31 mai 2017

Visitation, tressaillements et inhabitation

La rencontre des deux mères, en dépit et au delà de leurs différences, fait tressaillir en nous les souvenirs intenses et fugaces des jours où nous percevons que Dieu veut habiter chez nous.
À contempler.

Ces femmes qui dérangent nos prêtres

Question complexe et projet de réponse caricaturale et discutable : La lecture sexiste et cléricale du sacerdoce féminin pose question.  Est-ce parce que la psychologie masculine et les tentations qu'elle sous tend fait craindre à nos pasteurs la présence des femmes à l'autel pour deux raisons inavouables ? : la distraction que le corps de la femme implique sur la concentration spirituelle de nos assemblées, mais aussi un risque de perte de pouvoir,  plus souterrain ?
La femme,  dans sa sensibilité propre apporterait pourtant un plus à l'Église.
Elle l'apporte déjà à sa manière. 
Est-ce qu'en cassant la tradition nous changerions les choses ? L'Église,  encore crispée sur des questions de tradition n'est pas prête à faire ce pas. Pourtant il n'empêche pas de s'interroger.
Sur ce point les arguments de Borras semblent insuffisants.
On oublie trop vite la place des femmes dans l'Église primitive. Les premières au tombeau,  les diaconnesses sont occultées à dessein, alors qu'un sitz im leben permettrait d'aller plus loin.
Il y aurait intérêt à pousser plus loin l'argumentaire.
À méditer.

Précarité pastorale

L'analyse d'Alphonse Borras dont je viens d'achever la lecture(1) n'est pas d'un optimisme béat.  Il rejoint malheureusement mes propres observations sur le terrain et notamment dans deux des trois diocèses que je fréquente.  La raréfaction des prêtres comme des fidèles soulève des enjeux que l'on ne peut ignorer.  Les solutions proposées par Borras,  du 517.2 à l'utilisation de prêtres étrangers n'adressent pas le fond du problème, celui de la remise en route de la dynamique sacramentelle propre et commune des baptisés. 
Borras repousse le sacerdoce féminin, n'exclut pas la question du diaconat féminin et prône l'utilisation parcimonieuse et raisonnable des viri probati,
Mon expérience pousserait plus dans les directions de fond proposée par Moingt(2) ou Théobald(3),  celle d'une nouvelle évangélisation des fidèles qui met plus l'insistance sur l'évangile que le rite. Cela demande d'adresser le coeur du problème : mon expérience propre est que l'évangile n'est plus au coeur de la foi. Remettre le Christ au centre, par la lecture pastorale et commune des évangiles en maison d'Evangile comme nous tentons de le faire(5) ne porte plus sur des questions de présidence qui semble obséder Borras, mais sur l'inhabitation de l'homme en Christo qui conditionne tout le reste. Les travaux de la nouvelle école d'évangélisation de Versailles va probablement aussi dans ce sens(4). Elle ne vise pas la conversion des autres mais notre propre rapport au Christ.  Alors la question du pouvoir n'est plus, car nous n'agissons plus. C'est Christ qui agit malgré nous.
A discuter.

(1) Quand les prêtres viennent à manquer,  op. Cit.
(2) cf. L'Évangile sauvera l'Église (voir mes notes sur le tag Joseph Moingt).
(3) cf. ses analyses sur la Pastorale d'engendrement
(4) hommage discret à ma petite soeur....
(5) en lien avec les recherches du diocèse d'Arras. Voir aussi mes travaux sur ce thème.

24 mai 2017

Monopole 3

Quelles sont les conditions d'une vie paroissiale féconde pour la communauté ?
"Soit le curé collabore et la vie paroissiale se développe, soit il ne collabore pas et la vie paroissiale végète" (1) nous dit Borras.
L'adage est vrai aussi pour les laïcs.
Cela demande pour le canoniste due soit identifiable :
1. une cible (une mission définie),
2. une cohésion (faire corps)
3. et un ancrage dans l'Évangile (faire sens).
4. Borras ajouté l'importance d'une loyauté institutionnelle (faire face)(2),
L'ensemble permettant de créer une Église participative qui stimule et encourage chacun.

Bien sûr tout cela demande que "le vent souffle" au sein même de la communauté,  ce qui suppose d'y être à l'écoute pour que les tentations du pouvoir et du valoir soient tempérées à bon escient.

(1) p. 122
(2) p. 124

18 mai 2017

Monopole 2

Une phrase de Borras interpelle et va dans le sens de notre recherche précédente : "le prêtre n'est pas responsable de tout, il est responsable du tout"(1).
Sa fonction implique une "spiritualité communionelle ou pour mieux dire "missionnaire dans la communion" poursuit-il en visant la promotion et la validation de la "pleine stature de sujets libres dans la communion de l'Église". 
Cette dimension christique et pneumatologique du ministre est celle du pasteur si bien confirmée par le droit canon. La présidence de l'eucharistie prend alors une dimension pleine, comprenant à la fois un lien de transcendance, d'unité et d'envoi.

C'est aussi, et le terme n'est pas neutre depuis les travaux de Bacq et Théolbald, un "engendrement pastoral"(2) qui "provoque à la conversion et à l'action".

Le mot "provoquer" est un peu fort. Il traduit l'importance et l'enjeu, il rappelle l'épée tranchant au fond des coeurs de l'Évangile, mais aussi cette fission nucléaire du coeur évoquée par Benoît XVI à Cologne.

C'est peut-être là que nous comprenons l'essence de l'autorité reçue d'en haut par "l'investiture sacramentelle de l'imposition des mains" (3). Elle se gagne aussi par l'exemplarité et l'ancrage dans la Parole. L'autorité n'a de sens que si l'homme s'efface derrière Celui qui l'envoie (cf. Jn 14ss).

(1) p. 92
(2) ibid.
(3) p. 81

17 mai 2017

Corpus permixtum 4 - l'oeuvre commune

Après une longue diatribe sur unité et communion, Borras cite ce beau texte de LG30 qui précise que les pasteurs ont la magnifique tâche de "comprendre leur mission de pasteurs à l'égard des fidèles et à reconnaître les ministères et les grâces propres à ceux-ci, de telle sorte que tout le monde à sa façon et dans l'unité apporte son concours à l'œuvre commune". Il ajoute qu'une Église vraiment synodale ne se réalise que par le concours de tous les fidèles et de leurs pasteurs"(1).
La suite va plus loin et j'y adhère d'autant plus qu'elle rejoint là encore ma quête sur la dynamique sacramentelle. Borras évoque, à la suite des propos du Pape déjà commenté sur le "flair du peuple", l'idée qu'une Église synodale a pour responsabilité commune d'entrer dans une "dynamique" où les baptisés ne sont pas seulement suscités pour leur participation à la mission mais aussi dans sa réforme :"la reformatio de l'Église l'entraîne à se conformer à la forma Christi dans une dynamique de discernement et de purification de ce qui la "déforme"(2) au sens d'une "conversion ecclésiale".
Il y a bien là une extension du sens rituel du sacrement en ce qui devient signe réel et efficace...

(1) p. 73
(2) p. 75, cf. aussi EG 30
NB : Borras rappelle par ailleurs p. 76 les propos du Pape sur les deux obstacles majeurs à une Église vraiment synodale : le cléricalisme et l'ecclésiocentrisme (EG 102).

16 mai 2017

Corpus permixtum 3

Borras continue la citation précédente en évoquant une "asymétrie constitutive". "La communauté ecclésiale tire son unité, nous dira Vatican II à la suite de saint Cyprien, de l'unité du Père et du Fils et de l'Esprit-Saint" (LG 4b). Il en conclut un risque que la "raréfaction des prêtres dans la vie ecclésiale risque d'atténuer voire d'estomper le sens de la sacramentalité de l'Eglise et du ministère chez les fidèles trop marqués par une culture techniciste de l'efficacité et de la performance". (1)

C'est là en effet le danger principal auquel s'ajoute certainement la difficulté de ne pouvoir départager des prises de pouvoir qui s'instaurent entre laïcs, en dépit de leur désir de faire communauté.

On rejoint l'oxymore de l'autorité et du service qui incombe aux ministres.

On est au coeur du sujet.
Pourquoi le prêtre aurait-il plus de pouvoir que les laïcs est en droit de se demander un observateur extérieur ?
On répondra probablement (2), en se basant sur le droit canon, par deux ou trois arguments  : parce qu'il est image du Christ (ce qui doit être probablement modulé et restreint au sacrifice eucharistique), parce qu'il a reçu le sacrement de l'ordre et la grâce associée et qu'il est berger/pasteur de son troupeau...

Cela n'empêche pas, dit en substance, Ratzinger dans les principes de la foi catholique(3) qu'il puisse être  incompétent. Pour autant, on doit lui reconnaître une autorité qui ne vient pas de lui...

