22 juillet 2017

Tressaillement et embrasement

Saint Grégoire le  Grand, dans son commentaire de Jean 20 nous emmène loin sur le thème du buisson ardent : " il faut mesurer avec quelle force l'amour avait embrasé l'âme de cette femme [Marie Madeleine] ne s'éloignait pas du tombeau du Seigneur, même lorsque les disciples l'avaient quitté. Elle recherchait celui qu'elle ne trouvait pas, elle pleurait en le cherchant, et, embrasée par le feu de son amour, elle brûlait du désir de celui qu'elle croyait enlevé. C'est pour cela qu'elle a été la seule à le voir, elle qui était restée pour le chercher, car l'efficacité d'une œuvre bonne tient à la persévérance, et la Vérité dit cette parole : Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé.Elle a donc commencé par chercher, et elle n'a rien trouvé ; elle a persévéré dans sa recherche, et c'est pourquoi elle devait trouver ; ce qui s'est produit, c'est que ses désirs ont grandi à cause de son attente, et en grandissant ils ont pu saisir ce qu'ils avaient trouvé. Car l'attente fait grandir les saints désirs. Si l'attente les fait tomber, ce n'était pas de vrais désirs. C'est d'un tel amour qu'ont brûlé tous ceux qui ont pu atteindre la vérité" (....)"Appelée par son nom, Marie reconnaît donc son créateur et elle l'appelle aussitôt Rabboni, c'est-à-dire maître, parce que celui qu'elle cherchait extérieurement était celui-là même qui lui enseignait intérieurement à le chercher." (1)
"J'ai trouvé celui que mon coeur aime", chante en écho le cantique.
La quête extérieure est intérieure.  Augustin parlera de ce qui était là et qu'il ne connaissait pas(2). Auto communication du Verbe (3) au creux de nos reins, Tressaillement de l'infini en nous qui se révèle comme un buisson ardent (Ex 3) qui ne se consume pas.

(1) Saint Grégoire le Grand,  commentaire de l'Évangile de Jean,  source AELF
(2) Confessions 9
(3) pour reprendre l'idée de Karl Rahner

19 juillet 2017

Dynamique sacramentelle chez Ambroise de Milan


Une belle méditation sur la dynamique sacramentelle chez Ambroise de Milan :

"Dans le baptême trois témoins qui se rejoignent en un seul témoignage : eau, le sang et l'Esprit. Car, si tu en retires un seul, le sacrement de baptême disparaît. Qu'est-ce que l'eau, en effet, sans la croix du Christ ? Un élément ordinaire, sans aucune portée sacramentelle. Et de même, sans eau il n'y pas de mystère de la nouvelle naissance, car personne, à moins de naître de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Le catéchumène croit, lui aussi, en la croix du Seigneur Jésus, dont il a reçu le signe, mais s'il n'a pas été baptisé au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, il ne peut recevoir le pardon de ses péchés ni accueillir le don de la grâce spirituelle. (...)
Le paralytique de la piscine de Béthesda attendait un homme. Lequel, sinon le Seigneur Jésus, né de la Vierge ? Avec sa venue, il n'y avait plus seulement une préfiguration qui guérissait quelques individus, mais la vérité qui guérissait tous les hommes. (...)
Ne considère pas le mérite personnel des prêtres, mais leurs fonctions. Et si tu tiens compte du mérite, de même que tu estimes Élie, tiens compte des mérites de Pierre ou de Paul : c'est eux qui nous ont transmis ce mystère qu'ils ont reçu du Seigneur Jésus. Un feu visible leur était envoyé pour qu'ils croient pour nous qui croyons, c'est un feu invisible qui agit. (...) Crois donc que le Seigneur Jésus est là, invoqué par la prière des prêtres, lui qui a dit : Quand deux ou trois sont réunis, je suis là, moi aussi. À plus forte raison, là où est l'Église, là où sont les mystères, c'est là qu'il daigne nous accorder sa présence.
Tu es donc descendu dans le baptistère. Rappelle-toi ce que tu as répondu que tu crois au Père, que tu crois au Fils, que tu crois en l'Esprit Saint. Tu n'as pas à dire : Je crois en un plus grand et en un moins grand et en un dernier. Mais, par un même engagement de ta parole, tu es tenu de croire au Fils de la même manière que tu crois au Père, de croire en l'Esprit Saint de la même manière que tu crois au Fils, avec cette seule différence que tu confesses devoir croire en la croix du seul Seigneur Jésus." (1)

