21 mai 2006

Buisson ardent

Balthasar évoquait la double notion du feu dans son commentaire de l'Apocalypse (cf. supra DD3, 1) et notamment le feu vu dans le sens positif, celui qui embrase le coeur des saints.
Cela réveille chez moi une méditation sur le sens du buisson ardent, celui qui brûle de l'intérieur sans pour autant se consumer. Si l'on poursuit cette métaphore, il y aurait deux visions du feu. Celui pour ceux qui sont en Christ, qui les anime d'une lueur vive, digne de la transfiguration à venir. Et celui que l'on rejette. Parce qu'il n'est pas en nous, il devient contre nous. Rejetez le feu divin, c'est s'exposer à sa flamme qui détruit. L'accepter en nous, c'est accepter de devenir des passeurs de lumière.
Un beau programme...

20 mai 2006

De l'Eros à l'agape

On connaît maintenant la longue description de Benoît XVI dans "Deus caritas est" qui cherche une cohérence entre eros et agape. Pour Balthasar, l'éros "met l'individu au service de l'espèce (...) et lui présente dans l'amour d'un autre le mirage de l'absolu. Ce contact avec l'absolu s'évanouira pour autant que l'eros est un pur phénomène sexuel, mais dans la mesure où il creuse jusqu'à la racine de l'amour, il peut durer au delà de l'éros et c'est bien souvent sa volonté, tant qu'il ne se heurte pas à la limite tragique de la mort."
A méditer...
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 93

19 mai 2006

Solitude, solitude

Je ne sais plus d'où je tire ce vieil adage que je trouve fort juste. "Le couple, c'est deux solitudes qui se penche l'un vers l'autre". Mais j'ajouterai, ce n'est pas dans cette cohabitation que l'on trouvera la clé des champs. La solitude reste au coeur de notre existence. Pour Balthasar, la prise de conscience de sa finitude plonge l'homme "dans une solitude où inéluctablement le guette sa propre mort. C'est là une caractéristique qui ne le lâchera pas, même dans ses actes spirituels, ni surtout dans l'expression pourtant duelle de l'amour humain."
Et il ajoute :"chacun meurt seul, même s'il meurt en même temps qu'un autre".
Face à cela, la solitude du Christ en croix est le seul message...

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 83ss

18 mai 2006

Un Dieu-Progrès

Une des idéologies du monde moderne est probablement dans la lutte pure et simple pour la suprématie par la technique. Est-ce pas l'aboutissement d'une vision qui considère la technique comme un nouveau Dieu, idolâtrie des temps modernes. Pour Balthasar, si la technique est notre destin, elle fait partie de notre évolution (....) mais ce serait folie de croire qu'elle débouchera sur un royaume de liberté". (1) Pour lui, la foi dans le progrès est une fuite hors du temps (...) elle fuit devant toute présence d'éternité dans le temps". C'est dit-il un mirage trompeur qui traduit l'impossibilité de résoudre le paradoxe humain par la voie immanente. Doit-on alors attendre le Logos incarné ? Celui-ci, répond-il, "s'est baissé pour tracer du doigt des traits sur le sol, à partir des lettres écrites sur le sable de l'histoire, peut-on trouver un sens qui les interprète ?
S'il y a par contre une chose qui demeure, c'est l'amour de Dieu. Et cela n'est pas écrit sur le sable...
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 79-81

17 mai 2006

Le drame, porte de la transcendance

Quand tout va bien, quand on ne se pose pas de question, il est souvent difficile de s'inscrire dans une filiation. Nous restons autonome et insouciant du don qui nous ai fait. Jusqu'à ce que surgisse l'excès. Le bonheur ou le drame. Le bonheur peut être vecteur de transcendance. Mais le drame l'est plus essentiellement.
Pour Balthasar, "notre nature mortelle donne à penser qu'il y a un fait tragique, un désordre de l'histoire du monde". Et à ce moment là l'homme regarde pour lui, "moins en arrière que vers le haut". N'est-ce pas ce que Danièlou appelait la faille, cette brisure du coeur de l'homme qui face à l'inattendu, peut laisser entrer Dieu. Pour Daniélou, il y avait ainsi 3 failles : la naissance, le mariage et la mort. Clin d'oeil de l'infini dans nos histoire mortelles ?

