14 décembre 2019

L’amour est en Christ - 48 - Saint Jean de La Croix



Parfois Dieu nous fait la grâce de manifester sa tendresse et sa miséricorde d'une manière extra-ordinaire (extase ou don des larmes). L'âme peut se contenter de cela et poursuivre son chemin sans comprendre que cet amour est la première marche d'un chemin où Dieu a « besoin de nos mains (1) » pour participer à l'extension de son « Royaume ». Quel est la nature de son appel ? Où veut-il nous conduire ? Plusieurs écueils se présentent, en lien avec la Parabole du semeur :

  • La paresse qui nous fait oublier l'appel, quand nous sommes repris par le chant des sirènes du monde,
  • La fuite, quand nous courrons après l'extase mystique sans accepter l'appel parfois douloureux à la charité qui va suivre.
  • Le fait de tomber face aux agissements du malin qui cherche souvent une faille dans  nos vies
Quelle va être la terre qui accueillera cette semence de la grâce ? 
La voie est étroite. Est-on forcé ensuite à passer par le désert(2) ou par la Croix ? C'est un peu ce que suggère saint Jean de la Croix que nous fêtons aujourd'hui dans ce beau texte que je découvre ce matin dans l'office des lectures :

« Ce qui est dans le Christ est inépuisable ! C'est comme une mine abondante remplie d'une infinité de filons avec des richesses sans nombre ; on a beau y puiser, on n'en voit jamais le terme ; bien plus, chaque repli renferme ici et là de nouveaux filons à richesses nouvelles ; ce qui faisait dire à saint Paul du Christ : Dans le Christ se trouvent cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance de Dieu. Mais l'âme ne peut y pénétrer ni les atteindre, si, comme nous l'avons dit, elle ne passe pas d'abord et n'entre pas dans la profondeur des souffrances extérieures et intérieures ; il faut, de plus, qu'elle ait reçu de Dieu une foule de faveurs intellectuelles et sensibles, et qu'elle ne soit exercée longtemps dans la spiritualité ; ces faveurs sont en effet d'un ordre inférieur : ce sont des dispositions pour arriver aux cavernes élevées de la connaissance des mystères du Christ, la plus haute sagesse à laquelle on puisse parvenir ici-bas.
Oh ! si l'on finissait enfin par comprendre qu'il est impossible de parvenir à la profondeur de la sagesse et des richesses de Dieu sans pénétrer dans la profondeur de la souffrance de mille manières, l'âme y mettant sa joie et ses désirs (afin de comprendre avec tous les saints quelle en est la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur) ! L'âme qui désire vraiment la sagesse désire aussi vraiment entrer plus avant dans les profondeurs de la Croix qui est le chemin de la vie ; mais peu y entrent. Tous veulent entrer dans les profondeurs de la sagesse, des richesses et des délices de Dieu, mais peu désirent entrer dans la profondeur des souffrances et des douleurs endurées par le Fils de Dieu : on dirait que beaucoup voudraient être déjà parvenus au terme sans prendre le chemin et le moyen qui y conduit. »(3)

Il faut peut-être relire François Marxer dans son beau livre, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, (Paris, Cerf, 2017) pour voir où cela nous conduit.

(1) cf. Etty Hillesum, lettre à Westenbrock
(2) cf. mon essai Chemins du désert 
(3)Cantique spirituel, source : office des lectures, AELF


05 décembre 2019

Hommage à Johann Baptist Metz

Un grand théologien est parti. A défaut de ces deux ouvrages commentés ici(1), on lira avec intérêt l’article de La Croix en hommage à ce qu’il appelait la « mémoire douloureuse »...
——
Mort du théologien allemand Johann Baptist Metz
http://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/Pape/Mort-theologien-allemand-Johann-Baptist-Metz-2019-12-03-1201064269

(1) liste des ouvrages commentés dans ce blog :
  1. Metz, Johann-Baptist, Memoria passionis, un souvenir provoquant dans une société pluraliste, Paris, Cerf, Cogitatio Fidei, Tr. fr. Jean-Pierre Bagot, 2009.
  2. Metz, Johann-Baptist, La foi dans l’histoire et dans la société, , Essai de théologie fondamentale pratique Paris, Cerf, Cogitatio fidei, 1979.

22 novembre 2019

création et liberté - 8 - Joseph Moingt

Si l'on considère le récit de la genèse dans son sens spirituel en effaçant toute propension à lui donner une valeur biologique ou historique, on peut concevoir alors que le plan d'un Dieu créateur est plus vaste et plus fécond.

Joseph Moingt en fait un chemin de liberté qui englobe toute l'histoire du salut et lui donne une direction :
"La foi au Dieu créateur ne veut nullement s'imposer comme une explication de l'origine de l'univers, mais seulement exprimer la confiance mise en Dieu pour avoir créé l'humanité dans l'intention de former sa propre famille de tous les hommes qui deviendrait ses fils en se reconnaissant dans l'un d'entre eux, Jésus, dépositaire de l'image de Dieu et révélateur de sa présence parmi nous. Cette foi ne vise donc pas formellement la constitution de l'univers (comme il en est dans la théorie du créationnisme), mais le projet salutaire de Dieu concernant l'homme, projet qui enveloppe sa dignité spécifique, la liberté de chacun d'orienter son destin, l'amour fraternel les uns des autres, (...) Ce projet de la création de l'univers, non sous forme d'un plan d'organisation de toutes choses, mais d'une semence de liberté et d'amour jetée dans l'univers en formation pour que naisse en son sein une créature spirituelle avec qui Dieu pourrait entrer en communication intime, semence que Dieu confiait au monde naissant comme un appel, un souhait, une parole, un logos, l'invitation à naître adressée à un Premier-né destiné à ramener à Dieu toute sa famille humaine" (1), tout cela donne du sens à notre aujourd'hui. Le don de Dieu est appel... Il s'origine dans un don (Gn 1 et 2) et l'appel d'un "où es-tu ?" (Gn 3) qui est plus qu'un cri, une plainte d'un Dieu qui aime sa création et n'a pour but que de le ramener à lui...

