08 avril 2006

Un pavé dans la mare.

Parfois j'ai le sentiment que tous ces billets ne servent à rien... Que je jette des cailloux dans la mare. Oeuvre vaine. Rien de nouveau sous le soleil. S'il n'y avait chez moi la double satisfaction de l'orgueil et de suivre patiemment un parcours intérieur qui me mène jusqu'au point sans retour, je cesserais d'aligner ces lettres sans suite... Tant pis pour le lecteur attardé ? Faute de retour, je m'interroge... :-)
C'est vrai que je ne fait pas grand chose pour être accessible...
Et que ce n'est que l'expression d'une vanité sans bornes.
Mais ce travail a pour moi l'intérêt d'être structurant et c'est pourquoi je persiste et signe... :-)
Alors à ceux qui sont encore là depuis plus d'un an courage et ceux qui arrivent depuis peu, "bon courage". N'hésitez pas en tout cas à réagir. Un monologue, c'est comme un cri dans le désert, inutile et stérile, sauf pour celui qui s'est soulagé en criant... :-)

07 avril 2006

Chrétiens anonymes - III

Si les païens sont sans loi, la loi est parfois inscrite en leur coeur. C'est en tout cas ce qu'affirme Rm 2,14s : "ils montrent que la loi est inscrite en leur coeur...". Cela doit être ce que l'on appelle la loi naturelle. Il n'y a donc pas que saint Justin qui évoque cela... Et cela permet de percevoir (sans être rousseauiste et croire que l'homme naît bon, en soi) que l'homme naît libre et qu'au sein de cette liberté, il peut trouver en lui (et dans les autres) la ressource nécessaire pour exercer sa propre liberté.

06 avril 2006

Juifs et chrétiens

Ils sont nos pères dans la foi, le peuple choisi, les héritiers de loi de Moïse et pour nous chrétiens, qui nous nourrissons de la lecture de la Parole qui leur a été révélée, il est toujours douloureux de voir que ce qui est pour nous joie et lumière reste nié et méconnu de leur part. A ce sujet, j'aime la citation donnée de K. Barth : "il n'y a qu'un seul peuple de Dieu, se composant de la Synagogue et de l'Eglise" à laquelle Urs von Balthasar ajoute : "toutes deux sont encore en route vers leur achèvement tout en restant dans une dramatique entre le oui et le non, à ce qui pour l'Eglise fonde tout et ce qu'Israël refuse de reconnaître comme son achèvement".
Pour K. Barth : "Israël et l'Eglise sont les deux faces d'un même mystère de rédemption, sa face de grâce et sa face de jugement". On pourrait aller plus loin, ajoute encore Urs von Balthasar en comparant les deux peuples aux deux larrons, l'un qui se tourne (l'Eglise) et l'autre qui ce détourne mais pour lequel le Christ est aussi médiateur, à travers sa judéité et son "incarnation dans sa personne du rôle de l'ébed Yahvé qui échoit à tout Israël souffrant par représentation". (1)
Pour nous en effet, notre Dieu n'est pas mort pour les seuls chrétiens mais pour l'humanité entière, et malgré ce refus dramatique de nos pères, nous osons croire que l'incarnation du Christ est salvatrice.
Dans un article du Monde en hommage à Emmanuel Lévinas, P. Ricoeur notait, le lendemain de sa mort, le 24 décembre, que même la mort du philosophe juif était signe de cette proximité. Il est mort, la veille d'une naissance. Pour avoir montré peut-être par catholico-centrisme combien on pouvait avoir une lecture chrétienne de son livre phare "Autrement qu'être ou au delà-de l'essence", je dirais que le philosophe a compris le mystère chrétien dans son essence, et que sa judéité, assumée et fidèle ne fait qu'honneur à l'homme.

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 317

Lire à ce sujet : Barth, Balthasar, Lévinas, Ricoeur

05 avril 2006

La chair et l'esprit

Nous n'avons pas fini de méditer le mystère de l'incarnation, qui est non seulement au coeur de la révélation mais également propre à notre humanité. Nous ne pouvons être qu'incarné et le fait que nous ne soyons pas des purs esprits est plus qu'une contrainte, elle touche à notre mission... Cette unité du pneuma (esprit-souffle) et de sarx (chair - relation) est "toujours inscrite dans une catéchèse d'Israël" (1). C'est aussi, d'une certaine manière l'enjeu d'un chemin qui n'est pas pure transcendance mais qui s'inscrit dans la relation. Pour dire les choses plus simplement, dès la naissance d'Israël, le peuple a été confronté au fait qu'il ne suffit pas d'invoquer Dieu, ou de fuir dans le sacré, mais que comme le rappelle saint Paul, s'il me manque l'amour, je ne suis rien... Phrase qui fait écho à celle du psaume : "Tu ne voulais pas de sacrifice, alors j'ai dit me voici". On peut reprendre ici la belle image de Jacques de Saroug qui rapproche la cote d'Adam à celle du Christ sur la croix (2). Notre incarnation, la chair de notre chair est au coeur de notre mission sur terre. Et de la rencontre, de la chair, peut jaillir des fleuves d'eau vive.