L'enjeu est de maintenir cette tension, qui relève in fine de la surveillance de l'épiscope et probablement du pape. Cette dimension verticale n'empêche pas la conscience des laïcs et l'importance d'une horizontalité. Elle apporte néanmoins un contre pouvoir à ces derniers et aide à structurer l'ensemble. On voit bien aussi le danger : l'excès de pouvoir où l'excès de contestation. L'art est d'introduire tout ça dans une dynamique trinitaire qui conduit le pasteur lui-même à considérer sa double fonction : berger et serviteur.

La question de l'autorité est toujours à relire à l'aune de celle du Christ, qui lui-même s'en réfère au Père. "Tu n'aurais pas d'autorité si elle ne t'avait été donnée"... dit-il à Pilate.

El l'enjeu, comme le souligne Borras page 68ss est de garder en tension unité et catholicité.

(1) p.67
(2) J'anticipe probablement sur les développements à venir de Borras. Mais c'est le jeu de ces "chemins de lecture : se laisser interpeller, quitte à trouver ensuite des éléments de réponse et de contradiction.
(3) Je commente et développe ce point dans "Humilité et miséricorde, tome 3".

15 mai 2017

La tête et le corps - corpus permixtum 2

Pour autant, la diversité des membres est aussi un danger, celui d'une dispersion et d'une division dans l'agir qui perd de vue l'importance du rapport à la source unique et essentielle.
C'est là où Borras intègre l'analogie du corps, pour marquer l'importance du Christ-tête de l'Église. Difficile argumentation qui soutient pourtant depuis l'origine la difficile articulation de l'unité et de la diversité.
"Ce rapport d'altérité tête-corps est proprement symbolique car les ministères ordonnés signifient le lien intrinsèque du corps à la tête (...) il instaure un rapport à un tiers et, de ce fait, il y a trois termes : le corps ecclésial de tous les fidèles, les pasteurs à leur tête et le Christ-tête de son corps."(1)
Est-ce comme le dit Borras un modèle et plus encore un modèle normatif qui structure toute communauté ecclésiale.
J'en parlais avec un ami prêtre qui me racontait en retour l'expérience dun retour de pèlerinage en terre sainte et à Rome où des protestants présents lui avait fait part de leur découverte à Rome du sens et de l'importance de la primauté papale. Le danger d'un corpus permixtum est d'oublier la transcendance et l'unité au milieu de la diversité.
Il y a un balancier à toujours reconstruire entre communion et unité, liberté et autorité, charismes et relectures, corps et tête.

(1) ibid. p. 66

14 mai 2017

Corpus permixtum

"Ce corps diversifié qu'est l'Église est aussi un corps mêlé - un corpus permixtum"
Qu'est-ce qui fait l'Eglise ? En quoi et de quoi est-elle constituée ?
Je trouve, là encore une convergence de vue avec Borras, sur un concept que certains pourraient qualifier de "pluralisme pastoral", s'il n'était de fait une manière d'exprimer le fait que "l'Esprit souffle où il veut".
L'auteur évoque sur ce point (p. 63) que "l'appartenance ecclésiale est à concevoir de manière dynamique en termes d'itinérance, de mise en route, de cheminement". Il rejoint là, pour moi l'idée que les chemins vers l'Eglise sont divers. Ce me rappelle ce que Danièle Hervieu Léger disait au sujet des quatre voies d'entrée dans l'Église (art, mystique, communauté...).
Comprendre que Dieu ratisse large pour le royaume renforce l'importance d'une ouverture a priori des portes de l'Église vers la périphérie.
L'enjeu, pour Borras est aussi "d'éviter la tentation des purs et la menace sectaire" (1). Il est aussi évangélique au sens de Luc 15.
Le bon pasteur ramène à lui toutes les brebis perdues. C'est le sens eschatologique de la résurrection, c'est aussi notre enjeu pastoral.
"L'Église est là où sont les baptisés" (2).
La contempler comme une construction de pierres vivantes,  savamment ciselées pour en faire une cathédrale divine, c'est percevoir le travail de l'Esprit que l'on ne concevra qu'à la fin des temps. Alors la création apparaîtra dans toute sa mystérieuse beauté,  alors Saint Jean Chrysostome aura raison d'y voir la trace de l'Esprit à l'oeuvre,  alors la danse de Dieu sera visible en l'homme,  alors le Christ sera Parole accomplie, alors la Victoire de la Croix sera complète.
(1) ibid. p. 63
(2) p. 64

13 mai 2017

Monopole du prêtre ?

L'analyse d'Alphonse Borras part en fait d'un constat qui prend sa source dès les premiers siècles jusqu'à aboutir à une situation de fait : le monopole du prêtre dans la paroisse, avec tout ce que cela entraîne de clichés et de "mimétisme"(1)
Pour autant son analyse est disruptive puisque plus loin, rejoignant d'ailleurs la lettre du pape au cardinal Ouellet, il invite tout chrétien à un "sacerdoce d'existence" qui est pour lui "plus radical encore qu'un sacerdoce de fonction"(2). Cela ne nie pas la grâce sacramentelle de l'ordre mais donne à celle du baptisé toute sa puissance. C'est bien cela que je qualifie de dynamique sacramentelle.
(1) op cit p. 34
(2) p. 61

12 mai 2017

La danse trinitaire - Élisabeth de la Trinité

« Ô mon Dieu, Trinité que j'adore, aidez-moi à m'oublier entièrement pour m'établir en vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l'éternité ; que rien ne puisse troubler ma paix ni me faire sortir de vous, ô mon Immuable, mais que chaque minute m'emporte plus loin dans la profondeur de votre mystère ! Pacifiez mon âme. Faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos. Que je ne vous y laisse jamais seul, mais que je sois là, tout entière, tout éveillée en ma foi, tout adorante, toute livrée à votre action créatrice. » (1)
À contempler à l'aune de l'évangile du jour, comme une invitation à la vie en Dieu

(1) Bienheureuse Élisabeth de la Trinité, cité par le CEC

11 mai 2017

Sacerdoce commun - Alphonse Borras

Je reprends la lecture de Borras(1) Ce qui me frappe dans son chapitre 2 tient d'abord à la dynamique sacramentelle qu'il développe pour tous les baptisés, appelés et convoqués à la même fonction sacerdotale.

Pour lui, l'enjeu reste que tous baptisés se sentent "disciples missionnaires" et qu'ils "intercèdent devant Dieu pour le monde" au sein d'un "sacerdoce commun à tous les baptisés [qui] s'inscrit dans le Sacerdoce du Christ qui s'offre au Père et reconduit vers lui toute l'humanité"(1).
Il évoque nos églises actuelles comme des "minorités témoins, au sens sacramentel", rejoignant ce que je décris de mon côté dans "la dynamique sacramentelle"(2).

C'est pour moi à la fois l'enjeu et l'interpellation. Comme je l'écris après Theobald, la question sacramentelle doit être vue ici au sens le plus large. L'enjeu est une communauté qui est signe pour le monde, plus que dans la seule commémoration de l'eucharistie pour autant essentielle, mais à travers elle dans ses fruits d'unité et de charité, ce que Borras developpe en évoquant la multitude des charismes.

(1) Alphonse Borras, quand les prêtres viennent à manquer, Paris, Mediaspaul, 2017, p. 59
(2) cf mon livre éponyme.

10 mai 2017

Circumincession - Cardinal Journet


La relation intra-trinitaire est de l'ordre de la danse. Les pères de l'église parle à ce sujet de la circumincession.  Il nous faut contempler la Trinité "qui vient à nous dans ce chemin de l'Incarnation, cette voix de la tendresse de Dieu venant au milieu de nous pour nous parler, non plus à distance du haut du Ciel, mais nous parler à travers une voix humaine, un langage humain" (1).

(1) Cardinal Charles Journet (1891-1975),
Conférences données à Genève de 1972 à 1974 sur l'Évangile selon S. Jean (Texte publié par la fondation Cardinal Journet, pp.253-257 ; rev.)





09 mai 2017

La danse des âmes

Si l'on suit Simone Weil et son défenseur François Cheng, notre chemin est de devenir rien (1), pour que Dieu nous habite entièrement, c'est-à-dire que notre désir ne devienne autre que Son désir, que notre voie est celle de rejoindre la Voie, que notre destinée est d'être uni à elle, pour ne faire plus qu'un avec le désir veritable, pour danser et chanter avec notre Dieu, alors la phrase de Jésus nous invite à la danse : mon Père et moi nous sommes un. Devenir rien pour être uni à l'Un. Tel est notre chemin.

