Nous sommes au quatrième dimanche de cette longue marche et la liturgie nous invite à faire une pause dans ce tunnel particulier qui nous conduit à Pâques pour ne pas sombrer dans dans la désespérance, mais au contraire pour lever la tête et contempler les dons de Dieu.
Alors que le bruit des canons ébranlent les portes de l’Europe, que des tremblements de terre secouent l’Asie et que la pandémie reste à nos portes, pourquoi se réjouir ?
Peut-être d’abord parce que le printemps est là. Qu’il nous est donné après l’hiver de croire que la vie peut surgir du néant. Les hébreux après 40 ans au désert, soutenus par la manne, arrivent dans un pays de lait et de miel… (cf. Josué 5). Mais ce qui compte est plus essentiel,
« Si quelqu’un est dans le Christ,
il est une créature nouvelle.
Le monde ancien s’en est allé,
un monde nouveau est déjà né »,
nous dit Paul (2 Co 5)
Être dans le Christ… invités à ne pas nous enfermer dans une posture de culpabilité, mais relever la tête, voir l’Amour qui se révèle à nous dans une double révélation au delà de nos impasses. Nous marchions vers la mort et voilà que dans le Christ nous est révélé l’incroyable. Jésus nous fait croire à l’impossible : à la miséricorde.
C’est peut-être l’essentiel de cet évangile de Luc, après deux belles histoires, cette bonne nouvelle auquel le fils prodigue ne veut croire. La grande nouvelle c’est qu’au delà du don que nous fait le Fils, il y aussi le pardon de Père qui est aussi immense. Nous pouvons nous réfugier dans les bras d’un « père » qui court déjà vers nous.
Oui, quelque soit nos abandons, nos reniements, nos aveuglements, Dieu reste amour, Dieu est amour et sa joie est de guetter notre retour, de courir vers nous, de s’agenouiller devant nos pieds blessés, panser nos cœurs meurtris, pleurer de nos violences et nous inviter encore et toujours à l’amour et au pardon en remettant à notre doigt la bague qui fait de nous des fils,
Alors ne nous comportons pas comme le fils aîné, réjouissons nous, à chaque fois qu’un homme frappe à la porte de nos églises, car Dieu est là plus grand que nos amours fragiles…
Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres. (…)
exaltons tous ensemble son nom.
Je cherche le Seigneur, il me répond :
de toutes mes frayeurs, il me délivre.
Qui regarde vers lui resplendira,
sans ombre ni trouble au visage.
Un pauvre crie ; le Seigneur entend :
il le sauve de toutes ses angoisses ».Ps 33
Prenons le temps d’écouter les mots du Père comme s’il nous parlait à l’oreille : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il faut festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort,
est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! »
Luc 15…
Qu’est ce qui guérit le fils prodigue ?
« Rentrant en lui même ? » dit le verset 17.
Descendons au plus profond de nos cœurs.
Là est le mystère auquel Christ nous invite. Après ce dimanche de joie, n’oublions pas que le jeûne qui compte est surtout celui qui nous éloigne du bruit et nous invite au silence, à ce lieu intérieur où Dieu nous attend. C’est là que nous aurons l’étincelle qui nous fait voir au delà d’un Christ à genoux un Dieu également « à genoux ». C’est en/par le Fils que se dévoile la vraie image du Père, que se fait sentir, par les mots/Verbe du Fils, la tendresse infinie d’un Dieu qui croit en l’homme.
Réjouissons nous en ce dimanche de la joie et espérons contre toute espérance…
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PS : pour aller plus loin, on pourrait aussi commenter peut-être ce verset compliqué de Paul : « Dieu l’a identifié au péché » 2 Co 5, 21. Certaines versions traduisent « chargé de nos péchés ».
Paul parle du Christ mais le mot est complexe je l’entends au sens donné par Jean 3 et Nb 11. En Nb 11, Moïse élevé le serpent pour guérir de ses blessures. Jésus explique en Jn 3 qu’il faudra la Croix pour montrer où conduit la violence. Elle est le signe élevé de nos violences et de nos faiblesses. La première de notre faiblesse est peut-être de trop vite identifier le voisin comme pècheur. C’est la tentation du fils aîné.
Notre aveuglement est de voir l’autre sous l’angle du jugement. La révélation de Luc c’est que tout homme est aussi capable de bien. Le Christ sans péché a été condamné à tort et sa mort [souligne René Girard après Paul] montre la tentation du fils aîné, cette jalousie qui nous conduit vers la violence extrême et collective, mimétique. Ne jugeons pas trop vite. L’enfant perdu (et nous aussi probablement) peut être touché par la grâce et là est notre espérance !
Ce Dieu que nous présente Jésus à travers les mots de Luc est celui qui envoie son Fils aux pieds de tout homme, à genoux (Jn 13) pour les sortir de toute impasse, c’est le père de celui qui « prend la condition de serviteur » (Ph2) pour relever ce qui est tombé.
C’est ce Christ qui se révèle à nous, celui que nos frères orthodoxes vont jusqu’à vénérer dans l’icône de l’anastasis où Christ y relève Adam et Ève (cf. Image 3) pour que tout homme se relève de ses impasses. Là est notre joie et notre espérance…l’amour est plus fort que la mort…
On peut aussi lire ici l’excellent commentaire de Marie-Noēlle Thabut https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/524306-commentaires-du-dimanche-27-mars-2/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=commentaires-du-dimanche-27-mars-2
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