27 juin 2014

Bonhoeffer - IV - parler pour Dieu


"Je dois parler et pourtant pas moi, mais Dieu"*
A défaut il faut se taire, a-t-il précisé plus tôt en substance.

Cela dit, quelle parole parle véritablement ? Si Dieu n'est qu'amour comme l'affirme Varillon, la seule parole qui n'est pas une logorrhée humaine ‎serait celle qui transpire l'amour. Et c'est peut-être cela le plus difficile. Car les mots n'ont de sens qu'en accord permanent avec nos actes, ce qui, in fine, n'est l'apanage que du Christ seul.

Quant à nous, nous devons avouer comme le dit Paul, que "nous ne faisons pas ce que nous voulons et faisons ce que nous ne voulons pas".


La cohérence entre paroles et actes, poursuit à sa manière Bonhoeffer est peut-être dans le sacrement. Le sacrement est Parole de Dieu. "En tant Qu'il est Jésus Christ le sacrement est essentiellement Parole"*

On peut retourner la phrase, c'est d'ailleurs une autre façon de dire ce que nous disions plus haut. Où cela nous conduit-il ? Peut-être dans ce que nous écrivions il y a quelques temps sur le "devenir sacramentel". Nous ne pouvons être en pleine cohérence avec nos mots, mais à chaque fois que nous approchons de cette ressemblance, nous nous approchons de ce devenir. Le Christ étant seul le sacrement véritable.


* Dietrich Bonhoeffer, op. Cit. p. 53
* ibid. p. 58

25 juin 2014

Bonhoeffer - III - La clarté de l'Écriture

"En son essence, la Parole s'interprète elle-même. Dans cette clarté et cette signification identique pour tous est fondée sa validité universelle."‎ (op. cit p. 48).

C'est ce qui supporte pour moi ces "banquets de la Parole" collectifs (cf. série de posts précédents) où nous découvrons à plusieurs cette éternelle présence de Dieu qui ne cesse de crier son "Où es-tu ?" à l'homme.

La question que Dieu nous pose dès Gn 3 est cet "où es-tu ?" qui fait face au "Moi je suis [là] présent" de Dieu dans nos vies, y compris et peut-être surtout par cette Parole qui se rend vivante dans nos partages en communauté. La tension entre l'"Où es-tu ?" et le "Je suis" se prolonge jusque dans des détails qui ne sont pas anodins :
- "si vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait." (Mat 25)
- "Je suis" qui fait face au "Je ne suis pas de Pierre... (Jn 18)
Tout cela rebondit en nous... Et c'est dans sa présence dans l'aujourd’hui que la question résonne, écho toujours silencieux de Dieu qui nous appelle.



24 juin 2014

Bonhoeffer - II - Incognito christologique

D. Bonhoeffer reprend page 39* la question de l'incognito développé par Kierkegaard à la suite de Luther. ‎Pour moi, ce thème n'est pas loin de ce que je développe dans mon livre "Dieu de Faiblesse", une apologie de la discrétion de Dieu, qui n'est autre que la condition même de notre liberté. Si l'autorité de Jésus ne fait pas de doute, elle ne s'exprime que dans l'axe du lavement des pieds et de la Croix, c'est à dire dans l'effacement kénotique d'un discours qui s'éteint dans un silence amoureux.
Alors sur le bois ne demeure que le Dieu inconnu que vénéraient les Grecs, l'incognito de ce Fils qui par sa mort révèle l'au delà de tout discours.
‎Mais le risque demeure d'en rester au concept, de le laisser dans l'incognito et dans le passé en ignorant qu'il est ressuscité et de ce fait à la fois loin et présent. Loin parce qu'irréductible à une pensée et présent par cette révélation infinie de l'amour.
Il nous faut alors plutôt entendre ce que nous dit E. Stein : "Qu'elles sont merveilleuses tes merveilles d'amour ! Et notre admiration nous conduit au silence car viennent à défaillir nos esprits et nos mots." **

* op. cit. post précédent
** Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, Poésie « Je demeure parmi vous », 1938 (trad. Source cachée, Cerf 1999, p. 329s).

23 juin 2014

Bonhoeffer - I - La question décisive

‎Ce qui est décisif, nous dit Bonhoeffer c'est finalement de savoir "qui Il est". Est-il un être idéalisé  ou le Fils et Dieu ? Si c'est le cas, alors il peut guérir ma blessure (mon péché) et me pardonner.* 
Je rejoins cette façon de dire les choses. Finalement dans nos crises de foi, il nous arrive de penser que tout cela n'est que du vent, surtout quand la souffrance nous envahit et nous conduit à nier Son existence. Il ne nous reste qu'un fil ténu, celui qui nous fait revivre ces temps inscrits dans notre chair, où le pardon nous a fait découvrir son infinie tendresse et sa miséricorde.

* Qui est et qui était Jésus Christ ? Cours de christologie à Berlin - 1933, labor et fides, 2013 P.39

22 juin 2014

Dietrich Bonhoeffer - Initiation de lecture

‎Nous commençons une lecture méditative de Bonhoeffer.

