06 janvier 2006

Communion... ?

L'Eglise est communio. Il ne peut y avoir d'Eucharistie sans lien ecclésial. Ce n'est pas un groupe d'amis mais une Eglise. Et c'est vrai est que nous avons souvent la tentation de dire qu'il est présent, parce que deux ou trois sont réunis en son nom. Même s'il s'agit d'une parole d'Evangile, le prendre au pied de la lettre, c'est justifier ce qui pourrait être n'importe quoi. Sa présence n'est pas de notre fait, elle dépend d'une fidélité à l'ensemble du texte, dans sa version polyphonique, dans l'héritage d'une tradition, mais aussi de réalité de nos coeurs et de notre ouverture réelle à sa présence. Dieu n'est pas ce que nous voulons qu'il soit, il est quand nous quittons nos vouloirs finis pour accueillir l'infini de sa présence.... "L'individualisation de la messe, son éloignement par rapport à l'unité du mémorial, et par là le caractère privé qu'elle a revêtu ont été un amalgame entre la messe et les honoraires,(...) la messe devient une unité privée de gens pieux (et aussi de gens qui ne le sont pas) qui y traitent avec Dieu de leurs péchés privés" (1) Ainsi l' existence chrétienne privée se retire du côté du rite, tandis que l'Eglise se maintient dans l'ordre légal. Où est alors la communio ? Même si Joseph Ratzinger décrit la situation au Moyen Age, on pourrait en tirer des parallèles sur la situation actuelle et méditer sur l'unité qui nous anime dans la fidélité à la communion apostolique.

(1) d'après Joseph Ratzinger, ibid p. 286

05 janvier 2006

La place du Magistère

Pour J. Ratzinger, le Magistère revendique le droit d'initiative "A la confusion d'une Eglise sans consensus, il a à dire la parole qui a le droit d'exiger le consentement de tous". (1).
Et je pense que cette affirmation est cruciale, même si elle est douloureuse pour de nombreuses personnes. Si l'unité n'était plus, si nous allions vers un populisme chrétien, nous perdrions ce qui est contre vents et marées notre force principale : la fidélité et l'unité d'une difficile succession apostolique, que l'on ne doit pas afficher comme titre de gloire, mais comme trace de ce qui est vie en nous, en dépit de tout ce que nous faisons contre elle, en dépit de nos faiblesses. Sur la Pierre d'un triple reniement, le Christ a fondé son Eglise...
(1) d'après Joseph Ratzinger, ibid p. 263

03 janvier 2006

Eglise et totalité

"Le caractère pleinement concret de l'Eglise ne signifie pas que tout le reste ne puisse être non-église." Le signe "d'égalité n'est pas mathématique". L'Esprit saint ne peut être ramené de force à un signe mathématique même là où il s'attache et se donne concrètement. (1)

Je ne pense pas que l'on aille plus loin sur la piste rahnérienne des "chrétien anonymes" mais cette phrase fait raisonner en moi des éléments lus chez Lévinas, dans "Difficile Liberté"... Il était question de cette facheuse prétention des chrétiens à vouloir détenir le monopole de la liberté. Je pense que lorsque l'on évoque l'unité des chrétiens, il est important de garder cette ouverture à ce que l'autre peut nous apporter. Non que nous puissions renier ainsi notre foi, mais parce que cette ouverture est pour moi évangélique... Elle rappelle la parabole des petits chiens qui se nourissent des miettes et qui parfois dépassent notre propre entendement...
(1) d'après Joseph Ratzinger, ibid p. 259

02 janvier 2006

Unité - III

Dans l'étude fondamentale que Vinzenz Pfnür a publié en 1975 : "Annerkennug des Confession Augustana durch die catholische Kirche ? Zu einer aktuellen Frage des katolisch-lutherischen Dialogs, on peut se demander si la Confession d'Augsbourg peut être un chemin possible pour une unité ? Non pas pour opposer Luther ou Mélanchton mais pour dépasser les controverses...
Cependant cette approche est délicate, ne serait-ce parce qu'un texte de confession n'a pas de valeur de fait, ni un caractère obligatoire d'enseignement. "La sola scriptura de Luther tend à ce résultat qu'un enseignement ecclésial n'a pas d'autres qualifications théologique que celle d'une interprétation exacte de l'Ecriture et reste de ce fait toujours révisable en fonction d'une meilleure interprétation de l'Ecriture". (...) "Avant de reconnaître la confession d'Augsbourg par l'église catholique il faudrait une reconnaissance de cette dernière par les protestants ce qui renvoie à là place de "l'Eglise dans la foi"... (1). Et cette reconnaissance protestante serait un évènement créateur d'une réalité oecuménique" (2), un espace ecclésial à construire.
En conclusion, il s'agit pour J. Ratzinger d'un sujet erroné. On ne peut reconnaître la confession d'Augsbourg mais l'on est appelé plutôt à favoriser "un dialogue sur la structure théologique et ecclésiale des confessions luthériennes et leur compatibilité avec l'enseignement de l'Eglise" (3)

