15 juin 2007

Objectif et subjectif

Vous aie-je redis ce qui m’avais marqué il y a vingt ans, une présentation de la foi personnelle comme un éternel balancement entre le coté subjectif (sentiment, passion, ressenti) et l’objectif (raison, intelligence). Nous sommes comme le battant d’une cloche et notre équilibre est à trouver dans cette oscillation entre nos aspirations passionnées et subjectives et le travail de la raison en nous…

Dans la prière, le cheminement est similaire. Pour Enzo Bianchi, il faut distinguer les phases de lectio et meditatio qui sont une approche objective de l’Écriture des phases suivantes d’oratio et contemplatio qui sont le complément subjectif et nécessaire à cette première phase. « Dans le premier mouvement, on laisse parler le texte, on fait émerger son message, on écoute la page biblique avec un effort de lecture attentive et d’étude visant une compréhension approfondie ; durant le second, en revanche, entre en jeu la subjectivité de l’orant, son existence, pensée et portée devant le texte biblique » (1) pour faire dialoguer intérieurement le message écouté dans le texte et sa propre vie personnelle.

Il me semble qu’il faut constamment introduire ce balancier, sans en interdire le mouvement.

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 94-95

14 juin 2007

Déréliction - V

« Jésus peut donner part, de même qu’il a fait participer les sœurs de Béthanie, à sa passion future. En cela se montre l’intemporalité de sa passion, l’intemporalité de la rédemption et celle de la marche à sa suite (...) on peut y entrer aussi bien jadis que 1000 ans plus tard » (1)

(1) Adrienne von Speyr Johannes, 386 cité par Hans Urs von Balthasar p. 283

13 juin 2007

Déréliction - IV

Je n’ose croire que cette impression de vide, ce néant des sens est don de Dieu. Pour moi, il s’agit de l’enfoncement dans le monde, la perte de ce qui faisait l’essentiel de ma foi, de ma vie de prière et de « vérité ». L’acédie m’entoure. Nuit des sens mais aussi abandon de la lutte. Je suis loin en tout cas de cette expérience de la déréliction que partagent certains chrétiens « quand ils sont jugés dignes d’expérimenter « la nuit obscure de la crucifixion », tel le « dolores inferni circumderunt me » de saint Jean de la Croix (1). Pour lui, l’âme sent d’une manière très vive l’expérience de la mort, privé de Dieu.

« Sur l’ordre du Christ qui lui intime de sortir de lui-même, l’homme s’en va à l’extérieur de soi et se trouve pauvre, misérable et délaissé ». (2)

C’est le « Délaissement absolu (...) on ne trouve de secours de personne » (3)

Le fil est fragile, comme cette marche sur les cimes, où le précipice nous entoure mais l’appel du sommet nous attire.

(1) Saint Jean de la Croix in La nuit obscure de l’esprit II, ch. 8. cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 281
(2) Ruusbroec, Geistliche Hochzeit, II, 28, cité par Hans Urs von Balthasar, ibid p. 282
(3) Henri Caffarel, l’Emprise de Dieu. Paris 1982, 310

12 juin 2007

Immortalité

Si saint Justin fait une distinction entre la survie commune à tous après la mort et l’immortalité proprement dite, celle des bienheureux, je me demande pourquoi nous continuons à répéter sans cesse nos errements. Pour lui, en effet, s’il est vrai que « la survie est déjà elle-même un don (...) l’immortalité est un don supérieur, elle est la participation gratuitement offerte par le Christ à la vie éternelle de Dieu » (1)

J’entends résonner les chants de fête, les cantiques de ceux qui « verront Dieu » et comme le ciel qui vibre à la conversion d’une âme, (cf. Dante ), je me demande pourquoi nous continuons d’ignorer le chemin, englué que nous sommes dans tout ce qui nous rattache au mal.

Mais peut-être dois-je espérer plus dans la conjonction entre mes petits efforts humains et le chemin délicat et incessant de la grâce qui nous épure, nous émonde, jusqu’à ce qu’un petit fruit naisse de nos chemins d’hommes. En attendant, nourrissons-nous de cette eucharistie qui est pour Ignace d’Antioche (2) vie permanente dans le Christ : pharmakon athanasias : « le remède qui donne l’immortalité ».