La question centrale, dit-il dans son premier cours de Christologie, n'est pas le "comment" mais le "qui".

"Qui est-Il ?" 

C'est le nœud du problème. Car soit nous définissons l'autre et ce faisant nous le tuons par notre raison soit nous le laissons être au prix de la mort de notre raison (c'est à dire en faisant enfin silence).

Cela rejoins ce que je définis comme "la descente de tour", ce renoncement à la toute puissance de celui qui croit être.

Là où Bonhoeffer va plus loin c'est dans peut-être dans cette courte phrase :

"Il faut que l'homme se révèle de sa propre initiative. Je ne peux accéder à une personne sauf si l'autre se révèle à moi-même. Dans l'Église (...) cela se produit en réalité dans l’événement du pardon des péchés où l'un, face à l'autre confesse être pécheur et se fait pardonner le péché par l'autre."*

*Qui est et qui était Jésus Christ ? Cours de christologie à Berlin - 1933, Labor et Fides, 2013, p. 38

18 juin 2014

L'esprit descend vers nous.

L'esprit descend vers nous. Peut-on dire qu'il ya, là aussi, kénose ?

L'attitude que cette descente génère en nous est très différente de cette vénération du Sinaï où il fallait "vénérer Dieu" dans sa hauteur, comme nous le rappelle saint Augustin dans la Lettre et l'Esprit, § 27*.

Pourquoi cette différence ? 

C'est peut-être comme l'exprimait très bien ce matin à la messe, notre vicaire,
parce qu'il doit s'agir non d'un bouleversement de notre attitude, mais d'une con-version (son geste d'une main qui se retourne disait bien le mouvement à accomplir). Je compléterai en parlant d'un changement d'axe, qui n'est plus axé sur la crainte, mais bien l'amitié, la communion.

Grâce à l'Esprit, nous sommes appelés à vivre "en christo" (en Christ) comme insiste bien à ce sujet H. UvB, dans l'un des tomes de sa Trilogie.

On pourrait compléter avec cette belle phrase du discours final : "Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai appris de mon Père." (Jn 15,15). Or l'ami ne craint plus de voir l'époux. Il l'attend et se réjouit de sa présence.

* Source Evangelizio
Crédit Image : C. Heriard, DR, Eglise de Saint-Lubin de Cravant

07 juin 2014

Magda la douce, le chant du large, tome 2.2

Pour les amateurs de la barque de Solwenn, le tome 5 vient de paraître sous Kindle, sous le titre Magda-la-douce.
Ce récit qui nous place au coeur d'une famille de pêcheurs à l'aube du XXème siècle est aussi une manière d'aborder la souffrance et la mort, l'inégalité et ses solutions fragiles.

La série s'articule maintenant comme suit :
- La barque de Solwenn, tome 1
- Maria la rousse, tome 2
- La souffrance d'Elena, tome 3
- La Marie-Jeanne, tome 4
- Magda la douce, tome 5

Deux recueils papiers sont disponibles sur Amazon :
- La barque de Solwenn, intégral - Le chant du large, volume 1
- Le sourire de Nolwenn - Le chant du large, volume 2


06 juin 2014

Saint Philippe -V, Heureux les artisans de paix - La guerre juste ? Doctrine sociale de l'Eglise


Je vous confie le CR d'une réunion à Saint-Philippe :

Lecture-prière :
« La foule l'interrogeait, disant: Que devons-nous donc faire?
Il leur répondit: Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n'en a point, et que celui qui a de quoi manger agisse de même.
Il vint aussi des publicains pour être baptisés, et ils lui dirent: Maître, que devons-nous faire?
Il leur répondit: N'exigez rien au delà de ce qui vous a été ordonnéDes soldats aussi lui demandèrent: Et nous, que devons-nous faire? Il leur répondit: Ne commettez ni extorsion ni fraude envers personne, et contentez-vous de votre solde.» Luc 3, 11-14

Après une lecture de Luc 3, un participant interroge le groupe sur la méthodologie. Doit-on privilégier raisonnement ou témoignage ?
Réponse unanime des autres participants : Il serait bon de conserver les deux, pour ne pas rester dans les « grandes idées » et tenir compte de nos diversités et des apports de notre vie.

La lecture du chapitre 8 de notre livret ne portait pas uniquement sur le droit de faire la guerre mais était double. Outre la question de la juste guerre, on peut aussi parler de la violence y compris dans notre environnement et de notre capacité d'y répondre.

Un participant souligne que la réponse du Christ à la violence est le lavements des pieds de Judas et la mort sur la Croix. Un chemin qui fait signe pour discerner notre manière de répondre à l'agression ?

Mais, dit un autre participant, le Christ n'a pas été tendre avec les changeurs et les vendeurs de colombes du Temple.

