14 mars 2006

Chrétien anonyme...

La qualification de chrétien anonyme n'est pas pour autant la récupération de l'homme par le catholicisme. N'est-ce pas plutôt la joie de voir que le meilleur de notre foi ne nous a pas été confié de manière exclusive mais est déjà le mystère de la première alliance, celle scellée par Noë avec l'humanité toute entière. Alors l'affirmation suivante p. 88 ne me choque pas... : "Ce qui fait de moi un chrétien à vos yeux fait de vous un juif aux miens" (à propos des chrétiens anonymes) (1)

Lessing, Nathan le Sage, (1) cité par Jean Greisch, in "Balthasar, Rahner Deux pensées en contraste, colloque d'une rencontre, avec Henri-Jérôme Gagey et Vincent Holzer (Editeurs), Bayard, Paris 2005, p. 88

07 mars 2006

Tendresse de Dieu

"les feuilles tombent dans un geste de déni (...) mais pourtant il y a quelqu'un qui tient toutes ces chutes entre ses mains, d'une infinie tendresse"
R. M. Rilke

05 mars 2006

Serviteur et fils

J'aime à relire cette affirmation de Rahner qui souligne que "Dieu n'a fait des serviteurs que pour en faire des fils." (1) Elle traduit l'amour du Père, insaisissable et cependant infini. Et notre filiation n'est pas anthropomorphisme mais participation au corps du Christ. Nous sommes appelés à être en Christ. On rejoint cette affirmation de saint Paul : "Ils les a justifiés..."

Mais il rejoint aussi Jn 1, 13-14 que nous sommes en train de méditer... Hasard des chemins du Verbe sur notre route.

(1) ibid p. 82

01 mars 2006

Un temps de silence

En cette période de carême, je vous propose un temps de silence et de méditation...
Un temps tout intérieur.
Ce blogue sera donc peu actif, mon attention se concentrant sur l'expérience de lectio divina lancée sur http://selonsaintjean.blogspot.com . Une démarche à laquelle je vous invite tous à vous joindre.
C.

Le théologien agenouillé...

Cette citation d'Hörer des Wortes : "seul celui qui ne connaît pas encore la réponse et qui confesse son non savoir est réellement ouvert à la possibilité d'une libre auto-manifestation de la part du Dieu libre et personnel" (HW 94) fait raisonner en moi ce que J. Ratzinger disait lors de l'oraison funèbre de Balthasar. Le non savoir, la kénose de l'homme et de Dieu, c'est cela le coeur de la "théologie agenouillée". Un abaissement du fini qui laisse place à l'au-delà de tout pour reprendre l'hymne attribué à saint Grégoire de Naziance...
Il y a rencontre de deux libertés. "Celle de Dieu (le libre inconnu) et celle de l'homme (le libre écoutant) de se rencontrer. Leur rencontre se déroule sur la scène de l'histoire que Rahner définit comme le "lieu ou retentit le message libre". (1) Et pour moi, le noeud de l'histoire du salut se joue dans cette rencontre "amoureuse".
"Le philosophe peut être comparé à Jean Baptiste, qui n'est pas digne de dénouer les sandales du théologien mais permet de préparer ses chemins. Et le théologien n'est lui-même qu'un va nu-pieds intellectuel..." (2)

Puisse toute recherche théologique rester habitée de cette dimension face au mystère.

(1) ibid p. 80
(2) ibid p.82

28 février 2006

Adrienne von Speyr et la kénose

Je découvre l'influence d'Adrienne von Speyr chez Balthasar et cette "christologie à dominante johannique dans tout ce qui relève de l'obéissance et de la kénose, de la mort conduisant le Christ jusqu'en enfer, ce que Balthasar appellera l'expérience du Samedi Saint, de la substitution dans la souffrance" (1) Ma lecture encore inachevée de la Dramatique divine m'a effectivement sensibilisé à cette dramatique typiquement balthasérienne... Mais ce que j'ai le plus retenu est peut-être cette insistance sur la kénose et qui n'est pas autant relevé par le commentateur. Or c'est pour moi, indirectement le lien le plus sensible avec Rahner, même si celui-ci n'en fait qu'une approche discrète dans le Dieu du silence... Le silence de Dieu n'est-il pas cette kénose du Verbe dans l'Ecriture qu'évoque Balthasar à propos de Soloviev ?

