23 novembre 2017

Qui est le sujet de nos célébrations ?

La question posée par Christoph Théobald est essentielle. Qui est le sujet de nos célébrations ? Est-ce le prêtre venu parfois de l'extérieur au service d'une paroisse rendue passive ou est-ce la communauté elle-même « sujet collectif qui l'accueille pour qu'il la préside au nom du Christ(1) ». Derrière cette question se trouve l'enjeu de la refondation d'une unité véritablement sacramentelle de nos communautés, une pastorale de l'engagement et de la responsabilité sans tomber dans le double écueil du cléricalisme ou de l'excès d'autonomie des laïcs. Au milieu, la place du diacre est-elle de trancher d'un côté ou de l'autre ou d'avoir toujours en tension l'idée d'être un entre-deux qui favorise la prise de conscience de la dynamique sacramentelle de la communauté.

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 323sq

21 novembre 2017

Le tressaillement de Zachée

« Je suis un pécheur sur lequel Jésus a posé son regard » Cette phrase de notre pape reprise deux fois par le P. Spadaro dans « Cette Église que j'espère »(1) est particulièrement adaptée en ce jour où l'Evangile nous conduit vers Zachée.

« Jésus leva les yeux et lui dit :
« Zachée, descends vite :
aujourd'hui il faut que j'aille demeurer dans ta maison. »(Luc 19,5).

Contempler le Christ descendu à Jéricho jusqu'à Zachée, c'est voir le Christ agenouillé devant l'homme pour demander de demeurer en lui. Un acte qui préfigure le mystère de l'eucharistie et nous fait tressaillir comme a dû le faire le petit homme devant la phrase du Fils de Dieu.

Un monde à l'envers. Il cherche à monter et Jésus descend...

Seigneur, je ne suis pas digne, mais dit seulement une parole et je serais guéri...

(1) Op. cit. p. 47 et 62

19 novembre 2017

Goûter au temps de Dieu

« En entrant dans l'histoire, le Christ a ouvert dans notre temps humain, passager, une brèche vers la plénitude des temps. Chaque minute qui passe est comme habitée, engrossée par l'éternité. » (1)

À contempler 



(1) Luc Forestier, cité dans La Croix du 19/11/17 p.15

16 novembre 2017

Belles paroles

Il y a toujours un risque de parler dans le vide, de se complaire de mots de repousser l'action ou de la dénigrer. Les propos de Maurice Blondel sont pour moi comme une claque cinglante : « l'égoïsme sensuel (...) s'enfonce dans son rêve » et rejette le réel qui lui semble vide et dépourvu de sensations (1). Il « s'enchante de ses propres émotions » (2) en oubliant que tout est vanité.

Blandel va jusqu’à utiliser un terme qui parle : « l’autolâtrie »(3)

(1) Maurice Blondel, l'Action, Paris, Felix Alcan, éditeur, 1893, p. 8
(2) ibid p. 13
(3) p.16

Rendement pastoral ?

Au delà de l'Impertinence (1) de cette expression de « rendement » comme celle de « stratégie », il y a une question qui surgit de mes dernières notes de lecture dont la chronologie est toujours surprenante.
Une question récurrente me turlupine...
Y a-t-il un rendement pastoral à la place du diacre à l'autel ?
Certes la liturgie est le sommet d'une pratique chrétienne, mais le fondement même de l'idée de diaconie est ailleurs.
J'ai eu sur ce point des discussions houleuses.
Pour moi, il y a un risque de folklorisation qu'on ne peut évacuer.
Autant le prêtre a son rôle, autant celui du diacre n'est pas forcément essentiel, sauf bien sûr s'il lui arrive de présider un sacrement.
Sa fonction d'acolyte est chargée de sens, mais elle peut être effectuée par bien d'autres laïcs.
L'action qui fonde son ministère est surtout ailleurs.
En disant cela, je rejoins les questions de hiérarchie des munera pointées par Christoph Théobald (2)
La réponse n'est pas simple.
À méditer...

Ajout : Sur ce point le débat continue. Un ami diacre m'a confié que selon lui, le curé pouvait mieux célébrer grâce à lui, car le matériel étant géré par lui, il pouvait se consacrer à l'essentiel. Un point...