Je crois que l'enjeu est peut-être interne à la confession protestante, qui en se dispersant n'a pas forcèment l'unité, si fragile mais lieu de conversion intérieure qui caractérise le catholiscisme...
(1) d'après Joseph Ratzinger, ibid p. 250
(2) ibid p. 251
(3) ibid p. 256

31 décembre 2005

Le luxe de la division des chrétiens...

Athénagoras : "l'homme moderne et le monde ne peuvent plus s'offrir le luxe de la division chrétienne, des raisonnements et des réserves qui ne sont plus inspirées par l'évangile, des discussions académiques confortables et sans fin". Déclaration du patriarche à l'occasion du premier anniversaire de la levée de l'anathème. (1)

Je pense que nous devons tout faire pour mettre en place cette unité, à commencer par la conversion de notre regard sur les autres et au delà de ce qui est le fondement de notre foi...

(1) cité par Joseph Ratzinger, ibid p. 242

30 décembre 2005

Vers les orthodoxes...

Paul VI le 20 septembre 1963 écrivant au patriarche Athénagoras citait Philipiens 3, une parole que le patriarche reprendra dans un texte décisif à Noël 1965 (2 Co 5,18) : "ce qui était vieilli a disparu, voici que du neuf à ressurgi" (1)
Je crois que dans cette intuition doit reposer nos efforts. Certes cela reste périlleux, car nous sommes dépendants de nos évolutions respectives, de la construction de nos traditions qui constituent notre propre unité, et en même temps, il subsiste au delà, une unité plus grande, que nous partagions au temps des Pères de l'Eglise et avec laquelle nous devons faire du neuf. Cela passe bien sûr par une purification de notre mémoire et un pardon véritable et partagé. Comme un vieux couple qui partage la même origine de désir, mais qui doit secouer tout ce qui masque leur élan initial.
(1) d'après Joseph Ratzinger, ibid p. 229 à 232

A méditer...

29 décembre 2005

Unité ?

En complément du billet précédent, un peu pessimiste, je tiens ici à souligner la volonté clairement afficher d'avancer dans ce difficile chemin de l'unité :
On peut "se demander avec encore plus d'insistance si la permanence de la division est justifiable, car ce n'est l'unité qui a besoin d'être justifiée mais la division." (1).
Il semble plus important en effet d'entrer à mon avis dans une orientation de pensée et d'action qui respecte l'attitude oecuménique : l'autre dans sa recherche de ce qui est l'essentiel du christianisme ; attitude pour laquelle "l'unité est un bien prioritaire qui exige des sacrifices, tandis que la séparation a besoin d'être justifiée en chaque cas". (2)
Joseph Ratzinger va plus loin en opposant "Au chauvinisme ou confessionnalisme de la division" (...) "une herméneutique de l'union qui fait une lecture de la confession en s'orientant dans le sens de l'union." Pour lui deux attitudes s'opposent :
a) "un chauvinisme confessionnel qui s'oriente, en définitive, non d'après la Vérité mais d'après l'habitude et qui fixé dans ce qu'il a de propre, s'attache avant tout précisément à ce qui est orienté contre les autres
b) de l'autre côté, on a un une indifférence de la foi qui voit des obstacles dans la question de la vérité, (...) en fait une alliance de surface (...) porteuse de nouvelles divisions
.
La solution serait pour lui dans "une foi en recherche de l'unité" qui se laisse purifier et approfondir en vue de l'atteindre. Cette foi "exige de haut dépassement et impose le plus extrême dépouillement, réclamant de lui une patience inépuisable et la disponibilité pour une purification et un approfondissement toujours nouveaux". "Le christianisme repose sur la victoire de l'invraisemblable : "sur l'aventure de l'Esprit Saint qui conduit l'homme au dessus de lui et qui précisément par là le ramène à lui-même. (3)
(1) - (2) - (3) d'après Joseph Ratzinger, ibid p. 223- 226-227

28 décembre 2005

Les limites d'un oecuménisme hâtif...

