« Ce jour-là, le soir venu, Jésus dit à ses disciples : « Passons sur l'autre rive. »
Quittant la foule, ils emmenèrent Jésus, comme il était, dans la barque, et d'autres barques l'accompagnaient.
Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait.
Lui dormait sur le coussin à l'arrière. Les disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? »
Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence, tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme.
Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N'avez-vous pas encore la foi ? »
Saisis d'une grande crainte, ils se disaient entre eux : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »
Pourquoi sombrons nous dans le désespoir ? Pourquoi la tempête à prise sur nous. Quel attachement avons nous aux choses de ce monde ?
Viens et suis moi. Je n'ai pas d'endroit où poser ma tête, je fais la volonté de mon père. Qu'importe le reste. Écoutons saint Augustin : « Ne laissez pas la foi dormir dans vos cœurs au milieu des tempêtes et des houles de ce monde. Le Seigneur Jésus Christ exerçait sans aucun doute son pouvoir sur le sommeil non moins que sur la mort, et quand il naviguait sur le lac, le Tout-Puissant n'a pas pu succomber au sommeil sans le vouloir. Si vous pensez qu'il n'avait pas cette maîtrise, c'est que le Christ dort en vous. Si, au contraire, le Christ est éveillé en vous, votre foi aussi est éveillée. L'apôtre Paul dit : « Que le Christ habite en vos cœurs par la foi » (Ep 3,17).
Donc le sommeil du Christ est le signe d'un mystère. Les occupants de la barque représentent les âmes qui traversent la vie de ce monde sur le bois de la croix. En outre, la barque est la figure de l'Église. Oui, vraiment, tous les fidèles sont des temples où Dieu habite, et le cœur de chacun d'eux est une barque naviguant sur la mer ; elle ne peut sombrer si l'esprit entretient de bonnes pensées. On t'a fait injure : c'est le vent qui te fouette. Tu t'es mis en colère : c'est le flot qui monte. Ainsi, quand le vent souffle et que monte le flot, la barque est en péril. Ton cœur est en péril, ton cœur est secoué par les flots. L'outrage a suscité en toi le désir de la vengeance. Et voici : tu t'es vengé, cédant ainsi sous la faute d'autrui, et tu as fait naufrage. Pourquoi ? Parce que le Christ s'est endormi en toi, c'est-à-dire que tu as oublié le Christ. Réveille-donc le Christ, souviens-toi du Christ, que le Christ s'éveille en toi ; pense à lui. » (1)
Et si la mort t'envahit, si tu es tourmenté « par la souffrance, par la déchéance progressive de [ton] corps, mais plus encore par la peur d'une destruction définitive, [si tu ] (...) déteste et refuse cette ruine totale, cet échec définitif de la personne. [Si le] germe d'éternité que [tu] portes (...) s'insurge contre la mort. [et demeure] impuissant à calmer ton anxiété (...) [n'oublie pas que] Dieu a créé l'homme en vue d'une fin bienheureuse, au-delà des misères du temps présent. De plus, la foi chrétienne enseigne que cette mort corporelle, à laquelle l'homme aurait été soustrait s'il n'avait pas péché, sera vaincue lorsque le salut, perdu par la faute de l'homme, lui sera rendu par son tout-puissant et miséricordieux Sauveur. Car Dieu a appelé l'homme et l'appelle toujours à adhérer à lui de tout son être, dans une communion éternelle à la vie divine qui ne peut se dissoudre. Cette victoire, le Christ l'a acquise lorsqu'il est ressuscité, parce qu'il libérait l'homme de la mort par sa propre mort. À partir des titres sérieux qu'elle offre à la réflexion de tout homme, la foi lui offre une réponse à son interrogation angoissée sur son propre avenir. Elle nous offre en même temps la possibilité de communier dans le Christ avec nos frères bien-aimés qui sont déjà morts, en nous donnant l'espérance qu'ils ont trouvé près de Dieu la véritable vie. ~
Certes, la nécessité et le devoir s'imposent au chrétien de lutter contre le mal en supportant de nombreuses épreuves, et de subir la mort. Mais, associé au mystère pascal, devenant conforme au Christ dans la mort, fortifié par espérance, il ira au-devant de la résurrection.
Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, la grâce est à l'œuvre. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et toute la vocation dernière de l'homme est réellement unique, c'est-à-dire divine, nous devons soutenir que l'Esprit Saint offre à tous, d'une façon que Dieu connaît, la possibilité d'être associés au mystère pascal.
Telle est la qualité et la grandeur du mystère de l'homme, ce mystère que la Révélation chrétienne éclaire pour les yeux des croyants. C'est donc par le Christ et dans le Christ qu'elle devient lumineuse, cette énigme de la douleur et de la mort qui, hors de son Évangile, nous accable. Le Christ est ressuscité ; par sa mort, il a vaincu la mort, et il nous a donné la vie en abondance pour que, devenus fils dans le Fils, nous puissions nous écrier dans l'Esprit : Abba, Père ! »(2)
Ta rosée, Seigneur, est une rosée de lumière ;
la terre donnera aux ombres la vie.(3)
(1) Saint Augustin, Sermon 63, 1-3; PL 38, 424-425 (Les Pères de l'Église commentent l'Évangile; Collection liturgique Mysteria sous la direction de Henri Delougne; trad. Abbaye de Clervaux; Éd. Brepols 1991, p. 259), source : l'Évangile au Quotidien.
(2) Gaudium et spes 18
Claude Hériard
06 26 33 82 85
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