24 octobre 2014

Exégèse médiévale - Henri de Lubac, initiation de lecture

‎Mes vacances théologiques me permettent de replonger dans Lubac et les 4 tomes de son exégèse médiévale publiée chez Desclée de Brouwer à partir de 1993.

Comme à mon habitude, j'en commenterai quelques pépites (1).

Page 62 et suivantes, il nous emmène dans la théologie des premiers siècles ou Écriture et Tradition se mêle dans d'innombrables commentaires de l'Ecriture. Comme je ne fais pas mieux, je ne peux que noter que "la multiplicité des sens offerts par une Écriture, dont le sens ne peut être saisie, (...) [est légitime] "pourvue qu'en fin de compte elle visassent ‎le même objet" (...) [et soit conformes] "aux explications des saints pères" (2). C'est toute la difficulté...
On retrouve ce que l'on demande maintenant sous un triple crible : écriture, tradition et sens des fidèles, même si le dernier doit bien sûr être éclairés des deux autres....

(1) j'ai déjà cité plus haut un court extrait d'Origène
(2) Henri de Lubac, Exégèse médiévale, Desclée de Brouwer, 1993, op. Cit p. 63-64

23 octobre 2014

Christ serviteur - V - Phillipiens 2, 7

La lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens (4,7-16) complète elle aussi, cette notion de Christ serviteur, chemin pour l'homme. Écoutons là sous ce prisme : "Christ (...) est monté  (...) Que veut dire : Il est monté ? - Cela veut dire qu'il était d'abord descendu jusqu'en bas sur la terre. Et celui qui était descendu est le même qui est monté au plus haut des cieux pour combler tout l'univers. (...) De cette manière, le peuple saint est organisé pour que les tâches du ministère soient accomplies, et que se construise le corps du Christ. Au terme, nous parviendrons tous ensemble à l'unité dans la foi et la vraie connaissance du Fils de Dieu, à l'état de l'Homme parfait, à la plénitude de la stature du Christ. (...)  par lui, dans l'harmonie et la cohésion, tout le corps poursuit sa croissance, grâce aux connexions internes qui le maintiennent, selon l'activité qui est à la mesure de chaque membre. Ainsi le corps se construit dans l'amour".

Ce chemin de serviteur, c'est celui de la ressemblance. saint Pierre Chrysologue nous en indique la voie : "Réalisons une image parfaite par une ressemblance parfaite avec notre Créateur, non par la gloire, qu'il est seul à posséder, mais par l'innocence, la simplicité, la douceur, la patience, l'humilité, la miséricorde, la concorde, puisque c'est par ces vertus qu'il a daigné venir et demeurer en communion avec nous". (1)


(1) Homélie de saint Pierre Chrysologue sur l'Ancien et le Nouvel Adam

22 octobre 2014

La fleur et la montre - Le Serviteur IV

Une petite contemplation qui le vient de la lecture citée dans le post précédent : " Qu'est-ce qui est le plus complexe : la fleur ou la montre ?" Les geeks répondront probablement la montre, fruit de l'intelligence humaine. 
Mais c'est probablement la mauvaise réponse.  La fleur qui ne dure que ce dure les roses n'est pas reproductible. Si l'on pense aux processus qui la font passer de graine en plante, aux capteurs qui la font tendre et s'ouvrir vers la lumière,  à tout ce qui attire l'abeille qui fécondera ses étamines,  au parfum qu'elle distille, on est là devant une merveille silencieuse du Verbe serviteur de l'homme.  Et le comble, c'est que l'on idolâtrera la montre, fruit du génie de l'homme et passera à côté des dons de Dieu à l'homme.


On peut contempler sur ce sujet le Psaume 8

4A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts,
la lune et les étoiles que tu fixas,
5qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui,
le fils d'un homme, que tu en prennes souci ?

6Tu l'as voulu un peu moindre qu'un dieu,
le couronnant de gloire et d'honneur ;
7tu l'établis sur les oeuvres de tes mains,
tu mets toute chose à ses pieds : "

Ce à quoi j'ai envie d'ajouter à l'aune de la révélation finale : " jusqu'à ton Fils que tu mets aux pieds de l'homme"... (1)

(1) Cf. Nos développements sur Christ serviteur
Cf. aussi Retire tes sandales,  in L'Amphore et le Fleuve

21 octobre 2014

La formule de Dieu - Le serviteur - III

Je viens de terminer la lecture d'un roman portugais (1) qui a visiblement connu un succès certain en partant sur une thèse assez fréquemment utilisée depuis les découvertes modernes de la science. Pour l'auteur,  la contemplation de l'univers est compatible avec le récit de Genèse 1, preuve scientifique à l'appui.  Si l'on se laisse séduire par son argumentation,  le chrétien butera probablement sur son affirmation que le Dieu que la science révèle n'est pas le Dieu de la Bible.  

Il doit sourire un peu jaune là haut. Car cette description anthropique de la création qui montre que le monde, depuis des milliards d'années prepare les conditions de l'apparition de l'intelligence humaine, est-elle autre chose que la description de la kénose et de la diaconie de Dieu. 

Si l'équilibre fragile qui regit l'univers a permis les merveilles qui nous entourent,  ce n'est probablement pas le fruit d'un heureux hasard.  C'est l'indication discrète et respecteuse d'un amour qui aime en se mettant à genoux devant l'homme et lui pose la question de Gn 3 dans le jardin : où es-tu ?

Dieu n'attend qu'une réponse : Me voici. 


(1) La formule de Dieu, José Rodrigues dos Santos, Pocket

20 octobre 2014

Christ serviteur - II

"Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour.
S'il revient vers minuit ou plus tard encore et qu'il les trouve ainsi, heureux sont-ils ! "

On retrouve ce paradoxe révolutionnaire du Christ serviteur.  Quel est le contexte ? Il est parti en voyage de Noces. Les serviteurs pourraient de leur côté faire la fête, mais certains veillent, signe d'un attachement particulier.  Selon la justice humaine,  ils mériteraient un petite récompense.  La logique du Christ est ici diaconique. Dans sa kénose poussée jusqu'au bout, c'est le maître qui se met à servir.

Un petit texte de Jean Tauler, nous aide à percevoir que souvent nous passons à côté de ce Christ à genoux : "Ces noces, d'où le Seigneur vient, ont lieu au plus intime de l'âme, dans son fond, là où se trouve la noble image. Quel contact intime l'âme a avec Dieu dans ce fond et Dieu avec elle, et quelle œuvre merveilleuse Dieu fait là ! Quelle jouissance et quelle joie il y trouve ! Cela dépasse tout sentiment et toute intelligence, et pourtant l'homme n'en sait rien et n'en éprouve rien" (1).

Cet amour de Dieu, nous passons trop souvent à côté sans le voir. C'est ce que nous rappelle Augustin : "Je t'ai aimée bien tard, Beauté si ancienne et si nouvelle, je t'ai aimée bien tard ! Mais voilà : tu étais au-dedans de moi quand j'étais au-dehors, et c'est dehors que je te cherchais ; dans ma laideur, je me précipitais sur la grâce de tes créatures. Tu étais avec moi, et je n'étais pas avec toi. Elles me retenaient loin de toi, ces choses qui n'existeraient pas si elles n'existaient en toi. Tu m'as appelé, tu as crié, tu as vaincu ma surdité ; tu as brillé, tu as resplendi, et tu as dissipé mon aveuglement ; tu as répandu ton parfum, je l'ai respiré et je soupire maintenant pour toi ; je t'ai goûtée, et j'ai faim et soif de toi ; tu m'as touché et je me suis enflammé pour obtenir la paix qui est en toi". (2)


(1) Jean Tauler, Sermon 77, pour la fête d'un Confesseur (trad. Cerf 1991, p. 626)
(2) Saint Augustin, Confessions §8

19 octobre 2014

Le serviteur - Initiation de recherche - Rendez à César ce qui est à César

Hier soir, à l'occasion de la première communion de mon filleul, j'ai entendu une homélie bien belle sur le "rendez à César", J'ai apprécié particulièrement cette remarque du prêtre que je traduis de mémoire : "L'Église a toujours souffert de s'allier au pouvoir, parce que la politique a toujours détourné l’Évangile à son profit". Et le prêtre a illustré avec justesse ses propos par le dramatique "Gott mitt uns" du Reich. Mais on pourrait citer d'autres tristes appropriation de la Parole.

Quelle est la dérive ? Si l'on revient sur la triple tentation telle qu'elle se révèle dans les tentations au désert (Avoir, Pouvoir et Valoir), un chemin ecclésial serait à trouver ailleurs. Or, sur le vitrail de l'église de Saint Jacques à Cognac où je me tenais, était inscrit : "Ego sum via, veritas, vita" : "Je suis le chemin, la vérité et la vie". En quoi est-il chemin ? Quel a été son apport ?

Ce matin, je me réveille en méditant cela. On dit souvent que l'eucharistie est le sommet des sacrements, mais a t-on lu jusqu'au bout le message ? Oui si l'on ne lit que les synoptiques. Une lecture symphonique qui englobe Jean apporte un petit détail sur le "faites ceci en mémoire de moi" : le lavement des pieds. J'ai déjà rapporté dans "A genoux devant l'homme", combien ce qui aurait pu être un sacrement n'a pas été retenu comme tel, parce qu'il était au centre du message. Une vision de la kénose (humilité) et de la diaconie qui s'est plus tard effritée par le jeu du pouvoir.