(1) Ambroise de Milan, Traité sur les mystère, source AELF

Pour une lecture spirituelle

Selon G. Donnadieu (1) une porte de sortie de la violence inhérente au Coran nécessiterait d'ouvrir une "boucle figée" de son interprétation par une lecture de son "corps spirituel". C'est notamment la thèse du soudanais Mamoud Taha, exécuté en 1985 qui soulignait notamment l'importance des premiers écrits coraniques sur les second. Une thèse reprise partiellement par Mohamed Arkoum, professeur à la Sorbonne. En effet seul un outil herméneutique permettrait de démontrer que la violence inhérente au Coran relève d'un contexte daté. Mais cette thèse se heurte à la règle qui stipule que les derniers textes abrogent les premiers. On est donc face, depuis des siècles, à une conception figée des choses qui n'a pas de porte de sortie. À l'inverse, la dynamique interprétative est la force du christianisme. Cette lecture spirituelle s'inscrit en effet au coeur de la démarche de lecture des textes initiée par les pères de l'Église et poursuivie pendant des siècles (2)

(1) Cours au Bernardins, ibid.
(2) cf. notamment de Lubac, Exégèse médiévale.

07 juillet 2017

Kérigmes comparés

Selon Gérard Donnadieu(1) le kérygme musulman s'articule sous le mot soumission.  En soi, se mettre sous le divin, s'agenouiller devant son Dieu n'est pas loin d'une démarche chrétienne.  Quelle est alors la différence avec le coeur de la foi chrétienne ? Elle est à trouver dans l'articulation complexe entre l'agenouillement devant Dieu et l'agenouillement de Dieu devant l'homme. Elle s'illustre "sacramentellement" par le  lavement des pieds des disciples par Jésus (Jn 13) où l'on trouve une réponse divine à l'agenouillement de Marie aux pieds de Jésus (Jn 12). Comme vous le faites,  je le fais aussi et je vous invite à le faire à votre tour. La kénose du Fils répond en même temps à celle de l'homme et à celle du Père et nous fait entrer dans l'acte kénotique.
"C'est pourquoi Dieu l'a relevé et lui a donné le nom", dit Philippiens 2. Dans la danse kénotique se dévoile aussi le fait que Dieu ne fait pas de nous des serviteurs mais des amis (cf. Jn 15, 15).
La soumission chrétienne est danse.

(1) conférence de novembre 2016 aux Bernardins

29 juin 2017

Chemins de miséricorde - bouddhas de compassion

En écoutant la conférence de Gérard Donnadieu (1) sur le bouddhisme je découvre un trait commun qui laisse rêveur tout ceux qui contemplent les pas de Dieu vers l'homme. Les bouddhas de compassion du grand véhicule chinois ou japonais nous font découvrir que nous n'avons pas le monopole de l'incarnation et de la compassion. Qu'en dire ? Sur une lecture étroite on peut s'attacher aux différences. Dans une lecture ouverte, on contemplera les pas divers de Dieu vers l'homme avant de croire à un Dieu plus grand et plus aimant que nous, sans nier ce que le christianisme nous apporte et à quoi il nous conduit. L'ouverture conduit au respect, au dialogue et s'inscrit dans la dimension même de l'élan conciliaire lancé par Gaudium et spes et Nostra Aetate