"Le Seigneur m'a fait comprendre comment les trois Personnes n'étant qu'une même chose, elles sont cependant distinctes. En présence de telles merveilles, l'âme éprouve un nouveau désir d'échapper à l'obstacle du corps, qui l'empêche d'en jouir. Quoiqu'elles semblent inaccessibles à notre bassesse et que la vue en passe en un moment, l'âme en retire beaucoup plus de profit, sans comparaison, que de longues années de méditation, et sans savoir comment."(2)


(1) retrouve-t-on ici une idée déjà citée de Thérèse d'Avila : "tout est rien" ?
(2) Sainte Thérèse d'Avila, Les relations, œuvres complètes, tome 1 p. 418

08 mai 2017

De la beauté à la grâce -Saint Basile

"SI les prémices sont aussi belles, qu'en sera-t-il de la plénitude totale ?" (1)

(1) Saint Basile,  traité sur l'Esprit Saint,  source AELF

07 mai 2017

Ultime renoncement - Simone Weil

Simone Weil considère la création de la part de Dieu non comme une expansion mais comme "un retrait, un renoncement... Dieu a accepté cette diminution. il a vidé de soi une partie de l'être" pour sur la croix, finir par "toucher quelque chose qui n'est plus le malheur, qui n'est plus la joie, qui est l'essence centrale, essentielle, pure, non sensible, commune à la joie et à la souffrance, et qui est l'amour même de Dieu". (1)
On est là au coeur de ce que A. von Speyr décrit fort bien au sujet de la tension kénose, déréliction et grâce. Ce cri qui aboutit à la joie de voir Dieu.

(1) Cité par F. Cheng, op. Cit. p. 141-2

06 mai 2017

L'âme et la beauté

La construction pédagogique de Cheng mérite que je ne le cite plus, à ce stade, pour inviter le lecteur à s'y plonger à son tour. En marge de sa sixième lettre je voudrais écrire néanmoins ce constat intérieur : "l'âme devant la beauté se tait, car elle perçoit soudain qu'elle est dépassée par quelque chose de plus grand, de plus indicible, de plus divin. Et ses yeux montent alors vers Dieu, terme de son Désir" (1)

(1) variation personnelle sur une allusion à Bach par François Cheng, De l'âme, Paris, Albin Michel, p.139

05 mai 2017

La douceur

"Sur ce bois [de la Croix] (...) fut greffée la douceur, pour que nous reconnaissions en lui le chef auquel ne résiste nulle créature." (1)

(1) Saint Ephrem,  Homélie sur le Seigneur,  source AELF

04 mai 2017

Voyage of Time -Terence Malik

Quand un film devient prière...
Malik a transformé l'essai...
À la différence de ses films précédents,  il entre dans le bruit d'un fin silence.
Dès les premières images,  on est subjugué...

A voir et revoir sans modération.
Voir la bande annonce : https://youtu.be/YlWe_YcBWDY

L'épée de l'infini - Kierkegaard

Elle crée en nous une faille béante qui entrouvre en notre coeur l'appel incessant de Dieu et nous dispose à le recevoir. Écoutons encore Cheng nous citer Kierkegaard :"pour qui l'homme est cet être dont la chair finie est transpercé par l'épée de l'infini. (...) la vraie vie est dans l'humble abandon à quelque chose de plus grand, de plus élevé, de plus infini que soi"(1), un abandon qui conduit à la vraie joie "indescriptible" au delà de tout bonheur futile.

(1) François Cheng, De l'âme, op cit. p. 79.

03 mai 2017

Le flair du peuple de Dieu - Pape François

Le peuple de Dieu a du "flair" nous rappelle Alphonse Borras, citant le pape Francois (1). Une expression qui traduit ce souci du pastoral qui prime sur l'idée, du réalisme plus grand que l'idéologie.
Le sens de la foi du peuple de Dieu est "éveillé et soutenu par l'Esprit de Vérité" (LG 12a), précise-t-il (2).

Bien sûr le peuple peut se tromper et c'est dans l'articulation et la respiration entre Parole, traditions et flair que souffle probablement l'Esprit...

Mais il y a là comme un contrepoids à une lecture trop figée de la Parole et des traditions, qui permet au souffle d'agir, de déplacer, de réveiller ce qui pourrait se statufier. C'est peut-être cela la dynamique à venir : voir dans le flair pastoral des baptisés une porte de sortie à un cléricalisme qui se meurt de son auto-référence. Il faut relire la lettre du pape au cardinal Ouellet qui insiste pour dire qu'avant d'être prêtre tout le monde est baptisé : "Personne n’a été baptisé prêtre ni évêque. Ils nous ont baptisés laïcs et c’est le signe indélébile que personne ne pourra jamais effacer. Cela nous fait du bien de nous rappeler que l’Église n’est pas une élite de prêtres, de personnes consacrées, d’évêques, mais que nous formons tous le saint peuple fidèle de Dieu(3)". Il nous faut  percevoir le souffle d'une communauté qui s'éveille et bouge dans le sens du bien.

En disant cela je ne critique en rien les efforts des ministres. Je défends plutôt une vision synodale qui sans nier la primauté voit dans le flair d'une communauté plus que les perceptions individuelles (4)

(1) Pape François, discours du 17 octobre 2015 : "le sensus fidei empêche une séparation rigide entre Ecclesia docens et Ecclesia discens, puisque le Troupeau possède aussi don propre flair pour discerner les nouvelles routes que le Seigneur ouvre à l'Église".
(2) Alphonse Borras, Quand les prêtres viennent à manquer, repères théologiques et canoniques en temps de précarité, Paris, Médiaspaul, 2017, p. 16
(3) Lettre du pape François au Cardinale Marc Ouellet du 19 mars 2016
(4) cf. sur ce thème mes développements dans Cette Eglise que je cherche à aimer.

02 mai 2017

L'incarnation du Verbe - Athanase

"Le Verbe s'est rendu présent en s'abaissant à cause de son amour pour nous, et il s'est manifesté à nous. 

Il a eu pitié de notre race, Il a eu compassion de notre faiblesse ; il a condescendu à notre corruption ; il n'a pas accepté que la mort domine sur nous ; il n'a pas voulu voir périr ce qui avait commencé, ni échouer ce que son Père avait accompli en créant les hommes. Il a donc pris un corps, et un corps qui n'est pas différent du nôtre. Car il ne voulait pas seulement être dans un corps, ou seulement se manifester. S'il avait voulu seulement se manifester, il aurait pu réaliser cette théophanie avec plus de puissance. Mais non : c'est notre corps qu'il a pris. ~

Dans le sein de la Vierge, il construisit pour lui-même le temple de son corps ; il en fit son instrument adapté, pour se faire connaître et pour y demeurer. Après avoir pris parmi nos corps un corps de même espèce, comme nous sommes tous soumis à la corruption de la mort, il le livra à la mort pour nous tous, et l'offrit à son père. Il a fait cela par amour pour les hommes." (1)

Sans commentaire

(1) Saint Athanase,  discours sur l'incarnation du Verbe,  source AELF

01 mai 2017

Lectures pastorales


Pour avis, mes "Lectures pastorales" sont devenues une longue saga qui compte maintenant une quinzaine de tomes, la plupart vendues à prix coûtant et publiés en "créative commons*" (parce que ces commentaires ne m'appartiennent pas et me dépassent)  :



1- A genoux devant l'homme, (Jean) 2012
2- Chemins de miséricorde, (Luc) 2013
3 - Chemins d'Eglise (Actes des apôtres)

4 - Serviteur de l'homme, kénose et diaconie (n°3 + lettres de Paul) 2014
5 - Sur les pas de Marc, 2015
6 - Sur les pas de Jean, 2015
7 - Chemins croisés (Matthieu), 2015
8 - Chemins d’Évangile (Recueil rassemblant les n° 2, 5, 6 et 7), 2015
9 - Le chemin du désert (de Gn et Ex à Mat 4 et Jn 21)
10 Nouveau testament commenté, tome 3 (autres lettres)

Elle intègre dans la même collection la trilogie "Humilité et miséricorde", 2016
11. L'humilité de Dieu, tome 1
12. Décentrement et communion, tome 2
13. Miséricorde, un chemin en Église, tome 3

Puis elles viennent d'être complétées par :
14 - Lire l'Ancien Testament, tome 1 - une lecture pastorale des livres d'Osée et de la Genèse, 2016
15 - Dieu n'est pas violent,  lire l'Ancien Testament, tome 2 (à partir des travaux publiés en 10,11 et 19)
16 - Chemins de prière, nouvelle édition - lire l'Ancien Testament, tome 3 (les psaumes)

Reste en préparation :
17 - Lectures pastorales (une version synthétique des tomes 14, 15 et une relecture du n°5).
18 - Une lecture pastorale des prophètes ?


* Libres de droits, ils sont reproductibles avec mentions de la source.
Les premiers tomes sont aussi disponibles en epub gratuits.

Discours du Pape François au Caire

Dans la suite des posts précédents il nous faut citer le discours de vendredi au Caire : "Dans le domaine du dialogue, spécialement interreligieux, nous sommes toujours appelés à marcher ensemble, convaincus que l'avenir de tous dépend aussi de la rencontre entre les religions et les cultures.
(...) Trois orientations fondamentales, si elles sont bien conjuguées, peuvent aider le dialogue : le devoir de l'identité, le courage de l'altérité et la sincérité des intentions. (...)
Dieu, qui aime la vie, ne se lasse d'aimer l'homme et c'est pourquoi il l'exhorte à s'opposer à la voie de la violence, comme présupposé fondamental de toute alliance sur la terre."
Refusant tout syncrétisme facile, le pape nous invite à progresser dans "
l'effort qui tend à instaurer une fraternité universelle".