Marc 11 : « Ils arrivèrent à Jérusalem, et Jésus entra dans le temple. Il se mit à chasser ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple; il renversa les tables des changeurs, et les sièges des vendeurs de pigeons ; et il ne laissait personne transporter aucun objet à travers le temple.
Et il enseignait et disait: N'est-il pas écrit: Ma maison sera appelée une maison de prière pour toutes les nations? Mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs. »

Etait-ce une sainte colère ? D'autres précisent que le Christ a renversé les tables mais n'a pas ouvert les cages. S'il est en colère, c'est parce que l'on a fait du Temple un lieu de marchandages.

A propos de la guerre juste que dit le Catéchisme ?

Extrait cité :
2307 Le cinquième commandement interdit la destruction volontaire de la vie humaine. A cause des maux et des injustices qu’entraîne toute guerre, l’Église presse instamment chacun de prier et d’agir pour que la Bonté divine nous libère de l’antique servitude de la guerre (cf. GS 81, § 4).
2308 Chacun des citoyens et des gouvernants est tenu d’œuvrer pour éviter les guerres.
Aussi longtemps cependant " que le risque de guerre subsistera, qu’il n’y aura pas d’autorité internationale compétente et disposant de forces suffisantes, on ne saurait dénier aux gouvernements, une fois épuisées toutes les possibilités de règlement pacifiques, le droit de légitime défense " (GS 79, § 4).
2309 Il faut considérer avec rigueur les strictes conditions d’une légitime défense par la force militaire. La gravité d’une telle décision la soumet à des conditions rigoureuses de légitimité morale. Il faut à la fois :
Que le dommage infligé par l’agresseur à la nation ou à la communauté des nations soit durable, grave et certain.
Que tous les autres moyens d’y mettre fin se soient révélés impraticables ou inefficaces.
Que soient réunies les conditions sérieuses de succès.
Que l’emploi des armes n’entraîne pas des maux et des désordres plus graves que le mal à éliminer. La puissance des moyens modernes de destruction pèse très lourdement dans l’appréciation de cette condition.
Ce sont les éléments traditionnels énumérés dans la doctrine dite de la " guerre juste ".
L’appréciation de ces conditions de légitimité morale appartient au jugement prudentiel de ceux qui ont la charge du bien commun. (...)

Il faut donc des moyens adéquats qui savent s'arrêter !
Questions posées : Quel but, comment on s'arrête ?
Tout est centré sur les éléments déjà évoqués de bien commun (cf. post précédent)

Un discernement est à opérer dans ces choix, en particulier sur les éléments qui conduisent en nous à la violence.

Le chemin évangélique est plutôt celui de l'humilité et de la fragilité.
On revient sur les thèmes déjà évoqués de « Tentation de pouvoir » à opposer à « un Dieu de faiblesse » dont le message central reste la croix.

Tendre la joue gauche ?
Cela est, de fait, différent de retendre la joue droite (ce qui serait du masochisme) mais regarder, comme le dit Lévinas, le visage de l'autre, l'interpeller, sans juger la personne, peut-être en l'interpellant sur les actes.

Doit-on lutter contre l'immoralité ?
Y a-t-il une réponse binaire ? Non, dit F., la réponse est trinitaire, elle est de l'ordre de l'expérience de toute vie qui accueille en son cœur la présence de Dieu comme interlocuteur privilégié.

On évoque aussi la question du dolorisme, du sacrifice, des chrétiens qui étant dans le sacrifice oublie la joie...

Oui, mais un participant souligne que notre « attitude catho » conduit à être mis au banc de la société. On rappelle à ce sujet le discours de Jn 15 :

« Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres. Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui; mais parce que vous n'êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait.
Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite: Le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s'ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Mais ils vous feront toutes ces choses à cause de mon nom, parce qu'ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé. »

Pharisaïsme et extrémismes sont à éviter...
Le terrorisme est une notion vague souligne quelqu'un. Certes, et pourtant toute forme d'extrémisme est violence...

A propos du Génocide voir aussi ce que dit la DSE au n°506 :

« Les tentatives d'élimination des groupes entiers, nationaux, ethniques, religieux ou linguistiques, sont des délits contre Dieu et contre l'humanité elle-même et les responsables de ces crimes doivent être appelés à en répondre face à la justice. Le XXème siècle a été tragiquement marqué par différents génocides: du génocide arménien à celui des Ukrainiens, du génocide des Cambodgiens à ceux perpétrés en Afrique et dans les Balkans. Parmi eux celui du peuple juif, la Shoah, prend un relief particulier: « Les jours de la Shoah ont marqué une vraie nuit dans l'histoire, enregistrant des crimes inouïs contre Dieu et contre l'homme ».

La Communauté internationale dans son ensemble a l'obligation morale d'intervenir en faveur des groupes dont la survie même est menacée ou dont les droits fondamentaux sont massivement violés. Les États, en tant que faisant partie d'une Communauté internationale, ne peuvent pas demeurer indifférents: au contraire, si tous les autres moyens à disposition devaient se révéler inefficaces, il est « légitime, et c'est même un devoir, de recourir à des initiatives concrètes pour désarmer l'agresseur ». Le principe de souveraineté nationale ne peut pas être invoqué comme motif pour empêcher une intervention visant à défendre les victimes. Les mesures adoptées doivent être mises en œuvre dans le plein respect du droit international et du principe fondamental de l'égalité entre les États.