(1) ID, Apol. I 8, 10.63 ; Dial 5 .114 cité par Hans Urs von Balthasar p. 278
(2) ibid. p. 279

11 juin 2007

Jugement dernier

Pour Hans Urs von Balthasar, l’idée du jugement dernier à une origine ancienne que l’on retrouve dans l’Egypte des pharaons avec le Dieu Horus entouré de ses 42 divinités chargées de peser le poids de toute une vie. D’une certaine manière, nous dit le théologien, ce n’est plus l’auto-jugement qui reste subjectif et qui est souvent marqué par une culpabilité maladive, comme nous le montrait récemment Lytta Basset in Je ne juge personne alors qu’il ne s’agit que du poids de la liberté humaine qui n’existe que dans la liberté absolue de Dieu (1)

Peut-être qu’à la suite d’Adrienne von Speyr, il faudrait voir le juge comme celui qui cherche dans toute une vie « un petit grain d’amour en réponse à tout l’amour manifesté par Dieu » (2)

« L’homme ne serait-il pas capable à l’intérieur de son refus d’accepter au moins une parcelle de grâce » (3)

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p.269

(2 et 3) Adrienne von Speyr, Johannes BD II. Die Streitreden 538, cité par Hans Urs von Balthasar, ibid p. 270

10 juin 2007

Futilité

Je ne cesse de répéter le mot soulevé par le mendiant d’Hoffmansthal, (1) : « futilité » comme l’histoire de ce roi auquel on dit : « tout doucement l’enfer a grandi en toi et cela veut dire, être abandonné de Dieu »

Il y a en effet 99,99 % de nos actes qui pourraient recevoir ce qualificatif de futilité. Les seules exceptions sont ces instants qui ne viennent pas de nous et qui sont, parfois, cette graîne d’amour qui nous fait agir véritablement gratuitement, sans chercher notre intérêt (1 Cor 13) et qui nous rend « aimants ».

(1) Hoffmannsthal, Der Turm, 1° version in Dramen IV Fischer 1958 59,66, cité par Hans Urs von Balthasar ibid p.268

09 juin 2007

Analphabétisme de la foi, une chance pour l’avenir ?

Pour Enzo Bianchi, on assiste actuellement à une sorte d’analphabétisme de la foi. Mais ajoute-t-il, peut-être que, d’une certaine manière c’est une chance : « Peut-être est-il désormais possible de considérer l’Écriture voire essentiellement les Évangiles comme un instrument privilégié de la catéchèse, d’annonce et de transformation de la foi (...) il se formera alors, parmi les nouvelles générations, une foi plus biblique, plus christo-centrique et probablement plus libre » (1).

Les réticents diront peut-être que c’est l’approche protestante qui nous est vendu là. Mais, il me semble que c’est plus que cela, c’est en effet pour moi une chance que de mettre à contribution nos deux cultures et nos deux traditions de lecture et d’interprétation pour réinventer un nouveau chemin pastoral

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 92

08 juin 2007

Déphasage

Enzo Bianchi note trois tentations.
1) Ce qu'il appelle le fondamentalisme qui refuse de se plier aux clés de l'interprétation et de l'exégèse
2) le spiritualisme qui "pense atteindre le message sans se confronter à la lettre" et
3) une version qui s'en tient à l'histoire…

On parvient pour lui à un déphasage entre la vie ecclésiale et la vie spirituelle qui fait obstacle à la lectio divina. La vie chrétienne ne se résume pas pour lui à "un vague engagement social et un style de vie altruiste fondé sur des valeurs" (1) mais à une relation personnelle avec Dieu par l'intermédiaire du Christ.

Pour moi, cette médiation par le Verbe se fait par la Parole vivante et à en deçà à son actuation dans notre charité… Une double dimension qui donne sens et qui répond au double commandement, inséparable de Dieu.

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 90-91

07 juin 2007

Big brother

Je ne cesse d’avoir en tête depuis près de 35 ans le psaume 139 qui a des accents de « big brother » : « tu me sondes et me connais, que je me lève où je m’assoie, tu le sais » mais qui traduit aussi, quand on veux bien l’entendre avec les oreilles de la foi comme le chant d’un Dieu pour qui chacun est unique : « Tu as du prix à mes yeux… » Ainsi peut-on entendre également saint Basile quand il affirme que « de la face du juge rayonne une lumière de vie qui pénètre les cœurs jusqu’au plus intime et nous n’avons pas d’autres accusateurs que nos propres péchés, lesquels seront, par cette lumière étalés sous nos yeux » (1)

Encore une fois, on peut en tirer une culpabilité maladive, mais il est possible aussi d’en faire un chemin de vérité. Car, c’est par notre humilité que nous progresserons dans la foi, en mourant de cet orgueil qui nous enserre et nous mine…

Cette « descente aux enfers de la conscience de soi » (2) est en quelque sorte aussi un chemin de lumière, la lente introspection du fils prodigue, qui rentre en lui-même et se souvient du père (Luc 15).