À méditer

PS : lire bien sur l'intégrale sur Vatican.va
http://m.vatican.va/content/francescomobile/fr/speeches/2017/april/documents/papa-francesco_20170428_egitto-conferenza-pace.html

La vie partagée

Ce qui compte n'est pas de savoir, de pouvoir, de valoir, mais de partager la vie avec d'autres vies et de rester dans la faim et la soif du mystère de l'autre et de Dieu. ˆLe désir d'une vie ouverte en communion avec d'autres vies, dans une commune Présence où tout fait signe, où tout prend sens' (1)

(1) Cheng, op. Cit. p. 77

30 avril 2017

La danse de l'âme

Encore une citation ! "Le corps est le chantier de l'âme où l'esprit vient faire ses gammes"(1). Quelle vienne du XIIeme siècle ne réduit pas sa pertinence. Elle me fait penser à ce que j'écrivais il y a dix ans sur la danse trinitaire(2). Notre invitation est d'entrer tout entier dans cette danse de Dieu, qui a voulu, par l'incarnation du Fils nous conduire à percevoir l'enjeu de cette trinité intérieure image de la symbiose divine.

(1) Hildegarde de Bingen, citée par Cheng p. 50

29 avril 2017

Une âme ?

Bien sûr mon message précédent sur l'âme est caricatural comme l'est l'affirmation inverse qui à pourtant fait des dégâts : les femmes ont elles une âme ? Le risque de cette simplification est de réduire l'âme à la sensibilité alors que ce qui en fait le coeur est justement le lien entre l'âme et le divin...
L'âme est "une basse continue qui résonne en chacun de nous" disait Jacques de Bourbon Busset(1). Elle est reliée au "Souffle originel" précise Cheng.
La encore, je résonne avec le "bruit d'un fin silence" qui a marqué ma recherche. Quand l'esprit s'enferme dans sa raison, le souffle est ailleurs, il n'est pas dans le tonnerre ou le vent, mais dans ce souffle imprévisible qui nous conduit ailleurs.

(1) Cheng, ibid. p. 42

28 avril 2017

La tentation irénique du dialogue interreligieux

Il serait faut de croire que le dialogue est facile et que beaucoup de chose nous rapproche. S'il est possible de trouver des rayons de Vérité (Nostra Aetate 2) chez l'autre, il serait dangereux de croire que nous partageons le même socle commun que le Isha des musulmans est le même que le Jésus que nous venérons. Le dialogue demande autant humilité et écoute que compréhension de nos différences. Espérons que les impasses réciproques de nos fondamentalismes nous conduisent à trouver des lieux pour progresser vers l'Amour.
Il est temps d'aborder les choses de "manière moins naïve"(1), de "se regarder sans se compromettre"(2) et en même temps il faut faire un pas vers l'autre.

(1) Mgr Pontier, Lourdes 2007, cité par François Jourdain, Islam et Christianisme, comprendre les différences de fond, Vézelay, L'artilleur, 2015, p. 200
(2) Jean XXIII ibid. p. 201

Y a-t-il une âme masculine ?

La lecture de Cheng continue de m'inspirer... dans une simplification qu'il qualifie lui-même de "percutante"(1), il distingue "l'esprit yang masculin" de "l'âme ying féminin". Cela évoque pour moi cette phrase de Jean Paul II qui qualifiait les femmes de sentinelles de l'invisible. Il est possible que ce centre intérieur de l'émotion et des sens soit plus féminin. Bien sûr, en tant que masculin, je ne peux penser que je suis dépourvu d'âme. Mais c'est peut-être ce qu'il y a de plus sensible en moi qui me rapproche du féminin et me fait entrer en résonance avec cet univers pourtant inaccessible...

On pourra aussi relire sur ce point les propos de mon ami Christophe Gripon sur la sagesse (2)

(1) François Cheng, De l'âme, p. 41
(2) cf. Tag de 2016.

27 avril 2017

L'ombre mystérieuse - Le Clézio

Continuons dans les citations. Dans l'extase matérielle, Le Clézio parle de l'âme comme d'une "présence cachée, ombre mystérieuse qui est coulée dans le corps (...) signe de Dieu dans chaque corps". (1)

C'est là peut-être où la dynamique sacramentelle entre en jeu, en se connectant avec la grâce qui nous habite et la faire entrer en résonance avec nos "pensées, nos paroles et nos actes" (2) pour devenir signe efficace de la grâce que Dieu a coulé en nous par le baptême (3)

(1) Cité par François Cheng p. 45
(2) pour reprendre la prière d'Ignace de Loyola
(3) cf.tag sur Diadoque de Photicé

Face à la mort

Je poursuis la lecture de Cheng. Dans une confrontation avec un serpent mortel, il a pris conscience, dans sa jeunesse que la mort était là dans son champ de possible. Ce qui devient intéressant c'est que loin d'en tirer un pessimisme morbide, il y voit la possibilité d'une ouverture, "un désir de tendre vers l'au-delà, vers un Ouvert" qui rejoint "le Désir initial qui du Rien a fait advenir le Tout"(1)
A méditer à l'aune du pessimisme ambiant. Qu'est-ce que cet Ouvert ?

(1) op cit p. 35

25 avril 2017

Une nécessaire interprétation

"Il n'y a pas de transmission réelle de la foi sans interprétation" (1). C'est aussi la thèse dans "Dialogue avec Yasmina(2). La limite de l'islam est de bloquer l'interprétation et se tenir au par coeur. Or l'interprétation est le lieu même de l'appropriation par le lecteur du texte. "Comment traduire le langage chrétien pour qu'il soit porteur de révélation au sens fort, c'est-à-dire d'une parole intérieure qui coïncide avec une nouvelle possibilité d'existence ? La bonne traduction, ce n'est pas la transposition littérale du même contenu"(3), c'est pour moi la lecture spirituelle qui entre en résonance avec l'âme de l'écoutant et le conduit plus loin...

(1) Claude Geffré op. Cit. p. 53
(2) à paraître
(3) Geffré p. 54

De l'âme - François Cheng

Qu'il est beau de plonger un instant dans la quête de ce grand poète de l'intérieur(1) qui nous conduit, plus loin que "le dialogue de Tienyi" dans une quête visant à refaire émerger ce souffle intérieur que l'on oublie trop souvent, ce tressaillement de l'âme en nous qui nous appelle à plus d'être.
"Cette simplicité de l'âme, nous consacrons notre vie à l'acquérir, ou à la retrouver si nous l'avons connue, car c'est un don de l'enfance qui le plus souvent ne survit pas à l'enfance. Il faut très longtemps souffrir pour y rentrer, comme tout au bout de la nuit on retrouve une autre aurore..."(2)

(1) François Cheng, De l'âme, Albin Michel, 2016
(2) Bernanos, Blanche de la Force dans le dialogue des Carmélites cité par Cheng p. 28

23 avril 2017

Raymond Aron - Le spectateur engagé

Passionante conférence (1) que l'on peut entendre en podcast sur Raymond Aron et la tension nécessaire entre libéralisme et autorité,  qui seule peut mettre une limite à l'utopie libérale.  Elle soutiendrai une figure de sage en politique face à l'illusion d'un ultra libéralisme débridé...

(1) https://www.collegedesbernardins.fr/content/raymond-aron-1905-1983

22 avril 2017

Gandhi, le pape François et la Vérité

"Comment peut-on dialoguer si on prétend posséder déjà la vérité?" disait Gandhi. "Face aux très graves questions sur l'avenir de l'homme au troisième millénaire, nous devons recueillir toutes les semences de la vérité" ajoute Geffré (1)

Face à l'explosion actuelle de la violence, notre Pape à raison d'aller en Égypte au péril d'une Vérité à dévoiler en commun.

(1) op cit. p. 42

21 avril 2017

Une Vérité cachée - de Jn 18 à Claude Geffré

Qu'est-ce que la Vérité ? demande Pilate à Jésus (Jn 18,38). Jésus ne répond pas. Comment peut-il puisqu'il ne s'est pas encore dévoilé complètement sur la Croix et que le mystère de la Croix elle même nous échappe car il dévoile et masque à la fois l'immensité de l'amour divin ?
Geffré parle de la "verité-manifestation qui renvoie à une plénitude qui demeure encore cachée (...) dévoilement fugitif qui s'accompagne d'un voilement simultané". Il fait mention de l'aletheia d'Heidegger tout en soulignant son "ignorance étonnante de la vérité au sens hébraïque"(1).
"La vérité entière n'est vérité que parce qu'elle est part de Dieu" souligne-t-il plus loin. "C'est l'essence même de la vérité d'être en partage" (...) car la vérité la plus sacrée, la plus absolue, est toujours livrée dans la contingence d'un langage historique", ce qui rend le dialogue interreligieux d'autant plus essentiel (3) car c'est là où s'éclaire nos propres contingences.