La Communauté internationale s'est également dotée d'une Cour Pénale Internationale pour punir les responsables d'actes particulièrement graves: crimes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et d'agression. Le Magistère n'a pas manqué d'encourager à maintes reprises cette initiative. »

Un participant dénonce l'attitude américaine au Kosowo. D'autres parlent des guerres entre croates et serbes. Un lieu où l'homme se laisse aller à la violence. Là aussi, l'Église a été marquée par l'action en sein du péché des hommes, même si elle demeure en chemin vers la sainteté.

Le royaume est à venir et il est aussi, par des endroits, déjà présent parmi nous.
L'amour est plus fort que la mort. Telle est notre espérance...

V. a le mot de la fin : « Heureux les artisans de paix ».

Prochaine réunion, le 2 juillet, pour préparer l'année prochaine.
Parmi les propositions : Lecture cursive et dynamique d'Evangelii Gaudium », Exhortation apostolique du Pape François, 24 novembre 2013.
Lieu : le premier mercredi de chaque mois à Saint-Philippe du Roule, Paris 8° 12h30 (salle Baltard) 


Pour aller plus loin :

A – Textes de référence

B – Autres apports

21 mai 2014

"L'espérance du cardinal" - III

Que dire sur "L'espérance du cardinal" en quelques mots. J'ai noté quelques citations qui, à elle seule, mériteraient un temps de silence et de contemplation. C'est un peu ce que je vous propose dans cette brève recension :

Le cardinal parle notamment de "ces pharisiens qui ferment les portes du royaume (...) à des gens de bonne volonté en quête de sens ou d'espérance" (p. 69) un propos qui fait réfléchir, à la suite des posts précédents sur la bonne tension à trouver entre morale et pastorale...

Comme pour le premier opus (Confessions du cardinal), on sent une recherche kénotique (qui vise l'humilité), que ce blog n'a cessé de promouvoir. On retrouve cela notamment page 164, quand il parle de "s'abaisser à la même hauteur", conditions nécessaires à toute rencontre.
Pas de surprise, donc de le voir citer une association qui me tient à coeur (L'Arche), mais aussi San'Edigio.
C'est surtout ce qu'il appelle le principe de Poo, du nom de l'attitude que le cardinal et l'auteur ont eu vis à vis d'un malade en fin de vie, qu'ils ont accompagné ensemble. C'est dans ce sens aussi et j'aime l'entendre, qu'il parle de "rendre sa dignité et ouvrir à l'espérance" (p. 182).
Mais le plus bouleversant est peut être cette affirmation qui laisse pantois et intervelle nous tous les "nantis" : "Seuls les pauvres ont une espérance !" (p. 184). Il faut bien sûr lire le texte pour en comprendre toutes les finesses. Cela rejoint en un sens mes propos sur le décentrement, ce renoncement à tout ce qui nous empêche d'atteindre Dieu...

Or conclue-t-il, "c'est l'espérance des gens qui ouvrent les portes de la foi" (p. 263), après avoir cité une phrase de Jean d'Ormesson : "Les athées, assis à la droite d'un Dieu auxquels ils en croient pas...".

Dans notre France, malade d'espérance, ce livre nous conduit à l'essentiel. Pour paraphraser le titre d'un livre d'Urs von Balthasar", c'est un "retour au centre"...

Source :  "L'espérance du cardinal", Olivier Le Gendre

17 mai 2014

"Fragiles témoins d'une foi fragile"

Je reprends l'expression page 295 de "L'espérance du cardinal" (voir post précédent) que je viens de finir. Elle résume ‎bien l'enjeu de cette délicate transmission de la foi que certains appellent, improprement à mon avis, la nouvelle évangélisation. A la fin de la lecture de ce deuxième tome, on ne peut que comprendre que tout ce qui touche à l'église est complexe et fragile. 
Je rentre d'un congrès à Valence sur cette nouvelle évangélisation. Finalement, ce que j'ai mal écrit en 2016 sous le titre de Pastorale du seuil reste d actualité, au point que j'en ai refait une édition chez Amazon a la demande de lecteurs.
A discuter. 

30 avril 2014

L'espérance du cardinal - Olivier Le Gendre - I

Après ma lecture des "confessions d'un cardinal" (cf. post de décembre 2013), me voici explorant avec joie, le deuxième tome : "L'espérance d'un cardinal" d'Olivier Le Gendre. Je continue à apprécier la pertinence de l'analyse de ce texte à deux voix qui me semble bien répondre à ce souci du primat de la tendresse (cf. posts précédents).

Le cardinal évoque la tenue de conciles régionaux, comme moyen d'ajuster les défis pastoraux à une réalité qui n'est pas univoque. Je ne peux que souscrire à cette idée.

Là encore, j'aimerai faire partager à ces deux co-auteurs, mes premiers balbutiements auto-publiés sous le titre "Cette église que je cherche à aimer".