Dans la tradition juive, le maître du repas partageait d'abord à ses invités le plat et attendait que tout le monde soit servi pour manger. C'est probablement comme cela que s'est vécu le dernier repas du Christ avec ses disciples. Jean nous apporte, quant à lui, un autre détail sur le jusqu'au bout du Christ serviteur. La logique d'un Christ serviteur apportée par le quatrième évangéliste, qui va jusqu'au lavement des pieds de Judas, serait de faire de nos eucharisties un signe efficace de cette diaconie du Christ et de son Église. Cela a des implications sur la manière de voir la messe : non pas comme un sacrement exécuté par celui qui détient le pouvoir, mais comme :

  • le lieu où le prêtre se fait serviteur de la communion de son Église (1), 
  • comme un lieu où l'on ôte ses sandales devant l'autre (2), tous les baptisés et ceux qui ne le sont que dans leur coeur (quels que soient leurs états de vie apparents)  parce qu'ils sont aussi signes de l'amour du Christ, semences du Verbe.
  • comme un lieu où chacun est invité à humaniser sa vie (3), entrer dans une danse (4) diaconique (5) pour atteindre cette vérité où se conjugue nos fragilités.
L'Arche a bien compris cela en faisant de ses lavements des pieds un sacrement communautaire, où chacun lave les pieds de son voisin, par groupe de 12. 
Nous oublions trop souvent ce que veut dire "communier". Dans une conférence donnée à Nice, j'avais souligné l'importance de rendre chacun actif (6). Quand nos eucharisties restent passives, nous oublions que nous sommes tous égaux, en tant que baptisés (et donc prêtre, prophète et roi) de la nouvelle alliance, donc de ce "faire mémoire". 
Nous passons trop vite sur le dialogue avec le prêtre qui lui donne le droit, au début de la consécration, d'agir en notre nom à tous...
Au cours de la messe d'hier, j'ai aimé accompagner le petit Timothée dans la quête. Alors que son grand/petit frère, allait communier au pain de vie, il était aussi acteur, par son geste, de la communion qui se jouait, du haut de ses 6 ans...Nos eucharisties, trop souvent figées dans le rite, perd parfois cet élan de communion et d'amour qui devrait nous habiter.


(1) Voir les dérives rapportées par Paul sur les pratiques des premiers chrétiens, où les esclaves arrivant les derniers au repas ne trouvaient que des miettes...
(2) cf. le texte sur le constat à mi-parcours du Synode sur la famille.
(3) Cf. Varillon, Joie de vivre, joie de croire
(4) Cf. La danse trinitaire
(5) cf. mes propos rapportés plus tôt sur la diaconie
(6) cf. Réflexions sur l'engagement


NB : Une lumière matinale que vous me verrez probablement creuser dans ce blog et qui donnera peut-être naissance à un nouveau petit opus (encore un, me direz vous !) que j'appellerai peut-être Le serviteur, kénose et danse diaconique...Il reprendra les premiers éléments déjà intégrés dans la deuxième version de Chemins d'Eglise ou j'ai rajouté à mes propos sur la diaconie, une lecture cursive des premières lettres de Paul) - en téléchargement libre, cf. post précédent.


17 octobre 2014

Synode sur la famille - II - Cardinal Péter Erdő

Quel beau texte que ce travail préparatoire à la conclusion du synode : http://press.vatican.va/content/salastampa/fr/bollettino/pubblico/2014/10/13/0751/03037.html#

On y parle des "semences du Verbe" § 20, de la "kénose miséricordieuse" du Christ § 25 et
"d'otez ses sandales devant l'homme..." § 41

Précisons ma pensée :

§ 20 : "il appartient à l'Église de reconnaître ces semina Verbi répandus hors des frontières visibles et sacramentelles". L'allusion rejoint une thèse de saint Justin, que l'on retrouve plus récemment chez Jacques Dupuis s.j. qu'en des lieux apparemment hors de l'Eglise, le Verbe travaille pourtant et fait rayonner l'amour.

§ 25 : " L’Église doit la réaliser avec la tendresse d’une mère et la clarté d’une maîtresse (cf. Ep 4,15), dans la fidélité à la kénose miséricordieuse du Christ". La kénose est cette humilité de Dieu décrite dans Philippiens 2, 7. Juxtaposer kénose et miséricorde, c'est contempler ce Christ à genoux devant l'homme pécheur qui cherche, comme dans le lavement des pieds de Judas, à convertir le coeur, non par la violence, mais par la miséricorde.

C'est voir aussi le Christ qui s'abaisse par deux fois devant la femme adultère avant de suggérer un va et ne pêche plus. (cf. Jn 8).

C'est probablement ce que précise le texte en § 41 : " cet “art de l’accompagnement”, pour que tous apprennent toujours à ôter leurs sandales devant la terre sacrée de l’autre (cf. Ex 3,5)." L'allusion à Exode 3, 5 nous renvoie à l'attitude de Moïse devant le buisson ardent.

Les lecteurs de ce blog retrouveront des thèmes que je défend dans "Retire tes sandales" (maintenant disponible au sein de "l'amphore et le fleuve") et "A genoux devant l'homme"....

Ces chemins pastoraux rejoignent ce que j'écrivais dans les 4 tomes du Vieil homme et la Perle (cf. post précédent). Pourvu que les choses avancent dans ce sens !

13 octobre 2014

Suivre l'église

Malgré l'apparence ma fidélité à l'Eglise ne prend pas une tâche, même si bien sûr je me plais à souligner ses fragilités et ses avancées.
A ce titre, je ne renie pas cette sentence d'Origène : "Le vrai disciple de Jésus est celui qui entre dans sa maison (...) en pensant suivant l'Eglise, en vivant suivant l'Eglise" (1)

Entretien avec Héraclite (trad. J Scherer, 155), cité par de Jean de Lubac, in Exégèse médiévale, tome 1, Les quatre sens de l'écriture, Paris, DdB, 1993, p. 58

12 octobre 2014

L'apôtre, par Cheyenne Carron, un film dérangeant


Le nouveau film de Cheyenne Carron nous conduit sur le sentier difficile de la tolérance inter-religieuse. Un film à voir.
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Akim, fils d'une famille algérienne et musulmane, appelé à devenir iman, est troublé par l'attitude d'un prêtre qui pardonne à l'assassin de sa soeur.
Il fait un chemin intérieur qui le conduit à se convertir au catholiscime.
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Ce film tourné à petit budget, aux images qui tanguent un peu, est plein d'énergie. Plus que la conversion d'un homme, c'est une ode à la capacité de tout homme à accepter la différence. Car le chemin d'Akim bouleverse aussi sa famille, génère violence, incompréhension, puis mouvements intérieurs.
On aimera aussi les balbutiements de la partie catholique...
Ce film nous interpelle sur notre capacité à accepter la différence. A voir.

Je regrette la présence d'un "corbeau noir" trop porté par des gens que je trouve de leur côté bien peu "tolérants". Mais je comprends les arguments de Cheyenne sur la visibilité...


www.cheyennecarron.com/films.php


09 octobre 2014

Divorcés remariés - Synode sur la famille - "Le Vieil Homme et la Perle", Extrait 1

A l'heure où Rome travaille, j'ose vous dévoiler un extrait de mon livre, "le vieil homme et la perle", l'histoire d'un vieux prêtre qui cherche des chemins de pastorale.

"En s’approchant de la chapelle, il aperçut, une trentaine de personnes, dont plusieurs cadres, travaillant dans le quartier, quelques paroissiens « locaux » et au dernier rang, Sophie et Jean-Marie. Alors il n’hésita plus…
Après le psaume, il s’avança vers l’ambon et lut de sa voix grave :
Évangile selon saint Jean, au chapitre 8 :
« Les Scribes et les Pharisiens lui amenèrent une femme surprise en adultère, et l'ayant fait avancer, ils dirent à Jésus : "Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère." Or Moïse, dans la Loi, nous a ordonné de lapider de telles personnes. Vous, donc, que dites-vous ? C'était pour l'éprouver qu'ils l'interrogeaient ainsi, afin de pouvoir l'accuser. Mais Jésus, s'étant baissé, écrivait sur la terre avec le doigt. Comme ils continuaient à l'interroger, il se releva et leur dit :" Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre." Et s'étant baissé de nouveau, il écrivait sur la terre. Ayant entendu cette parole, et se sentant repris par leur conscience, ils se retirèrent les uns après les autres, les plus âgés d'abord, puis tous les autres, de sorte que Jésus resta seul avec la femme qui était au milieu. Alors Jésus s'étant relevé, et ne voyant plus que la femme, lui dit : "Femme, où sont ceux qui t’accusent ? Est-ce que personne ne t’a condamnée ? Elle répondit : "Personne, Seigneur" ; Jésus lui dit "Je ne te condamne pas non plus. Va, et ne pèche plus." »
Gilbert laissa un long silence s’établir après la lecture, puis, prenant l’ambon à pleine main, il leva les yeux vers l’assemblée et dit :
 "Ils se retirèrent, les uns après les autres, à commencer par les plus vieux". Mes frères, il y a deux façons de lire ce texte. On peut s’arrêter sur le « va, et ne pèche plus » et refaire une fois encore une apologie de la morale. On peut aussi s’interroger, intérieurement sur le sens des gestes et des paroles de Jésus. Si l’on observe bien les mouvements du Christ, il est assis, puis il s’abaisse, par deux fois, se met à la hauteur de la jeune femme, et ce faisant, se rend plus proche d’elle que des « docteurs de la loi », qui eux, restent debout. On sent là comme une présence qui me rappelle le désir d’intimité de Dieu avec l’homme et cet agenouillement que nous célébrerons dans quelques jours, le soir du jeudi saint. Si Jésus s’abaisse peut-on rester, nous aussi, debout ? Dans quelques temps, nous allons, ensemble, célébrer l’eucharistie, invoquer l’Esprit pour qu’Il habite le pain et le vin. Mais je vous le demande,  sommes-nous à la hauteur de ce qui va se jouer sur cette table ? Plus encore, si Jésus s’abaisse devant la femme, peut-on rester debout ? Je vous propose, aujourd’hui, un geste de solidarité particulier. Il y a, parmi vous, dans cette assemblée, des personnes qui, du fait de leur remariage, n’ont pas accès à la sainte eucharistie. Sommes-nous plus dignes qu’eux ? Je ne peux juger dans vos cœurs. Pourtant je vais faire quelque chose que je n’ai jamais encore fait. Peut-être que ce sera un acte limite, au sens du rite catholique, mais je me propose, je vous propose, de ne pas communier, de vous contenter de venir, comme eux, demander la bénédiction de Dieu. Étant l’un des plus âgés, dans cette église, je me sens le devoir de montrer le chemin. Si certains d’entre vous désirent s’unir au Christ, je ne peux le leur refuser. Pourtant, je vous le demande, sommes-nous dignes de porter le Christ, d’être temple de son corps ?
Il s’assit… Laissant résonner dans la petite chapelle, le sens de ce qu’il venait de prononcer… Avait-il tort ? Il n’osait croiser le regard de certains paroissiens. Peut-être que cela serait rapporté au curé, amplifié, déformé. Après tout, il avait parlé avec son cœur.
Quand vint le moment de la communion, il fut surpris de voir Jean-Marie et Sophie s’avancer vers l’autel, jusqu’à ce qu’il aperçoive leurs bras croisés. En signant le front de Sophie, il vit que des larmes baignaient ses joues. Elle avait, pourtant, quand elle lui fit face, un large sourire. Jean-Marie était plus discret. Pourtant, en croisant son regard, il lut une profonde gratitude. Derrière eux, tous les paroissiens se présentèrent à lui. Malgré l’hostie qu’il tenait prête, aucun, ce jour-là, n’osa communier. Au fond de son cœur, il rendit grâce à Dieu…"

Les lecteurs de ce blog y retrouveront la théologie qui sous-tend mes autres ouvrages et notamment cette lecture particulière de Jean, développée dans  "A genoux devant l'homme".