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 314
(2) cf. "Dernier adam"

04 avril 2006

La tentation du rétroviseur

Dans une société en perpétuelle évolution, on peut se demander si certain de nos contemporains ne tombent pas dans ce que L. Pareydt appelle la "tentation du rétroviseur", celle qui refuse assurément l'humanité et s'arc-boute sur la loi ancienne, comme la seule gardienne des moeurs et du monde. Mais cette tentation, qui résulte de nos peurs n'est-elle pas ce que combattait jésus dans l'attitude des pharisiens.
Je me souviens de l'excellente analyse que faisait P. Ricoeur dans le deuxième tome de La Philosophie de la Volonté a propos de ces pharisiens, qui a force de vouloir mettre Dieu partout dans leur vie avait oublier de lui laisser une place. Balthasar reprend une description similaire lorsqu'il décrit ceux qui se cramponnent à la loi et à son observation littérale et par là tombent "imperceptiblement dans la justice par les oeuvres que Jésus et Paul démasqueront comme le contraire de la véritable attitude de foi". Ils s'attachent "à des images du messie qui durcissent certaines choses que Dieu ne veut donner...", ils confondent "l'ordre de Dieu avec la sagesse du monde" et identifient "la justice du Dieu libre et miséricordieux avec une loi de justice immanente au monde, selon laquelle tout péché reçoit automatiquement son châtiment..." (1) Cette description du judaïsme pré-christique pourrait se retrouver dans certains mouvements catholiques actuels. S'il nous servent de garde fous par rapport à notre emballement pour le monde, il ne faut pas pour autant se laisser aller à ce rigorisme obtus qui nous fait virer dans l'élitisme et oubli notre mission principale d'un christianisme incarné, qui est "dans le monde", d'un Christ qui habite parmi les publicains et les pécheurs, non pour les condamner et les juger, mais pour les transformer de l'intérieur et les ouvrir à la découverte d'un Dieu miséricordieux.

(1) DD 2,2* p. 303

* Je reprends ici l'analyse de la Dramatique divine, de Urs von Balthasar, II - Les personnes du drame 2. Les personnes dans le Christ, Culture et Vérité, Namur, Editions Lethilleux, Paris, Le Sycomore, Trad. Yves Claude Gélébart et Camille Dumont. (C) Thedramatik, II Die Personnen des Spiel, 1 - Personnen ins Gott, Johannes Verlag, Einsiedeln 1976 (c) Pierre Zech Editeur, Paris 1986 pour la Version française.

Le corps, porche de la vie sprituelle - Espace pub - Session de formation

Une amie me demande de vous informer d'une session de formation
pour les religieux, religieuses, moines, moniales, séminaristes, prêtres ou laîcs...
en Mai 2006

LE CORPS, PORCHE DE LA VIE SPIRITUELLE Liturgie et poésie, lecture et écriture

Dates : arrivée le dimanche après-midi 7 mai, ou le lundi 8 matin
départ le vendredi 12 ou samedi matin 13 mai

Lieu : Abbaye Notre-Dame d?ORVAL, Belgique (juste à la frontière française. Gares la plus proche, selon les heures : Carignan (20km), Sedan (40 km). Soit depuis Paris-Est 3 :30h.

Frais : 240 euros. Ceci calculé sur 15 participants environ.


Pour en savoir plus écrire au webmestre (chdcpm@yahoo.com) qui vous transmettra le bulletin complet...

Prière en Christ

La prière filiale éclaire le fidèle de l'aube pascale. Il fait un avec le Christ. Du même coup, il accède à la liberté de l'Esprit. La liberté consiste à se laisser situer à sa place exacte - celle de fils, laquelle ne peut être que donnée - et à collaborer à la construction de sa propre stature croyante. Trois lignes s'entrecroisent ici : celle de la communion trinitaire dont l'homme devient participant, celle de l'union des fidèles dans le Christ et celle de tout croyant appelé à devenir ce qu'il est. Entre ces trois lignes existent un même rapport, celui de l'espérance. En effet, être fait fils du Père appelle à s'y reconnaître, à le vouloir et à en vivre. La prière est le moment où l'homme apprend qui il est : il apprend à être, ce qui ne va point sans agir. Il naît à lui-même, il renaît dans sa vérité de fils. Etre homme, c'est se recevoir d'un autre : la prière est un acte vital d'émergence de l'homme au niveau où Dieu recrée le monde en son Fils.
Mgr Albert Rouet, Vers Dieu ou en Dieu, Christus 96 p. 399

03 avril 2006

Emerveillement

L'autre est-il vraiment mon semblable différent ? Je dois aller chercher l'autre jusque dans sa différence, or souvent sa différence m'énerve. Il faudra passer par-dessus mon énervement pour parvenir à l'émerveillement.
Jean Bernard Livio, s.j., conférence aux 50ème anniversaire des CPM, repris dans Accueil Rencontre nº227-228

02 avril 2006

Homme intérieur...