(1) petite allusion à l'expression d'Etienne Grieu, citée hier.
(2) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 187sq.

Diversité polyédrique et ouverture

Voir les paroles de Jésus non comme des lois mais comme des évangiles (bonne nouvelle) nous rend sensible à la nécessaire pastoralité de notre ouverture au monde.

Ne pas voir la une loi mais une bonne nouvelle, c'est  reconnaître l'importance « d'un discernement spirituel qu'exige cette diversité polyédrique de situations culturelles et personnelles marquées par de très grandes fragilités ».

C'est un élargissement du regard.

A la différence de la loi, l'évangile ouvre un chemin inexploré : celui de l'âme humaine.

La notion de polyèdre et de gradualité conjuguée par notre pape introduit pour moi la nécessité d'une morale « vectorielle », c'est à dire d'un chemin qui devient polyédrique par essence.

A chacun ce vecteur qui le pousse plus loin.

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 221

15 novembre 2017

Christianisme, pouvoir et pénitence chez Michel Foucault

Encore une pépite dans le dernier numéro d'Etudes sur la quête de Michel Foucault à travers son oeuvre (1). Je relève une intéressante question sur le lien entre pénitence et pouvoir des consciences dans le christianisme occidental. Foucault semble d'abord insister sur cette dérive du confesseur qui, loin de libérer l'homme le pousse à la culpabilité, pour, depuis 1975, entrer dans une autre direction, celle d'une vérité qui libère. Et c'est probablement dans cette tension qu'il faut entendre ses propos sur l'altérité véritable et la patience.
Où se situer ? Face à la tentation du pouvoir, on peut trouver une voie nouvelle dans la contemplation d'autrui comme « capax dei » et lui donner les moyens de grandir.
Un autre chemin pastoral, un engendrement, un agenouillement qui rejoint mon "mendiant et la brise"...

(1) Camille de Villeneuve, Michel Foucault et le Christianisme, Études de novembre 2017, p. 59ss

Le principe de l’agir - 2

Poursuivons la lecture : « Je n'ai rien que je n'aie reçu, et pourtant il faut en même temps que surgisse, en moi-même, l'être que j'ai reçu et qui me semble imposé (...) il faut que je l'engendre à nouveau par une adhésion personnelle (...) afin d'égaler le mouvement réfléchi au mouvement spontané de mon vouloir. Or c'est dans l'action que » (1) tout se joue pour Blondel.
Il y a là des propos que l'on retrouve à la fois d'une certaine manière chez Lévinas dans "l'appel du visage" à agir où dans les pages de Ricoeur sur la philosophie de la volonté. Mais relire cela dans un contexte de 1893 donne une autre lueur et en même temps une vision qui va jusqu'à nos pastorales d'engendrement.
On trouve bien sûr aussi un lointain écho de l'entretien du Christ avec Nicodème (Jn 3) dans le concept de nouvelle naissance. 
Qu'est-ce à dire aujourd'hui. Face à la soumission à une mode, un modèle, une culture, où se situe ma volonté ? Comment vient-elle à mon esprit et quelle interaction dynamique se joue entre ce que j'ai reçu et ce que je vis en acte ?
Quel lien, aussi entre la grâce reçue et enfouie en moi (2) et ce que je traduis ensuite par un agir ?
Comment puis-je mettre en actes, ce qui me tient à coeur ?
Quelle cohérence ?
Au creux de cette question se joue l'agonie et la déréliction : " non pas ma volonté,  mais celle du divin en moi qui m'appele"...
À méditer.
(1) Maurice Blondel, l'Action, Paris, Felix Alcan, éditeur, 1893, p. XXIV
(2) cf. plus haut le concept de grâce chez Diadoque de Photicé

Le principe de l’agir - Maurice Blondel

Après un long plaidoyer sur l'agir, Blondel en vient au cœur de notre sujet sur l'immanence : Il faut, pour lui, « rechercher s'il n'y a pas un mouvement initial qui persiste toujours, qu'on aime et qu'on veut, même quand on le renie ou quand on en abuse » (1).