Jésus un juif laïc


Après une étude qui doit en fâcher certains sur les origines du Christ, John P. Meier enchaîne sur la question " Jésus était-il marié ?" et conclut contre Phipps que cette thèse est sans fondement. On a eu chaud. Cela donne une vision très "sitz im Leben" de l'histoire des eunuques pour le royaume de Matthieu. Ce que le laïc que je suis ne peux s'empêcher de souligner c'est que Jésus était le premier laïc de l'église... laïc célibataire certes.
Comme quoi il faut de tout pour faire avancer le royaume.

Il est d'ailleurs intéressant de noter p. 220 que notre habitude de considérer Jésus comme prêtre est un hapax (seule mention du NT) qui nous vient d'un texte tardif, en l'occurrence Hébreux 7, mais que l'auteur de l'épître précise en 8, 4 que s'il était sur terre, il ne serait même pas prêtre. Autant pour ceux qui s'attachent peut-être trop à un ritualisme sous couvert d'imitation christique. On rejoint ici des propos croisés chez Moingt sur cette église non ritualiste des premiers temps.


Dois-je rappeler ici mes conclusions sur la diaconie reprise en bonus dans Chemins d'Eglise.
Le chemin pastoral adéquat n'est peut être pas celui qui passe par l'absolutisme des rites. Mais celui qui met ceux ci éventuellement au service de tous nos chemins d'humanité vers une communion véritable.

Contempler le chemin laïc du Christ montre qu'il n'a jamais passé par une stricte obéissance aux rites au grand dam des Pharisiens. Il a toujours mis la charité au premier plan.

07 octobre 2014

Les deux églises - suite IV

Pour compléter ma petite série sur les 2 églises, je tombe sur un texte de Gaudium et Spes qui va dans le même sens. Peut-on sentir la patte de Congar derrière ?

"elle se compose de membres de la cité terrestre qui sont appelés à former, déjà au sein de l'histoire humaine, la famille des enfants de Dieu, qui doit croître sans cesse jusqu'à la venue du Seigneur… À la fois « assemblée visible et communauté spirituelle » (LG 8), l'Église fait route avec toute l'humanité et partage le sort terrestre du monde ; elle est comme le ferment et pour ainsi dire l'âme de la société humaine destinée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu.

Cette compénétration de la cité terrestre et de la cité céleste ne peut être perçue que par la foi ; bien plus, elle demeure le mystère de l'histoire humaine, qui est troublée par le péché jusqu'à la pleine révélation de la gloire des enfants de Dieu (Rm 8,18s). L'Église, en poursuivant sa fin propre, le salut, ne fait pas seulement que l'homme communie à la vie divine. Elle répand aussi sa lumière en la faisant rejaillir d'une certaine façon sur le monde entier, surtout du fait qu'elle rétablit et ennoblit la dignité de la personne humaine, qu'elle fortifie la cohésion de la société humaine, et qu'elle donne à l'activité quotidienne des hommes une orientation et une signification plus profondes. Ainsi, par chacun de ses membres et par toute la communauté qu'elle forme, l'Église croit pouvoir contribuer largement à ce que la famille des hommes et son histoire deviennent plus humaines…"

Gaudium et Spes 40 et 45

03 octobre 2014

Chemin d'Eglise, une lecture pastorale des Actes

Après "Chemins de miséricorde, une lecture cursive de l’Évangile de Luc", je vous fait part de la parution de "Chemins d'Eglise, une lecture "pastorale" des Actes des apôtres", complétée par quelques propos tenus récemment sur ce blog.

Après la lente contemplation de l’Évangile, il nous a paru intéressant de continuer sur la lancée. Un voyage au long cours, où abandonne l’explication de texte pour entrer en résonance et en contemplation avec le récit.
Ici, nous poursuivrons dans cet axe qui se veut plus « pastoral » et « spirituel » que théologique ou exégétique. Comment, 2.000 ans plus tard, pouvons-nous réagir à l’histoire de l’arrivée de l’Esprit sur des hommes peu préparés et un peu désarçonnés par la résurrection de leur compagnon ? Quels écueils et quelles leçons pour notre monde ? Voici les questions de fond qui habitent cette recherche.

Ce livre est disponible gratuitement au format e-pub sous le lien suivant. Il est aussi disponible à prix "réduit" sur le lien suivant et  sur Amazon/Kindle.

Du même auteur, une lecture de Marc, publiée en 1999, maintenant sous e-pub.

Modification du 3 octobre : Une nouvelle version est en ligne intrégrant le début d'une lecture des
premières lettres de Paul et notamment Philippiens...

28 septembre 2014

Rémission des péchés - Sacrifice du Christ, II


Mon ami continue : "Pourquoi la mort du Christ était-t-elle un préalable à la rémission de nos péchés  ?".

Voici ma réponse :

Le premier constat est que nous sommes tous blessés et donc que nous avons une "adhérence" au mal, que l'Eglise nomme péché, mais je n'aime pas le terme désuet. Cette adhérence ne peut être guérie que par la quête d'une voie meilleure. En nous montrant le chemin de l'amour, le Christ nous rend libre et cette libération est ce que l'on appelle bien maladroitement la rémission du péché. Prends le temps de méditer l'histoire du paralytique (Mat 9,1ss) qui est un peu notre histoire à tous. Son adhérence le cloue sur son lit. Jésus lui redonne le chemin pour marcher, loin d'une culpabilité maladive. Lève toi et marche. Sors de tes passions mortifères, laisse toi porter vers l'amour.‎ C'est le message de ce texte.

L'ancien testament est du même ordre. C'est le récit des adhérences multiples des hommes au mal, de leurs violences. Un regard qui prend de la distance sur le texte voit ce chemin. Il comprend les erreurs, les fausses idées de Dieu qu'il véhicule et perçoit que la révélation n'est accessible que dans le déchirement du voile. Or ce dernier n'apparaît qu'en Marc 15, 38 quand le voile laisse place à la Croix, le signe d'un Dieu qui aime l'homme jusqu'à en mourir.

Tu me dis que l'on devrait plus expliquer tout cela. Tu as raison.
Longtemps l'église à considéré que les laïcs n'avaient pas les moyens de comprendre. Il est temps que nous nous prenions en main pour démystifier ce qui reste désuet et chercher l'essentiel, ce que Balthasar appelle un "retour au centre" : Jésus Christ.

27 septembre 2014

Pour une lecture historico-critique, J.P. Meier, vol.1 - IV

A l'heure des Lumières et d'une foi qui ne peut ignorer le travail de la raison, je rejoins la tentative de Meier d'approfondir sa recherche historico-critique du Jésus historique*. On peut plus valablement se contenter d'une lecture acrobatique de l'écriture qui passerait au-dessus des nombreuses contradictions des textes sans s'intéresser à leur genèse, à la manière dont chaque auteur à conçu et travaillé ce que l'on peut appeler fort justement une lecture spirituelle, théologique ou pastorale du fait Jésus.

Depuis que j'ai entrepris  une lecture pastorale du NT, ce travail me semble essentiel.

* Cf. J.P. Meier, op. Cit p. 119ss

Sacrifice du Christ - I

Un ami me pose cette question : "Le Père a-t-il exigé ce sacrifice d’une cruauté inouïe, de son fils, pour racheter nos péchés ?"
Je vous livre ma tentative de réponse.


L'erreur est de considérer Dieu comme un sadique qui veut la mort de son Fils.
La solution est de voir Dieu comme aimant le monde et voulant apporter une réponse à la violence
en faisant un choc : la mort de l'innocent qui révèle au monde sa folie.
Il n'a d'ailleurs pas voulu, en soi la mort du Fils, il a envoyé le Fils faire le choix libre d'aller jusqu'au
bout de ce que représente la mort.

C'est notamment la thèse de René Girard dans "Des choses cachées depuis la fondation du monde".

Voici un extrait de ce que j'écris dans "Mort pour nous"... page 17
" «[Christ] est solidaire de notre souffrance »… Ce qui se révèle dans le vide et dans le cri partagé de l’homme et de Dieu, c’est un Christ qui n’est pas loin de nous mais solidaire, marcheur à nos côtés, souffrant plus voire autant que nous… Homme pleinement homme. "
Je poursuis, page 26 : "J. Moltmann, un théologien protestant allemand a ainsi voulu insister sur le fait que souvent nous avions une vision de la croix du côté des persécuteurs, de ceux qui font violence et pour qui la croix interpelle le sens de leurs actes, leur montre le non sens de la puissance et les conduit à la conversion. Il souligne à l’inverse, dans Le Dieu crucifié, le côté des souffrants, ceux qui comme ceux que nous évoquions plus haut sont à jamais marqués par la violence et la mort subie et pour qui la passion est plus qu’ailleurs un être-avec de Dieu. Dans la souffrance de Jésus, résonne alors une proximité extraordinaire, à l’image de celle qu’il évoque à travers un texte d’Elie Wiesel sur les camps de la mort. Ecoutons son propos, tiré d’une conférence récente donnée à Paris.
« Comment prier et parler de Dieu ‘après Auschwitz’ ? L’athéisme est-il la solution ? Est-ce que Dieu est ‘mort’ après Auschwitz ? Ou bien est-ce que beaucoup ont perdu leur confiance en Dieu après ce crime et le silence du ciel ? Je trouvai de l’aide dans le livre d’Elie Wiesel sur ses expériences à Auschwitz, intitulé Nuit :
« Trois condamnés enchainés – et parmi eux, le petit serviteur [pipel], l’ange aux yeux tristes. [...] Tous les yeux étaient fixés sur l’enfant. Il était livide, presque calme, se mordant les lèvres. L’ombre de la potence le recouvrait. [...] Les trois cous furent introduits en même temps dans les nœuds coulants. Vive la liberté ! crièrent les deux adultes. Le petit, lui, se taisait.
Où est le Bon Dieu, où est-il ? demande quelqu’un derrière moi. Sur un signe du chef de camp, les trois chaises basculèrent. [...] Les deux adultes ne vivaient plus. Leur langue pendait, grossie, bleutée. Mais la troisième corde n’était pas immobile : si léger, l’enfant vivait encore. [...]
Derrière moi, j’entendis le même homme demander :
Où donc est Dieu ?
Et je sentais en moi une voix qui lui répondait :
Où il est ? Le voici – il est pendu ici, à cette potence ...
Ce soir-là, la soupe avait un goût de cadavre. »
Est-ce que c’est une réponse ? Dieu souffrit-t-il avec les victimes d’Auschwitz ? Est-ce que Dieu n’était pas dans le ciel lointain, mais présent dans les chambres à gaz ? Est-ce que Dieu était pendu là au gibet ? J’eus l’impression que toute autre réponse serait hors de propos. Il ne peut pas y avoir d’autres réponses. Parler à ce moment-là d’un Dieu incapable de souffrir, cela ferait de Dieu un démon. Parler d’un Dieu indifférent nous rendrait indifférents nous aussi. Renier Dieu et se tourner vers l’athéisme réduirait au silence le cri des victimes. On priait le Shema d’Israël et le Notre Père à Auschwitz, on peut donc prier Dieu après Auschwitz. Dieu était dans leurs prières. »
(...)

