24 août 2006

Subjectivité du je

La liberté, bien qu'elle soit autopossession n'est pas donnée à elle-même, elle doit se recevoir, ouverture de l'être à sa totalité, et donc au vrai et au bien absolu. "La conscience, c'est fondamentalement se recevoir d'un autre, s'ouvrir à l'être et à la réception de l'être et de tout le possible". La conscience n'est pas alors un absolu, elle est seulement une image de l'absolu dont elle se trouve dépendante dès l'origine et dans la fin qui la dépasse." (1)
Il me semble qu'il y a là encore une manière de décrire ce que j'appelle le décentrement, c'est-à-dire cette aptitude à sortir de la prétention d'être seule conscience, pour se laisser éclairer par l'autre, par l'absolu qui ne peut être moi...

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.122

02 août 2006

Chaque personne est une histoire sacrée...

"Dans l'avènement du verbe incarné, ce qui prend figure de résurrection des morts n'est pas la construction dans l'au-de-là de l'existence terrestre (...) c'est la mise en évidence du contenu et de la valeur d'éternité de chaque existence toujours unique en sa vie et sa mort corporelle" (1)

Savoir que pour Dieu chaque personne est unique, fruit de l'histoire d'une alliance célébrée personnellement, et pour laquelle l'univers entier à été orientée, c'est le cadeau de la foi... et de l'espérance, parce qu'au delà du présent, Dieu nous ouvre des horizons nouveaux. Certes, l'on pourrait en oublier le présent et ne faire que réver... Mais la tension demeure. Dieu t'aimes. Qu'en fais tu ?

(1) Balthasar, ibid p. 118

02 juillet 2006

Face à la mort...


La réponse à la mort n'est pas donnée d'en haut mais de l'intérieur par un Dieu qui "entre presque incognito sur la scène (...) qui éprouve la finitude (...) et veut en vivre le dénouement, c'est-à-dire l'échec et la mort". Si cela est, ajoute Balthasar, alors "l'existence ne pourra se plaindre d'avoir été méconnue en ce qui lui donne tout son poids".

Je crois que tout repose dans ce qui peut paraître paradoxal, mais qui est folie pour les hommes et sagesse pour Dieu... Dieu le tout-puissant d'amour éprouvre la toute-faiblesse, par la manifestation la plus "exposée" de sa divinité : l'homme-Dieu. Et dans cette faiblesse paradoxale, du fait de son infini, se dévoile l'intensité même de son amour pour tous les autres faibles et souffrants.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.116

PS : L'été avec ses joies et ses contraintes va reculer fortement le rythme de mes publications...

30 juin 2006

Se mettre à l'écart ?

En 1952, Paul-Louis Lansberg, compagnon de Mounier, écrivait déjà : « Jeté dans un monde plein de contradictions, chacun de nous éprouve souvent le besoin de se retirer du jeu et de se mettre à l'écart. Le motif d'une pareille fuite du monde n'est pas un égoïsme plat, mais plutôt le désir de pouvoir constituer au moins une vie pleine de sens dans sa sphère individuelle et privée en se repliant sur soi-même. »

L'individualisme, le désert, permet à la fois de prendre de la distance, de se protéger, mais constitue, en même temps, une porte ouverte à l'autre et au décentrement. Sachons mettre à profit cette mise à l'écart, sans qu'elle devienne égoïsme mais lieu de ressourcement, de respiration qui nous permet d'être alors plus aimant...

29 juin 2006

Angoisse...

Le frère Timothy Radcliffe, soulignait que "Notre angoisse face à l'avenir est si profonde qu'il est plus comfortable de ne pas y penser du tout"
C'est peut-être cette fuite qui nous fait privilégier l'immédiat et nous éloigne de ce fait de Dieu. Jusqu'à ce que le présent devienne à ce point insupportable que le besoin de Dieu s'impose (soit sous forme de rejet, soit sous forme de demande). Il y a dans ce discernement de Ratcliffe plein de discernement et une possible clé d'interprétation de nos propres fonctionnements.

28 juin 2006

Auto-communication et dangereuse autonomisation

A partir de cette analyse de la volonté de puissance, dans l'observation de ce qui en nous, par notre recherche de la connaissance du bien et du mal nous porte à nous poser en autonomie absolue surgit le risque d'une vision trop poussée de l'auto-communication qui se défait du lien avec Dieu et l'Eglise (1)
N'y a-t-il pas de fait dans une lecture trop monolytique du don de l'Esprit, le même risque qu'ailleurs, nous couper de la racine, devenir par nous "comme des Dieux" ???