Tu ne seras jamais un homme vraiment intérieur si tu ne t'efforces pas de te taire au sujet de ton prochain pour t'occuper principalement de toi-même.

Imitation de JC, traité spirituel du 15ème siècle, livre II, ch. 5, trad. Ravinaud, Médiaspaul 1989, p. 73

01 avril 2006

Tout se résume à la Croix ?

Pour Rahner, la contemplation du Christ en croix est source originelle de grâce. "De son côté transpercé que découlent ces fleuves de grâce". (1)
On retrouve l'héritage ignatien et la longue pratique des exercices spirituels qui n'aboutissent finalement à rien d'autre que ce sommet de la prise de conscience de l'unique médiateur, crucifié et qui nous assigne, dans et au delà de notre liberté à l'amour. Cela rentre en résonnance avec ce que développe Benoît XVI dans Deus caritas est.
La croix, n'est-ce pas finalement la clé centrale du mystère, ce qui donne sens à tout sacrement, le transfigure et l'élève. Plus je progresse dans ce chemin, plus je réalise que l'eucharistie ne peut se comprendre autrement qu'à travers la méditation de ce sacrifice sanglant. Non pour courir au sacrifice, mais pour percevoir, dans cette image véritable la hauteur, la profondeur, la longueur de cet amour kénotique du Fils, chemin unique et révélation de l'amour du Père.

(1) Karl Rahner, Coeur de Jésus chez Origène p. 173-174
Voir aussi : Deus Caritas est Kénose Rahner

31 mars 2006

Rahner et Origène

A travers Origène, Rahner développe à partir de l'attrition et de la pénitence une relation intéressante entre la cause et le signe extérieur. Le symbole est perçu comme la pointe de l'iceberg d'une transformation intérieure. Ce qui se passe au for interne de la personne jusqu'au signe sacramentel n'est pas seulement cause efficiente de la grâce mais la manifestation même de la grâce : "Ce en quoi la grâce s'exprime de telle manière que s'exprimant, tout d'abord elle se réalise, en sorte qu'elle dépend de lui et lui d'elle". Pour lui, "l'image est efficace en tant qu'image, efficace parce qu'image (...) ainsi le symbole du sacrement est cause en étant l'image de l'effet." (1)
Je trouve cette ouverture intéressante à une époque où l'on s'interroge sur la nécessité de répondre à une demande parfois mal structurée du sacrement. Il faut relire d'ailleurs ce que j'évoquais à ce sujet dans mon commentaire de J. Ratzinger.
A la différence de Balthasar qui reste à l'efficacité du Verbe jusqu'à la manifestation unique aux jours de l'incarnation, Rahner qui partage ce point de vue va plus loin, jusqu'à explorer la réciprocité dans le symbolisme sacramentel entre le signe extérieur et ce qui advient au coeur du croyant.
Pour Rahner, l'insistance n'est pas sur le Christ mais sur la réciprocité qui est en jeu à travers le symbolisme sacramentel qui implique une "différentiation entre théologie plus soucieuse de faire paraître les conditions anthropologiques à travers laquelle la grâce divine atteint son effectivité" (2)


(1) Karl Rahner, in Coeur de Jésus chez Origène p. 449, cité dans ibid p. 154-155
(2) ibid p. 156

30 mars 2006

Déductive ou inductive

En tant qu'ardant défenseur d'une pastorale inductive, je ne peux que souligner cette affirmation p. 135 qui souligne qu'une méthode théologique ne peut jamais au fond être déductive (car autrement elle soumet la liberté de figure aux lois de la pensée humaine). Elle est inductive dans le sens indiqué par Newman, montrant les "convergences des lignes et des voies d'approche vers un foyer unique, infiniment lumineux où brille la Gloire. (1)
Ce met en valeur la puissance théologique de l'accomplissement des Ecritures où "la grandeur de Jésus est l'apparition du libre abaissement (kénose) de la Gloire de Dieu dans la non liberté (l'obéissance) de la forme d'esclave. (2)

(1) Ibid p. 135 et Gloire et Croix III t. 2 p. 17
(2) Gloire et Croix III 2, t. 2 Neueur Bund p. 279

