08 février 2007

Liberté

La liberté divine peut elle purement et simplement "subjuguer" la liberté créée ? Si comme les Pères de l'Église avaient coutume de le souligner avec Irénée, elle procède par persuasion, non par violence, est elle alors sur de parvenir à ses fins ? Ne faudrait-il pas précisément compter avec la possibilité d'un refus définitif de la part de l'homme, et donc aussi de la réprobation définitive qui en résulterait ? (1)

On est pour moi au cœur du mystère, celui qui conduit à s'interroger sur les conditions mêmes de cette liberté. Sommes nous véritablement aptes à faire un choix libre ? Le faisons nous véritablement ? Et quid de ceux pour qui ce choix est plus difficile parce qu'ils n'ont pas reçu ce que nous avons reçu, ceux que la vie a marqué de mille façon et qui n'ont plus de raison d'espérer. Peut-on alors les condamner à la réprobation alors qu'ils ne sont pas responsables ?

D'une certaine manière, je crois qu'il faut se placer dans la position du fils ainé dans le texte du fils prodigue ? Prendre conscience que l'on a reçu beaucoup du Père et que ce qui est à lui est à nous et, fort de tout cela, devenir aidant pour ceux qui n'ont pas reçu, sans violer leur liberté, mais parce que Dieu a besoin de nos mains, de nos voix pour les aider sur le chemin… La miséricorde de Dieu passe par nos mains, mais pas uniquement ? Nous sommes des serviteurs quelconques et Dieu profitera de nos efforts et compensera nos incompétences…

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 45


NB : Parallèlement à notre lecture d'Une nouvelle chance pour l'Evangile, nous poursuivrons nos commentaires de la Dramatique Divine avec ici le dernier tome de cette partie de la trilogie...

07 février 2007

Dogme et écoute mutuelle

"Il ne s'agit plus de partir d'une Eglise définie par un dogme, une tradition et une hiérarchie dont la mission est de définir les contours d'un système d'emprise (…) mais de la retrouver à l'écoute qu'elle accorde à ceux qui disent leur foi." (1)

Ces propos sont peut être un peu durs, mais ils interpellent le cœur de notre situation pastorale. A quoi sert de prêcher le dogme si nous ne vivons pas les valeurs évangéliques, pourrait-on dire. Mais à l'inverse, peut-on encore vivre ces mêmes valeurs, sans se retrouver structurer dans un cadre, une structure qui limite le "vagabondage" de la pensée et la recentre sur l'Evangile. Cela rejoint pour moi les propos entendus lors d'une homélie de Mgr Perrier en 2000 où il distinguait le problème de la rigueur personnelle de l'ouverture pastorale. Pour être aimant vers l'autre, il faut se contenir soi-même. Mais cette rigueur n'est pas une obéissance aveugle, elle doit résulter d'un travail sur soi, un travail de liberté.

Jean Marie Donegani, Une nouvelle chance pour l'Evangile, ibid p. 44

Le dire et le dit...


Selon Dei Verbum : "Les Saintes Écritures contiennent la Parole de Dieu et parce qu'elles sont inspirées, elles sont réellement parole de Dieu. n°24
L'Écriture Sainte est parole de Dieu en tant qu'elle est consignée par écrit sous l'impulsion de l'Esprit divin. Elle n'est pas directement parole de Dieu mais ne l'est qu'en conjonction avec l'Esprit Saint nous dit Enzo Bianchi. (1). Cela rejoint pour moi la différence entre la notion du Dire et du dit chez Lévinas. Le Dire est plus large nous dit-il que tout ce que le dit peut exprimer.

E. Bianchi, ibid p. 39

Le même héritage

Ce mystère, c'est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l'annonce de l'Évangile.
Eph 3, 5

La force de l'Evangile

Doit-on préparer l'avenir ou prolonger le passé ? Comment engendrer de nouvelles personnes à l'Evangile ? Après un constat difficile sur la réalité paroissiale française les auteurs s'interrogent. Et si nous entrions dans un autre dynamisme qui ne serait plus fondé sur le seul sacrement mais sur des "cellules ecclésiales de partage d'Evangile (…) pilier et pôle structurants" (1) plus que les pratiques sacramentelles d'antan ?

On peut trouver que ces propos relèvent de l'utopie. J'ai tendance à considérer qu'il y a là cependant une direction pastorale intéressante, qui ne doit pas pour autant remettre en cause le sens même de l'eucharistie, mais ouvrir en parallèle des lieux de rencontre, d'intelligence de la foi qui permettent de faire grandir l'homme…

La pratique de la parole de Dieu aurait ainsi une autre résonance. A partir de la rencontre entre Dieu et l'homme au sein d'une alliance (2), son interprétation par l'exercice de la mémoire puis de l'écriture trouverait une autre dimension dans la lecture (3), chemin d'interpellation finale de la transmission kénotique de Dieu à l'homme : La Parole de Dieu n'est pas une parole directe, elle se fait chair pour être entendue par le cœur de l'homme.