Une mystique comme Anne-Catherine Emmerich a ainsi perçu dans ce texte que Jésus souffrait de l’inutilité de sa mort. Il aurait beau mourir, nous ne changerions pas notre vie. Pour elle, notre insouciance, en dépit même de cette souffrance partagée, serait stérile. Telle serait à ses yeux l’agonie du Christ.

Nous pouvons passer outre cette vision, en rejeter le caractère doloriste, s’il ne venait pas perturber notre façon de voir le pourquoi du « mort pour nous »… Il nous semble néanmoins que cette souffrance a un sens, dans ce qu’elle révèle en nous l’amour. Comme ce serpent d’airain brandi au désert pour guérir des morsures, la mort à un effet sur nous, comme tout être souffrant que nous côtoyons et qui nous interpelle. Ce n’est cependant qu’un des sens de la mort de Dieu.

Souffrant avec nous

L’autre point de vue, déjà esquissé dans le récit d’Elie Wiesel, est cette communion de Jésus avec les souffrants. Que celui qui se dit envoyé du Père accepte de mourir d’une mort ignominieuse, fait historique par excellence, comme nous le soulignions plus haut, n’est pas sans conséquences pour tous ceux qui souffrent encore de la mort. Si ce Jésus est l’envoyé de Dieu, alors peut-on pressentir, au-delà du cri et du rejet que la souffrance fait jaillir en nous, que quelque chose de Dieu se fait proche, qu’il se pourrait qu’il soit encore à nos côtés, malgré son silence. Par rapport au vide que nous évoquions au départ, une piste, une lueur, apparaît dans cet être-avec de Jésus.

Plus encore, cette mort n’est pas un simulacre, puisque justement alors, le Dieu que l’on croyait tout-puissant se tait, qu’il se garde bien d’intervenir.

Dans la contemplation de ce que l’on appelle la déréliction, c'est à dire l’abandon total de Jésus par le Père, nous pouvons, à la suite d’Adrienne von Speyr, et de son ami le théologien Hans Urs von Balthasar (1), méditer sur le sens que revêt cet abandon. Si Jésus a été jusqu’à douter même de la présence, ce ne peut-être que parce qu’il voulait nous suivre au plus profond de notre désespoir, nous accompagner jusque dans le vide du samedi saint, allant jusqu’à ce lieu du « non-dieu », de l’enfer des hommes sans Dieu…

Moltmann évoque d’ailleurs une représentation médiévale de l’enfer où un homme semble s’interroger, suite à la venue du Christ dans ce lieu perdu. « Es-tu venu pour moi ? ». On a parfois du mal à y croire, et pourtant, n’est-ce pas le sens même de la parabole de la brebis perdue, elle même entrant en écho avec un texte d’Ezéchiel, qui affirme que « Dieu ne veut pas la mort du pécheur mais qu’il vive »…

Ce Dieu qui connaît l’abandon laisse transparaître une lueur de vie à tous les abandonnés. S’il a vécu jusque là, alors nous pouvons espérer contre toute espérance qu’une lumière viendra au bout du tunnel, peut-être pas dans cette vie, mais dans le temps de Dieu.


(1) Cf. par exemple Pâques le mystère, ou Dramatique Divine ou C. Hériard, Retire tes sandales.
Voir aussi mes travaux de recherche :

26 septembre 2014

Historicité du baptême du Christ - J.P. Meier, vol 1 - III

John P. Meier définit parmi les principaux caractères d'historicité celui de l'embarras. Pour lui, si une scène de la vie du Christ ou une parole est embarrassante pour les chrétiens après Pâques, c'est qu'elle est historiquement authentique. Il cite à ce sujet le baptême du Christ, évoqué en Marc et progressivement gommé par les autres synoptiques pour disparaître chez Jean.

Mais, pour quelqu'un qui comme moi s'attache à la kénose, peut-on dire que le fait que Jésus s'agenouille devant Jean est embarrassant ? Il a probablement raison de dire que c'est original et décalé, voire marginal, comme l'évoque le titre anglais de son livre.

C'est pour moi au contraire néanmoins au coeur de cet abaissement qui fait du Christ un être "à genoux devant l'homme". L'humilité de Dieu va pour moi jusque là. 

24 septembre 2014

La folie de Dieu - Jésus marginal II

‎Non seulement il est marginal, mais ses actes sont folies. Folies d'une faiblesse poussée à l'extrême, folie d'une non violence qui va jusqu'à l'anéantissement sur une croix. "Nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens." 1 Corinthiens 1, 23

22 septembre 2014

Jésus marginal - Un certain juif Jésus, vol 1. de John Meier, initiation de lecture.

John P. Meier, introduit son livre* sur la question de la "marginalité" de Jésus. 
Prendre en compte cette marginalité est en soi plein d'implications théologiques. N'est ce pas ce que l'on contemple dans la crèche : un enfant sans atout, sans histoire en lequel Dieu choisi d'apparaître ?  
Le récit de l'enfance par Luc, dont l'historicité reste critiquée** ne doit pas nous éloigner des propos de Meier. 

La marginalité de Jésus est un fait historique avec toute l'ambiguïté même du mot. C'est cette marginalité qui le conduit à la mort. Il n'était rien aux yeux des grands de ce monde. Il n'a pas laissé beaucoup de traces "historiques" visibles en dehors de celles partisanes des 4 évangiles. On pourrait s'en lamenter, mais il me semble au contraire que l'on est dans le plan de Dieu . Car la pauvreté et la kénose qui se joue dans la marginalité de Jésus est ce qui provoque chez nous un choix libre, celui d'un "je crois"...


Au delà du discours partisan, il y a finalement peu de choses crédibles jusqu'à ce qu'on fasse le saut de la foi. Folie aux yeux des Sages dira Paul. Mais folie qui nous conduit à Dieu, dans le décentrement‎ même du raisonnable.

* A Marginal Jew: Rethinking the Historical Jesus: The Roots of the Problem and the Person, Vol. 1 - Un certain juif Jésus, les données de l'histoire, tome 1, Lectio divina, Paris, Cerf, 2009 p. 17
** ibid p. 36ss


Voir sur le même théme, un post précédent : Bonhoeffer - II - Incognito christologique


17 septembre 2014

Révélation - II

Au delà de la Croix,  que peut on dire de plus. Tout est révélé  Et pourtant,  ce chemin ne cesse de travailler l'homme en de multiples manières. 
Ce qu'il faut peut être glisser à la lumière de Luc c'est que les premières rencontres individuelles laisse parfois place à des révélations communes. A défaut on resterait dans des quêtes individuelles ce qui était l'erreur d'Élie. 
La Pentecôte ouvre une nouvelle possibilité :  que Dieu se révèle dans mes frères. Dans l' Ancien Testament, il fallait un Malak comme médiateur de la Théophanie. Dans le NT,  l'esprit se sert parfois de nos mains.

On revient au thème de la diaconie. 

15 septembre 2014

Stabat Mater - Saint Jean bouche d'or

Une lecture spirituelle qui a à peine vieillie :
      "Vois-tu cette victoire admirable ? Vois-tu les réussites de la croix ? Vais-je maintenant te dire quelque chose de plus admirable ? (...) la vierge, le bois et la mort, ces symboles de la défaite, sont devenus les symboles de la victoire. Au lieu d'Ève, Marie ; au lieu du bois de la connaissance du bien et du mal, le bois de la croix ; au lieu de la mort d'Adam, la mort du Christ. 
Tu vois que le démon a été vaincu par ce qui lui avait donné la victoire ? Avec l'arbre, il avait vaincu Adam ; avec la croix, le Christ a triomphé du démon. L'arbre envoyait en enfer, la croix en a fait revenir ceux qui y étaient descendus. En outre, l'arbre servit à cacher l'homme honteux de sa nudité, tandis que la croix a élevé aux yeux de tous un homme nu, mais vainqueur...  
Voilà le prodige que la croix a réalisé en notre faveur : la croix, c'est le trophée dressé contre les démons, l'épée tirée contre le péché, l'épée dont le Christ a transpercé le serpent. La croix, c'est la volonté du Père, la gloire du Fils unique, la joie du Saint Esprit, la splendeur des anges, l'assurance de l'Église, l'orgueil de saint Paul (Ga 6,14), le rempart des élus, la lumière du monde entier.*"


* Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église. Sermon sur le mot « cimetière » et la croix pour le Vendredi Saint, 2 ; PG 49, 396 (trad. bréviaire mémoire BVM) source www.evangileauquotidien.org
** Sur le même thème, mon premier livre, écrit en 1996 et resté inédit "Le troisième arbre" :-)

14 septembre 2014

Révélation - I

Comment Dieu se révèle t il à l'homme ?