(1) Joseph Moingt, L'esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, p. 228


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20 novembre 2019

Au fil de Jean 17 - Danse trinitaire 46

La prière de Jésus postule la même réciprocité d'unité et d'amour entre les disciples qu'entre lui et le Père dans une parfaite réversibilité du présent dans le futur et de l'avenir dans le passé le plus lointain (...) adorer en esprit et en vérité, parce que nous sommes esprit, nous aussi, ayant été faits à sa ressemblance, et nous pouvons vérifier sa présence en Jésus à l'amour que Dieu met entre ceux qui croient en Jésus comme il en est entre Dieu et lui" (1)
Il y a chez Moignt des accents concordants avec ce que je décris souvent comme cette invitation à la danse trinitaire (2) faite à l'homme.

“Puisque la foi en lui nous fait communier à la vie de Dieu qui est en lui, notre résurrection est déjà commencée dans le temps où nous vivons et s’achève en lui en vie éternelle, dans “la communion des saints”, sans interruption dans le temps ni éloignement dans l’espace ; l’intimité réciproque du Père et du fils s’étant à l’union des élus entre et avec Jésus en Dieu, dans la continuité d’une même histoire qui s’éternise sans s’aliéner”(3).

(1) Joseph Moingt, L'esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, p. 215
(2) cf. mon livre éponyme repris dans Sur les pas de Jean
(3) Moingt p. 216

19 novembre 2019

Homélie du 24/11 - Christ Roi - sur les pas de Luc 23 - kénose 147

Projet 3
Qu'est-ce que la royauté du Christ ?
Quel est le roi que nous présente ces deux textes ?
Où sont leurs signes de pouvoir ?
Quel est le fils qu'a choisi Samuel ?
Rappelons nous ce récit.
«Samuel ajouta: «Sont-ils tous là?» – «Non, répondit Jessé; il y a encore le plus jeune, David, qui garde les moutons.» – «Envoie-le chercher, ordonna Samuel. Nous ne commencerons pas le repas sacrificiel avant qu'il soit là.» Jessé le fit donc venir. Le jeune homme avait le teint clair, un regard franc et une mine agréable. Le Seigneur dit alors à Samuel: «C'est lui, consacre-le comme roi.»»
‭‭1 Samuel‬ ‭16:11-12‬
Samuel ne prend pas le plus fort. L’élection se fait par le regard du prophète qui, grâce à Dieu , lit le cœur de l’homme.
Christ est roi. D’où vient sa royauté ?
Où sont les pouvoirs de Jésus ?
Il semble important de contempler cela avant de méditer où cela nous conduit
La liturgie nous invite à un déplacement.
Le Christ est rayonnant de gloire alors même qu’il est « élevé » sur un instrument de malédiction.
Jean 3,14 rappelle d’ailleurs le lien entre cette élévation et celle du serpent au désert. Moise le mettait au bon d’un bâton pour guérir le peuple.
Qu’est-ce qui est élevé ? Le bon larron voit ce que l’autre ne voit pas.
La violence n’est pas le chemin.
Et nous ?
« Tu n'aurais pas de pouvoir/autorité si elle ne t'avais été donnée... » (Jn 19,11) dit Jésus à Pilate
Où est notre vocation ?
Que veut dire être prêtre prophète et roi ?
N'est ce pas marcher sur les pas du Christ
Entrer dans l'humilité (la kénose)
« Le Christ n'a pas retint jalousement le rang qui l'égalait à Dieu.. mais il s'est anéanti ». (Ph 2)
Le royaume est à venir
Il est don de Dieu.
Tout à l’heure il va se faire tout petit pour entrer en nous. Laissons lui une place...
L’humilité de Dieu nous conduit à un autre royaume, celui de l’amour. Il nécessite de mourir à tout désir de puissance pour ce laisser porter par une seule puissance : « l'amour est ta force. Écoutez le Cantique des Cantiques : « L'amour est fort comme la mort » (8,6). (...) En effet, l'amour détruit ce que nous avons été, pour nous permettre, par une sorte de mort, de devenir ce que nous n'étions pas. (...) C'est cette mort qui était à l'œuvre en celui qui disait : « Le monde est crucifié pour moi, et je suis crucifié pour le monde » (Ga 6,14). C'est de cette mort que parle ce même apôtre quand il dit : « Vous êtes morts et votre vie est désormais caché avec le Christ en Dieu » (Col 3,3). Oui, « l'amour est fort comme la mort ». Si l'amour est fort, il est puissant, il est de grande force, il est la force même. (...) Que ta paix soit donc dans ta force, Jérusalem ; que ta paix soit dans ton amour »(1)

(1) Saint Augustin Les Discours sur les Psaumes, Ps 121, §3,12

11 novembre 2019

Justice, amour, miséricorde et salut - Hans Urs von Balthasar

L'expression Sèdèq que nous traduisons par justice "n'est pas seulement insuffisante, mais souvent trompeuse comme traduction. (...)
Le Dieu de l'Alliance est le gardien du droit des pauvres, des opprimés, de faible, des le début et encore davantage dans le Deutéronome (1).
On rejoint le concept de miséricorde cité plus haut (p. 142).
"Dieu lui-même dit qu'il ressent cette miséricorde compatissante à l'égard de Jérusalem (cf. Za 1, 16) (...) le mot justice est énoncé de Dieu comme celui qui a pitié d'Israël et surtout des pauvres, des veuves et des orphelins".
De fait Hans Urs von Balthasar note une forte intrication entre hèsèd, sèdèq et ramamim (amour, justice et miséricorde) soulignant que "La justice de Dieu est toujours salvifique" (2).