(1) Claude Geffré, Le christianisme comme religion de l'Évangile, op. Cit. p. 40
(2) p. 41
(3) voir mon "dialogue avec Yasmina" à paraître.

20 avril 2017

Idolâtrie de l'unicité

Geffré va plus loin et est très actuel quand il condamne à la fois, à la suite de Mohammed Arkoun (1) le triangle violence-sacré-vérité d'un islam semi-fanatisé(1) et l'idolâtrie plus large qui consiste "à conférer à un peuple, à une Église, une communauté, un livre, une unicité exclusive qui n'appartient qu'à Dieu" (2).
Cet tentation d'affirmer qu'on détient la vérité nous fait oublier que la Vérité est une personne divine, par définition non préhensile comme l'affirme si bien Monique Baujard dans le Dvd 2 du bien commun de la CEF(3)

(1) op. Cit. p. 36
(2) p. 37
(3) editions de l'atelier

Pluralisme et dialogue interreligieux, de Geffré au Pape François en Égypte

"Il y a un mauvais pluralisme, celui qui coïncide de avec une idéologie qui désespère de toute vérité et de toute hiérarchie des valeurs. Mais un bon pluralisme est possible qui témoigne simplement d'une humanité plurielle qui fait de la diversité une chance dans la conquête progressive de la vérité" (1)
Rejoint-on là l'ouverture tracée par Nostra aetate (2) qui voit dans les autres religions des parcelles d'un bien commun ? Nous savons que Christ est chemin, vérité et vie. Mais le christianisme n'est pas forcément le tout de la Vérité car il n'est qu'un héritage parfois défiguré de ce que le Christ cherche à apporter. Le pluralisme devient alors une ouverture et une interpellation pour nous conduire vers le Christ véritable, ce corps trinitaire vers lequel nous cherchons à tendre, cette danse à laquelle nous sommes appelés.

Prions pour qur le voyage du pape François en Égypte fasse grandir le dialogue interreligieux dans cette direction.

(1) Claude Geffré, Le christianisme comme religion de l'Évangile, op. Cit. p. 31
(2) " L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de ce qu’elle-même tient et propose, cependant reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. Toutefois, elle annonce, et elle est tenue d’annoncer sans cesse, le Christ qui est « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s’est réconcilié toutes choses" Nostra Aetate n.3

Empreinte du Christ

L'office des lectures nous redonne à méditer une vieille catéchèse baptismale qui donne à penser : "Nous savons très précisément que notre baptême, s'il est purification des péchés et nous attire le don de l'Esprit Saint, est aussi l'empreinte et l'image de la passion du Christ. C'est pourquoi saint Paul proclamait : Ne le savez-vous pas ? Nous tous, qui avons été baptisés en Jésus Christ, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été mis au tombeau avec lui par le baptême."

Il y a là une piste à creuser en termes de dynamique sacramentelle.  Qu'est-ce qu'être empreinte du Christ,  comment celui-ci transforme nos vies en profondeur ? Lui laissons nous toute la place ?

19 avril 2017

les conversions d'Amoris Laetitia - Alain Thomasset

Saluons ici la pertinence de l'analyse d'Alain Thomasset qui nous aide dans l'article éponyme(1) à lire le chapitre 8 dans un cadre pastoral à la fois objectif et ouvert. L'auteur nous y invite à comprendre combien la loi reste incapable de couvrir toutes les situations particulières et qu'il demeure, dans le for interne, un chemin pour la conscience et la miséricorde. 
Je rejoins dans cet article les développements de ma recherche sur la dynamique sacramentelle (2)

(1) Alain Thomasset, les conversions d'Amoris Laetitia, Etudes, Avril 2017 num. 4237 p. 65ss
(2) C. Heriard, la dynamique sacramentelle, Amazon, 2016

Emmaüs - Saint Grégoire le Grand

"Vous venez de l'entendre, frères très chers : deux disciples de Jésus marchaient sur la route et, tout en ne croyant pas en lui, parlaient pourtant de lui. Le Seigneur est apparu, sans toutefois se montrer à eux sous une forme qu'ils puissent reconnaître. Le Seigneur a donc réalisé à l'extérieur, aux yeux du corps, ce qui en eux s'accomplissait à l'intérieur, aux yeux du cœur. À l'intérieur d'eux-mêmes, les disciples aimaient et doutaient tout à la fois ; à l'extérieur, le Seigneur leur était présent sans cependant manifester qui il était. À ceux qui parlaient de lui, il offrait sa présence ; mais à ceux qui doutaient de lui, il cachait son aspect familier, qui leur aurait permis de le reconnaître. Il a échangé quelques paroles avec eux, leur a reproché leur lenteur à comprendre, leur a expliqué les mystères de l'Écriture Sainte qui le concernaient. Et pourtant, dans leur cœur il demeurait un étranger, par manque de foi ; il a donc fait semblant d'aller plus loin... La Vérité, qui est simple, n'a rien fait avec duplicité, mais elle s'est simplement manifestée aux disciples dans son corps telle qu'elle était dans leur esprit.

Par cette épreuve, le Seigneur voulait voir si ceux qui ne l'aimaient pas encore comme Dieu étaient du moins capables de l'aimer comme voyageur. La Vérité cheminait avec eux ; ils ne pouvaient donc pas demeurer étrangers à l'amour : ils lui ont proposé l'hospitalité, comme on le fait pour un voyageur. Pourquoi d'ailleurs disons-nous qu'ils lui ont proposé, alors qu'il est écrit : « Ils le pressèrent. » Cet exemple nous montre bien que nous ne devons pas seulement offrir l'hospitalité aux voyageurs, mais le faire de façon pressante.

Les disciples mettent donc la table, offrent de quoi manger ; et Dieu, qu'ils n'avaient pas reconnu à l'explication de l'Écriture Sainte, ils le reconnaissent à la fraction du pain. Ce n'est donc pas en entendant les commandements de Dieu qu'ils ont été éclairés, mais en les mettant en pratique." (1)
À contempler à l'aune de nos pastorales du seuil(2)
(1) Saint Grégoire le Grand, Homélie 23 sur l'Évangile (trad. Le Barroux rev.) source évangile au quotidien 
(2) cf. ma recherche éponyme 

14 avril 2017

Sermon sur la Passion -Saint Léon le grand

"Le Seigneur est livré à ceux qui le haïssent. Pour insulter sa dignité royale, on l'oblige à porter lui-même l'instrument de son supplice. Ainsi s'accomplissait l'oracle du prophète Isaïe : Il a reçu sur ses épaules le pouvoir. En se chargeant ainsi du bois de la croix, de ce bois qu'il allait transformer en sceptre de sa force, c'était certes aux yeux des impies un grand sujet de dérision mais, pour les fidèles, un mystère étonnant : Le vainqueur glorieux du démon, l'adversaire tout-puissant des puissances du mal, présentait sur ses épaules, avec une patience invincible, le trophée de sa victoire, le signe du salut, à l'adoration de tous les peuples.

Comme la foule allait avec Jésus au lieu du supplice, on rencontra un certain Simon de Cyrène, et on fit passer le bois de la croix des épaules du Seigneur sur les siennes. Ce transfert préfigurait la foi des nations, pour qui la croix du Christ devait devenir, non un opprobre, mais une gloire. En vérité, le Christ, notre Pâque, a été immolé. Il s'est offert au Père en sacrifice nouveau et véritable de réconciliation, non dans le Temple, dont la dignité avait déjà pris fin, mais à l'extérieur et hors du camp, pour qu'à la place des victimes anciennes dont le mystère était aboli, une nouvelle victime fût présentée sur un nouvel autel, et que la croix du Christ fût cet autel, non plus du temple, mais du monde.

Devant le Christ élevé en croix, il nous faut dépasser la représentation que s'en firent les impies, à qui fut destinée la parole de Moïse : Votre vie sera suspendue sous vos yeux, et vous craindrez jour et nuit, sans pouvoir croire à cette vie. Pour nous, accueillons d'un cœur libéré la gloire de la croix qui rayonne sur le monde. Pénétrons d'un regard éclairé par l'Esprit de vérité le sens de la parole du Seigneur annonçant l'imminence de sa Passion : C'est maintenant le jugement du monde, c'est maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors. Et moi, une fois élevé de terre, j'attirerai tout à moi. " (1)

À contempler en ce jour du vendredi saint...

(1) Saint Léon le grand,  Sermon sur la Passion, source AELF

( 2) voir aussi mon chemin de croix 2016 sur http:/prierdieu.blogspot.fr et "le dernier pont" cherz lulu.com 

13 avril 2017

vérité et humilité

"le croyant n'est pas arrogant ; au contraire, la vérité le rend humble, sachant que ce n'est pas lui qui la possède, mais elle qui l'embrasse et le possède. Loin de le raidir, la sécurité de la foi le met en route, et rend possible le témoignage et le dialogue avec tous" (Lumen Fidei 34)

À méditer

12 avril 2017

Entrer en dialogue - 2

La pédagogie du Christ nous dit encore Monique Baujard (1) à la suite de Paul VI (cf. ES 90) montre que "le dialogue n'a rien de statique : assimiler (...) partager les usages communs, (...) écouter la voix et plus encore le coeur de l'homme avant de parler, comprendre ; respecter, se faire les frères des hommes. C'est tout le contraire d'un enseignement magistral" (1)

On retrouve là, avec d'autres mots, ce que je cherche à exprimer dans Pastorale du seuil.

