11 juillet 2005

Pauvreté de Dieu

La pauvreté (2 cor 8,9) et la kénose (ph 2,7) nous dise quelque chose de Dieu, sur sa nature même. Loin de trahir une faiblesse, ce dépouillement exprime "la plénitude et sa liberté d'être le ciel même sur la Terre" (1).
La liberté de l'homme peut de même se révéler dans sa capacité même de se décentrer. C'est-à-dire de ne pas oeuvrer pour sa propre gloire mais au contraire, d'avancer pour un autre et donc de fait, d'être libre de ce qui retient à son Moi pour participer à l'amour véritable. "A une distance infinie de soi-même nous dit Zundel". Le décentrement nous conduit à une plénitude, celle de devenir participant non de nous-mêmes mais de l'amour de Dieu...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 158

10 juillet 2005

Perdre pour gagner

Le procès de Job à Dieu indique obscurément d'avance la Croix de Jésus dans laquelle Dieu semble avoir perdu la partie dans son différent avec l'homme. Quand Dieu semble perdre le procès face à l'homme dans le destin de Jésus, il le gagne à la résurrection comme l'a montré Paul dans Romains 3,4 et comme le développe Jn dans 16, 7-11 (1) : "Si je ne pars pas, le défenseur ne viendra pas vers vous".
Je me demande si cela n'est pas encore une question de décentrement. Pour que le souffle habite nos coeurs, il nous faut aussi partir, quitter notre moi, mourir tel le grain qui meurt pour germer d'une vie nouvelle.... N'est-ce pas là le "toutes choses nouvelles" qu'aurait évoqué Jésus lors de sa passion d'après le film de M. Gibson ?

(1) Urs von Balthasar, ibid p.128

09 juillet 2005

Silence et retrait...

Pour Irénée, Dieu agit toujours par persuasion et jamais par contrainte (cf. IV 39,3, V 1,1, 19,1). La liberté (...) est docilité entre ses mains, (cf. IV 39, 2-3). "Par son comportement et parallèlement dans son idée de Dieu conçu comme abîme et silence, la Gnose condamne l'homme a toujours chercher sans jamais trouver (I, 1,4 III 24,2). Le Dieu chrétien est assez riche pour que même trouvé il soit éternellement recherché et constamment trouvé et donne accès à ses trésors inépuisables de vie.(1)
Cela interpelle ma propre vision du silence, déjà mise à mal par certains. Aurai-je des accents gnostiques dans ma recherche et cette mise en avant du silence de Dieu. La théorie du retrait de Dieu chez H. Jonas a donc ses limites et c'est vrai qu'à force de mettre en avant le silence de Dieu pour exalter la liberté de l'homme, on ne se trouve dans une impasse qui ne permettent plus la révélation. Le silence de Dieu n'est-il pas finalement une invention de l'homme qui refuse de voir en soi la présence et l'auto-communication du verbe. A méditer...

(1) Irénée cité par Urs von Balthasar, ibid p. 121-2

08 juillet 2005

Le plan de Dieu

On ne peut décider d'avance du plan d'ensemble de Dieu; il faut que le Verbe divin le révèle progressivement à l'homme appelé à la maturation de la connaissance parfaite (cf. Irénée, ibid VI,I).
Pour Irénée : "Le drame consiste en ce que la liberté humaine est considérée essentiellement comme liberté en devenir qui doit faire l'expérience de son éloignement contre nature par rapport à Dieu afin de parvenir ainsi à la connaissance intime du Bien, c'est-à-dire l'amour divin. L'expérience de la souffrance, indispensable à l'homme pour que sa liberté mûrisse intérieurement peut, alors même qu'il se détourne de Dieu devenir source du salut du fait que le verbe de Dieu (...) endure sur la croix, réellement et jusqu'en sa profondeur, cette souffrance de l'éloignement." (1)
Cela éclaire un peu pour moi ce qui restait le mystère de l'abandon de Dieu par Dieu. Pour que l'humanité du Christ soit complète et que son incarnation ne soit pas un simulacre, il fallait qu'il ressente en sa chair ce que nous ressentons au plus fort de la douleur, ce sentiment d'abandon de Dieu. Et c'est en cela que le Christ est vrai homme (mais aussi vrai Dieu) comme l'affirme notre credo.
Il y a donc un chemin possible pour l'homme, au plus profond de sa souffrance et le Christ nous en montre la voie, à travers ce combat et surtout par l'ouverture que donne en nous le message de la résurection...