C'est la peut-être le creuset de ce que je cherche à définir comme tressaillement, cette interaction fragile entre l'homme et l'auto-communication d'un Dieu agenouillé.

Ce mouvement est-il la symphonie du Dieu trine qui, dans le creuset de notre coeur, nous invite à danser une partition nouvelle ?

(1) Maurice Blondel, l'Action, Paris, Felix Alcan, éditeur, 1893, page XX de l'introduction.

Pertinence et impertinence de l’Église - Étienne Grieu

Un deuxième point qui mérite de s'arrêter dans l'analyse d'Etienne Grieu est ce paragraphe qui ose affirmer, à la différence de ce que pouvait dire Pierre Rabhi, interviewé ce matin sur RND, que l'Evangile passe par l'Église.
Cette affirmation ne va pas de soi. Elle est possible dans ce déplacement évoqué par Grieu à la suite de Théobald(1) dans la manière de penser la Révélation. Non pas un ensemble d'articles de foi mais une « dynamique relationnelle toujours à reprendre (...) une histoire qui se retisse et qui dans le feu de l'Esprit, projette de nouvelles lueurs sur ce qui nous a été donné par le Père » (2).

Dynamique qui avant d'être sacramentelle se tisse dans nos humanités...

« En redécouvrant l'Église comme fraternité nous sommes tout naturellement reconduits vers (...) ceux qui se tiennent au bord du monde », allusion explicite à la périphérie du pape François dans EG.

Cela nous ramène au coeur de l'alliance dans cet agenouillement de Dieu vers le monde.

Face à la tentation du repli, Grieu nous invite à une « audacieuse impertinence ». À méditer.

(1) Christoph Théobald, La réception du concile Vatican Il, Cerf, 2009
(2) Etudes n.4243 11/2017, op. Cit. p. 79

Immanence et transcendance

Le sujet lancé par Maurice Blondel en 1893 dans "L'action", un livre condamné à l'époque et dont on vient de me prêter un exemplaire n'est-il pas au coeur des tensions actuelles décrites par Théobald en début de son livre. Si l'homme est "capax dei" quelle place à la grâce ? Le chemin ouvert par Blondel a influencé beaucoup de recherche et il faut attendre Lubac et Rahner pour que les choses se tassent. Pour autant cette tension théologique mérite un détour. 

Quel est l'enjeu ?
Je ne maitirise pas ces sujets. Pour moi le concept d'immanence est une reprise de ce que sous entendait Justin (logos spermatikos) et Diadoque de Photicé ? N'est ce pas ce que suggère aussi Nostra Aetate : l'homme a en soi la capacité de trouver Dieu, il a en lui des rayons de la vérité.  De quel droit ? N'est ce pas au nom du souffle divin évoqué en Gn 1. La transcendance n'ajoute rien d'autre.  Elle fait entrer en résonance.  Entre vie et sacrements,  l'enjeu est la danse. À contempler et approfondir.

Le mendiant et la brise -2

Dieu que nul oeil de créature
N'a jamais vu,
Nulle pensée jamais conçu,
Nulle parole ne peut dire,
C'est notre nuit qui t'a reçu :
Fais que son voile se déchire.
Fais que tressaille son silence
Sous ton Esprit ;
Dieu, fais en nous ce que tu dis,
Et les aveugles de naissance
Verront enfin le jour promis
Depuis la mort de ta semence (1)

Je trouve un deuxième écho à ma thèse sur l'image fragile d'un Dieu mendiant d'amour dans les propos d'Étienne Grieu dans le dernier numéro d'Etudes, sous le titre de "Pertinence et impertinence de l'Église". (2).
Étienne y développe un sujet rémanent chez lui, l'alliance,  mais ses propos sur les échecs de Dieu me font prendre conscience de notre proximité d'approche. 

On lit entre les lignes ce que dit mon père Gilbert dans le mendiant et la brise...
J'ai aimé travailler avec Étienne sur mon livre Marions-nous. Je regrette qu'il soit si pris. J'aimerais lui offrir ma nouvelle et discuter encore sur ces enjeux pastoraux, ces urgences au sens theobaldien...