(1) le bien commun, tome 2, op. Cit p. 22ss

Judas et le mal

Difficile de commenter le choix de Judas par Jésus ex ante.  Le commentaire d'Augustin donne une piste qui ne satisfait pas totalement la victime du mal. Écoutons le néanmoins : "N'est-ce pas moi qui vous ai choisi tous les douze ? Et l'un de vous est un démon » (Jn 6,70). Le Seigneur devait dire : « J'en ai choisi onze » ; est-ce qu'il a choisi un démon, un démon est-il parmi les élus ?... Dirons-nous qu'en choisissant Judas, le Sauveur a voulu accomplir par lui, contre sa volonté, sans qu'il le sache, une œuvre si grande et si bonne ? C'est là le propre de Dieu... : faire servir au bien les œuvres mauvaises des méchants... Le méchant fait servir au mal toutes les bonnes œuvres de Dieu ; l'homme de bien au contraire fait servir au bien les méfaits des méchants. Et qui est aussi bon que le Dieu unique ? Le Seigneur le dit lui-même : « Personne n'est bon, sinon Dieu seul » (Mc 10,18)... Qui est pire que Judas ? Parmi tous les disciples du Maître, parmi les Douze, c'est lui qui a été choisi pour tenir la bourse et prendre soin des pauvres (Jn 13,19). Mais après un tel bienfait, c'est lui qui perçoit de l'argent pour livrer celui qui est la Vie (Mt 26,15) ; il a persécuté comme ennemi celui qu'il avait suivi comme disciple... Mais le Seigneur a fait servir au bien un si grand crime.
 Il a accepté d'être trahi pour nous racheter : voilà que le crime de Judas est changé en bien. Combien de martyrs est-ce que Satan a persécuté ? Mais s'il ne l'avait pas fait, nous ne célébrerions pas aujourd'hui leur triomphe... Le méchant ne peut pas contrarier la bonté de Dieu. Il a beau être artisan du mal, le suprême Artisan ne permettrait pas l'existence du mal s'il ne savait pas s'en servir pour que tout concoure au bien." (1) il accepté d'être la victime du mal pour un plus grand bien.

Pourquoi ? La question mérite de rester en suspens, car nous n'avons pas toutes les clés du mystère sauf à contempler que de ce mal est venu notre salut,  mais aussi que le malheur de Judas a contribué à la tristesse du Sauveur,  lui qui jusqu'au bout à tenté la miséricorde. 

( 1)  Saint Augustin, Sermons sur l'évangile de Jean, n°27 p. 10, source evangileauquotidien.org

07 avril 2017

Entrer en dialogue - 1

Le tome 2 du livre "notre bien commun" (1) publié par la CEF et le SNFS insiste particulièrement sur l'importance du dialogue comme approche particulière de notre monde. Monique Baujard cite non seulement Eclesiam Suam 67 "l'Église se fait conversation", mais Ad Gentes 11 : "engager conversation avec" comme démarche présynodale nécessaire. Le dialogue n'a rien de facultatif dit elle. J'ajouterai qu'il est essentiel dans toute pastorale du seuil, à défaut de quoi l'homme ne peut ouvrir son coeur.

(1) Notre bien commun, tome 2, Paris, éditions de l'atelier, 2016, p16ss

05 avril 2017

Six beaux parcours de croyants musulmans

Dans "Les Nouveaux Acteurs de l'islam" (1) Anne-Bénédicte Hoffner "s'engage en faveur d'un islam éclairé en témoignant de ce que celui-ci existe et qu'elle l'a rencontré, à travers des hommes et des femmes discrets et engagés, mis en route par le doute mais guidés par quelques certitudes. (...) Dieu (Allah) est justice. Et sa justice s'étend à tous les hommes et toutes les femmes. (...) ce livre aiguise ainsi la curiosité envers « l'autre » musulman et invite à la rencontre. Il est donc précieux, par les temps qui courent." (2)
Une approche complémentaire à mon "Dialogue avec Yasmina"  ? (3)

(1) Paru chez Bayard
(2) d'après J.C. Ploquin, La Croix du 30 mars 2017
(3) à paraître prochainement sur Amazon

Le pluralisme religieux toujours à penser

"Depuis Claude Geffré, dominicain lui aussi, décédé le 9 février à l'âge de 91 ans, la théologie catholique du pluralisme religieux semblait comme assoupie, en France au moins – sauf sous l'angle du dialogue entre les religions. (...) Dans un petit ouvrage le Frère Rémi Chéno, dominicain au Caire et secrétaire général de l'Institut dominicain d'études orientales, décrit une approche, plus récente et qualifiée de « post-libérale » – celle, entre autres, du dominicain américain Joseph Di Noia, secrétaire adjoint de la Congrégation pour la doctrine de la foi depuis 2013 –, s'est développée surtout dans le monde anglo-saxon. Elle reconnaît « à chaque religion une vérité catégorielle propre, peut-être différente, voire contradictoire, mais bienvenue », résume Rémi Chéno. Refusant la « prétention illusoire » de prendre le point de vue de Dieu, elle estime « impossible de s'extraire de sa propre condition » et insiste au contraire sur l'ancrage des fidèles d'une religion « dans une culture et des pratiques qui (les) façonnent » ( 1)
Un point de vue que je rejoins dans mes travaux actuels.

(1) Anne-Bénédicte Hoffner, La Croix du 30 mars 2017

31 mars 2017

Girard et ses limites

Un nouveau déplacement à faire sous le prisme pluraliste particulier de Claude Geffré : la thèse de Girard soulignerait trop à son goût une version monopolistique de la lutte du christianisme contre la violence. Les détracteurs de l'islam politique actuel ne soutiendrons pas une thèse différente. Et pourtant, une lecture spirituelle donc profonde de l'islam ne conduit elle pas à rejeter la violence. Si ce n'est pas la cas, c'est que leur Dieu n'est pas miséricordieux, ce qu'il affirme pourtant au début de chaque sourate...
Nous entrons au coeur de l'interpellation initiale de Geffré. Pourquoi Dieu a-til permis l'existence de plusieurs courants religieux. Quel est le sens du pluralisme de principe qui correspond à un vouloir mystérieux de Dieu concernant le destin religieux de l'humanité ?(1) Quel est le sens symbolique de la présence des trois religions monothéistes à Jérusalem. Où se situe l'appel des hommes de bonne volonté ? Quelle est la vocation universelle de l'humanité ? Comment ordonner sous se plan un véritable dialogue interreligieux dans la mouvance de l'impulsion de Vatican II ?

(1) Geffré ibid. p. 8

Religion et chaos

Nous poursuivons notre lecture de Claude Geffré et son approche pluraliste pratique du phénomène religieux. J'aime la phrase qu'il reprend de Peter Berger : "la religion est la tentative la plus audacieuse pour concevoir l'univers entier comme ayant une signification humaine"(1). On pourrait souligner son rôle sociale, éthique et raisonnable. Face au chaos, la religion apparaît comme un lieu de pacification.

Qu'apporte le christianisme dans tout cela ?
Avant d'entendre la réponse de Geffré, j'aime me poser la question.
On peut peut-être suivre à ce stade la piste de René Girard ou celle deJurgen Moltmann et voir l'échec contre la violence des hommes que constitue la faiblesse d'un Dieu crucifié.
On peut aussi rejoindre le premier post et retrouver la notion d'ouverture fissionnelle de l'homme au divin par l'interpellation kénotique du Fils.

Dans un essai de dialogue interreligieux, affirmer la suprématie du christianisme serait osé et prétentieux.  Notre seule espérance est de montrer qu'en dépit de nos faiblesses et de nis erreurs,  Christ est plus fort que la mort, Christ est pour nous un guide vers l'amour,  Christ est chemin vers Dieu.

À méditer.

(1) Peter Berger, la religion dans la conscience moderne. Paris, centurion, 1971, p. 60, cité par Geffré, ibid. p. 22

30 mars 2017

Étymologie de religion - une quête de sens

Deux origines possibles du mot religio entraînent une différence de perspective. Selon Cicéron, il vient de legere et désigne le rassemblement d'un ensemble de cultes et de pratiques, alors que pour Tertullien, il vient de religare, "le lien de piété par lequel nous sommes reliés à Dieu, un système de reliance" et donc plus l'observance de rites mais une dépendance au divin (1). Cette différence est-elle constitutive de notre manière de vivre en Dieu. La question mérite d'être posée tant elle nous libère du rituel et nous ouvre à l'essentiel. Non d'ailleurs pour nier l'importance du rite, mais pour l'ancrer dans une profondeur et une intimité.