(1) d'après Odile Ribadeau Dumas et Philippe Bacq, Une nouvelle chance pour l'Evangile, ibid p. 91-92

(2) ibid p. 93

(3) cf à ce sujet, P. Ricoeur, Mémoire, Histoire, Oubli, in la Revue Esprit, Mars Avril 2006 p. 20-29

NB : Nous commençons ici la lecture commentée d'Une nouvelle chance pour l'Evangile, vers une pastorale d'engendrement, sous la direction de Philippe Bacq, sj et Christoph Theobald, sj, Lumen Vitae, Novalis, Editions de l'Atelier, Bruxelles 2004

06 février 2007

Marie

Pour Balthasar, la mort commune de Jésus et de Marie (mort physique pour l'un et mort spirituelle pour l'autre) s'est faite "séparés l'un de l'autre mais c'est justement par là aussi que s'accomplit le mystère de la fécondité suprême de l'amour entre l'homme et la Femme, la prend naissance l'eucharistie et se développe le sein ecclésial qui la reçoit". En un sens, à la suite de Marie, nous ne pourrons vivre et souffrir ce qu'a vécu le Christ, mais notre communion est eucharistie...

Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action, Culture et Vérité, trad. Robert Givord et Camille Dumont, Namur 1990, p. 466

Ecriture et Charité

A quoi nous sert cette lecture si elle n'est tremplin vers l'amour. Nous pourrions nous abîmer les yeux dans l'interprétation, nous fatiguer les neurones dans les traductions et l'exégèse, s'il nous manque l'amour, "nous ne sommes que des tymbales qui résonnent" (1 Cor 13). Pour Augustin d'Hippone, l'interprétation de l'Écriture doit aboutir à une grande charité.

Saint Jérome rajoute : "Les Écritures sont utiles à ceux qui les lisent que lorsque l'on met en pratique ce que l'on lit" (1). Pour Bianchi, on ne comprend l'Ecriture qu'à mesure qu'on la vit, distinguant à ce sujet l'Inter-legere (entre les lignes) et l'Intus-legere (en profondeur), pour "aller au-delà du verset" (Lévinas) (2).

(1) Saint Jérome, In Mich, I, 2

(2) cité par Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 27

Obéissance - II

On ne peut comprendre l'expiation que si l'on comprend l'importance de la déréliction au centre même du mystère trinitaire. Pour Balthasar, il faut comprendre "le caractère imposé de ce que Jésus au jardin des Oliviers appréhende comme au delà du supportable mais qu'il assume dans une obéissance aveugle remonte en fin de compte à une décision trinitaire du salut : ainsi le Fils, à ce moment obéissant, y a participé et y participe encore activement autant que le Père et l'Esprit. En un certain sens, il y participe même de la manière la plus active car dans le dessein trinitaire, il a fallu une offre de soi, un réelle initiative parte de lui. Ce qu'il supporte finalement par expiation comme le plus éloigné de sa nature est, sous cet aspect, ou bien le plus propre et qu'il a prémédité pour lui-même"


(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 465

05 février 2007

Lecture spirituelle

La lecture spirituelle n'est pas une méthode (…). Elle affirme l'insuffisance des méthodes et relativise la méthode quand celle-ci faisant de l'Ecriture sa propre justification, fait d'elle-même un absolu en s'érigeant en idole". (1) D'une certaine manière, Enzo Bianchi nous invite ici à une intelligence globale, dont nous ne sommes pas les maîtres. Pour lui, c'est l'Esprit seul qui est l'herméneute, l'interprète de la Parole, nous n'en percevons que des bribes et n'en possédons pas toutes les clés. Et c'est pourquoi, seule une relecture communautaire est "souffle", en vertu même des paroles du Christ. "Quand deux ou trois sont réunis en mon nom…". Seule la lecture communautaire donne à l'Écriture une vue "large et ouverte, des horizons larges et dégagés" (2)

Pour Bianchi "L'Esprit est exégète de la Parole et du silence du Christ (…) il conduit à la plénitude de la Vérité" (3). Il va même jusqu'à affirmer que sans le témoignage des Ecritures, l'événement pascal serait muet, il ne serait que la constatation d'un tombeau vide. (4)


(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 19
(2) ibid. p. 27, (3) p. 20, (4) p. 23