(1) Éléments pour un dialogue avec l'islam et le bouddhisme (Podcast du College des Bernardins)

Oxymore théologique - Trinité et unicité de Dieu

A l'opposition apparente entre le Dieu unique et les trois personnes divines Gérard Donnadieu (1) apporte une réponse circulaire. Sans hiérarchie entre les deux concepts il y voit l'expression de la complexité et d'un oxymore théologique. Les deux concepts se répondent et se confortent et le cercle est préférable à une primauté et une hiérarchie. S'il ne fait pas mention là de la circumincession des Pères de l'Eglise, j'y vois une autre illustration de ce que j'appelle la danse trinitaire.

(1) Éléments pour un dialogue avec l'islam et le bouddhisme (Podcast du College des Bernardins) du 03/11/2106

Une morale vectorielle

L'image de Gérard Donnadieu, reprise dans l'introduction de son cours au Bernardins(1), d'une morale vectorielle m'intéresse tant elle rejoint mes travaux sur la dynamique sacramentelle. Son idée qui rejoint les intuitions du pape est de penser la morale, non comme une série d'interdits mais comme des chemins qui conduisent et appellent l'homme plus loin et plus haut. Il y a là une articulation entre morale et miséricorde qui semble intéressante à travailler.

(1) Éléments pour un dialogue avec l'islam et le bouddhisme (Podcast du College des Bernardins) disponible sur iStores.

25 juin 2017

Tressaillement 2 - Jérémie


Le tressaillement du prophète entre en écho avec nos tressaillements :
« Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ;
avant que tu viennes au jour,je t’ai consacré ;
je fais de toi un prophète pour les nations. »
Et je dis :
« Ah ! Seigneur mon Dieu !
Vois donc : je ne sais pas parler,
je suis un enfant ! »
Le Seigneur reprit :
« Ne dis pas : “Je suis un enfant !”
Tu iras vers tous ceux à qui je t’enverrai ;
tout ce que je t’ordonnerai, tu le diras.
Ne les crains pas,
car je suis avec toi pour te délivrer
– oracle du Seigneur. »
Puis le Seigneur étendit la main et me toucha la bouche.
Il me dit :
« Voici, je mets dans ta bouche mes paroles !
Vois : aujourd’hui, je te donne autorité
sur les nations et les royaumes,pour arracher et renverser,
pour détruire et démolir,
pour bâtir et planter. »

Il prépare au tressaillement du coeurs, à ce "bruit d'un fin silence" où Dieu se révèle à nous.
(1) Jérémie 1, 5-10  source AELF

24 juin 2017

Tressaillement - Saint Jean et Augustin

Il y a chez Jean Baptiste une nouveauté particulière qui interpelle notre réception du Christ.  Et dans le Tressaillement intra-utérin du cousin du Christ se trace la manière dont nous sommes appelés à la ressemblance. C'est en effet en nous, au coeur même de notre être que Dieu va creuser notre désir et interpeller notre conscience. Le Tressaillement de Jean appelle l'homme à la rencontre de l'inoui de Dieu. Il en marque le surgissement et l'éveil, au point que chaque fois que sa Présence se révèle pleinement en nos coeurs,  dans l'eucharistie, dans la contemplation,  comme dans la rencontre véritable de l'amour de Dieu en autrui se rejoue à nouveau ce Tressaillement de l'âme humaine qui crie alors, c'est toi, mon Dieu.
Mais écoutons Augustin sur ce point.  