C'est le risque du chrétien. C'est le risque du fils ainé (cf. Luc 15) qui se complait dans les biens de Dieu, sans en comprendre l'enjeu...
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.144

27 juin 2006

La chute


Pour Balthasar, le récit Javhiste de la chute dans Gen 3 montre que ce n'est pas le péché qui constitue l'acté décisif d'accès à la libre conscience de soi, c'est le choix lui-même. Même si l'homme avait rejeté le serpent, il aurait été différent d'un simple récepteur de la bonté de Dieu (1) : "le choix du mal survient quand on attribue au pôle d'autonomie de la liberté un caractère absolu." On est alors loin de la liberté conçue comme un don fragile... Pour Balthasar, on résorbe alors le caractère du don divin et l'orientation vers Dieu de l'autonomie même du sujet.

En soi, vouloir être comme Dieu c'est supprimer la différence

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.143

26 juin 2006

Maîtrise technique

La puissance de l'homme est amplifiée par la puissance de la machine, qui flatte ses besoins de pouvoir et décuple ses forces. C'est pourquoi notre monde devient la cible de forces toujours plus brutales, ce qui ne veut pas dire que la violence des hommes soient supérieures à celle d'antan, mais ce qui sous entend que la fragilité de l'être se trouve maintenant et plus qu'avant à la merci du drame.
Quand la puissance n'intègre plus la bonté, quand elle perd son humanisme profond, on devient esclave du pouvoir que l'on a créé même si c'était pour le bien. C'est pourquoi Balthasar nous rappelle (1) qu'une philosophie de puissance doit être complétée par une philosophie de la prière, l'acte fondamental qui ne redeviendra pour lui un acte de réflexion qu'avec Blondel et Ulrich

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.140

25 juin 2006

Le pouvoir qui détruit...

"L'expérience montre que tout individu puissant incline à l'abus du pouvoir et ne s'arrête que s'il se heurte à quelques barrières" (1) Seule une puissance contraire arrêtera la puissance
C'est ce que Saint Augustin nommait déjà la "libido dominandi" (2). Notre monde politique n'est pas la seule démonstration de cet excès. Et il nous faut souvent balayer devant nos propres portes, tant notre monde, qui valorise l'individu, le rend "égal aux dieux" dans sa course aux idoles...
(1) d'après Montesquieu Esprit des lois, 1748 XI,4
(2) Cit. Dei XII, 14

24 juin 2006

Le drame qui est en nous...

Nous ne sommes pas tout blanc ou tout noir. Créé par amour et pour l'amour, nous restons marqué par ce qui en nous refuse cet amour, dans son exigence et dans sa persévérance. D'ou le drame intérieur qui affleure à chaque moment de notre vie. On ne peut "ôter à l'homme la dramatique qui lui est propre" (1)
Or cette dramatique est incontournable, si la création est faite d'être libres.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p. 133

23 juin 2006

La litanie des jours...

Notre vie est souvent marquée par l'ennui, le désespoir, l'absence d'exitation des sens. Et nous sommes désemparés par le temps qui passe et n'apporte pas de joie. Mais c'est peut-être dans la durée que se vérifie la qualité de notre amour, de notre foi. Comme le disait Blondel : "L'essentiel et le pénible c'est de bien faire ce qu'on fait, c'est-à-dire en esprit de soumission et de détachement, de le faire parce qu'on y sent l'ordre d'une volonté à laquelle on se doit de subordonner la notre" Blondel L'action 1893, p 376 (1)
Encore et toujours ce difficile décentrement de soi, qui n'est pas perte de soi, mais adhésion amoureuse à un plus grand que soi. Et sur ce chemin, nous pouvons faire résonner les paroles du "maître" : "Non pas ma volonté, mais la tienne"...
(1) cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.132

19 juin 2006

Dieu libre, de Varillon à Balthasar...