Je pense que la réponse classique nous parlerait de l'enfant Dieu, reprenant à la suite de l'évangile de Luc, cette vision qui a enchanté près de 20 siècles de civilisation. 

On aurait probablement tort de balayer d'un geste  ce que Luc nous révèle,  dans une étonnante lecture arrière et spirituelle de ce qu'il a lui même découvert dans la Croix et la résurrection.  

Mais il semble pourtant qu'en cette aube du XXIème siècle,  il faille revenir plutôt sur ce qui apparaît derrière le voile du temple. Dans "la voix d'un fin silence"*, j'ai longuement analysé les différentes théophanies,  ces révélations successives de Dieu dans l'histoire du peuple juif. 
Je me suis notamment longuement arrêté sur deux textes clés : 1 Rois 19 et Ex 33 et 34. Mais ce que l'Ancien Testament révèle n'est finalement qu'une introduction apéritive à ce que Dieu masquait encore derrière le voile. 

Ce qui apparaît derrière le rideau déchiré du Temple, se réduit à l'impensable,  à l'inattendu.  

En ce jour où l'on célèbre la Croix glorieuse,  je pense que ce que l'on peut dire sur la révélation ne peut passer outre l'ultime silence de Dieu, celui qui révèle ce qu’Élie  et Moïse cherchaient au désert.  La seule révélation qu'il nous est donné de contempler, c'est la Croix. Écoutons ce qu'en dit Édith Stein :   "Qu'est-ce que la croix ? Le signe qui indique le ciel. Bien au-dessus de la poussière et des brumes d'ici-bas elle se dresse haut, jusqu'en la pure lumière. Abandonne donc ce que les hommes peuvent prendre, ouvre les mains, serre-toi contre la croix : elle te porte alors jusqu'en la lumière éternelle. Lève les yeux vers la croix : elle étend ses poutres à la manière d'un homme qui ouvre les bras pour accueillir le monde entier. Venez tous, vous qui peinez sous le poids du fardeau (Mt 11,28) et vous aussi qui n'avez qu'un cri, sur la croix avec Lui. Elle est l'image du Dieu qui, crucifié, devint livide. Elle s'élève de la terre jusqu'au ciel, comme Celui qui est monté au ciel et voudrait nous y emporter tous ensemble avec Lui. Enlace seulement la croix, et tu le possèdes, Lui, le Chemin, la Vérité, la Vie (Jn 14,6). Si tu portes ta croix, c'est elle qui te portera, elle te sera béatitude.**


** Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix [Édith Stein] (1891-1942), carmélite, martyre, co-patronne de l'Europe, Poésie « Signum Crucis », 16/11/1937 (trad. Malgré la nuit, Ad Solem 2002, p. 65) Source : Evangile au quotidien.org

12 septembre 2014

Diaconie et pouvoir, suite - Congar


Écoutons encore Congar sur ce point :

 "Évidemment, la tentation est grande d'oublier cette royauté spirituelle, située tout entière dans la sagesse de la croix de céder à la sagesse du siècle; de chercher et de mettre en œuvre une pure puissance de domination. Les hommes d'Église ont parfois cédé à cette tentation, en particulier au temps du moyen âge finissant, où l'on constate si souvent un retrait du pastoral devant la prélature et, chez les prélats, du prêtre devant le maître ou le seigneur."

Il poursuit :
"Sans cesse Dieu a suscité dans son Église des hommes qui agissent sur les autres par un engagement de service et d'amour allant jusqu'au sacrifice de soi. Ne les voit-on pas se multiplier, remplir un rôle plus décisif au moment, précisément, où les hommes d'Église sont davantage inspirés par un goût de puissance séculière : sainte Catherine de Sienne († 1380), sainte Jeanne d'Arc († 1431), saint Bernardin de Sienne († 1444), saint Nicolas de Flue († 1487) quatre saints dont trois furent des laïcs, et deux des femmes. Ils nous montrent, réalisée dans la sainteté et le génie, la royauté spirituelle du chrétien et comment on domine et conduit les hommes en prenant sur soi le fardeau de leurs péchés et de leurs peines, par un amour humble et servant qui va, le cas échéant, jusqu'au sacrifice de soi*."

Sans commentaires

* Source : Congar, Jalons pour une théologie du laïcat, op. cit. p. 322 

11 septembre 2014

L'amphore et le fleuve - Suite

En ce jour où l’Évangile nous parle de débordement, je repense à ce don de Dieu, si débordant qui nous envahit et donne la joie...
Jean Luc Marion, dans Etant Donné, parle d'un donateur qui s'efface.
A contempler...

Sur le même thème.

06 septembre 2014

Vanité et distractions

Je vous livre cet extrait parce qu'il résume un peu ma vie de pécheur et m'interpelle :

"Nous avons un tel amoncellement d'attentions, de distractions, de penchants, de désirs, de vanités, de présomptions, nous avons tellement de monde en nous, que Dieu s'éloigne".



Saint Raphaël Arnaiz Baron (1911-1938), moine trappiste espagnol
Écrits spirituels, 25/01/1937 (trad. Cerf 2008, p. 307)

05 septembre 2014

L'amour n'est pas naturel

"L'amour n'est pas naturel (...) c'est une leçon d'humanité (...) que nous avons à apprendre de Dieu en comprenant qu'il est la source de l'amour qui est en nous. L'amour n'est vraiment pas naturel, surtout quand il exige de passer par la croix, de se faire le serviteur des autres, de n'importe qui.*"

Cette citation renvoie pour moi à ce que l'un de mes amis prêtres a considéré comme "osé" ; le titre de mon livre : "A genoux devant l'homme". Que le fils de Dieu s'agenouille devant l'homme, est-il seulement osé ? Il me semble que c'est la clé de voûte de l'ensemble.

!* J Moingt, l’Évangile sauvera l'Église, op. cit. p. 254

04 septembre 2014

Les deux églises, suite et fin

En fait, je crois que ce qui motivait au départ cette distinction était encore une fois une motivation pastorale. Affirmer la sainteté de l'Eglise est un acte de foi dans le travail de l'Esprit
Affirmer qu'elle est faite de pécheurs c'est reconnaître humblement qu'il reste du travail à faire, ce qui est, soit dit en passant, aussi la définition d'un saint : celui qui ne cesse de reconnaître que sans Dieu il n'est rien.

En attendant, écoutons Paul : "Nous sommes les collaborateurs de Dieu, et vous êtes le champ de Dieu, vous êtes la maison que Dieu construit."  1 Corinthiens 3, 9

03 septembre 2014

Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église

En complément de mes réflexions sur les deux églises (cf. post précédents), je tombe sur ce texte de Newman, qu'il faut entendre aussi. "Le ministère de Pierre demeure toujours dans l'Église…en la personne de ceux qui lui ont succédé (...). Si les promesses faites aux apôtres par le Christ ne s'accomplissent pas dans l'Église tout au long de sa durée, comment l'efficacité des sacrements s'étendrait-elle au-delà de l'âge de ses débuts ?"

On est là dans une considération qu'il ne faut pas nier. Cela rejoint ce que dit notre Pape. Seul l'Esprit donne à l'Eglise sa raison d'être.


Source : John Henry Newman, Texte complet sur Evangileauquotidien.org : Sermon « The Christian Ministry », PPS, vol. 2, n°25


27 août 2014

Les deux églises - 2

Le sujet reste complexe. Notre pape François s'est inquiété de la même façon sur ce thème :
"Dans quel sens l'Église est-elle sainte, quand on voit que l'Église historique, dans son chemin tout au long des siècles, a connu tant de difficultés, de problèmes, de périodes sombres ? Comment une Église constituée d'êtres humains, de pécheurs, peut-elle être sainte ? Une Église faite d'hommes pécheurs, de femmes pécheresses, de prêtres pécheurs, de religieuses pécheresses, d'évêques pécheurs, de cardinaux pécheurs, d'un pape pécheur ? Tous. Comment une telle Église peut-elle être sainte ?
      Pour répondre à cette question, je voudrais me laisser guider par un passage de la lettre de saint Paul aux chrétiens d'Éphèse. L'apôtre, en prenant comme exemple les relations familiales, affirme que « le Christ a aimé l'Église : il s'est livré pour elle, afin de la sanctifier » (5,25s). Le Christ a aimé l'Église, en se donnant tout entier sur la croix. Cela signifie que l'Église est sainte parce qu'elle procède de Dieu qui est saint. Il lui est fidèle ; il ne l'abandonne pas au pouvoir de la mort et du mal (Mt 16,18). Elle est sainte parce que Jésus Christ, le Saint de Dieu (Mc 1,24), est uni à elle de façon indissoluble (Mt 28,20). Elle est sainte parce qu'elle est guidée par l'Esprit Saint qui purifie, transforme, renouvelle. Elle n'est pas sainte du fait de nos mérites, mais parce que Dieu la rend sainte.*".

Je ne pense pas être loin, dans mon post précédent de cette conclusion.

* Audience générale du 02/10/2013 (trad.  © copyright Libreria Editrice Vaticana) ‎

23 août 2014

Les deux églises

Dans un compte rendu paroissial, j'ai osé un jour parler de l'Église pécheresse, un  concept que je tiens de J. Moltman et de H. Kung. Un ami diacre a eu la gentillesse de corriger mon texte et de parler d'hommes pécheurs.
Depuis cette idée me travaille. Je conçois que le terme peut choquer une brebis sans berger. Et pourtant le péché de l'institution en tant que corps constitué est possible, probablement par qu'il est le fruit de dérives et d'aveuglements personnels. Et je ne parle pas seulement de l'inquisition. De tristes histoires nous le rappelle encore dans l'actualité. En cela la demande de pardon de Jean-Paul II avait du sens.
En fait, je crois qu'on peut dire qu'il y a deux églises en parallèle, de même que se côtoient en nous le bien et le mal. J'ai visité à Zagreb en Croatie une église dans lequel une barque est traversée d'une marque blanche en son milieu en souvenir des guerres fratricides qui ont marqué ce peuple.
Ce qui compte n'est pas l'Église visible, mais cette Église invisible que Dieu seul connaît, nourrit, habite et fait grandir. Cette Église sainte est celle que constituent tout ce bien qui, en nous, vient de Dieu, corps du Christ en marche.
L'autre Eglise, la visible, est parfois aussi très belle. Et dans nos efforts pour la rendre plus catholique (universelle) et
"diaconale" c'est à dire au service de tous les hommes‎, nous parvenons doucement à faire converger les deux. Quand je dis nous, c'est un peu prétentieux. Disons plutôt que l'Esprit en nous y veille.
Parler de deux églises est néanmoins osé. Il serait peut être plus sage de reprendre le mot souvent utilisé dans ce blogue de tension.
Sur un thème voisin, p. 217 de ESE*, J. Moingt décrit à sa manière cette tension entre des communautés ecclésiales qui cherche à vivre une diaconie horizontale et une structure verticale nécessaire qui ordonne et rassemble. Mais dire cela, à ce stade serait aller trop loin. La réalité, c'est que les deux pôles sont nécessaires, un peu comme Marthe et Marie se complètent.

