24 juillet 2005

Je et Tu

Le Je et le Tu s'inscrit dans cette intimité véritable d'un Dieu qui n'est pas autre puisque nous sommes en lui et donc d'une relation qui ne peut être qu'un coeur à coeur.
Le Tu s'insère donc dans cette double dimension d'un Dieu proche et qui nous considère comme unique. C'est le Tu dis à Zachée dans l'"aujourd'hui, je vais habiter dans ta maison...."
Mais en même temps il s'inscrit dans la reconnaissance que cette liberté finie au sein de l'infini est une grâce, une somme de dons. Alors l'élan du coeur passe au delà de la distance, dans un dialogue véritable, à l'image de ce coeur à coeur du Fils et du Père, comme une réponse à cette invitation à participer à la symphonie des Personnes divines dans la Sainte Trinité...

23 juillet 2005

Présence

Il est là présent dans la chair d'un individu juif crucifié, présent aussi dans sa chair et son sang partagés. Ce Dieu caché c'est aussi le don excessif d'un amour et une exigence plus grande vis à vis de la liberté finie.
On retrouve ce corollaire à la grâce. Si nous en prenons conscience, il devrait naître en nous un appel immense à la responsabilité...

22 juillet 2005

Talents

Balthasar évoque un repli de Dieu qui pourrait aller jusqu'à l'effacement et qui peut s'expliquer comme le désir de Dieu de donner à l'homme une liberté (finie) Cette réserve divine il faut l'entendre pour lui comme la parabole des talents : il leur donne liberté mais c'est sa propre fortune qu'il leur donne, un présent immense et caché. On ne peut le connaître (Rm 1,21) (1)
On voit surgir par delà cette description la parabole du fils prodigue, où Jésus nous décrit si bien la miséricorde de Dieu, devant ceux qui dilapident les richesses, mais restent aimés de Dieu...
(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 235-236

21 juillet 2005

Trinité...

Pour Balthasar, il semble que dans l'infini des personnes divines "soient ménagés en elle comme des espaces infinis de liberté pour que puissent s'effectuer les échanges entre" les trois personnes divines de telle sorte qu'il n'y ait aucune fermeture sur une identité confinée en elle-même. Pour lui, cela permet de qualifier ces échanges comme don, communion, réciprocité, joie, espérance et accomplissement parce que Dieu peut tout attendre de Dieu. Il parle à ce stade d'une intercession réciproque, d'une "parfaite transparence" et du mystère personnel inviolable (1) de chaque hypostase (personnes divines). Pour quelqu'un qui s'est spécialisé dans l'anthropologie du couple, cette danse des libertés divines, n'est pas sans rebondir sur cet échange conjugal, ou les libertés sont appelées à entrer dans une danse similaire. Le couple est alors à l'image de l'échange trinitaire...

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 222-3

20 juillet 2005

Libérer de l'esclavage...