(1) Claude Geffré, Le christianisme comme religion de l'Évangile, Paris, Cerf, 2013, p. 18

On n'épuise pas la source

Alors que j'entame la quatrième version de mon commentaire de Marc, ce beau texte d'Ephrem me rappelle que je ne suis pas au bout du voyage. Une leçon d'humilité...

"La parole de Dieu est un arbre de vie qui, de toutes parts, te tend des fruits bénis ; elle est comme ce rocher ouvert dans le désert, qui devient pour tout homme, de toutes parts, une boisson spirituelle : « Ils ont mangé un aliment spirituel, et ils ont bu un breuvage spirituel » (1Co 10,3 ; Ex 17,1s). 

Que celui qui obtient en partage une de ces richesses n'aille pas croire qu'il n'y a dans la parole de Dieu que ce qu'il y trouve ; qu'il se rende compte plutôt qu'il n'a été capable d'y découvrir qu'une seule chose parmi bien d'autres. Enrichi par la parole, qu'il ne croie pas que celle-ci est appauvrie ; incapable d'épuiser sa richesse, qu'il rende grâces pour sa grandeur. Réjouis-toi, parce que tu es rassasié, mais ne t'attriste pas de ce que la richesse de la parole te dépasse. 

Celui qui a soif se réjouit de boire, mais il ne s'attriste pas de son impuissance à épuiser la source. Mieux vaut que la source apaise ta soif, plutôt que ta soif n'épuise la source. Si ta soif est étanchée sans que la source soit tarie, tu pourras y boire à nouveau, chaque fois que tu auras soif. Si, au contraire, en te rassasiant, tu épuisais la source, ta victoire deviendrait ton malheur. Rends grâces pour ce que tu as reçu et ne murmure pas pour ce qui demeure inutilisé. Ce que tu as pris et emporté est ta part ; mais ce qui reste est aussi ton héritage.(1)

(1) Saint Ephrem, Commentaire de l'Évangile concordant, 1, 18-19 ; SC 121 (trad. SC, p. 52-53), source Évangile au quotidien.


29 mars 2017

L'œuvre et le silence

Dans mon commentaire de la Genèse comme dans "où es-tu, mon Dieu" ( 2), je défends d'une certaine manière la thèse d'Hans Jonas du retrait de Dieu, seul explication à mon sens du mystère du mal et de la liberté donnée à l'homme. Et pourtant, il existe un paradoxe, soulevé par Augustin à la suite de Jean : Dieu reste à l'oeuvre dans le silence.. Écoutons-le : "Nous voudrions expliquer comment sont également vrais deux textes : celui de la Genèse où il est écrit que Dieu se reposa le septième jour de toutes ses œuvres et celui de l'Évangile où le Seigneur, par qui toutes choses ont été faites, dit : « Mon Père est à l'œuvre jusqu'à maintenant, et moi aussi je suis à l'œuvre »... L'observation du sabbat a été prescrite aux juifs pour préfigurer le repos spirituel que Dieu promettait aux fidèles qui feraient de bonnes œuvres. Repos dont le Seigneur Jésus Christ... a confirmé le mystère par sa sépulture. Car c'est le jour du sabbat qu'il a reposé dans le tombeau... lorsqu'il avait consommé toutes ses œuvres... 
On peut penser que Dieu s'est reposé d'avoir créé les divers genres de créatures, parce qu'il n'a plus créé ensuite de nouveaux genres, mais... que, même en ce septième jour, il n'a pas cessé de gouverner le ciel, la terre et tous les autres êtres qu'il avait créés ; sinon, ils auraient aussitôt sombré dans le néant. Car la puissance du Créateur, la force du Tout-Puissant, est la cause par laquelle subsiste toute créature... Il n'en est pas en effet de Dieu comme d'un architecte : la maison est achevée, celui-ci s'en va et... l'œuvre subsiste ; au contraire, le monde ne pourrait subsister, ne serait-ce l'instant d'un clin d'œil, si Dieu lui retirait son appui...
C'est ce que dit l'apôtre Paul quand il est venu annoncer Dieu aux Athéniens : « En lui nous avons la vie, le mouvement et l'être » (Ac 17,28)... En effet, nous ne sommes pas en Dieu comme sa propre substance, au sens où il est dit qu'« il a la vie en lui-même » ; mais, puisque nous sommes autre chose que lui, nous ne pouvons être en lui que parce qu'il agit ainsi : « Sa Sagesse s'étend avec force d'un bout du monde à l'autre et elle gouverne l'univers » (Sg 8,1)...

Les œuvres bonnes que Dieu a faites (Gn 1,31), nous les voyons ; son repos, nous le verrons après avoir accompli nos bonnes œuvres."(1)
Nous avons donc à conjuguer cela, à la fois comme source d'espérance et comme conviction, jusqu'à croire que l'œuvre de Dieu peut passer dans nos mains, quand nous acceptons de lui laisser la place.
(1) Saint Augustin, La Genèse au sens littéral, 4, 11-13 [21-24] (trad. Bibliothèque Augustinienne, t. 48, DDB 1972, p. 307s rev.) 

(2) commentaires de la Genèse et où es-tu ?, cf.https://www.amazon.fr/Claude%20Heriard/e/B004MSYHWI/

22 mars 2017

La pureté du coeur - Saint Théophile d'Antioche

Si vous avez fait l'impasse sur l'office des lectures de ce jour, si vous n'avez pas goûté à la lecture du plus beau texte d'Exode (33 et 34) qu'il propose,  lisez au moins ces lignes de saint Théophile d'Antioche :"L'homme doit avoir une âme pure, comme un miroir brillant. S'il y a de la rouille sur le miroir, l'homme ne peut plus y voir son visage. Ainsi, lorsqu'il y a une faute dans l'homme, cet homme ne peut plus voir Dieu. ~

Mais, si tu le veux, tu peux guérir. Confie-toi au médecin et il opérera les yeux de ton âme et de ton cœur. Qui est ce médecin ? C'est Dieu, qui guérit et vivifie par le Verbe et la Sagesse. C'est par son Verbe et sa Sagesse que Dieu a fait toutes choses. Comme dit le Psaume : Le Seigneur a établi les cieux par sa Parole, et leur puissance par le Souffle de sa bouche. Cette Sagesse est souveraine. En effet : Dieu a fondé la terre par sa Sagesse ; il a disposé les cieux par son intelligence ; c'est par sa science que furent creusés les abîmes, que les nuées ont distillé la rosée.

Si tu comprends cela et si ta vie est pure, pieuse et juste, tu peux voir Dieu. Avant tout, que la foi et la crainte de Dieu entrent les premières dans ton cœur, et alors tu comprendras cela. Quand tu auras dépouillé la condition mortelle et revêtu l'immortalité, alors tu verras Dieu selon ton mérite. C'est ce Dieu qui ressuscitera ta chair immortelle, en même temps que ton âme. Et alors, devenu immortel, tu verras le Dieu immortel, à condition d'avoir cru en lui maintenant."(1) 

Puis entrez dans l'oraison finale :

Qui peut saisir le langage des étoiles, Stance
qui peut surprendre la musique des âmes,
qui saura d'un coeur assez libre
connaître la Parole de la vie ?

R/Celui que ton Esprit habite, Seigneur,
accueille les secrets du Père.

Heureux l'homme dont le regard
traverse l'invisible
pour chercher ton visage.

Heureux l'homme dont l'esprit
découvre la sagesse
dans la folie de la croix.


(1SAINT THEOPHILE D'ANTIOCHE lettre à Autolycus, source AELF

18 mars 2017

Politique et théologie dans le dialogue islamo-chrétien

Alors que je poursuis l'écriture d'un texte sur le sujet qui pourra s'apparenter à un roman à fort contenu théologique (Variations sur la Perle), je salue le discours clair et interpellant de Chafik Jaradi, de l'institut d'études sapientielles de Beyrouth dans le hors-série de l'Oeuvre d'Orient sous le titre "Le dialogue islamo-chrétien sur le terrain de la politique"(1). Ce qui me semble intéressant est notamment de pointer le double risque chrétien d'une vision entachée de supériorité morale ou de rejet d'une interpénétration entre théologie et politique. Chafik Jaradi pointe ce risque comme des freins à l'extension du dialogue. Il ne nie pas les torts partagés, une nécessaire humilité réciproque, mais trace avec clairvoyance les enjeux. À lire.

C'est en écho que je retrouve avec plaisir la question soulevée par saint Justin dans son Apologie 8, 3(2) des sperma tou logou (semences du Verbe) qui nous ouvrent à une réflexion ouverte et humble sur les pas de Dieu en l'homme(3).