(1) Irénée, cité par Urs von Balthasar, ibid p. 121

07 juillet 2005

Totalité ou pédagogie de l'auto-communication

Si Balthasar s'emporte dans l'exaltation d'une totalité hégelienne retrouvée dans les 26 emplois du mot tous dans le IVème livre de Contre les Hérésies d'Irénée je pense qu'il ne faut pas en tirer une loi. Car si pour moi la totalité a du sens dans une perception intérieure de Dieu elle reste à exclure dans toute la pédagogie de la foi. C'est probablement pour cela que je considère que Rahner et Urs von Balthasar ne sont pas éloignés sur le fond même s'ils diffèrent sur la forme...
A commenter.

06 juillet 2005

Philosophie et révélation

"La religion chrétienne est non seulement l'intégration transcendante de la liberté des logos spermatikos [Germes du verbe - expression utilisée par Justin ] de la philosophie et de l'éthique, chez les païens comme chez les juifs" elle va plus loin. Car cette totalité demeure insurpassable. Elle est en effet l'oeuvre d'un Dieu qui n'a nul besoin du monde mais qui "achève son oeuvre créatrice dans l'économie du salut, en se livrant lui-même en toute liberté" (1)
La pédagogie des mots ne pouvait être porteuse de sens universel qu'à travers sa mise en actes. C'est pourquoi, il fallait presque attendre que tout soit dit et découvert par les germes d'une philosophie secrètement habitée par Dieu, pour que la mise en acte vienne donner l'ultime convergence et en un sens la médiation unique et insurpassable de ce qu'une multitude de signes n'avait fait qu'effleurer.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 117

05 juillet 2005

Délicatesse

"La vérité divine est saisie par une méthode délicate et indirecte (...) toujours livré à la contradiction possible et à la méconnaissance". Urs von Balthasar ajoute "qu'au terme de ces réflexions on voit alors comment la grâce s'enracine dans la philosophie, pour frayer à la liberté par sa lumière, l'accès vers le centre. En cela, pour lui l'homme sans culture a autant de chance que le théologien savant de percevoir la convergence des indices et d'y adhérer si il veut. (1)
Sans cela, la foi serait une affaire d'élite et non crédible à mes yeux. Le Christ de fait était plus compris par Madeleine que par Nicodème, probablement parce que les mots ne prennent sens en l'homme que lorsqu'ils sont mis en actes par le corps. Quand le corps touche le corps par l'intérieur, les mots peuvent raisonner et prendre sens. C'est d'ailleurs ce qui différencie le Christ des philosophes grecs, même si ces derniers pouvaient déjà approcher l'essence du mystère, seul les actes de Dieu pouvait être porteur du sens véritable, en traçant l'hyperbole qui va du corps exposé et souffrant à la révélation en chaque homme de cette lumière indicible de Dieu.

(1) Urs von Balthasar, ibid p.114

04 juillet 2005

Convergence - II

"Ce centre vers lequel convergent les indices théologiques n'est autre que la majesté et l'amour infini de Dieu qui s'offre à l'homme dans sa révélation et qui l'interpelle." J.H. Newman, Sermon du 13/1/1834
Au delà de cette admirable convergence, que je qualifiais il y a déjà quelques mois de conjonction, je note l'utilisation de deux verbes qui raisonnent en mois : offrir et interpeller. C'est bien cette délicatesse qui caractérise pour moi le chemin de Dieu au delà des accents bruyants du drame intramondain.

03 juillet 2005

Décentrement

"Se laisser conduire est essentiellement une attitude de l'humilité, de la simplicité de la foi, seule cette attitude fraye le chemin à la communion divine, seule elle accorde à la lumière de Dieu tout l'espace d'un coeur purifié (Mt 5,8 : "Heureux les purs du coeur car ils verront Dieu" TGL) (1)
C'est d'ailleurs les limites d'une théologie qui a force de chercher à comprendre perd ce naturel de la confiance. Le décentrement véritable n'est-il pas de laisser vibrer en nous autre chose que notre moi, abandonner la quête de puissance pour que vibre une autre voix, qui réside en nous mais dans le silence alors que notre bruit nous occupe, fait résonner les timbales vides de notre soif d'être quelqu'un... Dur combat intérieur.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 108