La Marie-Jeanne, Pourquoi j'ai mal - III

Après mes essais romanesques sur le thème de la souffrance (La barque de Solwenn*), en lien avec mon mémoire de licence de théologie, je vous signale la parution d'une suite, intitulée "La Marie-Jeanne", qui continue à creuser cette histoire de pêcheurs à l'aube du XXème siècle.

Version epub disponible sur demande pour les amis.

* La version brochée inclut maintenant ce tome 4

16 avril 2014

Les écueils de l'évangélisation - II - Divorcés remariés

Dans le premier post sur ce sujet, j'évoquais parmi les écueils, la difficile question d'une pastorale des divorcés remariés, mais aussi des homosexuels, deux chemins sur lesquels j'ai déjà commencé des travaux de recherche à travers "Le vieil homme et la perle" (tome 1 à 3) puis tome 4.

J'ai eu la chance de diner la semaine dernière avec trois théologiens dont l'un des plus grands théologiens moralistes actifs et nous avons évoqué ce sujet, cette faille pastorale comme un des enjeux majeurs de notre Eglise. Bien sûr, je ne suis qu'un petit chercheur sur ce chemin. J'aimerai avoir leur science. La mienne n'est qu'une intuition pastorale.

Il y a actuellement deux courants dans l'Eglise qui se croise et une "tension théologique" qui se précise entre les partisans d'une morale autoritaire et ceux qui ont le souci d'une pastorale "de la faiblesse". Ceux qui connaissent mes écrits sur le Dieu de faiblesse (1), savent vers quel côté je penche. On ne peut qu'espérer que les conclusions du synode en cours n'oublieront pas qu'au delà des débats théologiques, il y a une faille qui s'écarte progressivement entre les "biens pensants" et le monde. Certes le sujet est délicat et il convient de travailler les nuances. Mais la contemplation de Jean 8 doit continuer à nous interpeller. Les pharisiens, dans ce récit, sont debout. Jésus, quant à lui, effectue une "danse", celle qui s'abaisse vers la femme, trace des traits qui s'effacent, et en se relevant, relève la femme blessée et l'invite à marcher (2).

A cet égard, je suis touché, par le commentaire d'une lectrice, marquée par son divorce et son remariage : "Le rite du lavement des pieds tel qu'il est raconté par Claude dans son livre "Le vieil homme et la perle" est éblouissant de signification et tire les larmes du corps, ou de l'âme ..." Espérons que ce chemin soit un jour utile à d'autre...

(1) Cf. "A genoux devant l'homme"
(2) voir aussi mon commentaire dans le même ouvrage

10 avril 2014

Banquet de la Parole - III - Le Père est en moi (Jean 14)

Nous avons poursuivi notre lecture de Jean. Mardi, nous avons mis en perspective Jean 14 et la fin du chapitre 6. Une méditation sur les liens intra-trinitaires et la kénose. Deux thèmes chers à l'auteur de ce blog.

Florilège :

14.6
Jésus lui dit: Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi.
14.7
Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Et dès maintenant vous le connaissez, et vous l'avez vu.
14.10
Ne crois-tu pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même; et le Père qui demeure en moi, c'est lui qui fait les oeuvres.
14.11
Croyez-moi, je suis dans le Père, et le Père est en moi; croyez du moins à cause de ces oeuvres.

14.16
Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur, afin qu'il demeure éternellement avec vous,
14.17
l'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point; mais vous, vous le connaissez, car il demeure avec vous, et il sera en vous.
14.18
Je ne vous laisserai pas orphelins, je viendrai à vous.
14.26
Mais le consolateur, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.
14.28
Vous avez entendu que je vous ai dit: Je m'en vais, et je reviens vers vous. Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais au Père; car le Père est plus grand que moi.


6.46
C'est que nul n'a vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu; celui-là a vu le Père.
6.47
En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle.
6.48
Je suis le pain de vie.
6.51
Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai, c'est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde.
6.54
Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle; et je le ressusciterai au dernier jour.
6.55
Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage.
6.56
Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi, et je demeure en lui.
6.57
Comme le Père qui est vivant m'a envoyé, et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra par moi.

27 mars 2014

Saint Philippe - IV- 3ème rencontre : L'attention aux plus pauvres


A - La Fiche

Prière d'ouverture

Parabole de Lazare et du riche (Lc 16, 19-31)

19 « Il y avait un homme riche, vêtu de pourpre et de lin fin, qui faisait chaque jour des festins somptueux. 20 Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare, qui était couvert d’ulcères. 21 Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères.
22 Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra. 23 Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; levant les yeux, il vit Abraham de loin et Lazare tout près de lui. 24 Alors il cria : “Père Abraham, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise. 25 – Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance. 26 Et en plus de tout cela, un grand abîme a été établi entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient passer vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne traverse pas vers nous.”