Dieu vient nous libérer de nos servitudes. La liberté en Dieu, c'est peut-être cette aptitude à maîtriser tout ce qui nous détermine, tout ce qui nous rend esclave. De la passion, de l'idolâtrie, nous pouvons nous libérer, sans rejeter la réalité, le réel mais éclairé dans nos choix par ce qui au fond de nous est présence.
Ainsi, pour saint Augustin, " la liberté finie est le mouvement rationnel et autonome de l'âme, un mouvement dans lequel le moi se possède lui-même librement" (1) de sorte qu'il trouve en toute liberté une faculté de jugement (liberum arbitrum) et qu'au bout de ce chemin sa liberté finie se réalise et devient réellement liberté en actes au sein de la liberté infinie.
A la différence des pélagiens qui exalte la liberté de l'homme, Augustin insiste sur le fait que la liberté est donnée par Dieu à travers l'Esprit Saint (il évoque 14 fois l'Esprit Saint dans ce texte) . C'est la grâce de l'Esprit qui aide l'homme à rentrer dans la liberté vivante.
L'amour dépasse la loi, mais n'en demeure pas une loi (lex caritas (nº 29 de Spiritu et Littera) : "C'est Dieu qui parle intérieurement à notre esprit par son Esprit mais sous forme de persuasion et d'appel à quoi l'homme ne peut répondre qu'en exprimant gratitude, adhésion, délectation consentante." (2) Quand surgit l'assentiment la liberté finie atteint aussi sa liberté infinie. En adhérant à Dieu, elle trouve sa sagesse...
Chez Grégoire de Nysse, la liberté finie est donnée. Se recevoir d'un autre "déclenche en elle un mouvement infini qui est désir de se réaliser non en se coupant de cette source mais en s'assimilant à elle". (3)
Il y a donc rencontre, intérieure et délicate, de l'infini de Dieu en nous. Et cette rencontre reste marquée par la pédagogie et la tendresse de Dieu.
2 Chez saint Thomas d'Aquin, la liberté finie se découvre dans l'acte de présence intime à soi-même, où elle se connaît comme existante, "l'âme saisit à la fois son être propre et l'être universel, en transcendant tout les êtres singuliers. Dans cette saisie, l'être en sa réalité apparaît comme vrai et directement aussi comme bien auquel il peut adhérer." (4). Je retrouve là ce que G. Médevielle décrit dans Le Bien et le mal, ce niveau intérieur de conscience qui ne fait que reprendre la prophétie d'Ezéchiel : "Je mettrais en vous un esprit nouveau"...
Dieu m'est plus intérieur que moi-même...(5)
(1) De spiritu et Littera cité par Urs von Balthasar, ibid p.199
(2) ibid
(3) ibid. p. 203
(4) ibid p. 204
(5) ibid p. 209

19 juillet 2005

Pédagogie

"L'homme du salut, dans sa progression de l'Ancien au Nouveau Testament et à l'intérieur de celui-ci, nous décrit une "paidagôgia" (cf. Ga 4,2) qui fait passer l'humanité d'une aliénation à une condition divinement accordée "de parrhêsia", c'est-à-dire d'ouverture franche et mutuelle. Cette condition est, en principe, accessible dès maintenant mais sa pleine réalisation est encore à acquérir, car c'est aussi la condition dans laquelle Dieu sera tout en tous (1 Co 15,28)." (1)
Cette pédagogie de Dieu est pour moi une double preuve. Preuve de la liberté réelle donnée à l'homme et preuve de cette tendresse qui caractérise le dessein de Dieu sur l'homme. Non seulement nous sommes libres, mais nous ne sommes pas abandonnés par Dieu sans savoir quoi faire de cette liberté. Il nous prends par la main, et nous accompagne, se fait chemin pour nous aider à trouver en nous, cette vérité qui nous rendra vraiment libre et à la fois participant d'une liberté plus grande encore.

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 197

18 juillet 2005

Au delà de la maîtrise de soi...

Nous avons un second rôle, le pouvoir et le devoir de choisir de sortir de soi "pour entrer dans ce qui est autre est signe à la fois d'indigence et de richesse et cette bivalence est, à son tour, l'origine d'une décision : "ou bien la liberté finie prétendra utiliser la richesse de son ouverture pour s'enrichir elle-même simplement, ou bien elle verra dans cette ouverture la possibilité de s'en remettre à la liberté infinie et infiniment libérante de l'être (...) médiation sociale ou les libertés s'enrichissent mutuellement, de leur désintéressement sans égoïsme fournit des éléments de compréhension sur les rapports entre liberté finie et infinie. Tout cela n'est possible que s'il y a ouverture spontanée de la liberté infinie." (1)
En nous faisant participant du mystère, en venant habiter notre intimité la plus profonde, en nous envoyant son Esprit, Dieu manifeste la profondeur et l'infini de son amour, qui nous convie à cette symphonie du monde. Cette ouverture possible à l'infini de Dieu est ce qui nous permet d'entrer dans la louange véritable.

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 196

17 juillet 2005

Symphonie...