Articuler justice et salut est essentiel.



Cette précision est intéressante à l'aune des avancées récentes sur la miséricorde (3). Elle permet de mieux articuler les deux et de sortir d'une logique purement moralisatrice ou étriquée pour entrer dans une dynamique plus apostolique et salvatrice.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974 p. 143
(2) ibid. p. 146
(3) cf. notamment les travaux de Kasper et mes trois tomes : Humilité et miséricorde.

10 novembre 2019

Homélie du 32eme dimanche - Résurrection - version finale ?


De quel côté sommes-nous ?
Du côté de la vie, de la foi, de l’espérance et de la charité
Ou du côté de la mort, de la haine et du jugement ?
Il n’y a pas d’entre deux et saint Luc depuis le récit du Fils prodigue nous conduit vers ce choix.
Un petit mot sur le contexte... avant de voir l'enjeu pour nous.Le cœur de ces trois textes s’ordonne autour de la résurrection.
La première lecture est pratiquement le seul texte de l’Ancien Testament où ce concept effleure et la question posée par les Saducéens montre que le sujet n’était pas partagé par la plupart des Juifs. S’il n’y a pas de résurrection tout s’arrête. Et l’on peut percevoir le désespoir des Juifs qui sont face aux premiers martyrs.
Et nous que pensons-nous du sujet ?
J’ai vu passer une étude qui affirmait qu’une tranche importante des catholiques ne croyait pas à la résurrection. Comment est-ce possible ? Si le Christ est mort sans ressusciter que croire ?
Si Jésus fait allusion à Abraham, Isaac et Jacob comme des vivants et non des morts, c’est pour nous entraîner au-delà de notre vision étriquée du monde. Croire en Dieu c’est croire que l’amour dépasse les limites de la mort. C’est croire qu’en dépit de nos erreurs, Dieu continue à crier vers nous.
La question de Dieu au jardin d'Eden dans Gn 3 : «  où es-tu ? ». traduit cette bienveillance de Dieu au-delà de nos erreurs. Rappelons-nous : L'homme était nu et devant le mal commis, Dieu l'interpellait alors pour le ramener à lui
Depuis Adam, Dieu ne cesse de courir à nous...
Et la Bible n’est qu’un long récit de nos manières de ne pas entendre l’appel... La résurrection est le cadeau final, ce qui nous inscrit dans l’espérance...
Christ est mort par la faute des hommes, mais Dieu est plus grand que nos erreurs. Dieu ne cesse de nous tendre la main... Croire que tous ceux qui nous ont précédé dans la vie, nous précède auprès du Père.
Dans les icônes orthodoxes on voit même le Christ relever Adam et Ève des ténèbres de la nuit, signe que Christ est venu pour sauver l’humanité passée et future, alors n’ayons pas peur. Il est vivant !
Croire c’est aussi avancer. Nous  pouvons le faire de deux manières ; une extérieure qui consiste à louer Dieu pour ceux qui ont fait ce choix ultime de le suivre dans une vie totalement consacrée, ceux qu’il appelle « les anges »...
La deuxième est plus essentielle : elle consiste à faire intérieurement ce choix ultime de se dégager du monde pour mettre sa vie au service de Dieu.
Et pour cela, tout baptisé a un chemin à entreprendre : il s'agit de discerner où est notre priorité...

Prendre le temps dans la prière de discerner l'essentiel. Combien de temps prions nous vraiment ? Non pas par des formules toutes faites mais en vérité ?
Laissons-nous la « Parole suivre sa course » en nous ? comme le dit Paul dans la deuxième lecture (cf. 2 Th 2).

L'évangile en mettant côte à côte la loi dite du lévirat et le choix de la consécration nous interpelle : sous quelle axe organisons-nous notre vie ? Sous l'axe du monde ou sous l'axe de Dieu ? 
Déjà la première lecture à une vision plus exigeante du lévirat puisque les sept frères choisissent la voie du martyre. Cf. 2 M 7, 1-2.9-14)
Choisir le chemin de Dieu, la voix unique dont parle saint Jean de La Croix, c'est voir d'abord nos addictions au matériel, à ce qui nous éloigne de la charité. 
« Que le Seigneur conduise vos cœurs dans l'amour de Dieu et l'endurance du Christ. » (2 Th 3,5)