Pour J. Ratzinger, un concile véritablement oecuménique pourrait bien fédérer un pluralisme et le conduire à l'universalité des chrétiens mais il n'y aurait pas là une véritable union et l'unique dogme commun serait celui de son impossibilité. On n'arriverait pas à l'union de l'Eglise mais à la renonciation définitive de l'unité... (1).
Je dois dire qu'au delà de cet extrait un peu court, la lecture de ses pages sur l'histoire des essais de rapprochement au cours des 50 dernières années est saisissante et instructive... Le chemin est long et escarpé au delà de la bonne volonté des uns et des autres, il y a effectivement quand on y réfléchit des enjeux pas simples, en particulier face à la disparité du protestantisme...

(1) d'après Joseph Ratzinger, ibid p. 220

27 décembre 2005

Noël vers Pâque, aboutissement

Depuis ce petit enfant livré jusqu'à Pâque, on progresse dans la révélation jusqu'à assister à l'aboutissement d'une Pâque définitive qui révèle le sens de l'histoire. C'est l'histoire d'un exode. Elle commence avec Abraham par l'invitation à sortir et cela reste continuellement son mouvement propre qui atteint à sa véritable profondeur dans la Pâque de Jésus-Christ : dans l'agape eis télos, dans l'amour radical qui va jusqu'à l'exode total hors de soi-même, à la sortie de soi pour aller aux autres jusqu'au don radical dans la mort. "Je m'en vais et je viens vers vous" (Jn 14, 28) (1) Notre vie n'a de sens que dans ce décentrement, ce quitte ton pays pour te trouver toi-même, mais ailleurs, en Christ, dans l'amour total qui n'est pas en toi... C'est peut-être ce que Hb 10,20 décrit comme le "passage au travers du voile de la chair". Est-ce pour autant une désincarnation ? Non, c'est en un sens une transfiguration qui nous serait demandée. Purification pour devenir être de lumière ? Décentrement pour une liberté nouvelle, au delà de ce qui nous retient hors de l'amour véritable. On voit dans ces balbutiements la difficulté même d'expression, la fragilité d'un excès de spirituel et l'importance, en même temps de cette ek-stase... "hors de soi pour se trouver soi-même" (2).
(1) d'après Joseph Ratzinger, ibid p. 210
(2) cf. J. Moltmann Theologie der Hoffnung, München, 1966 (5ème édition).

23 décembre 2005

Tout a changé

C'est à la fois une aporie chrétienne et une réponse chrétienne : rien n'a changé pour le monde et pourtant tout a changé. Il y a transformation du concept du Salut impliquée dans la diastase de point central et de fin, du télos et du péras comme l'exprime le cardinal Daniélou.
Et c'est peut-être en cela que Noël est plus qu'un conte merveilleux. Il est la manifestation première de la kénose d'un Dieu qui se fait petit enfant, être de chair fragile et pourtant rupture dans la chaîne implacable de la violence et de la mort. Le bruit d'un fin silence dans la violence d'un monde qui se déchaîne... et dont le massacre des saints innocents sera le premier signe.

22 décembre 2005

L'agir d'abord

La priorité de l'actio sur le Verbum est essentielle. Dieu a agi avant que l'homme le cherche...
"La résurrection d'entre les morts était attendue par Israël comme la conclusion de l'histoire, donc, au sens le plus littéral du mot comme eschaton, comme l'ultime action de Dieu" (1) Mais, j'ajouterais, elle n'a été que partielle, pour nous laisser le temps de goûter/désirer à sa présence.
Dans cette résurrection, "le cadre de l'histoire est dépassé, au dessus de l'histoire et ancré sur elle". (2) La résurrection est introduite dans l'histoire et nous sommes invités en quelque sorte à croire à l'eschaton au sein de l'histoire, à l'historicité de l'oeuvre eschatologique de Dieu. "La mort du Christ, la mort de Dieu provoquée par l'homme met en lumière avec l'effrayant effet d'un éclair l'épouvantable puissance de destruction de la méchanceté humaine, de la subversion des valeurs humaines comme la justice ou la piété au nom duquel Jésus a été condamné à mort. Mais cela signifie que Dieu maîtrise le passé de l'homme - le péché - en invitant à regarder vers l'avenir - vers le Christ (...) eschaton de l'histoire". (3)
De cette analyse surgit "une ligne de l'histoire du salut qui se prolonge encore et se situe à présent entre les deux signes du "déjà" et du "pas encore".
Je rejoins ce qui m'avais frappé également dans la thèse de R. Girard (cf. "Des choses cachées depuis la fondation du monde"). Ce que l'incarnation démontre ce n'est pas un Dieu qui assoiffe son désir de justice, mais bien au contraire, la mise au pilori du tout-amour.
Et c'est en cela qu'un renversement de l'histoire est rendu possible.
(1) d'après Joseph Ratzinger, ibid p. 207
(2) ibid p. 208
(3) p. 209