(1) in Perspectives et Réflexions, n•4 - 2016, op. Cit p. 45. Traduction d'un article paru en langue arabe par Antoine Fleyfel et Sophie Cherrier.
(2) Justin, œuvres complètes Paris Brepols 1994 p. 330
(3) Justin est cité dans l'article suivant de Charbel Maalouf, La philosophie grecque et la théologie patristique entre le refus, la confrontation et le dialogue in Perspectives et Réflexion p. 63

Platon et les Pères

Intéressante analyse de Charbel Maalouf sur la lecture de Platon par les pères de l'Église(1). Il y fait allusion à l'article de R. Arnou(2) qui note la difficulté d'une analyse objective des rapports entre platonisme et théologie aux premiers siècles (qu'il s'agisse de Platon ou de ses dérivés comme Philon, Plutarque et Plotin...).

L'éclectisme est pour lui développé, comme le syncrétisme religieux. Faut-il sans méfier. L'idée de Justin déjà citée plus haut des "semences du verbe" est là pour nous rappeler que Dieu prend des voies diverses pour nous ramener à lui.

Justin, poursuit-il, souligne que les révélations païennes sont partielles et que nous seuls avons eu la plénitude : "Tout le Verbe dans le Christ" (3)

Là où les choses deviennent intéressantes, c'est quand Maalouf fait entrer la critique d'Harnaak et sa thèse historico-critique sur la perversion grecque du christianisme en particulier chez Grégoire de Nysse, avant de souligner, à l'inverse l'apport du Capadocien sur une lecture dépouillée de la philosophie grecque. N'est-ce pas la l'enjeu : une interpellation du monde et un "travail de retranchement pour retrouver le fruit positif de la philosophie" (4)

Un travail qui est celui d'un véritable dialogue...

(1) Perspectives et réflexions, op. Cit p. 61
(2) R. Arnou, Platonisme des Pères, Dictionnaire de théologie catholique Paris Letouzey et Ané, t. XII col. 2259
(3) Apologie 10, op. Cit. p. 331
(4) Charbel Maalouf ibid p. 71

16 mars 2017

La crainte de Dieu - Saint Hilaire

La vraie crainte de Dieu
Heureux serons ceux qui craignent le Seigneur, qui marchent sur ses chemins. Toutes les fois que l'on parle de la crainte du Seigneur dans les Écritures, il faut remarquer qu'elle n'est jamais présentée seule, comme si elle suffisait à la perfection de notre foi ; on lui préfère ou on lui substitue quantité de choses qui font comprendre quelle est la nature et la perfection de cette crainte du Seigneur. Nous connaissons par là ce que dit Salomon dans les Proverbes : Si tu demandes la sagesse, si tu appelles l'intelligence, si tu la cherches comme l'argent et si tu creuses comme un chercheur de trésor, alors tu comprendras la crainte du Seigneur.Nous voyons ainsi à travers quelles étapes on parvient à la crainte du Seigneur. D'abord, il faut demander la sagesse, consacrer tous ses efforts à comprendre la parole de Dieu, rechercher et approfondir dans la sagesse ; et c'est après que l'on comprendra la crainte du Seigneur. Or, dans l'opinion commune des hommes, on ne comprend pas ainsi la crainte.La crainte est l'effroi de la faiblesse humaine qui redoute de souffrir des accidents dont elle ne veut pas. Elle naît et elle s'ébranle en nous du fait de la culpabilité de notre conscience, du droit d'un plus puissant, de l'assaut d'un ennemi mieux armé, d'une cause de maladie, de la rencontre d'une bête sauvage, bref la crainte naît de tout ce qui peut nous apporter de la souffrance. Une telle crainte ne s'enseigne donc pas : elle naît naturellement de notre faiblesse. Nous n'apprenons pas quels sont les maux à craindre, mais d'eux-mêmes ces maux nous inspirent de la crainte.Au contraire, au sujet de la crainte du Seigneur, il est écrit ceci : Venez, mes fils, écoutez-moi : la crainte du Seigneur, je vous l'enseignerai. Il faut donc apprendre la crainte de Dieu, puisqu'elle est enseignée. En effet, elle n'est pas dans la terreur, elle est dans la logique de l'enseignement. Elle ne vient pas du tremblement de la nature, mais de l'observance du précepte ; elle doit commencer par l'activité d'une vie innocente et par la connaissance de la vérité.Pour nous, la crainte de Dieu est tout entière dans l'amour, et la charité parfaite mène à son achèvement la peur qui est en elle. La fonction propre de notre amour envers lui est de se soumettre aux avertissements, d'obéir aux décisions, de se fier aux promesses. Écoutons donc l'Écriture, qui nous dit : Et maintenant, lsraël, qu'est-ce que le Seigneur te demande ? Sinon que tu craignes le Seigneur ton Dieu, que tu marches sur tous ses chemins, que tu l'aimes et que tu observes, de tout ton cœur et de toute ton âme, les commandements qu'il t'a donnés pour ton bonheur.Nombreux sont les chemins du Seigneur, bien qu'il soit lui-même le chemin. Mais lorsqu'il parle de lui-même, il se nomme le chemin et il en montre la raison lorsqu'il dit : Personne ne va vers le Père sans passer par moi. Il faut donc interroger beaucoup de chemins et nous devons en fouler beaucoup pour trouver le seul qui soit bon ; c'est-à- dire que nous trouverons l'unique chemin de la vie éternelle en traversant la doctrine de chemins nombreux. Car il y a des chemins dans la Loi, des chemins chez les prophètes, des chemins dans les évangiles, des chemins chez les Apôtres ; il y a aussi des chemins dans toutes les actions qui accomplissent les commandements, et c'est en les prenant que ceux qui marchent dans la crainte de Dieu trouvent le bonheur. (1)

A méditer.

( 1) COMMENTAIRE DE SAINT HILAIRE SUR LE PSAUME 127, source AELF

07 mars 2017

Le trépied des oeuvres


En écho avec le trépied eucharistique cité plus haut, voici une belle méditation de saint Pierre Chrysologue : "Il y a trois actes, mes frères, en lesquels la foi se tient, la piété consiste, la vertu se maintient : la prière, le jeûne, la miséricorde. La prière frappe à la porte, le jeûne obtient, la miséricorde reçoit. Prière, miséricorde, jeûne, les trois ne font qu'un et se donnent mutuellement la vie. En effet, le jeûne est l'âme de la prière et la miséricorde est la vie du jeûne. Que personne ne les divise ; les trois ne peuvent pas se séparer. Celui qui en pratique seulement un ou deux, celui-là n'a rien. Donc, celui qui prie doit jeûner, et celui qui jeûne doit avoir pitié. Qu'il écoute l'homme qui demande et qui en demandant souhaite être écouté ; celui qui ne refuse pas d'entendre les autres lorsqu'on le supplie, celui-là se fait entendre de Dieu. 
Celui qui pratique le jeûne doit comprendre le jeûne, c'est-à-dire il doit sympathiser avec l'homme qui a faim, s'il veut que Dieu sympathise avec sa propre faim. Celui qui espère obtenir miséricorde doit faire miséricorde ; celui qui veut bénéficier de la bonté doit la pratiquer ; celui qui veut qu'on lui donne doit donner... Sois donc la norme de la miséricorde à ton égard : si tu veux qu'on te fasse miséricorde de telle façon, selon telle mesure, avec telle promptitude, fais toi-même miséricorde aux autres, avec la même promptitude, la même mesure, de la même façon.
Donc la prière, la miséricorde, le jeûne doivent former un seul parrainage pour nous recommander à Dieu, doivent former un seul plaidoyer, une seule prière en notre faveur sous cette triple forme."(1)
À méditer dans la même veine, que la triple mention précédente. Peut-on d'ailleurs établir une correspondance ?
Prière -> presence réelle 
Jeûne -> sacrifice
miséricorde -> communion

(1) Saint Pierre Chrysologue, Homélie sur la prière, le jeûne et l'aumône ; PL 52, 320 (trad. bréviaire rev.



03 mars 2017

Le trépied eucharistique

Une découverte qui montre l'immensité de mon ignorance : cette insistance de Trente sur les "trois aspects de l'eucharistie : sacrifice, présence réelle et communion(1)" devrait être au coeur de ma pratique.

Plus qu'une question de définition, c'est l'aspect synthétique qui me semble ici intéressante.
Je découvre en même temps que mon insistance habituelle sur l'unique sacrifice du Christ est de fait trop protestante, car elle fait obstacle à la contemplation de la venue du Christ en moi, à travers le saint sacrifice de la messe.

Le trépied eucharistique est alors ici intéressant à plusieurs titres. Il me faut ensuite reconnaître que "les cérémonies, les bénédictions mystiques, les lumières et les encensements (...) soulignent la majesté d'un si grand sacrifice et [que] les esprits des fidèles seraient stimulés, par le moyen de ces signes visibles de religion et de piété, à la contemplation des choses les plus hautes qui sont cachées dans ce sacrifice(2)"

Si j'ai du mal avec l'ostentation, je dois peut-être encore me convertir pour accepter qu'il y a là une nécessaire mise à distance entre mon moi trop présent et ce Dieu qui vient à nous.

À méditer...

(1) O'Mallley, Trente, ibid. p. 234
(2) Concile de Trente p. 1493, cité par O'Malley p. 235