Pour Henri de Lubac, qui reprend un paradoxe de saint Thomas d'Aquin, "l'homme tend à s'accomplir dans un absolu qu'il ne peut, bien qu'il soit causa sui, atteindre de lui-même ni par l'enrichissement d'un étant ou d'un bien fini quelconque. Ceci fait précisément, selon saint Thomas, la grandeur de l'homme". Saint Anselme : "n'est libre que celui qui aime le bien, parce que c'est le bien". (1)
Nous sommes donc invités à cette symphonie infinie du monde, alors même que nos pouvoirs sont limités. Mais n'est-ce pas d'une certaine manière la grâce même de se reconnaître à la fois brin d'herbe dans le jardin de l'humanité et en même temps unique aux yeux de Dieu car participant à l'harmonie de l'ensemble.
Dans son fameux discours sur "La dignité de l'homme", Pic de la Mirandole (1494) soulignait qu': "à tout moment ton esprit est mû par l'Esprit divin... Si tu te laissais faire, tu serais élevé jusqu'à Dieu... Telle est la véritable béatitude, être un seul esprit avec Dieu, pour posséder Dieu en Dieu et non en nous, le connaître comme nous sommes connus de lui" Hexaplus 7 (éd. Gavin, 336). (2)

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 194
(1) ibid p. 195

16 juillet 2005

Pourquoi le mal ?

Pourquoi Dieu crée-t-il des êtres capables de lui désobéir ?
La réponse de saint Irénée serait que "c'est parce que la liberté finie devait d'abord faire l'expérience de sa finitude et de son indigence, mesurer tout l'espace de ses possibilités afin d'apprendre par l'expérience (peira) qu'elle ne peut s'accomplir qu'en suivant le conseil et l'inspiration de Dieu." En cela note Balthasar l'expérience du fils prodigue est au coeur du plan de Dieu à la différence du bien acquis sans effort qui n'a aucun attrait. Mais pourquoi le salut est-il arrivé si tardivement dans le temps ? Saint Irénée répond qu'il fallait d'abord que mûrisse l'expérience (cf. ibid, IV 38,1,4) c'est alors que le regard se tourne vers la liberté infinie pour affirmer en elle les attributs de générosité et de longanimité. (1) Il y aurait donc une pédagogie de Dieu qui laisserait l'homme jouir de sa liberté tout en le couvant de sa présence, de biens et de dons, de signes et d'appels. Mais en ne le forçant jamais. Pourrait-t-on aller jusqu'à dire que la liberté de l'homme n'est pas finie par le fait de Dieu mais par l'extérieur. Dieu ne veut pas que le choix ne soit pas intérieur, ce qui enlèverait à l'homme tout mérite, mais face à ce qui le détourne, il le comble de grâce, afin que jamais il ne puisse in fine ne pas avoir la force de se tourner vers lui.
Ainsi, selon Clément d'Alexandrie, Dieu ne nous contraint jamais. Il veut que nous soyons sauvés en vertu de notre propre décision.
La liberté de l'homme est donc de son fait. Pour Grégoire de Nysse, cette liberté humaine est sa dignité, ce qui fait de lui un roi : "Nous sommes nos propres géniteurs puisque nous faisons ce que nous voulons être" (44, 328B) (2)
C'est sa liberté de choix qui fait de l'homme le véritable partenaire de Dieu ; c'est parce qu'il n'est pas Dieu qu'il peut être image de Dieu et semblable à Dieu.


(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 186
(2) cité par Balthasar, ibid p. 188

15 juillet 2005

Dieu n'est pas égoïste

Si Dieu n'était qu'une personne, il serait égocentrique.
Le Dieu chrétien est tout sauf cela et c'est la le centre du mystère trinitaire où Dieu se fait don personnel, générosité pure, réciprocité d'amour. Il y a dans cette aperçu de Dieu qu'il nous a été donné de percevoir, la lumière d'une révélation de ce qui reste pourtant insaisissable. Dieu est amour et la Trinité qui va jusqu'à associer l'homme par le don de l'Esprit est cette symphonie de liberté.