29 mars 2006

Mystère et figure

Il y a-t-il comme le note Holzer (1) une véritable opposition entre la notion de mystère absolu (absolute Geheimnis), l'insaisissable et l'invisible par excellence décrit par Rahner la figure et la théologie biblique de la Gloire (doxa) d'Urs von Balthasar. Personnellement je ne le pense pas. Peut-être suis-je atteint d'un syncrétisme léger, mais il me semble que l'invisible est notre lot commun et que ce qui est dévoilé dans la figure, dans le Christ en croix, n'est finalement rien d'autre que l'insaisissable mystère, dont nous refaisons sans cesse la découverte et la perte. Certes le salut est là, mais il reste par sa kénose lieu de liberté et de choix... Tout le reste n'est que chemin, préparation, avancée douloureuse et fuite récurrente.
J'entends cependant les réserves de Balthasar dans Geist und Feuer qui se demande si lorsque "Rahner voit le caractère rédempteur et expiatoire de la mort du Christ dans l'acte par lequel Jésus en mourant s'abandonne totalement au Père" cela suffit (2). Je comprends qu'il puisse mettre ces réserves et cependant, je pense que si l'on ramène cette révélation à l'essentiel de ce qui peut générer une conversion du coeur, tout le travail du passé perd son acuité. Elle permet la conversion, mais est balayé par ce coeur offert et ouvert d'où coule le fleuve de la vie. Comment pourrais-t-on peser le reste à l'aune de cet instant décisif où tout prends sens ?
Certes, "la Gloire est la souveraineté éclatante de celui qui vient dans le monde" (3)
Il s'agit d'une présence au monde faite de signes sensibles, objet d'expériences vécues, racontées et interprétées selon un regard de foi. Mais pour moi l'épiphanie de la croix dépasse tout.

(1) Holzer, ibid p. 133
(2) Esprit et feu, 1976 p. 99
(3) Gloire et Croix, III/2 1 p.17

Balises : Balthasar Rahner kenose

28 mars 2006

Eglise et Ecriture

Je découvre cette phrase admirable de Rahner pour qui l'Ecriture est le livre de l'Eglise parce que "seul l'être vivant de l'Eglise, qui possède l'Ecriture sainte comme son livre propre et le porte à travers les siècles est capable d'attester qu'elle est son essence et son extension, cette essence et cette extension n'ayant pas d'autres voie pour se faire connaître que le témoignage vivant de l'Eglise" ET VII p. 83 (1)
Cela rejoint ce que je disais sur ces coques vides, ou ces sarments reliés à la sève. L'Eglise d'aujourd'hui n'est pas l'Eglise eschatologique. Elle est imparfaite, constituée d'hommes et de femmes fragiles, mais quand ces êtres fragiles se laissent remplir par l'amour infini de Dieu, l'Eglise devient, à travers eux le coeur du message et la chaîne discrète mais sublime qui complète et actualise ce que le Christ a vécu dans sa chair... Le rapport entre l'Ecriture et l'Eglise devient alors "co-originant" et c'est en quelque sorte cette interaction mystérieuse entre le dire et le dit, que soulignait Lévinas dans autrement qu'être qui se perpétue au travers de cette église fragile. Depuis l'origine, depuis le reniement de Pierre, Jésus savait que cette fécondation se ferait dans la douleur. Mais le résultat qui se dessine, et qui s'étend, sans hégémonie, mais à travers la kénose discrète de ces hommes et ces femmes qui sont signes (Hillesum, Stein, mère Thérésa pour ne citer que les étincelles féminines) se dessine l'Eglise universelle, le corps du Christ en marche...
(1) cité par Holzer, ibid p. 132

26 mars 2006

Les limites du principe de l'autocommunication...

Il est vrai, comme le souligne Holzer qu'il y a un risque qu'une autocommunication relativise la place et la fonction de la christologie, comme si en cet acte d'autodonation gracieuse, tout est déjà donné et tout pouvait être déduit. (1)
En suivant le principe de Rahner, on pourrait croire que la grâce est un paquet cadeau, un trésor enfoui en nous et qui se suffit à lui seul et le risque serait effectivement de ne pas relier ce "talent" à la source, d'ignorer que nous ne sommes que des coquilles vides, des sarments qui quand ils ne sont pas reliés à la sève ne sont plus bons qu'à un feu éphémère. Ce que nous recevons de Dieu n'est peut-être que cette force qui nous permet de tourner nos coeurs et devenir des écoutants...

Et cette force, cette transcendance est peut-être en soi l'accès à la découverte du mystère (Geheimnis) et l'expérience (Erfahrung) de l'homme qui est tout à coup attiré dans ce mystère inconcevable.
(1) ibid p. 118