(1) ibid p. 62

27 février 2006

Chrétiens anonymes - II

"La thèse des chrétiens anonymes n'est pas rejetée par Balthasar mais ce dernier y répond par la descente aux enfers du Christ qui va au plus profond du mal et donc par une sotériologie à la différence de Rahner qui aura une approche anthropologique (anthropologie théologique bien sûr)." (1)
Je préfère cette analyse qui relativise l'opposition et la replace sur une autre échelle. Cela rejoint ce qui est dit plus haut sur une correspondance entre l'esthétique et la christologie. Le Christ est, et telle est notre foi, le point culminant, le point ultime de la révélation. C'est ce qui m'apparaît le plus intensément dans Marc 15, avec cette symbolique du rideau qui se déchire. Que le Christ transcende notre humanité et descende aux enfers pour racheter ceux qui n'ont pas eu la lumière dépasse ma propre perception humaine et limitée. Cela n'enlève aucunement le mérite à tout ces hommes de bonne volonté qui cherche la lumière et que nous essayons par nos propres moyens d'éclairer avec la lueur que nous avons reçu. Je ne pense pas pour autant qu'il faille en faire une affaire d'état, au delà du conflit évoqué...
(1) ibid p. 29

26 février 2006

Chrétiens anonymes...

Quelle le sens de l'existence de personnes libres qui résistent à la foi ? Peut-on dire qu'elles sont pour autant vouée au néant ? Peut-on dire que seul les chrétiens détiennent la vérité ?
A ces questions difficiles, les réponses sont multiples.

L'opposition entre Balthasar et Rahner sur le thème des chrétiens anonymes (1) qui a donné naissance chez Balthasar à Cordula ou l'épreuve décisive a déjà fait l'objet de commentaires dans ce blogue. Si le concept d'ernstfall (l'homme face à l'épreuve) que l'on retrouve par exemple dans D. Sibony à propos de sa critique de Lévinas... est que ce qui distingue le non-chrétien du chrétien véritable est peut-être à mon avis un des points les plus difficiles de toute "élucubration philosophique".
Comment jugez l'homme sur son aptitude à répondre à l'appel. Seul le Christ a pu dire véritablement, le fiat total, qui le conduisait à la mort. Ce chemin qui est aussi celui des martyrs est-il le privilège du chrétien véritable ? Peut-on faire de cette voie un chemin supérieur à tout autre homme.
Pour moi ce serait ignorer que chaque homme a été créé par amour et pour l'amour même si le choix et le mal existe en lui. Cela n'enlève pas l'importance du message du Christ. Cela ne contredit pas ma foi dans le fait qu'il est le chemin. Mais je m'incline et m'inclinerai encore devant tout geste d'humanité véritable et au delà d'une confession où d'une grâce validée par l'Eglise. Les voies de Dieu restent insondables et pour paraphraser Ignace, l'homme est plus grand que ce que l'on perçoit de lui. C'est pourquoi, à mon humble avis, le Christ, unique médiateur, s'est mis à genoux et à lavé les pieds de notre humanité en devenir...

(1) cf. ibid p. 25

25 février 2006

Expérience ignatienne

Quand on fait également cette expérience et qu'on aspire à cette nourriture, il semble important de resouligner l'importance des exercices ignatiens dans la construction de la pensée de nos deux théologiens. C'est de fait marquer l'importance majeure de cette démarche dans la construction de leurs pensées. Elle repose sur deux constats, que nous partageaons avec euc :
- "Une expérience de Dieu est possible"
- et les "sens spirituels" ont une place majeure dans cette expérience.
Cette expérience se nourrit, comme l'indique saint Ignace de l'importance de la méditation des mystères de la vie de Jésus et cela conduit chez nos deux penseurs à "une commune insistance sur l'universalité de la volonté salvifique de Dieu". (1)

Dieu n'est pas un Dieu vengeur, mais comme l'affirme Ezéchiel, il ne veut pas la mort des pécheurs mais qu'il vive. Si Dieu s'est incarné, c'est dans ce but et c'est en cela qu'il nous fait la plus grande preuve de sa miséricorde.

(1) Rahner - Balthasar, ibid p. 20

Balises : Ignace Exercice Miséricorde Balthasar Rahner

24 février 2006

La primauté de la pastorale.