02 juillet 2005

Souffrance - II

Ni les mots, ni les techniques, ni les bons sentiments prometteurs ne font le poids en face de la souffrance, toujours actuelle et à qui rien n'échappe. Toutes ces démarches sont impuissantes et dépassées "par un acte capable de transmuer de l'intérieur la souffrance et de lui conférer un sens, et cet acte ne pouvait être porté que par Dieu. Cela ouvre une perspective inattendue sur le coeur de la synthèse chrétienne, qui est la divinité du crucifié Jésus de Nazareth. La théologie de la Bible déjà et dans son sillage la patristique ont vu, dans la possibilité que Dieu souffre avec (et pour) l'homme dans l'homme-Dieu, la clef de l'énigme de l'existence humaine, ce qui donne le sens, c'est précisément qu'en Jésus le Dieu impassible peut sans cesser d'être lui-même, faire l'expérience de la mort." En cela le "Pro nobis" est le "pivot de la théologie chrétienne". (1)
J'ajouterais cette phrase du Cardinal Etchegaraï, "qui n'a pas pleuré les larmes de la souffrance ne peut compatir à la souffrance de son frère". Et c'est bien le chemin du Christ, qui a souffert, pour pleurer ensuite avec nous, dès que le mal nous ronge. Pleurer et nous aider à espérer, car cela ne fait plus de doute : "Dieu a vaincu la mort".

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 100

01 juillet 2005

Ancien Testament...

L'Ancien Testament est la "préhistoire" de ce qui "fera un jour éclater toutes les limites du sens, à savoir l'incarnation du Verbe qui donne accès à l'intelligence de la longueur, largeur, hauteur, et profondeur en un mot l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance (Ep 3, 18 sv) (1). On retrouve ici la pédagogie de Dieu qui par petites touches nous conduit à la découverte de l'indicible, cet abaissement de l'infini qui se voile pour devenir accessible à la compréhension de l'homme, sans violer sa liberté mais en lui permettant cette lente conversion intérieure au mystère. A travers la kénose de l'Ecriture pour reprendre les termes de Soloviev, à travers le Fils, puis à travers l'Esprit, c'est le Père qui s'atteste.
On comprend alors que Dieu indique à Moïse qu'il ne pouvait voir sa face. Quelle liberté lui resterait-il ? Comme le dit Hamman, c'est au creux de chacune de nos vies, dans le prolongement de la pédagogie des Ecritures que nous pouvons avancer vers le mystère, jusqu'à atteindre la joie des bienheureux : "le voir de nos yeux".


(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 9

30 juin 2005

Silence - IV

"La parole définitive de Dieu est si profonde qu'elle creuse l'espace où peut se faire aussi entendre son silence, de même que les astres révèlent l'immensité du ciel nocturne"(1)

On rejoint ce que j'évoquais sur la pastorale des "passeurs de Dieu" qui en voulant donner la lumière ne doivent pas faire obstacle au travail intérieur en l'homme. Car l'infini n'est accessible qu'au coeur de l'homme et non par l'extérieur.
Il faut pour cela que la parole reste "première et souveraine" tout en "s'offrant au dialogue". Si par le silence de l'extérieur elle a pu pénétrer le coeur de l'homme, la parole peut cheminer, comme la marche au désert et sans qu'on puisse parler pour autant de progression linéaire, jusqu'à ce qu'elle prenne chair.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 88

29 juin 2005

Intelligence de la foi

Il faut que, par l'Esprit qui enseigne le coeur de l'homme pour qu'il entende et qu'il parle, le langage de Dieu devienne intelligible de telle manière qu'il puisse y répondre. C'est le coeur de l'évangélisation.
On peut ajouter à ce stade un bémol. Il s'agit de fait du travail de l'Esprit, ce qui implique que l'on ne se substitue pas à ce dernier par des paroles qui ne seraient pas "habitées". C'est là toute la difficulté d'une pastorale qui ne se substitue pas mais qui reste "passeur de Dieu".

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 75

28 juin 2005

Insondable

Pour connaître l'abîme insondable de l'amour divin il faut les yeux de la foi, mais cela ne doit pas dégénérer en "savoir absolu" c'est pourquoi la dramatique divine prend ses distances par rapport à Hegel. Car le savoir absolu est la mort de la Dramatique Divine tandis que l'amour de Dieu qui surpasse toute connaissance est la mort du savoir absolu. (1)

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 74

27 juin 2005

Drame - II

L' homme est dans une situation bien plus exposée entre Dieu et le mal que l'on ne le croit...(1). On a une tendance naturelle a ne pas voir, probablement parce qu'en nous-mêmes aussi règne l'univers sournois de nos petitesses et de nos finitudes... Prendre conscience de la tension dramatique qui marque notre univers, c'est peut-être aussi faire preuve d'empathie à tout ce qui nous entoure et qui n'a pas les privilèges que nous avons et dans lequel nous reposons dans une trop douce quiétude.
Le mal est à l'oeuvre dès qu'il y a souffrance, jalousie, comparaison. Et nous sommes au sein de cette tourment, parfois les mains de Dieu, quand sa Parole n'est plus entendue. Nous sommes aussi parfois "de l'autre bord"...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 74