Est-ce un anthromorphisme que de croire que Dieu n'est qu'amour. Lecteur assidu de Varillon et de l'excellent ouvrage, "Joie de croire, joie de vivre", j'ai toujours apprécié son affirmation qui mettait l'amour au centre de notre vision de Dieu. Dieu n'est qu'amour, affirme-t-il.
Visiblement Balthasar prend des distances avec cette lecture (en l'occurence à propos de Berdiaev).Il affirme en effet "qu'oter à Dieu sa liberté c'est lui oter sa toute-puissance au profit d'une bonté pure" (1). On tomberait pour lui dans une vision gnostique qui verrait une "tragédie en Dieu".
Certes Dieu est miséricorde, et notre volonté de voir chez lui un Dieu de justice peut être aussi entâchée d'un sadisme propre. N'y a-t-il pas en effet dans notre vision d'un Dieu qui punit, dans notre vision de la colère de Dieu, la transposition de notre propre colère. Je reste persuadé que la clé de ce paradoxe est dans la parabole du bon grain et de l'ivraie. Il y a un temps pour tout. Et si Dieu est miséricorde face à notre liberté finie, cela ne l'empêche pas d'être juste, au delà de notre espace de liberté.
Il me semble qu'il faut pour le moins se laisser interpeller par cette divergence. Mais répondre maintenant serait probablement prématuré. La relecture de Rahner, Moltmann, Girard qui va suivre va nous conduire plus loin dans cette interpellation. Laissons nous en tout cas travailler par ces interpellations.
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p. 131

17 juin 2006

La fin du rêve...?


Qu'elle est notre société où l'absence de rêve assèche la source de l'espérance.
On ne rêve plus. Le monde s'enterre sous la peur, l'insécurité ? La course perpétuelle au plaisir immédiat peut-elle être la source de cet assèchement. Peut-on réver sans mimétisme et sans violence, par le seul fait que l'absence de bien génère en nous autre chose que de la concupiscence mais un simple rêve. Rêve non d'avoir mais d'être, d'aimer, de vivre dans le respect de nos différences, mais en voyant en chaque homme un autre qui est...
Pour sortir de cette spirale incessante de l'avoir, n'est-ce pas dans l'apprentissage de la frustration, de la solitude et de la chasteté que l'on peut faire renaître la source d'un ailleurs, la source d'un être en devenir qui sort de ses esclavages intérieurs pour s'ouvrir au dialogue, à la présence intérieure où dans l'autre.
Un autre monde.

Désespoir

Pour Kierkegaard, le désespoir serait refuser d'être soi-même, ou vouloir être lui-même. Comment comprendre cette affirmation. Pour que l'homme puisse "se reconnaître comme le lieu d'une synthèse qu'il ne peut réaliser seul, comme un balancier dont le mouvement ne trouve sa stabilité qu'en Dieu dans la révélation" (1) il lui faut percevoir à quel point il est le battant d'une cloche qui ne cesse d'être malmené par le subjectif et ses émotions multiples d'une part et l'objectif avec son lot de contrainte, sa non liberté. Toute manière par laquelle le soi veut renier son enracinement en Dieu et reposer par lui-même est une tentative pour renforcer sa liberté et mettre la main sur sa puissance. On est là au centre du drame, où le choc des puissances fait face à la mort. Si l'on fait apparaître Dieu comme toute puissance, alors le soi croit trouver une excuse, et même puisqu'il est "image de Dieu" un encouragement à se poser comme puissance en face de Dieu. Pour sortir de ce combat, il faut atteindre un second degré de réflexion, celui qui s'ouvre à la révélation, à la générosité aimante de Dieu et nous permet de dépasser une vision de notre liberté comme puissance pour accéder à la vraie notion de liberté qui elle est don de soi.
N'est-ce pas de fait une métanoia, une conversion totale du coeur qui est en jeu, à travers une mort à l'ancien monde et une renaissance à une vie nouvelle. "Si le grain ne meurt pas, lui-même, seul il reste, si part contre il meurt, beaucoup de fruit il porte..." (Jean 12, 24, traduction littérale du grec)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.129ss

16 juin 2006

Soi-même vers un autre

Plagiat de la remarquable analyse de Paul Ricoeur, "Soi-même comme un autre" ? Il me semble que le vers exprime plus ce décentrement qui est au coeur de la recherche de ce blog. Chemins de lecture ne veut pas thématiser une science, s'enorgueillir d'un savoir. Ce qui compte est dans l'incessante interpellation d'un texte qui réveille notre conscience, limite nos recherches de liberté solitaire.
Comme l'indique Balthasar, le rapport de soi à soi-même est, en raison de ce caractère spirituel une liberté "Le Soi est libre"(*) Cependant, le soi reconnaît dans sa conscience libre, qu'il ne pose pas lui-même la totalité du rapport à soi ; un autre le détermine, en qui seul il peut acquérir "équilibre et repos". C'est un soi infini, c'est-à-dire Dieu

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.128
(*) Kierkegaard La maladie mortelle, ou le concept du désespoir 1849 p. 25