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 73

16 mai 2006

La tentation de l'écriture

Face au drame de la mort, du néant, de l'inexistence, nous sommes sans cesse à chercher à laisser des traces, à faire de notre bref passage, de ce temps de vie donné, quelque chose qui marque, qui fasse que nous existions après...
Pour Balthasar, "le pouvoir d'inscrire dans le temps quelque chose qui triomphe de la caducité" (...) nous distingue de l'animal qui lui reste immergé dans l'écoulement du temps". (1)
Mais ce pouvoir n'est-il pas à la fois une chance et une tentation. Une chance parce qu'elle nous pousse en avant, renforce notre désir d'être, de communiquer. Une tentation, parce que c'est ce qui nous conduit à vouloir "être comme des Dieux". Savoir exister pour mourir ensuite. C'est peut-être là que ce noue le noeud de l'existence. Etre puis se défaire de l'être pour entrer dans une liberté nouvelle, où l'on devient vecteur d'un autre. Etre pour devenir transparent d'un Etre supérieur, image d'autre chose. Décentrement véritable qui fait de nous non des serviteurs, mais des amis, des êtres en Christ, libres et porteurs d'autre chose... Un chemin difficile...

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 70

balises : Balthasar decentrement

14 mai 2006

Fausses pistes

Quand on cherche le chemin, la vérité, on n'est pas à l'abri des fausses pistes qui nous détournent d'une cohérence globale. C'est pourquoi nous devons constamment opérer un discernement. Parmi ces fausses pistes, Balthasar note celles qui consistent à "mettre le monde entre parenthèses pour monter vers l'Un, vers l'amor intellectualis et l'identité", un travers que je dois emprunter bien souvent... Il signale aussi le risque de tomber soit dans "un vendredi Saint spéculatif posé en système, soit dans une praxis allant vers le point limite d'un humanisme positif." ? N'est-ce pas à chaque fois le risque des idées, d'une thématisation du réel qui nous éloigne de l'exercice d'une saine charité, en cohérence avec notre vie spirituelle. Les dangers sont nombreux. Cela renforce pour moi l'importance d'une cohérence que je soulevais déjà dans mon commentaire de Deus caritas est .
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 65

13 mai 2006

Théologie de la libération

Il n'est pas impossible que la démesure et l'anthropocentrisme qui caractérise notre monde moderne, nous fasse croire que la croix n'est plus le centre du débat et que nous soyons à même, par nous mêmes, d'atteindre le royaume à travers nos mains et la miséricorde. Pour Balthasar, il s'opère la un glissement : "La croix à laquelle était suspendus les péchés du monde, n'est alors rien de plus que l'expression de cette solidarité."
C'est pour lui une erreur.
A méditer.
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 56

12 mai 2006

Da Vinci Codex, page de Pub :-)

Dans un contexte d'attaque frontal, il fallait une réponse appropriée. Je n'ai pas exploré tout le site, mais j'avoue que l'accroche vaut le détour : http://www.davinci-codex.com

11 mai 2006

Les nouvelles idolâtries

Pour un blogueur attaché à la technique, toujours en perpétuelle "veille technologique", ce n'est pas sans intérêt que je me laisse déranger par Balthasar, qui condamne "ces machines qui servent de nouveaux fétiches et exercent une fascination inconnue jusque là, tout justement parce qu'on peut les maîtriser"
Pour Balthasar nous vivons dans un autre monde. Auparavant, l'homme était (et se sentait) fragile. L'homme moderne se sent maître de l'univers. Et sombre plus qu'avant dans un certain anthropocentrisme. C'est cette toute puissance, cette démesure (hybrys) qui nous masque peut-être que le réel est ailleurs, plus fragile. La crèche est à des années lumières de notre technologie, et pourtant, elle est au coeur du mystère...

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 56

10 mai 2006

Dilution de la flamme...

Pour Balthasar, la dramatique n'existe plus dans le christianisme (1). Elle est diluée lyriquement dans la spiritualité ou épiquement dans la théologie. Toute rencontre de l'homme avec Dieu s'inscrit pourtant dans le drame du Christ.
Cela me conforte d'une certaine façon dans la découverte récente qu'au delà d'une esthétique liturgique, nous devrions prendre le temps, à chaque Eucharistie de méditer sur le fait que nous ne faisons pas mémoire d'un repas entre ami, mais bien d'un coeur transpercé par le glaive et ouvert pour l'humanité. Nier le drame, c'est effacer le sens même de la mort du Christ, l'étouffer sous une mièvre vision d'un amour béat.
Le danger à l'inverse est d'en rester à la souffrance du Christ et il me semble que la difficulté, c'est de saisir que le Christ n'est pas venu pour mourir mais pour nous, pour accompagner notre mort, lui donner un sens. C'est en cela qu'il nous faut à la fois prendre conscience de sa mort, ne pas la nier, mais réaliser en même temps que notre vie est ailleurs, sur les pas de l'espérance et que dans notre propre douleur, Dieu est là souffrant mais aussi simplement présent à nos côtés.