09 novembre 2019

De l’alliance à la danse - Hans Urs von Balthasar 47

De l'alliance à la danse - Hans Urs von Balthasar 47

Le danger est de considérer l'alliance comme une loi, comme un contrat, comme quelque chose qui est de l'ordre de l'obéissance. Il n'en est rien dans la conception biblique des choses : « sur le plan des relations interhumaines, hèsèd constitue la substance proprement dite de l'alliance. Mais il y a différents degrés d'intensité dans la signification du mot. Tout d'abord c'est le Seigneur transcendant, fondateur de l'alliance, qui possède hèsèd, et en ce sens la signification du mot est voisine de bienveillance, de grâce, amour ; mais, en conséquence" (1) nous dit Hans Urs von Balthasar cela induit une forme de réciprocité qui peut être entendue comme obligation et donc entrer dans une logique législative et stérile ou comme appel intérieur, "un libre don du coeur" (2)
L'enjeu est celui de cette danse dont je ne cesse de parler : entrer et faire corps avec la bienveillance divine, y contribuer pleinement.
Il faut alors conjuguer le mot avec rahamim (sein, entrailles au pluriel) que l'on traduit soit par une notion maternelle de Dieu, soit par miséricorde. Un autre écueil apparaît : celui de croire dans l'automatisme de la miséricorde en oubliant qu'elle s'obtient par une conversion intérieure et j'oserai dire une médiation.

Entrer dans la grâce est le chemin d'une vie.



(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974, p. 139sq
(2) p. 140
(3) cf. Sur les pas de Jean

Dédicace 2


"Jésus Christ, pierre de faîte,
Où convergent à l'infini
Et s'embrassent tous les êtres,
Que déjà l'amour unit,
L'Esprit Saint à ta louange
De ces pierres tire un chant
Qui jaillit secrètement
Et s'accorde aux voix des anges."(1)

"C'est nous qui devons être le temple de Dieu, son temple véritable et vivant. Les peuples chrétiens ont bien raison de célébrer avec foi cette solennité de la Mère Église, car ils savent qu'ils sont renés spirituellement par elle. Si, par notre première naissance, nous étions pour Dieu des objets de colère, par la seconde naissance, nous sommes devenus les objets de sa miséricorde. La première naissance nous a engendrés à la mort, la seconde nous a rappelés à la vie. (...) nous réfléchissons attentivement au salut de notre âme, nous savons que nous sommes le temple véritable et vivant de Dieu. Dieu n'habite pas seulement dans des temples faits de la main de l'homme, ni dans une demeure de bois et de pierres, mais principalement dans l'âme créée à l'image de Dieu, par la main du Créateur lui-même. C'est ainsi que saint Paul a dit : Le temple de Dieu est saint, et ce temple, c'est vous." (2)

(1) Hymne du 9/11,source Aelf
(2) saint Césaire d'Arles, Homélie pour la dédicace d'une église, source Textes liturgiques © AELF.


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Notre Dame de Paris, une cathédrale vivante ? - Dédicace

Après avoir fêté hier les saints du diocèse le fait que nous fêtions la dédicace du Latran et à travers elle celle de nos églises interpelle à l'aune de ce que nous dit le pape François sur la dimension polyédrique de notre Église et en écho à l'expression petrinienne de "pierres vivantes".

"Vous-mêmes, comme des pierres vivantes, construisez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, afin d'offrir des sacrifices spirituels, agréés de Dieu, par Jésus-Christ; car voici ce qu'on trouve dans l'Ecriture: Je vais poser en Sion une pierre angulaire, choisie, précieuse" (cf. 1P2, 4sq)

Une cathédrale est signe efficace de la présence du Christ incarné reposant sur sa pierre angulaire.



Du temple coule un fleuve immense nous dit Ezékiel 47.

Les propos du cardinal Newman nous invitent à entrer dans cette contemplation :
"Une cathédrale est-elle le fruit d'un désir passager ou quelque chose qu'on puisse réaliser à volonté ? À coup sûr, les églises dont nous héritons ne sont pas une simple affaire de capitaux, ni une pure création du génie ; elles sont le fruit du martyre, de hauts faits et de souffrances. Leurs fondations sont très profondes ; elles reposent sur la prédication des apôtres, sur la confession de la foi par les saints, et sur les premières conquêtes de l'Évangile dans notre pays. Tout ce qui est si noble dans leur architecture, qui captive l'œil et va au cœur, n'est pas le pur effet de l'imagination des hommes, c'est un don de Dieu, c'est une œuvre spirituelle.
La croix est toujours plantée dans le risque et dans la souffrance, arrosée de larmes et de sang. Nulle part elle ne prend racine et ne porte de fruit si sa prédication n'est accompagnée de renoncement. Les détenteurs du pouvoir peuvent porter un décret, favoriser une religion, mais ils ne peuvent pas la planter, ils ne peuvent que l'imposer. Seule l'Église peut planter l'Église. Personne d'autre que les saints, des hommes mortifiés, prédicateurs de la droiture, confesseurs de la vérité, ne peut créer une vraie maison pour la vérité.
C'est pourquoi les temples de Dieu sont aussi les monuments de ses saints. (...) Leur simplicité, leur grandeur, leur solidité, leur grâce et leur beauté ne font que rappeler la patience et la pureté, le courage et la douceur, la charité et la foi de ceux qui, eux, n'ont adoré Dieu que dans les montagnes et les déserts ; ils ont peiné, mais non en vain, puisque d'autres ont hérité des fruits de leur peine (cf Jn 4,38). À la longue, en effet, leur parole a porté fruit ; elle s'est faite Église, cette cathédrale où la Parole vit depuis si longtemps. Heureux ceux qui entrent dans ce lien de communion avec les saints du passé et avec l'Église universelle. Heureux ceux qui, en entrant dans cette église, pénètrent de cœur dans le ciel" (1)