Que les deux penseurs aient eu "la conviction que la théologie n'est pas une fin en soi mais toujours au service de la pastorale et de l'annonce de la Parole" (p. 19) me semble essentiel à noter. Cela apparaît plus qu'une évidence. Il me semble que cela doit être même une exigence, pour éviter de sombrer dans l'auto-satisfaction du penseur, qui escalade seul les sommets de la recherche et ignore l'essentiel : la charité. Cela évoque en moi, ce que Balthasar notait dans Styles à propos du chemin de Pascal, qui a terminé sa vie dans la charité après avoir atteint des sommets de réflexion. L'essentiel est ailleurs, même si nous avons reçu le talent de la réflexion, elle ne peut être qu'un moyen et non une fin.

Sur ce thème : Balthasar Pascal Pastorale Théologie

23 février 2006

Dieu plus grand...

"Dieu toujours plus grand que nos idées surtout dans le sens où il est infiniment incompréhensible comme Rahner ne cessera de le répéter jusqu'à sa mort."
J'ai déjà mentionné cette phrase tirée de saint Ignace et reprise par Ratzinger. Qu'elle aie habité nos deux penseurs ne me surprend pas. Il y a dans les deux directions prises, la même trame commune, le même agenouillement du penseur devant l'infini de Dieu. Et je ne peux que m'agenouiller, quelques marches plus bas...
On comprend que lors de son oraison funèbre, Ratzinger puisse avoir dit de Balthasar, qu'il était un théologien agenouillé... C'est dans cette état d'esprit que la théologie peut être et évite de devenir la construction d'une tour de savoir...

Balthasar et Rahner...

Pour les lecteurs assidus du site "Chemins..." dont ce blogue n'est que la face Nord, le récit d'une longue escalade parfois ardue (voire un peu trop cérébrale, comme mon ami Renaud me l'a fait remarquer dans un commentaire), la traversée de l'oeuvre de Karl Rahner et de Hans Urs von Balthasar constitue depuis déjà 4 ou 5 ans une trame majeure. L'oscillation de nos réflexions entre ces deux courants de la théologie moderne est pour moi une expérience en soi. Et c'est avec un certain bonheur que je me suis lancé dans la lecture des actes du récent colloque qui a planché sur les harmonies et dissonances de ces deux grands chrétiens du XXième siècle. Ce blogue va donc continuer maintenant après J. Ratzinger dans le commentaire "live" de la lecture de "Balthasar, Rahner Deux pensées en contraste, colloque d'une rencontre" dans l'édition mise en page par Henri-Jérôme Gagey et Vincent Holzer (Editeurs) et publiée chez Bayard, Paris 2005
L'actualité de ce texte m'impose cependant une certaine prudence. Je limiterais donc les extraits afin de ne pas abuser de mon droit de citation et j'invite bien sur le lecteur à se reporter à l'excellent ouvrage.

22 février 2006

Construire

A travers un dialogue, "un parler ensemble", à travers la recherche en commun de solution aux divers problèmes en vue de la construction d'une société humaine, nous pouvons garder un optimisme étonnant, au delà du drame de ce monde.
La solidarité avec aujourd'hui semble en effet être la garantie d'un demain renouvelé. Et il faut pour cela, nous dit J. Ratzinger, que l'Eglise soit au service (et non pour être servie). Qu'elle demeure féconde dans le dialogue et qu'elle soit reconnue par la force de ses réalisations. (1)
Pour lui "ce n'est pas une constitution pastorale qui fait Vatican II mais l'ensemble pris autour de son centre réel la réception réelle du concile n'est pas commencée du tout. Ce qui a dévasté l'Eglise n'est pas sa réception mais le refus de sa réception." (...) "une découverte réelle du concile réel et l'approfondissement de sa volonté" est nécessaire. "Il ne peut pas y avoir de retour au Syllabus." (...) L'Eglise a du abattre de vieux bastions et se confier à la seule protection de la foi, de la puissance de la parole qui est son unique force vraie et permanente." En cela, le futur pape reprend l'image de Don Quichotte, qui affirme que derrière "les portes fermées il y a des valeurs qu'il ne faut pas laisser perdre si nous ne voulons pas perdre notre âme".
Il nous faut chercher "l'élément porteur, rechercher cela inébranlablement et accepter avec audace, d'un coeur joyeux et sans restriction la folie de la vérité, telle me semble être notre tâche pour aujourd'hui et pour demain : le point vraiment central du service que l'Eglise rend au monde, la réponse qu'elle apporte aux joies et aux espoirs, tristesses et angoisses des hommes de notre temps." (2)
Je trouve que ces paroles qui terminent ma longue lecture commentée de cet excellent recueil se suffisent à elle-mêmes, j'espère que cette mise en bouche vous permettra d'en entamer la lecture...