"L'Église considère la naissance de Jean comme particulièrement sacrée : on ne trouve aucun des saints qui nous ont précédés dont nous célébrions solennellement la naissance. Nous ne célébrons que celle de Jean et celle du Christ. Ce ne peut être sans motif ; et si peut-être nous n'y voyons pas très clair en raison de la noblesse d'un tel mystère, nous le méditerons cependant de façon fructueuse et profonde.
Jean naît d'une vieille femme stérile ; le Christ naît d'une jeune fille vierge. La naissance de Jean rencontre l'incrédulité, et son père devient muet ; Marie croit à celle du Christ, et elle le conçoit par la foi. Nous vous avons proposé d'en chercher la raison, nous vous avons annonce que nous allions y réfléchir. Mais c'était un simple préambule, et si nous ne sommes pas capables de scruter les replis d'un si grand mystère, faute de capacité ou de temps, vous serez mieux instruits par celui qui parle en vous, même en notre absence, celui à qui vous pensez avec affection, celui que vous avez accueilli dans votre cœur, celui dont vous êtes devenus les temples.
Jean apparaît donc comme une frontière placée entre les deux testaments, l'ancien et le nouveau. Qu'il forme une sorte de frontière, le Seigneur lui-même l'atteste lorsqu'il dit : La Loi et les Prophètes vont jusqu'à Jean. Il est donc un personnage de l'antiquité et le héraut de la nouveauté. Parce qu'il représente l'antiquité, il naît de deux vieillards ; parce qu'il représente la nouveauté, il se révèle prophète dans les entrailles de sa mère. En effet, avant sa naissance, lorsque Marie s'approcha, il bondit dans le sein de sa mère. Là déjà il était désigné pour sa mission, désigné avant d'être né. Il apparaît déjà comme le précurseur du Christ, avant que celui-ci puisse le voir. Ces choses-là sont divines et elles dépassent la capacité de la faiblesse humaine. Enfin a lieu sa naissance, il reçoit son nom, son père retrouve la parole. Il faut rattacher ces événements à leur symbolisme profond. ~
Zacharie se tait et perd la parole jusqu'à la naissance de Jean, précurseur du Seigneur, qui lui rend la parole. Que signifie le silence de Zacharie sinon que la prophétie a disparu, et qu'avant l'annonce du Christ, elle est comme cachée et close ? Elle s'ouvre à son avènement, elle devient claire pour l'arrivée de celui qui était prophétisé. La parole rendue à Zacharie à la naissance de Jean correspond au voile déchiré à la mort de Jésus sur la croix. Si Jean s'était annoncé lui-même, la bouche de Zacharie ne se serait pas rouverte. La parole lui est rendue à cause de la naissance de celui qui est la voix ; car on demandait à Jean qui annonçait déjà le Seigneur : Toi, qui es-tu ? Et il répondit : Je suis la voix qui crie dans le désert. La voix, c'est Jean, tandis que le Seigneur est la Parole : Au commencement était le Verbe. Jean, c'est la voix pour un temps ; le Christ, c'est le Verbe au commencement, c'est le Verbe éternel." (1)


(1) Augustin d'Hippone, Homélie sur la nativité de Jean Baptiste, source AELF

18 juin 2017

Lire les psaumes - Ambroise de Milan

Dans le livre des psaumes, on trouve l'avancement de tous et comme un remède pour la santé du genre humain. Il suffit de les lire pour avoir de quoi guérir les blessures de sa souffrance par un remède approprié. Il suffit de vouloir les considérer pour découvrir, comme dans un gymnase ouvert à toutes les âmes et comme dans un stade consacré à l'exercice des vertus, les différents genres de combats qui nous attendent ; et l'on peut y choisir celui auquel on se juge le plus apte et par lequel on remportera plus facilement la couronne.
Si quelqu'un cherche à récapituler l'histoire des anciens et veut en suivre les exemples, il possède, résumé dans un seul psaume, tout l'enchaînement de cette histoire, afin de garder ce trésor dans sa mémoire grâce au résumé fourni par cette lecture. Si quelqu'un veut découvrir la force de la loi, qui réside tout entière dans ce lien qu'est la charité (car celui qui aime son prochain a parfaitement accompli la loi), qu'il lise dans les psaumes avec quel amour du prochain, pour repousser l'injure faite à tout le peuple, un seul homme s'expose à de grands dangers ; il y découvrira que la gloire de l'amour n'est pas inférieure au triomphe de la bravoure(1)."
Voir sur ce thème mes  "Chemins de Prière" sur https://prierdieu.blogspot.fr
(1) Saint Ambroise de Milan,  commentaire du psaume 1, source AELF