C'est dans cet axe que nous pouvons alors entrer dans la dynamique donnée par Paul en 1 Cor 3 : "j'ai posé la pierre de fondation. Un autre construit dessus. Mais que chacun prenne garde à la façon dont il contribue à la construction.
La pierre de fondation, personne ne peut en poser d'autre que celle qui s'y trouve : Jésus Christ.
Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous ?
Si quelqu'un détruit le sanctuaire de Dieu, cet homme, Dieu le détruira, car le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c'est vous.(2)

(1) Bienheureux John Henry Newman PPS, vol 6, n° 19 , source : l'Évangile au Quotidien
(2) cf. 1 Co 3, 9c sq


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06 novembre 2019

Au fil de Luc 14 et Luc 20, Homélie du 32ème dimanche du Temps Ordinaire - année C

Projet 3
De quel côté sommes-nous ?
Du côté de la vie, de la foi, de l’espérance et de la charité
Ou du côté de la mort, de la haine et du jugement ?

Il n’y a pas d’entre deux et saint Luc depuis le récit du Fils prodigue nous conduit vers ce choix.

Un petit mot sur le contexte...
Le cœur de ces trois textes s’ordonne en effet autour de la résurrection.
La première lecture est pratiquement le seul texte de l’Ancien Testament où ce concept effleure et la question posée par les Saducéens montre que le sujet n’était pas partagé par la plupart des Juifs.

S’il n’y a pas de résurrection tout s’arrête. Et l’on peut percevoir le désespoir des Juifs qui sont face aux premiers martyrs.

Et nous que pensons nous du sujet ?
J’ai vu passer une étude qui affirmait qu’une tranche importante des catholiques ne croyait pas à la résurrection. Comment est-ce possible ? Si le Christ est mort sans ressusciter que croire ?

Si Jésus fait allusion à Abraham, Isaac et Jacob comme des vivants et non des morts, c’est pour nous entraîner au delà de notre vision étriquée du monde. Croire en Dieu c’est croire que l’amour dépasse les limites de la mort. C’est croire qu’en dépit de nos erreurs, il continue à crier vers nous.

La question de Dieu au jardin d'Eden dans Gn 3 : «  où es-tu ? ». traduit cette bienveillance de Dieu au delà de nos erreurs. Rappelons nous : L'homme était nu et devant le mal commis, Dieu l'interpellait alors pour le ramener à lui(1)

Depuis Adam, Dieu ne cesse de courir à nous...
Et la Bible n’est qu’un long récit de nos manières de ne pas entendre l’appel...
La résurrection est le cadeau final, ce qui nous inscrit dans l’espérance...

Christ est mort par la faute des hommes, mais Dieu est plus grand que nos erreurs. Dieu ne cesse de nous tendre la main...

Dans les icônes orthodoxes on voit même le Christ relever Adam et Ève des ténèbres de la nuit, signe que Christ est venu pour sauver l’humanité passée et future, alors n’ayons pas peur. Il est vivant !

Croire c’est aussi avancer. Nous  pouvons le fair de deux manières ; une extérieure qui consiste à louer Dieu pour ceux qui ont fait ce choix ultime de le suivre dans une vie totalement consacrée, ce qu’il appelle les anges...
La deuxième est plus essentielle : elle consiste à faire intérieurement ce choix ultime de se dégager du monde pour mettre sa vie au service de Dieu.
Et pour cela, tout baptisé a un chemin à entreprendre : il s'agit de discerner où est notre priorité...

Prendre le temps dans la prière de discerner l'essentiel. Combien de temps prions nous vraiment ? Non pas par des formules toutes faites mais en vérité ?

Laissons nous la « Parole suivre sa course » en nous ? comme le dit Paul dans la deuxième lecture (cf. 2 Th 2).

L'évangile en mettant côte à côte la loi dite du levirat et le choix de la consécration nous interpelle : sous quelle axe organisons-nous notre vie ? Sous l'axe du monde ou sous l'axe de Dieu ? 

Déjà la première lecture à une vision plus exigeante du lévirat puisque les sept frères choisissent la voie du martyre. Cf. 2 M 7, 1-2.9-14)
Choisir le chemin de Dieu, la voix unique dont parle saint Jean de La Croix, c'est voir d'abord nos addictions au matériel, à ce qui nous éloigne de la charité. 

« Que le Seigneur conduise vos cœurs dans l'amour de Dieu
et l'endurance du Christ. » (2 Th 3,5)

Annexe

Mon projet 1, bien hors sujet... comme quoi l’art de l’homélie reste difficile

Où sont vos priorités ?
C'est la troisième fois que je pose la question dans une de mes homélies depuis septembre, et cela n'est pas anodin. Cela rejoint en effet la question de Dieu au jardin d'Eden dans Gn 3 : «  où es-tu ? ». L'homme était nu et devant le mal commis, Dieu l'interpellait alors pour le ramener à lui(1)

Déjà en Luc 14, que nous venons de relire mercredi, le chemin tracé par Jésus est exigeant ; « celui d'entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »

Sur cette voie Saint Macaire à cette exhortation qui dérange : « Comment est-il possible que, malgré de tels encouragements et de telles promesses de la part du Seigneur, nous refusions de nous livrer à lui totalement et sans réserve, de renoncer à toutes choses et même à notre propre vie, conformément à l'Évangile (Lc 14,26), pour n'aimer que lui seul, et rien d'autre avec lui ?
Considère tout ce qui a été fait pour nous : quelle gloire nous a été donnée, que de dispositions en vue de l'histoire du salut faites par le Seigneur depuis les pères et les prophètes, que de promesses, que d'exhortations, quelle compassion de la part du Maître dès les origines ! À la fin, il a manifesté son indicible bienveillance envers nous en venant demeurer lui-même avec nous et en mourant sur la croix pour nous convertir et nous ramener à la vie. Et nous, nous ne laissons pas de côté nos volontés propres, notre amour du monde, nos prédispositions et nos habitudes mauvaises, apparaissant en cela comme des hommes de peu de foi, ou même sans foi aucune.
Et cependant, vois comment, malgré tout cela, Dieu se montre plein d'une douce bonté. Il nous protège et nous soigne invisiblement ; malgré nos fautes, il ne nous livre pas définitivement à la méchanceté et aux illusions du monde ; dans sa grande patience, il nous empêche de périr et guette de loin le moment où nous nous tournerons vers lui »(2)

Nous arrivons aujourd'hui à la fin de la lecture de Luc dans l'année liturgique C, avant dernier dimanche avant le Christ Roi et c'est sur la pointe des pieds que nous pouvons contempler une dernière fois cette demande de tout quitter pour suivre l'appel du Christ. Nous pouvons le faire de deux manières ; une extérieure qui consiste à louer Dieu pour ceux qui ont fait ce choix ultime de dans une vie totalement consacrée.
La deuxième est plus essentielle : elle consiste à faire intérieurement ce choix ultime de se dégager du monde pour mettre sa vie au service de Dieu.
Et pour cela, tout baptisé a un chemin à entreprendre : il s'agit de discerner où est notre priorité...

Prendre le temps dans la prière de discerner l'essentiel. Combien de temps prions nous vraiment ? Non pas par des formules toutes faites mais en vérité ?

Laissons nous la « Parole suivre sa course » en nous ? comme le dit Paul dans la deuxième lecture (cf. 2 Th 2).

L'évangile en mettant côte à côte la loi dite du levirat et le choix de la consécration nous interpelle : sous quelle axe organisons-nous notre vie ? Sous l'axe du monde ou sous l'axe de Dieu ?

Déjà la première lecture à une vision plus exigeante du lévirat puisque les sept frères choisissent la voie du martyre. Cf. 2 M 7, 1-2.9-14)
Choisir le chemin de Dieu, la voix unique dont parle saint Jean de La Croix, c'est voir d'abord nos addictions au matériel, à ce qui nous éloigne de la charité.

« Que le Seigneur conduise vos cœurs dans l'amour de Dieu
et l'endurance du Christ. » (2 Th 3,5)

(1) cf. mon livre éponyme « où es-tu ?+  mais surtout https://www.amazon.fr/Lire-lAncien-Testament-lecture-pastorale/dp/1533408610
(2) saint Macaire d'Égypte, Homélies spirituelles (trad. Deseille, Coll. Spi.Or. 40, Bellefontaine 1984, p. 114) , source : l'Évangile au Quotidien


05 novembre 2019

Trinité et économie du salut - Danse trinitaire 45

Peut-on prendre le risque d'ignorer l'économie du salut ? demande en substance Joseph Moingt. "Est-ce que l'amour de Dieu pour les hommes ne serait donc pas constitutif de son éternité, ni son inspiration à être "tout en tout", l'épreuve et la sortie de la mort serait exclu de l'éternité de Jésus, de le devenir homme du Verbe, exclu de l'amour éternel que lui porte le Père, et l'Esprit de Dieu, que nous ne connaissons que par sa venue en nous, serait-il soudain privé de toute raison d'être ? Comment s'étonner que les hommes de notre temps ne soit plus intéressé par la foi en Dieu si la théologie ne peux pas les assurer que Dieu s'intéresse à eux de toute éternité ? Prenons garde, en effet, que la seule nouveauté révélée au monde par la Bonne Nouvelle qu'est l'Évangile, c'est que Dieu nous aime : « Nous », pas seulement le peuple de Dieu que le judaïsme avait conscience d'être, puis que le christianisme a prétendu être rénové en lui, mais tous les hommes, juste et pécheurs, croyants et incroyants, à l'exemple de tous les gens si divers que Jésus entraînait à sa suite ou appelait à le suivre". (1)

Dieu serait-il incapable de nous communiquer sa vérité parce que sa toute-puissance serait impuissante à sortir de soi ? Dieu est-il un mouvement immobile ?
Les contraintes de la philosophie ne peuvent enserrer le mystère de la Révélation. La dimension immanente ne se révèle pour moi que parce que Christ nous conduit au Père dans et par son humanité.
Tout schéma qui n'intègre pas cela risque de rester une vision détachée du coeur de l'Evangile. Dieu n'est pas impassible. Depuis Exode 3 ou Osée nous savons qu'il pleure, à sa manière sur l'homme, que ses entrailles maternelles sont bouleversées par le mal et que la mort du Fils est le dernier ou le premier cri d'un Dieu crucifié.

Le Dieu impassible est un dieu stérilisé (ou cléricalisé). Il n'est pas le Dieu qui s'agenouille devant Judas.

(1) Joseph Moingt, L'esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, p. 156sq

04 novembre 2019

Au fil de Luc 19, 1-10 Zachée, homélie du 3 novembre - 31ème dimanche…

Aujourd'hui est un jour de joie, parce que Dieu veut demeurer chez nous.