(1) In PS 33,4 (PG 29,360) cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 266

(2) Hamann, cité par Balthasar, ibid p.267

06 juin 2007

La spirale infernale

On s’engage dans le péché au point de ne plus éprouver même le sursaut qui permettrait de nous libérer. C’est bien ce qui arrive quand Judas demande « serait-ce moi, Rabbi ? » et que Jésus réponds « tu l’as dit » (Mat 26,25). A ce moment la porte du tribunal se referme nous dit Hans Urs von Balthasar. (1)

Cela contredit pour moi ce qu’il avait dit précédemment, sur le fait que cela se poursuivait au-delà de la croix, même si je comprends ce que cela signifie sur le plan du refus de Dieu…

Mais je note au-delà du mystère du jugement de Dieu sur Judas, que nous nous trouvons sans cesse dans cette spirale infernale qui nous fait trahir ce qui nous est le plus cher. Pierre a suivi d’une certaine manière la même voie avant de se ressaisir. Son péché était-il moins lourd. Ce qui compte, c’est peut-être ce sursaut d’humanité qui nous relève, quel que soit la profondeur de notre chute et surtout cette espérance d’un Dieu qui continue de croire en notre humanité, jusqu’à se s’agenouiller à nos pieds pour couvrir nos pieds de ses larmes d’amour. La réponse du Christ à Marie de Béthanie est plus grande, plus infinie et c’est en cela que je veux croire… Même s’il est possible que par mon péché, je ne puisse franchir la marche…

En effet l’œuvre d’une vie ne correspond pas à ce que le Père a prévu dès l’origine. « Eloigne toi de moi car je suis pécheur » (Luc 5,18) C’est ce que je pourrais dire à la suite de Sören Kierkegaard : « je n’ai jamais été aussi loin de ma vie et je ne dépasserais sans doute jamais ce point que l’on nomme « crainte et tremblement » (…) Dire aux autres vous êtes perdus, je ne m’en donne pas le droit (...) tous les autres sont sur la voie, moi seul je manquerai le coche » (2)

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 263

(2) cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 267

05 juin 2007

Lecture communautaire

"Bien des passages de l'Écriture que je n'arrivais pas à comprendre seul, je les ai compris en me mettant en face de mes frères (...) et je me suis aperçu que l'intelligence m'en était donnée grâce à eux." (1)

(1) Saint Grégoire le Grand, In Hiez, 1, 7, 8 cité par Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 88

04 juin 2007

Iconifier la liturgie

Pour moi elle reste opaque et difficile d'accès et j'ai alors pitié pour ceux à qui l'on impose ses litanies répétitives et qui n'en voit pas le sens. Même si j'en perçois le sens, enfermé dans des siècles de Tradition, je me demande si l'on n'a pas oublié, d'une certaine manière, d'en rafraîchir le sens et de vérifier toujours qu'elle s'inscrit dans l'intelligence de la foi…

Pour E. Bianchi, la Parole n'est comprise que comme une simple introduction à la célébration du Sacrement. On ne lui reconnaît pas la capacité de réaliser l'alliance, de faire rentrer le croyant dans une relation vivante avec Dieu. (1)

Est-ce parce que pendant des siècles ont a refusé qu'elle soit donnée à "mandiquer" aux laïcs pour des raisons que je comprends mais qui ne sont plus à mon avis de mise.

(1) cité par Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 85

03 juin 2007

Parole – Sacrement - II

Si la parole écrite est distante car historique, "l'Esprit rend cette parole capable d'instaurer une présence dans l'absence, une proximité dans l'éloignement, une communication entre le lecteur auditeur et le Dieu qui se révélant dans la Parole et dans l'Esprit a laissé dans l'Écriture inspirée un signum de la révélation". Et c'est pourquoi à mon avis, l'Écriture est en un sens sacrement.

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 75

02 juin 2007

Victoire - II

Le mal peut aller jusqu’au bout, c'est à dire la destruction et le néant au point où tout est détruit et où Dieu peut reconstruire. D’une certaine manière, cela renforce la thèse déjà longuement évoquée par Hans Urs von Balthasar dans ses tomes précédents sur la liberté finie de l’homme. « Les hommes ne sont pas libres de manière indéfinie, mais ils sont libres à l’intérieur de la liberté infinie de Dieu » (1)

« Nous ne sommes pas sauvés sans qu’on nous demande notre avis » car il ne peut y avoir de salut global contre la dignité des pécheurs (2)

(1) Adrienne von Speyr, Jo 143 cité par Hans Urs von Balthasar, , Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 259
(2) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 263

01 juin 2007

Judas, premier destinataire de la communion

L’amour de Dieu ne peut connaître aucune exception. C’est pourquoi on n’a « jamais le droit de désespérer du sort du pécheur, et cela vaut même pour Judas. (...) il est le seul mentionné dans la communion et il est de ceux pour qui le Christ meurt ». Son cas « n’est réglé qu’au-delà de la mort, c'est à dire dans l’enfer et c’est notamment pour lui que le Christ va jusque là. (1)

« Le jugement de la croix est définitif mais le Seigneur attend le dernier jour pour en révéler le résultat » (2) ajoute Adrienne von Speyr et ce au nom d’une liberté qui demeure.

Le péché devait s’accroître jusqu’à la dernière limite, alors vient la rédemption et celle-ci s’emparera de la victoire, nous dit Grégoire de Nysse (3)

(1) Hans Urs von Balthasar, , Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 256-7
(2) Adrienne von Speyr, Corinther I, 163
(3) Cardinal Jean Daniélou, dans l’Etre et le temps chez Grégoire de Nysse p. 186-204 258