27 Le riche répliqua : “Eh bien ! père, je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père. 28 En effet, j’ai cinq frères : qu’il leur porte son témoignage, de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de torture !” 29 Abraham lui dit : “Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent ! 30 – Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu’un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront.” 31 Abraham répondit : “S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus.” »

L'option préférentielle pour les pauvres

Les disciples du Christ sont appelés à renouveler toujours mieux en eux-mêmes la conscience de ceci: on ne peut séparer la vérité sur Dieu qui sauve, sur Dieu qui est source de tout don, de la manifestation de son amour préférentiel pour les pauvres et les humbles. Dans toute l'Écriture, l'amour préférentiel de Dieu pour les pauvres est affirmé:

"Certes, le malheureux ne disparaîtra pas de ce pays. Aussi je te donne ce commandement : tu ouvriras tout grand ta main pour ton frère quand il est, dans ton pays, pauvre et malheureux."
(Dt 15, 11)

"Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas ceci :
faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug,
rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ?
N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim,
accueillir chez toi les pauvres sans abri,
couvrir celui que tu verras sans vêtement,
ne pas te dérober à ton semblable ?
Si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires,
et si tu combles les désirs du malheureux,
ta lumière se lèvera dans les ténèbres
et ton obscurité sera lumière de midi."
(Isaïe 58, 6-7.10)

"L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi
parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction.
Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles,
guérir ceux qui ont le cœur brisé,
proclamer aux captifs leur délivrance,
aux prisonniers leur libération."
(Isaïe 61, 1)

"Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides."
(Lc 1, 50-53)

Destination universelle des biens et option préférentielle pour les pauvres
CDSE 182
Le principe de la destination universelle des biens requiert d'accorder une sollicitude particulière aux pauvres, à ceux qui se trouvent dans des situations de marginalité et, en tout cas, aux personnes dont les conditions de vie entravent une croissance appropriée. À ce propos il faut réaffirmer, dans toute sa force, l'option préférentielle pour les pauvres (a) :
« C'est là une option, ou une forme spéciale de priorité dans la pratique de la charité chrétienne dont témoigne toute la tradition de l'Église. Elle concerne la vie de chaque chrétien, en tant qu'il imite la vie du Christ, mais elle s'applique également à nos responsabilités sociales et donc à notre façon de vivre, aux décisions que nous avons à prendre de manière cohérente au sujet de la propriété et de l'usage des biens.
Mais aujourd'hui, étant donné la dimension mondiale qu'a prise la question sociale, cet amour préférentiel, de même que les décisions qu'il nous inspire, ne peut pas ne pas embrasser les multitudes immenses des affamés, des mendiants, des sans-abri, des personnes sans assistance médicale et, par-dessus tout, sans espérance d'un avenir meilleur ». (b)

(a) Jean-Paul II, Discours à la IIIème Conférence Générale de l'Épiscopat latino-américain, Puebla (1979)
(b) Jean-Paul II, Encycl. Sollicitudo rei socialis, 42, qui continue ainsi:
On ne peut pas ne pas prendre acte de l'existence de ces réalités. Les ignorer reviendrait à s'identifier au «riche bon vivant» qui feignait de ne pas connaître Lazare le mendiant qui gisait près de son portail.
Et il ne faudra pas négliger, dans l'engagement pour les pauvres, la forme spéciale de pauvreté qu'est la privation des droits fondamentaux de la personne, en particulier du droit à la liberté religieuse, et, par ailleurs, du droit à l'initiative économique.

CDSE 183
La misère humaine est le signe évident de la condition de faiblesse de l'homme et de son besoin de salut (CEC 2448). Le Christ Sauveur a eu pitié d'elle, lui qui s'est identifié à ceux qu'il appelait les « plus petits de mes frères »:
Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”
Il leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.”
(Mt 25, 40.45)
Jésus dit: "Les pauvres, en effet, vous les aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m'aurez pas toujours." (Jn 12, 8) non pas pour opposer au service des pauvres l'attention qui lui est accordée. Si, d'une part, le réalisme chrétien apprécie les efforts louables faits pour vaincre la pauvreté, de l'autre il met en garde contre les positions idéologiques et contre les messianismes qui alimentent l'illusion d'éliminer totalement de ce monde le problème de la pauvreté. Cela n'adviendra qu'au retour du Christ, quand il sera de nouveau avec nous pour toujours. Entre-temps, les pauvres nous sont confiés et c'est sur cette responsabilité que nous serons jugés à la fin : « Notre Seigneur nous avertit que nous serons séparés de lui si nous omettons de rencontrer les besoins graves des pauvres et des petits qui sont ses frères » (CEC 1034 L'enfer).