21 décembre 2005

Dieu Immuable... ? - II

Lorsque J. Ratzinger insiste sur le primat de l'histoire sur la métaphysique, sur toute la théorie de l'essence et de l'être, ce primat est mis en évidence par le fait que "l'image même de Dieu est soustraite à la simple doctrine de l'ousia". Il me semble que c'est ici que se situe la frontière décisive entre le concept du Dieu de la Bible et celui des Pères, ce qui constitue la difficulté constamment soulignée de la fusion patristique des pensées grecques et biblique et met en évidence une tâche dont la théologie chrétienne est loin d'être venue à bout. Pour le concept grec de Dieu l'essentiel est que Dieu est l'être pur immuable et que par conséquent il est agissant en aucune façon; son immutabilité absolue inclut qu'il s'enclose en lui-même, qu'il soit exclusivement tourné vers lui-même sans relation avec l'être mouvant (1). Pour le Dieu biblique, si je le comprends bien, la relation et l'agir sont plus essentiel. En cela création et révélation sont les deux propositions de base à son sujet. On peut ainsi dire que l'être ne "nous est pas accessible autrement que dans son agir." (2)
Cette vision rejoint ce que je cherchais depuis longtemps et qui me restait encore en porte à faux par rapport à ce que j'avais lu chez Thomas d'Aquin. J'y retrouve des éléments appréciés chez Varillon, notamment dans sa vision un peu iconoclaste mais combien éclairante de la souffrance de Dieu

(1) cf. Aristote, Politique 1325b 28 et Métaphysique 1074b, 21-35
(2) d'après Joseph Ratzinger, ibid p. 206

19 décembre 2005

Une brisure...

"La puissance de la mort, qui est la constante caractéristique de l'histoire a été brisée en un certain point par la puissance de Dieu et par là, une espérance toute nouvelle a été infusée dans l'histoire". (1)
C'est le nouvel Adam qui bouleverse notre histoire. Dieu s'est fait chair. Telle est notre foi.
(1) d'après Joseph Ratzinger, ibid p. 206

18 décembre 2005

Liberté fragile - II

Pour Joseph Ratzinger, le "concept central d'une philosophie et d'une théologie chrétienne de l'histoire devrait être la liberté, la liberté réelle qui inclut la non déductibilité et exclut par le fait même la cohérence parfaite de tout système de pensée; (...) Jésus-Christ avènement de la nouveauté et de l'imprévisible". (1) Si Dieu pouvait être pensé, déduit, il ne serait plus lui-même un être libre. On retrouve ce qui a déjà été évoqué largement dans ce blogue, à propos des liens entre liberté finie et infinie, à partir notamment des textes d'Urs von Balthasar... "La liberté a alors à faire dans chaque cas avec l'amour et l'amour avec le salut... Cela signifie ensuite que l'homme trouve le salut non pas dans un accès réflexe à lui-même, mais au delà dans la réflexion, dans un arrachement à lui-même, non dans une permanence en lui-même mais dans une sortie de lui-même. Cela signifie qu'en acceptant l'autre, le particulier, ce qui lui semble non nécessaire et libre, l'homme trouve la Totalité et le Vrai". (2)
J'aurais pu écrire ces phrases dans mes billets sur le décentrement... mais je m'incline devant cette ouverture à l'altérité... et je trouve là une consécration à cette recherche difficile sur la raison, l'intelligence de la foi, non comme une seule intelligence mais comme à travers l'acte de recevoir une possibilité d'être éclairé par l'autre.
(1) et (2) d'après Joseph Ratzinger, ibid p. 189

Balises : blogcatholique / Ratzinger / Balthasar/ liberté

17 décembre 2005

Liberté fragile

La faiblesse du concept rahnérien serait une conception de la liberté trop axée sur l'auto-réalisation, qui confrontée à la liberté divine conduirait à l'impression que Dieu agit seul. A travers cela on aboutit pour J. Ratzinger à une pré-destination. La Totalité rahnérienne n'est pas pour lui ouverte, à la différence d'une tension spirituelle qui doit être absolument une synthèse ouverte". (1) Mais où se trouve l'ouverture... Dans une fidélité à la Tradition, dans une quête incessante à travers la science théologique, où finalement peut-être dans ce décentrement qui me questionne depuis si longtemps, ce pas en avant dans l'inconnu de Dieu... ?

(1) d'après Joseph Ratzinger, ibid p. 188