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 52

09 mai 2006

Le feu de Dieu

Pour Balthasar le feu de Dieu est saint au ciel et destructeur sur terre. Il brûle les martyrs d'un feu dévorant et les pécheurs d'un feu de purification. Pour cela il cite l'Evangile qui parle d'un "coeur brûlant en nous, quand il nous parle" (cf. Lc 24,32 Emmaüs). Pour lui (1), il faut que la parole de feu soit objectivée en se gravant sur la première table de la loi (Dt 5,22) et la deuxième table (Dt 10,15). Et ce sera Elie, le premier qui apprendra que la tempête qui fracasse le rocher, le tremblement de terre et le feu ne sont que les préludes significatifs de la brise légère par laquelle Dieu atteint le plus profond de l'homme (1 R 19, 11ss).
Le feu n'agit plus envers l'homme mais en l'homme dans le Nouveau Testament. "C'est un feu que je suis venu apporter sur la terre et comme je voudrais qu'il soit allumé" (Lc 12,49) Je pense qu'il faudrait relire les mystiques dans ce sens (St Jean de la Croix ?). Certes, comme le disent Matthieu et Luc, nous sommes baptisés dans le feu et l'Esprit (Mt 3,16, Lc 3,16). Peut-être est-ce notre tiédeur qui a étouffé la flamme véritable et nous a conduit à mettre sous le boisseau le feu reçu de Dieu.

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 50

08 mai 2006

Colère de Dieu

La colère de Dieu, qui éclate dans l'apocalypse et qui traduit la manifestation du jugement de Dieu, même vu in fine est-il cohérent avec notre vision du Dieu amour, où n'est-ce pas en soi un anthropomorphisme ?
Je conçois qu'il faille à un moment donné que la séparation entre le bon grain et l'ivraie se fasse. Mais n'est-ce pas suffisant que cette séparation se fasse. Faut-il pour autant voir comme nécessaire une vengeance et la colère de Dieu.
A méditer. Sur ce point, Balthasar note que la colère est à la fois le signe de l'engagement de Dieu et en même temps le signe d'une "souffrance" que lui inflige le monde et qui se traduit par le meurtre de l'agneau (1)

A méditer
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 46

07 mai 2006

Hans Urs von Balthasar : La victoire de l'agneau

Nous reprenons ici notre commentaire de la trilogie de Balthasar en commentant le 11ème volume de cette "saga" qui se consacre au coeur de la Dramatique Divine, après l'analyse des personnes du drame, à l'action dramatique elle même. Balthasar commence ici une longue analyse de l'Apocalypse, soutenue par les visions d'Adrienne von Speyr. Personnellement, je ne suis pas très enclin à m'attarder à ce type de discours ou de dramatisation, mais ma curiosité et la soif de connaître, me font persévérer dans ce chemin de lectures.
Je note particulièrement ce paradoxe et cette tension que souligne Balthasar (1) entre un agneau déjà vainqueur et le fait qu'en dépit de cette victoire nous assistions à plus de violence que jamais. C'est effectivement, à l'heure des holocaustes et des massacres, plus qu'une évidence. Et il ne s'agit pas là d'une analyse de science fiction, mais bien la constatation que le monde n'a pas entendu le Christ et que cette victoire de l'agneau qui est totale est définitive sur le mal, reste ignorée, voire plus que jamais combattue par les hommes de notre temps. Signe que le mal poursuit sa course, même si l'on peut voir dans notre monde, au sein même de cette violence, les fleurs de la grâce. Comment ne pas évoquer le texte d'Elly Hillesum, qui au milieu des rafles de juifs, voyait dans une fleur encore un signe d'espérance. Le mal est bien là, et la fleur, s'était plus elle que la plante éphémère. Paradoxe et tension donc.

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action
p. 11ss

06 mai 2006

Dieu réel et concret

Le risque de toute théologie est de rester dans l'abstraction, les concepts. Je soulignais déjà cet abandon du monde des idées par Pascal, qui est parti s'occuper de charité.
Pour Balthasar, "Un Dieu purement transcendant serait un mystère purement abstrait et négatif". Pour lui un Dieu qui dans sa transcendance peut rester immanent est "mystère concret et positif". C'est là pour Balthasar le coeur de la vision de la Trinité qui dépasse toute vision purement immanente de l'Ancienne Alliance ou de l'Islam (cf. p. 419)