CDSE 184
L'amour de l'Église pour les pauvres s'inspire de l'Évangile des béatitudes, de la pauvreté de Jésus et de son attention envers les pauvres. Cet amour concerne la pauvreté matérielle aussi bien que les nombreuses formes de pauvreté culturelle et religieuse (CEC 2444).
… S'inspirant du précepte évangélique « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8), l'Église enseigne à secourir le prochain selon ses divers besoins et accomplit largement dans la communauté humaine d'innombrables œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles: « Parmi ces gestes, l'aumône faite aux pauvres est un des principaux témoignages de la charité fraternelle: elle est aussi une pratique de justice qui plaît à Dieu », même si la pratique de la charité ne se réduit pas à l'aumône, mais implique l'attention à la dimension sociale et politique du problème de la pauvreté. L'enseignement de l'Église revient constamment sur le rapport entre charité et justice: « Quand nous donnons aux pauvres les choses indispensables, nous ne faisons pas pour eux des dons personnels, mais nous leur rendons ce qui est à eux. Plus qu'accomplir un acte de charité, nous accomplissons un devoir de justice » (st Grégoire le Grand). Les Pères conciliaires recommandent fortement d'accomplir ce devoir « de peur que l'on n'offre comme don de la charité ce qui est déjà dû en justice ». L'amour pour les pauvres est certainement « incompatible avec l'amour immodéré des richesses ou leur usage égoïste » (CEC 2445).

La coopération internationale pour le développement : dont la lutte contre la pauvreté
CDSE 449
… La pauvreté pose un dramatique problème de justice: la pauvreté, sous ses différentes formes et conséquences, se caractérise par une croissance inégale et ne reconnaît pas à chaque peuple « le même droit à “s'asseoir à la table du festin” ». Cette pauvreté rend impossible la réalisation de l'humanisme plénier que l'Église souhaite et poursuit, afin que les personnes et les peuples puissent « être plus » et vivre dans « des conditions plus humaines ». La lutte contre la pauvreté trouve une forte motivation dans l'option - ou amour préférentiel - de l'Église pour les pauvres … Le principe de la solidarité, notamment dans la lutte contre la pauvreté, doit toujours être opportunément associé à celui de la subsidiarité, grâce auquel il est possible de stimuler l'esprit d'initiative, base fondamentale de tout développement socio-économique, dans les pays pauvres eux-mêmes: il faut porter attention aux pauvres « non comme à un problème, mais comme à des personnes qui peuvent devenir sujets et protagonistes d'un avenir nouveau et plus humain pour tous ».

Pistes pour les échanges

- Mon regard sur la pauvreté s’inscrit dans ma nature d’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. Ce qui m’inspire, ce n’est pas de la compassion, ou de la commisération, ou une morale culpabilisante plus ou moins bien digérée; c'est le fait que le Seigneur s’est fait extrêmement pauvre pour que je puis ressentir un peu de l’amour qu’Il me porte en étant invité à porter sur celui qui dépend de moi, le même regard d’amour.

- Le pauvre est une personne, c’est quelqu’un. Ce n’est pas « un pauvre », ni « la pauvreté ». C’est une personne dont l’accès aux conditions d’épanouissement, au bien commun, peut dépendre de moi; c’est une personne qui, d’une façon ou d’une autre, est dépendante des actes que, moi, je poserai (ou non).

- Choisir son pauvre c’est échapper à la banalité abstraite des bons sentiments pour donner un nom à celui-là, cette personne-là. C’est prendre conscience que les pauvretés sont multiples. Celui que j'ai choisi n’a que faire de mes discours : il me faut agir parce que j’ai choisi celui-ci ou celle-ci comme pauvre frère ou sœur pauvre, qui existe et qui m’attend. Choisir ce pauvre avec son nom, c’est faire un acte engageant, et c’est se sentir de même nommé et choisi par Dieu.
Un fioretti de St Vincent de Paul : « Comme St Vincent se plaignait de ne pas en faire assez pour les pauvres, il s’entendit dire : « Vincent, je ne te demande pas de t’occuper des pauvres, je te demande de t’occuper des pauvres que je te donne » ».

- Le complexe de la parabole du jeune homme riche: "comme je ne suis pas capable de suivre Jésus en vendant tout et en donnant aux pauvres, je ne serai jamais un « vrai » chrétien." Dans le plan de Dieu, l’immense majorité de chrétiens ne sont pas appelés à tout quitter pour suivre Jésus et pourtant, ils sont appelés à suivre Jésus et devenir des saints. Comment répondre à cet appel de Jésus de devenir des saints sans qu’Il nous demande de tout quitter pour Le suivre ?