Obéissance

Pour Hans Urs von Balthasar, la mort des Justes (Camus) est orgueil parce qu'elle est choisie à la différence de celle de Jésus, qui n'est pas de l'orgueil "puisqu'il en abandonne l'heure au Père". Ce n'est pas lui qui prend l'initiative de se charger du poids des péchés; il s'en laisse imposer le fardeau dans l'heure et par l'heure. Il ne pourra donc déployer aucun héroïsme, en se montrant capable de prendre la charge : celle ci est pour lui tout simplement insupportable et il ne peut l'accepter que parce qu'il vit dans l'obéissance à la volonté du Père. C'est l'obéissance qui donne le poids à tout et la différencie de l'orgueil.


(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 458-459

04 février 2007

Le cadeau de la Liberté - II

Comment enraciner, chez celui qui ne connaît pas et ne cherche qu'une liberté de pure autonomie (qu'elle soit individuelle ou sociale), une liberté tout autre, donnée par Dieu et tournée vers lui. "Ce n'est pas impossible dit Hans Urs von Balthasar, puisque le Christ rejeté par le monde a envoyé les apôtres parmi les loups (Mt 10,16) " (1) . Pour lui, telle est la possibilité de la grâce donnée par le Christ malgré la fermeture du monde à toute grâce.

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 443


03 février 2007

Non-dits

E. Bianchi nous pointe du doigt tout ces non-dits de l'Ecriture en affirmant que la "Vérité est mystère". (1)

Je ne peux que faire ici écho de nos lectures parallèles de Balthasar qui souligne après Soloviev combien la kénose est aussi partie intégrante de l'Ecriture, signes et traces du Verbe. Cela ne fait que rebondir avec l'interprétation d'Origène citée plus haut sur les multiples clés de la "Maison-Bible"…

Pour Bianchi, l'Esprit est l'herméneutique du non-dit, envoyé pour éclairé le mystère. C'est pourquoi, affirme-t-il, "nous ne sommes pas la religion du livre mais la religion de l'interprétation" (2). Cela renforce, pour moi, l'importance des réflexions sur l'importance d'une intelligence de la foi, tout en restant, en parallèle, une révélation de notre liberté. Car, de fait, qui dit kénose dit liberté.

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 14

(2) ibid. p. 18

Semblable au péché

Pour Hans Urs von Balthasar, le Logos lui-même a revêtu "une chair semblable à celle du péché " (Rm 8,3), c'est à dire la chair de l'adam déchu, afin que le "monde soit condamné dans la chair". Il en résulte de là que le chrétien, "dépassant la liberté d'Adam est libéré des liens d'une liberté restreinte à ses propres limites ; il reçoit par le Fils la liberté des enfants de Dieu. Mais cela avec le paradoxe qu'en tant que créature nouvelle, il doit continuer à vivre dans les contraintes de l'ancienne créature jusqu'à ce que l'espérance soit transformée en la vision de la chose elle-même". Notre chemin s'inscrit dans cette liberté là. Il nous faut faire fi de ces esclavages de l'homme ancien pour revêtir des vétements neufs, malgré tout ce qui nous tire dans l'ancien monde... Est-ce là le Décentrement véritable... ?


(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 443

02 février 2007

Dieu et le monde - III

Pour Balthasar, "Jésus possède cette liberté (...) pour poser en lui les signes du Royaume qui le transcende". D'une certaine manière, sa remise totale à la vérité du Père est une liberté qui lui permet " de prendre en charge tous les cotés négatifs du rejet dont Jésus fut victime au calvaire, elle lui permet justement de prendre sur lui, librement, par obéissance, ce refus et cette fermeture du monde si étroitement liée à la mort, pour qu'à son terme le vieil Adam fasse retour à son vrai commencement dans le nouveau. Tel est le mystère du "Pour nous", celui qu'actualise l'eucharistie".

On s'éloigne ici définitivement d'une vision d'obéissance comme contrainte, pour rentrer dans la compréhension du plan de Dieu sur l'homme...

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 442

01 février 2007

Des clés de lecture...

Dans le 1er traité d'herméneutique biblique de l'Antiquité, le livre IV des Principes (Peri Archon) d'Origène nous dit que : "L'ensemble de l'Ecriture divinement inspirée (…) ressemble pour lui à un grand nombre de pièces fermées à clé dans une maison unique. Auprès de chaque pièce est posée une clé, mais pas celle qui lui correspond". (1) A nous donc de trouver pour chaque pièce la clé dans l'Ecriture qui va nous permettre d'ouvrir le livre, d'en briser le sceau (Ap 5,5).

(1) cité par Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 11