Troisième écho avec l'évangile d'aujourd'hui en Luc 17, 17 : "Et les neuf autres où dont-ils ?" pleure Jésus après la guérison des 10 lépreux. A méditer.  
(1) Hymne de l'office des lectures,  source AELF
(2) cf. ETUDES de novembre 2017

14 novembre 2017

Loi, gradualité, pastorale et Évangile

Nous arrivons au coeur de la tension soulevée par le pape François entre morale et pastorale. Christoph Théobald l'introduit à la lumière de sa lecture de Vatican II et de ce qui a suivi. Les questions posées par le Concile sur la pastorale était-elle en rupture ou en continuité avec la tradition ? Christoph Théobald note un glissement entre ce qui était considéré comme une « herméneutique de continuité » et « l'herméneutique de réforme » et en vient au sujet qui fâche. L'indissolubilité du mariage est-elle une loi ? Son approche est particulièrement intéressante. S'appuyant sur l'approche paulinienne, Christoph Théobald préfère dire que l'indissolubilité est aux yeux du Christ un « évangile », c'est à dire une bonne nouvelle. Car, note-t-il la réalité pastorale reste que l'homme est faillible, ce qui implique cette gradualité encore soulignée par le pape François (1)

(1) j'invite le lecteur à relire lentement les propos de Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 215 à 219

13 novembre 2017

Recevabilité de l’Évangile

Il faut que Christoph Théobald insiste trois fois sur ce mot (1) pour que je prenne conscience de son importance. Et pourtant c'est bien pour moi une question essentielle de pastorale, mais plus largement de tout le christianisme. À quel point ouvrons-nous notre porte à l'Evangile ?
Comment creuser en l'homme ce désir, ce tressaillement intérieur qui rend sa terre féconde à la semence du Verbe ?
Notre mission d'évangélisation ne doit-elle pas s' auto-réguler pour accueillir et entendre ces freins à l'évangile ? C'est l'enjeu d'une pastorale du seuil (2).

Que nous dit Christoph Théobald ? Il reprend les termes mêmes du pape François dans EG 39 : «  L’Évangile nous invite avant tout à répondre au Dieu qui nous aime et nous sauve, le reconnaissant dans les autres et sortant de nous -mêmes pour chercher le bien de tous ». Soulignant cette reconnaissance de Dieu en autrui, Christoph Théobald note aussi l’importance pour François de la force et de l’attrait de l’annonce comme sa notion de « parfum de l’Évangile ».

Rien ne sert de servir une morale si on ne la fonde sur un désir profond d’adhérer à la personne de Jésus-Christ et de croire en sa force.

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 94ss, 175ss et 208ss
(2) cf. mon essai éponyme

11 novembre 2017

Mission baptismale - Munera

Que recouvre notre mission baptismale de prêtres, prophètes et roi. L'expression mérite d'être expliquée et je trouve pour la première fois chez Christoph Théobald (1) une belle exhortation: il y insiste sur la vie sacramentelle (fonction sacerdotale), le témoignage d'une vie de foi et la catéchèse (fonction prophétique) mais surtout définit la fonction royale comme une "entrée au service de la présence du règne de Dieu au sein de nos réalités terrestres". Si souligne la hiérarchie de ces fonctions donnée par Vatican II en insistant sur la liturgie comme " sommet et source de toute vertu " citant SC § 10, je suppose qu'il garde en tête son schéma déjà cité qui souligne la nécessaire interaction entre vie et sacrement et fonde mes travaux sur la dynamique sacramentelle (2).

A mon humble avis, le service du règne que je traduis par diaconie, fonde la vérité des autres fonctions et la hiérarchie de Vatican II n'a une importance que si la réalité du lien entre vie et sacrement prends corps. Pour ceux de la périphérie, qui sont loin du monde chrétien, ceux pour qui "le mystère ne leur évoquent plus rien"(3) seront plus touchés par le "climat d'humanité qui leur parle éventuellement, l'accueil de la fragilité humaine, le droit de cité donné au questionnement et au doute". C'est pourquoi il me semble, en dépit de SC 10, que pour eux la hiérarchie doit être inversée.


(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 189
(2) Il reviendra en effet plus loin sur cette hiérarchie.
(3) ibid. p. 193