B - Compte rendu


P., diacre permanent à SPDR nous présente le texte qu’il a préparé, issu notamment
du Compendium de la Doctrine Sociale de l'Église (C-DSE1) et du Catéchisme de
l'Église Catholique (CEC). Il précise qu’il faudrait ajouter les écrits récents du Pape,
notamment dans Evangelii Gaudium*.
On s’interroge ensuite sur la notion de pauvreté qui n’est pas qu’une pauvreté
matérielle. Une participante évoque les pauvretés psychologiques et psychiques et cite
notamment un ouvrage de Jean Vanier et ce qu’il dit plus généralement sur le fait de
considérer les êtres handicapés comme une personne. On parle aussi du risque de juger
les autres, de ces pauvretés et de ces souffrances que l’on cache « encore dans certaines
familles de ces enfants issus de couples en difficulté qui n’osent pas dire leurs
pauvretés. On évoque ensuite la question fondamentale : « qui est notre prochain ? ». En
quoi et comment pouvons-nous trouver notre prochain, celui dont le visage nous
interpelle comme le dit Lévinas. Patrice évoque ces pauvres que Dieu place « là où nous
sommes, le plus souvent autour de nous » : et qui en premier lieu peuvent être notre
conjoint, notre collègue...
Une réflexion s’ouvre ensuite sur l’attitude à adopter, et sur la dialectique du don et de
la dette. Ce ne peut être de la condescendance (une pièce que l’on donne d’en haut),
mais bien une recherche de l’autre dans sa réalité, comme quelqu’un de qui l’on peut
recevoir. Claude évoque alors le schéma des tours. Du haut de la tour, la rencontre n’est
pas possible. Il faut accepter de descendre, de se mettre sous une tente légère, la tente de
la rencontre (cf. Ex. 33) qui est celle où l’on peut aussi se reconnaître fragile. La
personne et sa pauvreté sont à nouveau placés au centre de la discussion. La rencontre
où l’on se reconnaît soi-même pauvre et fragile, n’est-elle pas le lieu de la rencontre et
de l’attention véritables ?. En cela, l’être handicapé, par son sourire nous apporte la joie
de communier avec nous, et F. souligne combien dans les familles où ils naissent,
ils éduquent souvent le cœur de leurs proches et les ouvrent à une vraie générosité («
heureux les fêlés, car ils laissent passer la lumière » disait non sans humour un slogan
de l’Arche). Elle insiste sur l'importance d'être attentif à manifester au plus pauvre ce
qu'il nous apporte et s'en émerveiller afin d'éviter qu'il ne se sente une dette de
reconnaissance à notre égard.
Loin d’une culpabilité stérile, l’interrogation sur l’option préférentielle des pauvres est
une invitation à discerner comment exercer une véritable charité. Pendant le carême, on
insiste notamment sur l’importance de trois efforts : le jeûne, la prière et la charité.
Claude évoque ce point et souligne que le premier des trois n’est certainement pas le
jeûne ou la prière, mais bien la charité qui ouvre nos cœurs à l’autre, et de fait à la
1- qui rassemble les principales encycliques sur la DSE depuis celle de Léon XIII
sincérité de notre prière et de notre jeûne).
On réévoque la question de tout quitter. Un participant rappelle la rencontre du Christ
avec le jeune homme riche, un passage qui l’interpelle directement : « vends ce que tu
as, et suis-moi ». Comme il est difficile pour tous les « riches » que nous sommes de se
déposséder de leurs biens !. Une voix semble possible, néanmoins, dans la double
tension qui s’inscrit entre la contemplation qu’il n’y a de biens que l’on n’ait reçus du
Père et qu’une distanciation - par rapport à cet avoir peut nous permettre de partager
nos richesses (avoirs matériels comme talents reçus que l’on est appelé à tourner vers
les autres).
Finalement, le Christ n’est-il pas ce mendiant qui frappe à notre porte ? Plusieurs
participants évoquent l’attitude du Christ, qui se fait « mendiant » de nous. Il demande à
boire à la Samaritaine (Jn 4), il invite Zachée à descendre pour « demeurer chez lui ». Il
se fait petit et renonce au rang qui l’égalait à Dieu (et que les Pères de l'Église nomment
la kénose du Christ = se vider, s’humilier, cf. Philippiens 3) pour aller à la rencontre de
l’homme. Sœur Térésa a entendu une parole du Christ qui lui disait :« J’ai soif de toi ! ».
Et elle s’est mise en chemin. Si Dieu a soif de nous, de notre humanité, ce n’est pas
pour nous faire entrer dans la culpabilité, mais bien pour nous conduire plus loin, dans
une fragilité reconnue et contagieuse qui pousse chacun à se faire participant d’une
communion « en Christo » (en Christ).
Note :
* § 199 : « Le pauvre, quand il est aimé, « est estimé d’un grand prix », et ceci
différencie l’authentique option pour les pauvres d’une quelconque idéologie, d’une
quelconque intention d’utiliser les pauvres au service d’intérêts personnels ou
politiques. C’est seulement à partir de cette proximité réelle et cordiale que nous
pouvons les accompagner comme il convient sur leur chemin de libération. C’est
seulement cela qui rendra possible que « dans toutes les communautés chrétiennes, les
pauvres se sentent “chez eux”. Ce style ne serait-il pas la présentation la plus grande et
la plus efficace de la Bonne Nouvelle du Royaume ? » Sans l’option préférentielle pour
les plus pauvres « l’annonce de l’Évangile, qui demeure la première des charités, risque
d’être incomprise ou de se noyer dans un flot de paroles auquel la société actuelle de la
communication nous expose quotidiennement ».
Pape François, Evangelii Gaudium (La joie de l’Évangile)

Notes du 10 avril... : Ce cycle de 5 réunions est maintenant achevé. Si vous désirez avoir la suite des Fiches et des compte-rendus, écrivez à l'auteur de ce blog.