17 juin 2017

Église sacrement

La question soulevée lors des débats de Vatican II sur l'utilisation de l'expression "Église sacrement" (1) rejoint mes réflexions sur la dynamique sacramentelle. Si je comprends bien les arguments avancés par les conservateurs, il n'y a que 7 sacrements et l'Église ne peut en être. N'est-ce pas réduire à la fois le signe au rite et l'esprit à l'action du prêtre. Je caricature peut-être. Mais si l'Église en dépit de ses humanités et du péché de ses membres n'est signe de rien pour le monde, les sacrements non plus seront inutiles. Il y a interpénétration entre l'Église et la vie sacramentelle qui l'habite et la dimension kénotique de l'Église dépasse tout ce qui la constitue puisqu'elle est habitée de l'intérieur par un souffle qui l'entraîne toujours plus loin.

Sur ce point j'ai longtemps glosé sur le fait qu'on considérait que le lavement des pieds n'avait pas besoin d'être identifié comme sacrement puisque l'Église serviteur était le coeur même de sa destination. (2)


(1) L'événement Vatican II op. Cit. p. 245
(2) l'idée est ancienne. Il me semble qu'elle est reprise par Moingt. Je la développe dans plusieurs ouvrages

16 juin 2017

Juridisme, cléricalisme et triomphalisme - Mgr de Smedt

Après une allocation qui fit déjà du bruit le 19 novembre 1962 en marquant son opposition au projet de Fontibus(1), Monseigneur Émile-Joseph de Smedt, l'évêque de Bruges, alla plus loin le 1er décembre 1962 en disant que trois dangers pesaient sur l'Église : le cléricalisme, le juridisme et le triomphalisme(2). Comme le note Congar dans son journal, c'était un peu excessif. Mais le danger de ces trois tentations qui ne sont que des variantes de celle dénoncées par Jn (avoir, pouvoir, valoir) est le lot de toute humanité.

Qu'en est-il 55 ans plus tard ? Les propos du pape au cardinal Ouellet déjà cités ne soulignent pas autre chose. La réception de Vatican II n'est pas terminée.

(1) John W. O'Malley op. Cit. p. 206
(2) p. 215

10 juin 2017

Un discours inductif - 3, nouvelles tendances pour l'Église

La longue présentation du XIXème siècle et de l'évolution du discours papal par O'Malley(1) me laisse rêveur, non que je réfute son fil de lecture, mais parce qu'il introduit pour moi une vision d'ensemble intéressante sur l'impact des Lumières sur le christianisme actuel et futur. L'aufklärung, en dépit de ses travers et de ses exagérations aurait-il été inspiré dans sa déconstruction d'un monde figé et sclérosé où l'Église et l'État avaient mutuellement conforté leurs bases dans une vision totalitaire du pouvoir et du savoir ? Quid du vent de l'Esprit dans ce système ? Et quel impact pour l'Église ?
Le Concile dont la réception est loin d'être terminée, donne-t-il une place plus large à un souffle nouveau qui vient d'ailleurs, ne cherche plus ses bases dans l'obéissance aveugle et ouvre à une foi authentique ? Sujet dangereux, hérétique peut-être. Mais l'inductif, le primat de la conscience, l'auto communication rahnérienne est enfin possible. Face à un monde ancien qui distinguait "les pasteurs [éclairés] et le troupeau"(2), la démocratie chrétienne, la collégialité et la co-responsabilité sonne le glas d'un monopole abusif.
Le danger est de tomber dans l'excès inverse et oublier que la place de Pierre est lieu d'unité et comme nous le rappelle François d'humilité. Notre Église a besoin de cette alchimie subtile entre liberté et autorité, souffle et solidité, recherche et chemins, foi et raison.
Dans son interview à RND du 7/6 le père Alphonse Borras soulignait cela avec justesse :  "L'Église catholique est le lieu où se conjugue bien [il osait dire le mieux] foi et raison" (3) L'art est de conserver cette articulation.
Ce qui est certain, c'est que la désertification apparente de l'Église n'est à concevoir que comme la conséquence d'une intériorisation du message et d'une plus grande vérité intérieure. Il n'y a plus beaucoup de christianisme social en Europe. Ceux qui franchissent nos églises sont portés par une authenticité et une quête qu'il faut entendre, écouter et ensemencer par la Parole. Là est l'avenir(4).

