Notre monde a besoin de nouveaux
terrains pour rencontrer Dieu. Le mot terrain, en soi, n’est pas
choisi au hasard, tant il est vrai que nombreux sont ceux qui ne
trouvent plus dans nos églises un attrait suffisant pour rejoindre
nos communautés. Il nous faut donc trouver de nouveaux lieux où
exercer notre mission de baptisés.
Le pape François nous appelle à
partir à la périphérie, à sortir donc de nos murs et installer
des hôpitaux de campagne, pour transmettre au monde la « caresse
de Dieu »(1). Habitués à cette
pastorale du seuil, nous avons
à revisiter les lieux et les approches habituels. Il nous faut
trouver les clés d’entrée qui peuvent permettre aux chercheurs de
Dieu de rejoindre ce qui nous fait vivre. Pour cela, nous devons
accepter de quitter les chemins habituels, pour partir, à la suite
de Jésus sur les routes qui s’éloignent en apparence de
Jérusalem, ces chemins d’Emmaüs (Lc 24, 13-35) où l’écho
d’un tombeau vide résonne encore du cri et de l’absence
apparente de Dieu.
Après 25 ans en pastorale urbaine et 5
années passées en zone rurale, un changement qui a donné lieu pour
nous à une conversion du regard, tant les populations et les besoins
étaient différents, voici huit chemins identifiés comme
prioritaires, pour tenter d’atteindre le cœur de ces brebis
égarées sur les chemins du monde.
Une pastorale de l’humilité
La première leçon d’Emmaüs est de contempler le Christ qui ne
se dévoile pas, ne joue pas les maîtres, mais accompagne sur un
chemin dont il ne connaît pas toutes les pierres. Il a soif de la
rencontre, interroge, reconnaît à chacun sa valeur propre et ne
cherche pas à s’imposer, au point de disparaître à la fraction
du pain.
Une
pastorale de la joie
La deuxième leçon de l’Évangile est celle d’un Christ qui
ne refuse pas de s’assoir à la table des publicains (Mc 2, 16), à
boire du vin (Jn 2, 1-12) et à chanter sur les places. À la
différence de son cousin, sa pastorale est celle de la joie.
Une
pastorale de la création
Une troisième leçon est celle de la contemplation. En mettant
l’enfant au centre de son enseignement, il nous conduit à
reconnaître que la naissance, l’enfance, la créature de Dieu est
lieu de contemplation et d’étonnement. Et ce faisant, elle est
chemin vers Dieu. C’est un atout de notre pastorale rurale, où
nous rencontrons souvent des couples déjà parents, de les faire
parler de la joie de leur paternité, comme lieu de rencontre avec le
divin.
Une
pastorale de l’amour
L’amour, leur amour est aussi une clé d’entrée à Dieu. En
les faisant contempler ce qui est né en eux, ce qu’ils vivent,
voire les joies de leurs rencontres, nous pouvons les introduire à
cet amour reçu, débordant qui nous vient de Dieu.
Une
pastorale de la miséricorde
Être accueillant, sans juger leur passé mais tout tourné vers
l’avenir, c’est exercer la miséricorde d’un Dieu qui ne juge
pas l’homme, veut guérir ceux qui sont marqués par des échecs et
les inviter à une nouvelle danse.
Une
pastorale de l’engendrement
L’enjeu n’est-il pas de les rendre actifs, engagés, leur
révéler ces clés intérieures qu’ils portent en eux et peuvent
libérer sur les chemins de Dieu ? Il est étonnant de voir
combien certains, à l’issue de nos rencontres, accueillis, portés
par la dynamique d’un groupe qui les a valorisés, souhaitent aller
plus loin. C’est cela l’engendrement : réveiller l’envie
de faire église.
Une
pastorale de la Parole
La Parole de Dieu, partagée, découverte ensemble, quand elle est
source de dialogue, d’échange et de vie, réconcilie l’homme
avec l’Évangile, lui montre combien il rejoint l’aujourd’hui
de chacun.
Une
pastorale de la souffrance
Plus délicate, cette dernière clé n’est pas à oublier. Car
ceux qui se sont éloignés de Dieu portent en eux une question qui
les minent : «
Où es-tu, mon Dieu ? ». Souvent
la souffrance, la perte d’un proche est le point de blocage de leur
relation avec Dieu. Or, à l’âge où ils se marient, c’est
souvent la perte d’un grand-parent qui les touche et interpelle
leur lien avec l’Église. En ignorant ce point, nous risquons de
passer à côté d’un écueil majeur.
Conclusion
On le voit, les clés sont nombreuses et les moyens d’y parvenir
semblent délicats. Pourtant, cette petite liste semble prioritaire.
Si nous omettons de nous y référer, nous risquons de passer à côté
de l’essentiel, de plaquer un discours, une morale, là où ils
cherchent des chemins. Le travail de Dieu en l’homme nous échappe.
En ouvrant ces huit portes, nous travaillons à le faciliter.
(1) Pape François,
Homélie à Sainte Marthe du 7/4/2014
Pour aller plus loin :
1) Pape François,
La joie de l'Evangile
2) W. Kasper,
La miséricorde
3) Théobald / Bacq,
La pastorale d'engendrement
4) C. Hériard
Pastorale du seuil /
Où es-tu, mon Dieu ? - Souffrance et création /
Chemins d'Evangile /
Aimer pour la vie, essai de spiritualité conjugale / Humilité et miséricorde (à paraître)