Il a pitié de tous les hommes, il aime « tout ce qui existe » (...)
  « toi dont le souffle impérissable les anime tous. Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent, pour qu'ils se détournent du mal et croient en toi, Seigneur. » (Sg 11, 22 – 12, 2)
« Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d'amour ;
la bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses œuvres. » (Ps144)

Prenons le temps de réécouter le texte de Luc avec les yeux de cette miséricorde divine... :
« En ce temps-là,  entré dans la ville de Jéricho, Jésus la traversait.
    Or, il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d'impôts,
et c'était quelqu'un de riche.
    Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il ne le pouvait pas à cause de la foule, car il était de petite taille. Il courut donc en avantbet grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui allait passer par là.
    Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et lui dit :
« Zachée, descends vite :
aujourd'hui il faut que j'aille demeurer dans ta maison. »
    Vite, il descendit et reçut Jésus avec joie.
    Voyant cela, tous récriminaient :
« Il est allé loger chez un homme qui est un pécheur. »
    Zachée, debout, s'adressa au Seigneur :
« Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens,
et si j'ai fait du tort à quelqu'un,
je vais lui rendre quatre fois plus. »
    Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd'hui, le salut est arrivé pour cette maison,
car lui aussi est un fils d'Abraham. En effet, le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » (Luc 19, 1-10)
Textes liturgiques © AELF.

Il y a une correspondance intéressante entre ce que je disais hier et les textes d'aujourd'hui.
Tout dépend de nos choix, de notre désir de laisser Dieu demeurer en nous.
Comme Zachee, écoutons humblement Jésus nous dire : « descend de ton arbre je veux habiter dans ta maison... »

Notre Dieu [nous] trouve dignes de l'appel qu'il [nous] a adressé ;
par sa puissance,
qu'il [nous] donne d'accomplir tout le bien que [nous] désirons, et qu'il rende active [notre] foi.
Cette dignité n'est pas un dû mais un appel à la responsabilité.

Souvent nous voulons prendre la main sur notre histoire, maîtriser l'autre. C'est la tentation du diacre, comme du mari, de la femme sur sa maison, comme du prêtre ou de certains laïcs sur la paroisse. 
Nous voulons consciemment ou non avoir le pouvoir. 
Le chemin de Dieu passe par une descente de nos tours humaines. Une descente à Jéricho. Les pères de l'église y voit un premier signe dans ce texte... 
Jésus vient nous visiter. Il se met à genoux devant l'homme...
Comme Zachee (Luc 19), écoutons humblement Jésus nous dire : « descend vite, il faut que je demeure chez toi »

Prenons le temps d'entendre Jésus nous dire cela...
Laissez vous habiter par Dieu en commençant par cette eucharistie...
En avançant tout à l'heure vers l'autel tendez vos mains pour signifier cela...
Seigneur viens... viens habiter chez moi. Viens transformer ma vie.

02 novembre 2019

Homélie de la messe des défunts - 2 novembre - 2


En guise de corrigé :

« le Christ est ressuscité d'entre les morts ; alors, comment certains d'entre vous peuvent-ils affirmer qu'il n'y a pas de résurrection des morts ?
13 S'il n'y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n'est pas ressuscité.
14 Et si le Christ n'est pas ressuscité, notre proclamation est sans contenu, votre foi aussi est sans contenu ;
15 et nous faisons figure de faux témoins de Dieu, pour avoir affirmé, en témoignant au sujet de Dieu, qu'il a ressuscité le Christ, alors qu'il ne l'a pas ressuscité si vraiment les morts ne ressuscitent pas.
16 Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n'est pas ressuscité.
17 Et si le Christ n'est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l'emprise de vos péchés ;
18 et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus.
19 Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes.
20 Mais non ! le Christ est ressuscité d'entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis.
21 Car, la mort étant venue par un homme, c'est par un homme aussi que vient la résurrection des morts.
22 En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c'est dans le Christ que tous recevront la vie,
23 mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent.
24 Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance.
25 Car c'est lui qui doit régner jusqu'au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis.
26 Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c'est la mort,
27 car il a tout mis sous ses pieds. Mais quand le Christ dira : « Tout est soumis désormais », c'est évidemment à l'exclusion de Celui qui lui aura soumis toutes choses.
28 Et, quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous.
29 Autrement, que feront-ils, ceux qui se font baptiser pour les morts ? Si vraiment les morts ne ressuscitent pas, pourquoi se faire baptiser pour eux ?
30 Et pourquoi nous aussi courons-nous des dangers à chaque instant ?
31 Chaque jour, j'affronte la mort, et cela, frères, est votre fierté, que je partage dans le Christ Jésus notre Seigneur.
32 S'il n'y avait eu que de l'humain dans mon combat contre les bêtes à Éphèse, à quoi cela m'aurait-il servi ? Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons.
33 Ne vous y trompez pas : Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs.
34 Reprenez donc vos esprits, et ne péchez pas : en effet, certains d'entre vous n'ont pas la connaissance de Dieu. Je vous le dis, à votre honte. »(1Co 15, 12-34)(1)

Christ a vaincu la mort,
chantons sa gloire !

Le Dieu que nous avons est le Dieu des victoires,
et les portes de la mort sont à Dieu, le Seigneur.