* J. Moingt op. Cit.
Photo : C.HD (DR) , Eglise de Saint Lubin de Cravant. Pas très droite, mais si fragile...


Sur le même thème : "Cette Église que je cherche à aimer."

21 août 2014

Présence réelle

Un thème nouveau apporté par J. Moingt dans son livre est l'invitation à faire "des célébrations domestiques" dans le cadre de communauté en absence de prêtre. Cette vision presque futuriste mais pas dénouée de bon sens conduit un de ses auditeurs à poser la question de la réalité d'une présence réelle dans un pain partagé dans ce cadre.
La réponse qui rejoint une discussion familiale récente un peu houleuse, m'inspire ce commentaire.
J. Moingt note, et je le rejoins là dessus que "C'est par la foi que nous recevons le corps du Christ dans le partage du pain.*"
Cela ne nie pas la présence réelle dans le pain eucharistique, mais évite pour moi d'y attacher une importance démesurée. Non que l'adoration eucharistique soit un mauvais moyen de faire oraison (je la pratique aussi), mais parce que nous oublions souvent qu'en partageant le pain, nous devenons "temple du Seigneur". Alors, la place de l'eucharistie est à la fois le sommet et le départ d'une responsabilité qui nous incombe, devenir le signe visible d'une réalité aimante et pourtant cachée, celle du Christ qui "par nos mains**" rayonne de son amour.
Si nous comprenons cela, la présence réelle ne peut suffire. L'enjeu est ailleurs, dans nos vies, dans nos manières d'exercer la diaconie.
Cela dit, Teilhard, dans un beau texte nommé "la Custode" nous invite à contempler cette indicible présence qui nous échappe. On croit la tenir, dit-il en substance, et pourtant, "elle nous échappe toujours". C'est une leçon d'humilité. Nous ne sommes qu'une pâle image de cette présence. En cela, l'eucharistie devient pour nous une nourriture à renouveler.  Elle pourrait être unique, mais reste pour nous une manne, tant nous sommes incapables souvent de conserver en "notre temple" ce don. En attendant cette eau qui comblera toute soif (cf. Jn 4)

* op. cit. p. 161
** Le "par nos mains" est discutable théologiquement. A-t-il besoin de nous ? Je pense que nous sommes invités à participer à sa révélation. Deux auteurs très différents que je cite de mémoire me font penser à cela :
1. Ignace d'Antioche dans sa lettre aux Romains : " Je suis le froment de Dieu"
2. Etty Hillesum : "Je vais t'aider à ne pas t'éteindre en moi. Une chose m'apparaît plus claire, ce n'est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t'aider, et ce faisant, nous nous aidons nous même." in, Une vie bouleversée, Journal Intime 1941-1943 et autres lettres de Westerbrock, Seuil 1995", p. 175

20 août 2014

Le processus d'émancipation de l'homme

Commentant ce qu'on appelle la sécularisation, c'est à dire cette désaffection de nos églises, J. Moingt cite Bonhoeffer en écrivant : "C'est peut être le plan de Dieu de vouloir que l'homme s'émancipe même à son égard.*"

Cette phrase et le passage qui suit souligne le lent processus qui depuis les Lumières conduit notre société à s'affranchir de la religion comme rite et autorité sur les coeurs. Ce qui m'intéresse dans l'approche de Moingt, c'est qu'il regarde tout cela d'un oeil positif, distinguant une religion qui nous met sous la coupe d'une autorité morale coercitive du mouvement intérieur qui cherche à faire de l'homme un être responsable de ses actes, libre devant Dieu.

Bien sûr, beaucoup trouverons qu'il y a là recul. Ce qui m'intéresse, c'est pourtant que cette liberté est un choix qui fait grandir. Déjà, dans le texte de lundi (Mat 19, 21), on lisait ce "Si tu veux" chez Matthieu, commenté ainsi par Clément d'Alexandrie : " Ce mot « si tu veux » montre admirablement la liberté du jeune homme ; il ne tient qu’à lui de choisir, il est maître de sa décision. Mais c’est Dieu qui donne, parce qu’il est le Seigneur. Il donne à tous ceux qui désirent et y emploient toute leur ardeur et prient, afin que le salut soit leur propre choix. Ennemi de la violence, Dieu ne contraint personne, mais il tend la grâce à ceux qui la cherchent, l’offre à ceux qui la demandent, ouvre à ceux qui frappent (Mt 7,7).**"

L'homme peut dépasser la morale imposée pour faire le choix de Jésus. Un choix que Lévinas décrit comme an-arche : avant tout commandement. Un choix qui est la réponse à l'appel de Dieu à tout homme, à cet "Où es tu ?" de Gn 3, posé au jardin après la chute.

Je suis là. Je réponds à ton amour par l'amour.

La vraie liberté est celle de l'homme qui devient écoutant et réponds ce "Me voici" ! non parce qu'on lui dit de répondre, mais parce qu'il a en lui un désir, qu'il est à l'écoute de ce que Blondel appelle la "crypte intérieure" ou de ce que Rahner appelle l'attention à l'autocommunication de Dieu.

Bien sûr, ce choix personnel a ses limites. Mais c'est le début d'un acte de foi qui permettra ensuite de prendre conscience que la Parole de Dieu mérite d'être partagée, vécu en communion et nourrie par l'eucharistie. En respectant la liberté de l'homme, on l'ouvre à la découverte d'une foi partagée.

* Joseph Moingt, L'évangile sauvera l'Eglise, op. cit. p. 131
** Source : http://levangileauquotidien.org/M/FR/

19 août 2014

Diaconie VII - Philanthropie de Dieu et diaconie de l'Église


Le message à porter au monde nous dit Moingt* est la "révélation de la philanthropie de Dieu ". Un message, précise-t-il qu'il faut plutôt mettre en "oeuvre et en image, en paraboles comme le faisait Jésus". N'est ce pas la encore un appel à la diaconie et au service.

Je citais dans mon post précédent un extrait des notes de Congar au Concile. On trouve plus loin, dans le même livre une phrase qui m'a aussi marqué : "Dieu m’a amené à la servir et à servir les hommes à partir de lui et pour lui, surtout par la voie des idées. J’ai été amené à une vie solitaire, très vouée à la parole et au papier. C’est ma part dans le plan d’amour. Mais je veux m’y engager aussi de cœur et de vie et que ce service d’idées lui même soit un service des hommes."

Servir l'humain... Quel que soit soit sa forme, sa visibilité, l'essentiel est peut être l'essentiel en ce qu'il rayonne à sa manière de la philanthropie de Dieu.

N'est-ce pas d'ailleurs ce que le monde retient de plus beau à travers les gestes désintéressés des Soeurs Téresa, Emmanuelle ou d'un abbé Pierre ou Ceyras comme d'un Jean Vannier. Si ce service de l'humain est le seul message qui passe, n'est-ce pas en sa manière d'être "à genoux devant l'homme".

Poursuivons avec Congar : "Quand on regarde vivre l'Église, (...) ce qu'elle est et porte en elle (...) Il y a là, de sa part, dans les formes mineures au moins de son sacerdoce, de son prophétisme, l'exercice d'une forme de royauté, non d'autorité et de puissance — elle ne l'a pas — mais d'influence et de service, qui répond à sa véritable situation par rapport au monde. Car on peut dire qu'elle en a la responsabilité (...)". Le dominicain cite à ce sujet précise que "l'Eglise a [notamment] dans ce cadre véritablement le nom de semence ou cellule germinale du Royaume qu'aiment à lui donner en particulier les théologiens de langue allemande (Keimzelle)****".

Ce que saint Justin appellait les spermatikos logos ne sont-ils pas ces germes d'amour qui en scintillant de l'amour humain véritable deviennent signes de la philanthropie de Dieu.

* J. Moingt, L'Évangile sauvera l'Église, op. cit p. 121
** Yves Congar, Mon Journal du Concile I, 1960-63, Cerf, Paris, 2002, op. cit. p. 384
*** Yves Congar, Jalons pour une théologie du laïcat, Cerf 1953, p. 133
**** ibid. p. 134 et sa note où il cite le livre de H. André, Die Kirche als Keimzelle der Weltgöttlichung (Leipzig, 1920)

18 août 2014

Diaconie VI - Congar - Un nouvel enjeu du laïcat


A la suite des réflexions issues de la CTI, que peut-on ajouter ? Il faut probablement chercher chez Congar les grandes intuitions du dominicain. On notera ainsi, dans ses notes prises pendant le concile, son rêve de "l'existence d’un plein laïcat" qu'il définit comme une "présence de l'Église, non par mode d’autorité cléricale mais par mode prophétique de l’humain*."

En quoi l'humain peut-il être prophétique, ci ce n'est justement dans sa manière d'être serviteur et comme le titre de mon livre le suggère : "A genoux devant l'homme" ? Le lavement des pieds pratiqué par exemple par l'Arche où chacun lave les pieds de son voisin est alors symbole efficace de cette attitude prophétique d'une diaconie qui envahit l'église. La présence de l'Arche à Dakionia était à ce titre tout à fait justifiée et je dirais "sacramentelle". 


* Source : Yves Congar, Mon Journal du Concile I, 1960-63, Cerf, Paris, 2002, p. 157

17 août 2014

Moingt VII - Rite et prière

Mes propos sur le primat de la charité sur le rite doivent être d'autant plus tempérés par une réflexion approfondie sur le sens même de la liturgie et au fond de l'acte commun sur notre propre lien avec la prière.  J. Moingt nous aide sur ce plan en insistant sur la prière non pas vue comme un rite mais comme, plus fondamentalement, comme une "interrogation de l'homme sur lui-même,  (...) une recherche du sens, (...) une respiration de l'âme*". 
Vue sous cet angle essentiel, la notion sous-jacente de tension entre liturgie et charité s'entend comme une danse entre amour et prière,  entre action et contemplation,  entre les pas de Marthe et ceux de Marie...