(1) d'après J. Ratzinger, ibid p. 426
(2) p. 437 et ss.
Rappel : Source des récents commentaires : Joseph Ratzinger, Les principes de la théologie Catholique, Essais et Matériaux, Téqui, 1982, ed. 2005.


Pour retrouver la plupart des billets sur ce thème : Ratzinger Vatican II Concile Réception

21 février 2006

Vatican - II

Cette phrase me semble primordiale à noter : "ce qui est décisif c'est qu'il y ait des hommes - des saints - qui par un engagement de leur personne que nul ne peut leur imposer créent quelque chose de vivant et de neuf. La décision définitive, en ce qui concerne la valeur historique de Vatican II dépend de l'existence d'homme qui réuniront en eux même le drame de la séparation du bon grain et de l'ivraie et donneront là à l'ensemble cette clarté de sens qu'on ne saurait tirer de la lettre seule (..). Le concile a ouvert des voies qui conduisent inévitablement au coeur du christianisme (...) Il dépend des hommes qui transforment la parole en vie. " (1)
Et comment ne pas voir combien des hommes de notre temps on ainsi porté et amplifié plus que jamais cette fécondité conciliaire, de mère Thérésa à Jean-Paul II, mais plus simplement aussi, ces hommes et ces femmes qui nous entourent et qui sont signes à la foi de l'aour miséricordieux de Dieu et d'une transcendance réelle. Nous ne pouvons ignorer l'extraordinaire fécondité de notre Eglise...
Comme le disait Gaudium & Spes "l'Eglise coopère avec le monde pour construire le monde".
(1) d'après J. Ratzinger, ibid p. 420ss

Sur ce thème : Vatican II, Ratzinger, saint

20 février 2006

Conciles

On a souvent l'impression que Vatican II date de l'histoire ancienne, alors qu'en fait, il continue d'avoir sur notre Eglise une force de mouvement voire d'opposition virulente. J'ai découvert d'ailleurs que la "réception" du concile n'avait pas encore commencé...

"Tout les conciles ont d'abord pour effet d'ébranler l'équilibre, agissant comme facteurs de crise." (1) Et cet ébranlement est source de tensions et de failles, comme un tremblement de terre.
Au delà de la crise inévitable, J. Ratzinger note que Vatican II a réinséré dans l'Eglise une doctrine de la primauté qui restait encore dangereusement isolée, il a réintégré dans le mystère du corps du Christ une conception de la hiérarchie trop isolée elle aussi, il a rattaché au grand ensemble de la foi une mariologie trop isolée. Il a rendu à la parole biblique la plénitude de son rang. Il a rendu la liturgie à nouveau accessible et avec tout cela a fait un pas dans le sens de l'unité des chrétiens.
Voir les faits, et l'on peut maintenant essayer de construire, sur des bases nouvelles. Progresser dans lConcilesa réception de ce qui a été lancé. Certes l'agressivité y compris dans l'Eglise n'est pas du pessimisme mais de l'objectivité.... "On ne fait pas une omelette sans casser des oeufs" dit le vieux dicton populaire. Et il est plein de sagesse... Ratzinger note cependant que l' "on n'a pas le droit d'exagérer la part de Vatican II dans l'évolution la plus récente et dans un contexte de crise spirituelle généralisée.
Vatican II a amplifié la conception de l'Eglise pécheresse, conduit à la radicalisation de l'exigence biblique fondamentale et à une incertitude concernant notre propre identité qui reste toujours en question. (2)
"Il faut susciter à nouveau la joie de posséder intacte en sa réalité la société de foi qui provient de Jésus-Christ. Il est nécessaire de redécouvrir la voie de lumière qui est l'histoire des saints, l'histoire de cette réalité magnifique où s'est exprimé victorieusement au cours des siècles la joie de l'Evangile. (...)
Ne plus avoir dans l'image du Moyen-Age que l'inquisition mais des images de lumière...
Et de fait, même s'il s'exprime en 1982, il faut souligner que "la réception correcte de Vatican II n'a pas encore commencé
".

(1) d'après J. Ratzinger, ibid p. 412
(2) p. 415-6