anne-Catherine Emmerick ont traduit dans leur méditation de la descente aux enfers. On y voit un Christ venu relever toute l'humanité. Cette universalité du salut doit rebondir également sur notre façon d'agir qui est de rester acteur au coeur du drame et non de chercher une évasion du monde dans l'ascèse, la philosophie ou la mystique. Notre aujourd'hui est le conflit avec le mal sous toutes ses formes et dans ce combat seul nous participons à l'Evangile du Christ, y compris à cet évangile de la souffrance dont nous parle Jean-Paul II dans Salvifici Doloris.

(1) Urs von Balthasar, ibid p.59