J. Moingt,  op. Cit, p. 99

16 août 2014

Triple dimension (Diaconie - V)


Revenons néanmoins un instant sur cette triple dimension du diacre au IVème siècle : "le service liturgique, le service de prêcher l'Évangile et d'enseigner la catéchèse, ainsi qu'une vaste activité sociale concernant les oeuvres de charité*". Ma tentation serait d'inverser aujourd'hui l'importance de ces trois facettes (je parle bien sûr de charité,  évangélisation et liturgie), probablement parce qu'à mes yeux l'image de l'Église ne pourra être rétablie que dans cette inversion. En disant cela, j'ai bien conscience de mes propres difficultés à ordonner ma vie dans ce sens.  Et pourtant je suis persuadé que la cohérence de l'Église est là. Elle ne pourra prêcher et célébrer valablement que si elle rayonne d'abord de charité. 
Bien sûr,  cette charité se nourrit des deux autres points,  mais souvent, elle oublie cette primauté,  retombant dans un ritualisme ou une morale déconnectée. 

La suite du texte de la Commission Théologique Internationale est d'ailleurs édifiante puisqu'elle note l'existence de diaconnesse dès le IIIème siècle,  depuis "Phébée, servante (he diakonos) de l'Église de Cenchrées" (cf. Rm 16,1-4)", la mention controversée de femme-diacres en Tim 1, 3,  jusqu'à ces diaconnesses instituèes dans certaines églises à partir du IIIe siècle, en certaines régions et non pas toutes où est "attesté un ministère ecclésial spécifique attribué aux femmes appelées diaconesses.[61] Il s'agit de la Syrie orientale et de Constantinople**.

Que cela ait pu être concevable redonnerait sens à l'élargissement de la notion de la diaconie et permettrait peut-être de résoudre un autre problème dans lÉglise qui touche aussi a sa cohérence

Source : CTI Il, III
** CTI, Il, IV

Note [61] de la CTI, La collection la plus étendue de tous les témoignages sur ce ministère ecclésiastique accompagnée d'une interprétation théologique est celle de Jean Pinius, De diaconissarum ordinatione, in: Acta Sanctorum, Sept. I, Anvers 1746, I-XXVII. La plupart des documents grecs et latins mentionnés par Pinius sont reproduits par J. Mayer, Monumenta de viduis diaconissis virginibusque tractantia, Bonn 1938. Cf. R. Gryson, Le ministère des femmes dans l'Église ancienne (Recherches et synthèses), Gembloux 1972.



15 août 2014

Primauté de la diaconie sur la liturgie ? (IV)

L'analyse historique du CTI montre qu'en dépit de certains efforts des Conciles, la hiérarchie entre diacres et presbytres reste difficile à établir : "Les sources nous font voir que même Chrysostome n'a pas réussi à placer, de manière évidente, les trois degrés de l'ordre ecclésial dans une continuité historique. Il y a eu des modèles chez les juifs pour le presbytérat; par contre, l'épiscopat et le diaconat ont été constitués par les apôtres. Il n'est pas clair ce que l'on doit entendre ici par ces notions.[55] Chrysostome a fait remonter le diaconat à une institution par l'Esprit Saint.[56]*"
 N'est ce cas d'une certaine manière le conflit qui oppose Paul et Jacques sur les oeuvres et la grâce. 
Y a-il aujourd'hui une question sur ce point ? Pas vraiment,  depuis que le 4ème siècle a tranché et défini le diaconat comme un degré de la hiérarchie ecclésiale,  "situé après l'évêque et les presbytres, avec un rôle bien défini. Lié à la mission et à la personne de l'évêque, ce rôle englobait trois tâches: le service liturgique, le service de prêcher l'Évangile et d'enseigner la catéchèse, ainsi qu'une vaste activité sociale concernant les oeuvres de charité et une activité administrative selon les directives de l'évêque."
Pour autant, la diaconie elle même a perdu peut être aussi son rang "sacramentel" dans l'église. J'avais noté dans "à genoux devant l'homme" que l'on n'a pas considéré bon de mettre le lavement des pieds dans la liste des 7 sacrements,  parce que toute la vie de l'Église était "lavement des pieds". On peut se poser maintenant la question. Non pas pour modifier à nouveau une hiérarchie établie qui a structuré l'Église,  mais pour réintroduire une tension. 
S'il y a pour moi une solution,  c'est en effet dans l'expression théologique: "tension". En effet toute opposition est stérile.  La tension traduit bien l'intérêt des deux sans mettre une hiérarchie là où il devrait y avoir communion. 


Source principale : CTI, II, III 


Les numéros entre crochets renvoient aux notes suivantes du document de la CTI.

[55] Hom. 14,3 in Act.; PG 60, 116: "Quam ergo dignitatem habuerunt illi (sc. les diacres et les évêques)…Atqui haec in Ecclesiis non erat; sed presbyterorum erat oeconomia. Atqui nullus adhuc episcopus erat, praeterquam apostoli tantum. Unde puto nec diaconorum nec presbyterorum tunc fuisse nomen admissum nec manifestum..."

[56] "Et c'est à juste titre; car ce n'est pas un homme, ni un ange, ni un archange, ni aucune autre puissance creée, mais le Paraclet lui-même qui a institué cet ordre en persuadant à des hommes qui sont encore dans la chair d'imiter le service des anges." De sacerdotio III 4,1-8; SCh 272, 142.

14 août 2014

La tentation du jugement

À ceux qui ne cessent de critiquer le monde,  tombant dans la tentation du pharisien,  il convient souvent d être attentif à ce que nous dit le Seigneur sur la paille et la poutre.

A cet égard,  Saint Jean Chrysostome,  nous rappelle combien "Le Christ nous demande deux choses : condamner nos péchés et pardonner ceux des autres ; faire la première à cause de la seconde, qui sera alors plus facile, car celui qui pense à ses péchés sera moins sévère pour son compagnon de misère. Et pardonner non seulement de bouche, mais du fond du cœur, pour ne pas tourner contre nous-mêmes le fer dont nous croyons percer les autres. (...)  Considère donc combien d'avantages tu retires d'une offense accueillie humblement et avec douceur. Tu mérites ainsi premièrement — et c'est le plus important — le pardon de tes péchés. Tu t'exerces ensuite à la patience et au courage. En troisième lieu, tu acquiers la douceur et la charité, car celui qui est incapable de se fâcher contre ceux qui lui ont causé du tort sera beaucoup plus charitable envers ceux qui l'aiment. En quatrième lieu, tu déracines entièrement la colère de ton cœur, ce qui est un bien incomparable.*"

Une voie adaptée qui semble d'actualité. Car ce qui changera le monde ne sera pas notre jugement mais notre charité et la puissance de sa transpiration : "Aimons donc, aimons suprêmement le Père céleste très aimant, et que notre obéissance soit la preuve de cette charité parfaite qui trouvera surtout à s’exercer lorsque nous sera demandé le sacrifice de notre volonté propre. Ne connaissons pas de livre plus sublime que Jésus Christ crucifié, pour progresser dans l’amour de Dieu.**"

*Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église , in Homélies sur l’évangile de Matthieu, n°61 (trad. Véricel, L’Évangile commenté, p. 214 rev.), source Evangelio

** Lettre de saint Maximilien Kolbe

12 août 2014

Diaconie et pouvoir (III)

Revenons à l'histoire: "Dans la Didascalie, l'accroissement du prestige du diaconat dans l'Église est remarquable, ce qui aura pour conséquence la crise naissante dans les relations réciproques entre les diacres et les presbytres. À la fonction sociale et charitable des diacres s'ajoute leur fonction d'assurer divers services pendant les rassemblements liturgiques: indication des lieux pendant l'accueil des étrangers et des pèlerins, soin des offrandes, surveillance de l'ordre et du silence, soin de la bienséance de l'habillement*." On peut d'ailleurs comprendre les remarques d'Origène sur la cupidité des diacres en charge de la bourse de l'évêque,  qui n'est pas sans rappeler les critiques sur Judas dans le NT.
Mais plus encore cela interroge sur la possible tension entre pouvoir et Diaconie dont seule l'"impossible" [pour l'homme] prise en compte du fait que tout vient de Dieu pourrait nous libérer. 

Quel est l'enjeu pour aujourd'hui ?
Si charité est la première mission de l'Église, si une pastorale axée sur la charité devient, à la suite du Pape François,  la priorité des priorités,  alors la diaconie est au centre, ce qui ne réduit pas la place du prêtre,  mais bien au contraire confirme sa place sacramentelle tout en redonnant à tous les baptisés (et pas seulement au diacre) un nouvel élan. 
Je rejoins d'ailleurs là ce qu'écrivait J. Moingt** :" il y aura moins de confusion si l'Église cherchait à exploiter les ressources du sacerdoce commun des fidèles (...) et mettait son énergie à annoncer l'évangile au monde plutôt qu'à défendre ses traditions. (...) La communauté évangélique (....) n'existe pas sans esprit de communion ni sans communication. 

À noter aussi : "les diacres [vont] abandonner encore plus leurs fonctions originelles à d'autres clercs. Ils vont se définir de plus en plus explicitement par leurs attributions liturgiques et entrer en conflit avec les presbytres."