(1) John W. O'Malley, L'Évenement Vatican II, Bruxelles, Lessius, 2011, p. 79
(2) p. 95
(3) je cite de mémoire 
(4) cf. à ce sujet mes développements dans Cette Église que je cherche à aimer, Pastorale du Seuil et Humilité et Miséricorde tome 3.

09 juin 2017

Un discours inductif - 2

Comment illustrer ce que je développais dans mon billet précédent ? En quoi les textes du Concile ouvrent-ils un style nouveau et inductif. Deux citations de O'Malley (1) me semblent conforter ce sens. Ce sont pour moi parmi les lignes les plus belles de GS.

"Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur." GS 1 (2).
Elles entrent dans cette contemplation de l'humanité, de cette terre si chère à Bérulle où Dieu se fait chair.
Elles préparent aux versets du par. 16 :". Au fond de sa conscience, l'homme découvre la présence d'une loi qu'il ne s'est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d'aimer et d'accomplir le bien et d'éviter le mal, au moment opportun résonne dans l'intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela ». Car c'est une loi inscrite par Dieu au cœur de l'homme ; sa dignité est de lui obéir, et c'est elle qui le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l'homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. C'est d'une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui s'accomplit dans l'amour de Dieu et du prochain. Par fidélité à la conscience, les chrétiens, unis aux autres hommes, doivent chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale. Plus la conscience droite l'emporte, plus les personnes et les groupes s'éloignent d'une décision aveugle et tendent à se conformer aux normes objectives de la moralité." GS 16.

Nous ne sommes pas là dans une morale culpabilisante ou un jugement a priori sur l'homme, mais bien au coeur d'un travail inductif, c'est-à-dire intérieur qui plonge l'homme dans la danse d'un Dieu agenouillé, d'une inhabitation du Verbe, d'un souffle trinitaire et kénotique. Le Concile croit en l'homme.

(1) John W. O'Malley, p. 76
(2) citations de GS, source Vatican.va

08 juin 2017

Panégyrique, épidictique, inductif ou pastoral

Un des apports de John W. O'Malley est de nous faire percevoir Vatican II à partir du contexte et de l'histoire. Les pages 68ss nous précisent le style comme panégyrique, épidictique et pastoral, à la différence du style plus canonique des conciles précédents. Pourquoi remplacer la loi et la condamnation par un appel à la conversion intérieure, à ce qu'on appelle aussi l'inductif ?
Le grand saut du Concile dans le monde de notre temps est de comprendre que les temps ont changé, que le monde n'est plus capable d'entendre des condamnations venues d'en haut, mais est avide de sens. Là est la dimension pastorale.
"Sa façon d'enseigner (...) passe par la suggestion, l'insinuation et l'exemple. Il a pour instrument la persuasion, non la contrainte". (1)
"Il vise la réconciliation (...) crée et encourage la prise de conscience" (...) travaille de l'intérieur vers l'extérieur (...) partage l'espérance et la joie" (2)

(1) L'événement Vatican II, ibid. p. 71
(2) p. 73