14 juillet 2005

Lien social

"En dehors du lien social, il n'est pas de discours valable sur la liberté". (1) La liberté n'a de sens que conçu dans l'ampleur d'une société à modeler. Dieu n'est pas intervenu pour un homme mais pour l'humanité toute entière, non pour une élite mais pour le monde, afin que tous ensembles, ils aient accès à la joie véritable. C'est pourquoi le jugement ne peut-être qu'eschatologique. Le champ restera porteur du bon grain et de l'ivraie dans la folle espérance que le bon grain attire à lui tous les hommes.
A l'inverse, toute autarcie, tout repliement sur soi n'est finalement qu'une forme d'évasion.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 174

13 juillet 2005

Libertés...

On parvient au paradoxe christologique qui, sans mélange de liberté (cf. le concile de Chalcédoine) "fait habiter la liberté infinie dans la liberté finie et permet ainsi la liberté finie de s'accomplir dans la liberté infinie, sans que ni l'un ni l'autre ne perde son identité. Tel est le point d'arrivée de la théologie dans Maxime le Confesseur qui tire les conséquences dernières des pères de l'Eglise et des impasses des hérésies. C'est en Christ que se trouve le centre du drame divin. En Christ la rencontre et la communion réciproque sans séparation (toujours selon Chalcédoine) est assurément le point culminant de la relation du fini à l'infini" (1) Si l'homme n'a accès de par nature qu'à une liberté finie, l'infini de Dieu est porté en lui... Et le Christ est la médiation véritable qui cristallise en lui la finitude de son humanité et l'ouverture transcendantale vers l'infini de Dieu. Or pour Balthasar, cela ne se fait que parce qu'en lui s'ouvre une possibilité de communion, c'est-à-dire non pas un agir qui se limite au moi mais est ouvert et offert à l'humanité toute entière.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 173

Athéisme

Dans le mystère de la Croix "Dieu est abandonné par Dieu parce que l'homme s'est fait athée vis à vis de Dieu": c'est le noeud du drame divin. (1) On rejoint ici cette idée d'une expérimentation par Dieu de ce qui chez l'homme est le plus difficile, le plus insupportable. Lorsque la souffrance est au plus fort, le sentiment d'abandon est insupportable et le pourquoi, le cri et la révolte comme naturelle. C'est là où le cri de Jésus, cette expérience de l'incarnation n'est pas un simulacre mais le chemin d'un jusqu'au bout de Dieu qui fait l'expérience du néant et vient l'habiter d'une présence. Au coeur de l'abandon, Dieu est là, même quand il semble absent...
Le Christ apparaît comme l'unique et indispensable médiateur mais en même temps "non exigible, qui doit s'accorder avec les deux parties sans trahir l'un ou l'autre". (2) Etre au coeur de l'humain qui n'a plus d'espoir et rester dans le divin. C'est tout le drame qui se joue dans cet incroyable rencontre entre l'homme et Dieu. On est ici à cent lieues d'une philosophie théorique et d'un Dieu loin de tout. Là se joue le drame véritable, paradoxe, mystère mais aussi source de lumière et d'espérance.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 166
(2) ibid p.167

Le Non-Autre

Dieu est tout mais il n'est pas l'autre mais le Non-Autre (cf. Nicolas de Cuse dans Chemins). Nous devons tout, y compris notre liberté au Tout de la liberté divine mais pour lui nous ne sommes pas des autres parce que nous sommes en lui et il n'est pas autre, mais bien au-delà de l'autre proche. C'est pour Balthasar un paradoxe inévitable et à la fois saisissant. Je pense que je n'ai pas fini d'en découvrir le sens...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 165

12 juillet 2005

Tout n'est pas écrit...


Urs von Balthasar s'oppose à la position d'Ephrem le Syrien dans ses hymnes sur le Paradis qui voit l'Adam avant la chute identique à l'Adam eschatologique. Chez Ephrem, le devenir est dissous dans ce qui existe depuis toujours. Mais pour Urs von Balthasar : "contre cette vision des choses, il faut maintenant maintenir que le ciel et la terre dans leur séparation ont été crées en vue d'un acte où chacun des pôles aurait à jouer le rôle positif qui lui revient ". On ne connaît pas la scène avant la fin de l'acte. Il reste des pages à écrire, sinon notre liberté même si elle est limitée n'aurait pas de sens.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 159-60