Nicée ira plus loin en affirmant : "qu'ils ne doivent pas siéger parmi les prêtres. "Que les diacres restent dans les limites de leurs attributions, sachant qu'ils sont les serviteurs de l´évêque et se trouvent en un rang inférieur aux presbytres" (can. 19).***"

Citons enfin Jean Paul II : "« La mission du Christ, prêtre, prophète, roi, se poursuit dans l'Église. Tous, le Peuple de Dieu tout entier, participent à cette triple mission. » Les fidèles laïcs participent à la fonction sacerdotale par laquelle Jésus s'est offert lui-même sur la croix et continue encore à s'offrir dans la célébration de l'eucharistie… : « Toutes leurs activités, leurs prières et leurs entreprises apostoliques, leur vie conjugale et familiale, leurs labeurs quotidiens, leurs détentes d'esprit et de corps, s'ils sont vécus dans l'Esprit de Dieu, et même les épreuves de la vie…, tout cela devient ‘ offrandes spirituelles agréables à Dieu par Jésus Christ ’ (1P 2,5) ; et dans la célébration eucharistique ces offrandes rejoignent l'oblation du corps du Seigneur pour être offertes en toute dévotion au Père » (LG 34)…       La participation à la fonction prophétique du Christ…habilite et engage les fidèles laïcs à recevoir l'Évangile dans la foi, et à l'annoncer par la parole et par les actes… Ils vivent la royauté chrétienne tout d'abord par le combat spirituel qu'ils mènent pour détruire en eux le règne du péché (Rm 6,12), ensuite par le don de soi pour servir…Jésus lui-même, présent en tous ses frères, surtout dans les plus petits (Mt 25,40). Mais les fidèles laïcs sont appelés en particulier à redonner à la création toute sa valeur originelle. En liant la création au bien véritable de l'homme par une activité soutenue par la grâce, ils participent à l'exercice du pouvoir par lequel Jésus ressuscité attire à lui toutes choses et les soumet…au Père, « afin que Dieu soit tout en tous » (Jn 12,32; 1Co 15,28). ****"

* source : CTI, Il, III, op. Cit.
** L'Évangile sauvera l'Église, op. Cit. p. 88ss
***  CTI, ibid. III, I
**** Christi fideles Laici § 13 et 14




11 août 2014

Diaconie - II

Saint Justin décrit fort bien le rôle des diacres dans la liturgie : "Quand le président de l'assemblée a achevé la prière de l'action de grâces (eucharistie) et que tout le peuple a donné sa réponse ceux que chez nous nous appelons les diacres (oi kaloumenoi par'emin diakonoi) donnent à chacun des assistants d'avoir part au pain et au vin mélangé d'eau sur lesquels a été dite la prière de l'action de grâces (eucharistie), et ils en portent aux absents."*
Plus qu'une action "figurative" dans le temps de la messe,  c'est peut être cette deuxième partie de la phrase qu'il faut souligner,  d'autant qu'elle rejoint la mention d'Actes 6, 2 oú "le service des tables" était la première raison.  
Personnellement je suis sensible à cette phrase prononcée, dans le temps, dans mon église du dimanche : "portez l'eucharistie à vos frères,  assurez les de notre prière et demandez leur de prier pour nous". En effet, elle nous fait prendre conscience de la dimension collective de l'eucharistie et de ce que c'est que de vivre "en Christo" dans le sens donné par Paul dans ses lettres,  si bien commenté par Hans Urs von Balthasar, d'un peuple de Dieu en marche.

Plus loin, cependant,  notre texte de référence souligne à nouveau la double fonction liturgique du diacre : "apporter les offrandes et de les distribuer."

Apporter les offrandes n'est pas neutre non plus. Cela touche en effet, pour moi à cette phrase si souvent soulignée par Varillon   "Dieu sanctifie ce que nous humanisons"
 Or, la mission des diacres, comme de tous baptisés,  n'est elle pas cette humanisation à parfaire ?Comment ? En commençant par l'habiter, par la transformer de l'intérieur, tendre à faire de chacun de nos actes un chemin sacramentel. Là aussi la route est longue. 


* Apol. 1,65,3-5. Saint Justin, Apologies. Introduction, texte critique, traduction, commentaire et index par A. Wartelle, Paris 1987, 188-191.

Source principale : CTI, Il, II, op. Cit. 

09 août 2014

Transfiguration - tension théologique 2

Au delà de mes propos sur l'autorité, la contemplation des textes de Daniel et des récits de la Transfiguration nous ouvre une nouvelle tension théologique entre le silence du Christ sur sa nature,  son désir de cacher cette dernière et cette réalité qui n'apparaît que subrepticement avant Pâques,  celle du Fils de Dieu rayonnant de la gloire pascale.  Cette vision réservée à 3 disciples sera à peine esquissée dans les textes évangéliques après Pâques.  Le Christ qui apparaît au bord du lac n'est pas le Fils d'homme décrit par Daniel 7.  C'est celui que Pierre tarde à reconnaître dans Jean 21. C'est celui qui n'apparaîtra que pleinement dans sa gloire le jour du grand retour. Pourquoi alors cette tension ? Probablement parce qu'elle est le prix à payer de notre liberté,  elle est le chemin offert du croire,  donné à tout homme dans le doute,  dans les balbutiements de saint Thomas.  Heureux ceux qui croient sans avoir vu l'étincelle de la gloire du Christ.  
Aujourd'hui néanmoins,  nous devons reconnaître qu'au delà de cette tension pastorale,  la liturgie nous conduit plus loin.  À nous,  en effet qui avons été baptisés dans la mort et la résurrection du Christ,  nous n'avons plus à douter de cette gloire.  Et c'est ce vers quoi nous conduit la liturgie de chaque eucharistie.  Car en ce pain et ce vin consacré, au delà de l'apparente insignifiance du symbole,  c'est bien le Christ de gloire qui se rend présent,  et c'est sur ce chemin du croire que nous sommes invités à avancer. 

Comme le souligne Anastase du Sinaï, "C'est donc vers la montagne qu'il faut nous hâter, j'ose le dire, comme l'a fait Jésus qui, là comme dans le ciel, est notre guide et notre avant-coureur. Avec lui nous brillerons pour les regards spirituels, nous serons renouvelés et divinisés dans les structures de notre âme et, avec lui, comme lui, nous serons transfigurés, divinisés pour toujours et transférés dans les hauteurs. ~

Accourons donc, dans la confiance et l'allégresse, et pénétrons dans la nuée, ainsi que Moïse et Élie, ainsi que Jacques et Jean. Comme Pierre, sois emporté dans cette contemplation et cette manifestation divines, sois magnifiquement transformé, sois emporté hors du monde, enlevé de cette terre ; abandonne la chair, quitte la création et tourne-toi vers le Créateur à qui Pierre disait, ravi hors de lui-même : Seigneur, il nous est bon d'être ici !

Certainement, Pierre, il est vraimentbon d'être ici avec Jésus, et d'y être pour toujours. Qu'y a-t-il de plus heureux, qu'y a-t-il de plus sublime, qu'y a-t-il de plus noble que d'être avec Dieu, que d'être transfiguré en Dieu dans la lumière ? Certes, chacun de nous, possédant Dieu dans son cœur, et transfiguré à l'image de Dieu doit dire avec joie : Il nous est bon d'être ici, où tout est lumineux, où il y a joie, plaisir et allégresse, où tout, dans notre cœur, est paisible, calme et imperturbable, où l'on voit Dieu : là il fait sa demeure avec le Père et il dit, en y arrivant : Aujourd'hui le salut est arrivé pour cette maison. Là tous les trésors des biens éternels sont présents et accumulés. Là sont présentées comme dans un miroir les prémices et les images de toute l'éternité à venir.*"


 * Source : homélie d'Anastase du Sinaï pour la Transfiguration

04 août 2014

Le chant du large

Je viens de mettre en ligne le tome 6 de ma saga "Le chant du large", qui compte maintenant :
1) La barque de Solwenn
2) Maria la Rousse
3) La souffrance d_Elena
4) La Marie-Jeanne
5) Magda-la-douce
6) Renaissance
Un roman en 6 parties qui nous emmène dans un petit village breton, à l'aube du XXème siècle et se poursuit à l'âge où les grands voiliers se laissent distancer par la vapeur.
Grand amateur de "La rivière espérance" de Signol, je signe une saga plus centrée sur la mer, ses appels et ses dangers.
C'est aussi une suite logique à mes travaux de recherche sur la souffrance (mémoire de licence : Quelle espérance pour l'homme souffrant).

Les 6 tomes numériques sont aussi disponibles en deux tomes papier :
I - La barque de Solwenn, texte intégral
II - Le sourire de Nolwenn, le chant du large, tome 2

Diaconie - I

Nous nous proposons de commencer ici la lecture cursive et annotée d'un texte de la Commission théologique internationale* (ci après CTI), en parallèle et en complément  d'autres lectures dont
1) L'Évangile sauvera l'Église,  de Joseph Moingt (ESE),
2) Théologie du Laïcat (TDL), de Yves-Marie Congar,
3) les articles d'Étienne Grieu sur la diaconie (EG)
4) certains textes de Vatican II,  dont GS et LG.

Commençons par le texte de la CTI :
"On peut saisir, dans une perspective christologique, ce qu'est l'essence du chrétien. L'existence chrétienne est participation à la diakonia, que Dieu lui-même a accomplie pour les hommes (...) Être chrétien signifie, à l'exemple du Christ, se mettre au service des autres jusqu'au renoncement et don de soi, par l'amour. Le baptême confère le diakonein à tout chrétien, qui, en vertu de sa participation à la diakonia, leiturgia et martyria de l'Église, coopère au service du Christ pour le salut des hommes. En effet, étant membres du Corps du Christ, tous doivent devenir serviteurs les uns des autres avec les charismes qu'ils ont reçus pour l'édification de l'Église, et celle des frères dans la foi et l'amour: "Si quelqu'un assure le service, que ce soit comme par un mandat reçu de Dieu"  (1P 4,11-12; cf. Rm 12,8; 1 Co 12,5)."
Après avoir insisté sur Christ serviteur,  le texte poursuit ainsi : "De manière radicalement opposée aux seigneurs et puissants de ce monde qui abusent de leur pouvoir, oppriment et exploitent les hommes, le disciple doit être prêt à devenir diakonos et doulos de tous (Mc 10,42-43)*."

Le terme même de diakonos, poursuit le texte est peu utilisé dans l'AT et à une acception large dans le NT. 

Selon P. Audet, c'est simplement "un serviteur susceptible de remplir diverses fonctions suivant les circonstances particulières de son service*".

NB : ce texte étant  cité à partir de la version numérique nous ne pourrons donner de numéros de page,  nous nous contenterons, dans notre lecture cursive d'indiquer les nouveaux chapitres.

Abbréviations utilisées dans les posts suivants :
CTI : Commission théologique internationale

ESE : Évangile sauvera l'Église
TDL : Théologie du Laïcat (TDL), de Yves-Marie Congar,
EG : Étienne Grieu
GS : Gaudium et Spes
LG : Lumen Gentium