Le dernier ennemi qu'il détruira, c'est la mort,
car il a tout mis sous ses pieds.
« Nous voyons que la mort est un avantage, et la vie un tourment, si bien que Paul a pu dire : Pour moi, vivre c'est le Christ, et mourir est un avantage. Qu'est-ce que le Christ? Rien d'autre que la mort du corps, et l'esprit qui donne la vie. Aussi mourons avec lui pour vivre avec lui. Nous devons chaque jour nous habituer et nous affectionner à la mort afin que notre âme apprenne, par cette séparation, à se détacher des désirs matériels. Notre âme établie dans les hauteurs, où les sensualités terrestres ne peuvent accéder pour l'engluer, accueillera l'image de la mort pour ne pas encourir le châtiment de la mort. En effet la loi de la chair est en lutte contre la loi de l'âme et cherche à l'entraîner dans l'erreur. ~ Mais quel est le remède ? Qui me délivrera de ce corps de mort ? — La grâce de Dieu, par Jésus Christ, notre Seigneur.

Nous avons le médecin, adoptons le remède. Notre remède, c'est la grâce du Christ, et le corps de mort, c'est notre corps. Alors, soyons étrangers au corps pour ne pas être étrangers au Christ. Si nous sommes dans le corps, ne suivons pas ce qui vient du corps ; n'abandonnons pas les droits de la nature, mais préférons les dons de la grâce.

Qu'ajouter à cela? Le monde a été racheté par la mort d'un seul. Car le Christ aurait pu ne pas mourir, s'il l'avait voulu. Mais il n'a pas jugé qu'il fallait fuir la mort comme inutile, car il ne pouvait mieux nous sauver que par sa mort. C'est pourquoi sa mort donne la vie à tous. Nous portons la marque de sa mort, nous annonçons sa mort par notre prière, nous proclamons sa mort par notre sacrifice. Sa mort est une victoire, sa mort est un mystère, le monde célèbre sa mort chaque année.

Que dire encore de cette mort, puisque l'exemple d'un Dieu nous prouve que la mort seule a recherché l'immortalité et que la mort s'est rachetée elle-même ? II ne faut pas s'attrister de la mort, puisqu'elle produit le salut de tous, il ne faut pas fuir la mort que le Fils de Dieu n'a pas dédaignée et n'a pas voulu fuir. ~

La mort n'était pas naturelle, mais elle l'est devenue ; car, au commencement, Dieu n'a pas créé la mort : il nous l'a donnée comme un remède. ~ L'homme, condamné pour sa désobéissance à un travail continuel et à une désolation insupportable, menait une vie devenue misérable. Il fallait mettre fin à ses malheurs, pour que la mort lui rende ce que sa vie avait perdu. L'immortalité serait un fardeau plutôt qu'un profit, sans le souffle de la grâce. ~

L'âme a donc le pouvoir de quitter le labyrinthe de cette vie et la fange de ce corps, et de tendre vers l'assemblée du ciel, bien qu'il soit réservé aux saints d'y parvenir ; elle peut chanter la louange de Dieu dont le texte prophétique nous apprend qu'elle est chantée par des musiciens : Grandes et merveilleuses sont tes œuvres. Seigneur, Dieu tout-puissant: justes et véritables sont tes chemins. Roi des nations. Qui ne te craindrait, Seigneur, et ne glorifierait ton nom ? Car toi seul es saint. Toutes les nations viendront se prosterner devant toi. Et l'âme peut voir tes noces, Jésus, où ton épouse est conduite de la terre jusqu'aux cieux, sous les acclamations joyeuses de tous — car vers toi vient toute chair — ton épouse qui n'est plus exposée aux dangers du monde, mais unie à ton Esprit. ~

C'est ce que le saint roi David a souhaité, plus que toute autre chose, pour lui-même, c'est ce qu'il a voulu voir et contempler : La seule chose que je demande au Seigneur, la seule que je cherche, c'est d'habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, et de découvrir la douceur du Seigneur.
℟ Grâce et bonheur
à ceux qui s'endorment dans la foi.

Pour les morts est offert le sacrifice d'expiation,
afin qu'ils soient délivrés de leurs péchés.

Le Christ est mort, puis ressuscité,
pour être le Seigneur des morts et des vivants »(2)


Écoute nos prières avec bonté, Seigneur : fais grandir notre foi en ton Fils ressuscité des morts, pour que soit plus vive aussi notre espérance en la résurrection de tous nos frères défunts.
(1) Source : Textes liturgiques © AELF.
(2) Ibid. Ambroise de Milan, Homélie pour l'anniversaire de la mort son frère.


Envoyé de mon iPhone

01 novembre 2019

Homélie pour la toussaint 2

Il y a plusieurs niveaux de sainteté. Le pape François nous invite à contempler la sainteté ordinaire, celle de nos voisins, celle qui se dévoile dans l’amour qu’ils portent à leur frère. Demain je baptiserai un enfant et j’inviterai, à la suite du Christ à contempler l’enfant dans sa confiance originelle. Laissons nous traverser par ce regard du Christ sur autrui.
Soyons ouverts à cette contemplation qui nous met à genoux devant l’homme car c’est la voie vers Dieu.


Homélie de baptême n.23 - 1 Pierre 2, Ps 33, Marc 10

Les textes que vous avez choisis ne sont pas communs et montre que vous avez travaillé la question.
Que nous dit la lettre de Pierre ?

Les baptisés sont des pierres vivantes (1 Pierre 2). C'est à dire que chacun participe à la construction d'un monde plus juste et plus aimant. Chaque baptisé à une mission particulière. 

X aura la sienne, même si pour l'instant elle est difficile à deviner.

Dans l'évangile (Marc 10) Jésus nous dit que les enfants ont une place toute particulière, la première place, même. Pourquoi ?

Parce qu'ils sont confiants dans leurs parents, ils ont confiance dans la vérité, dans l'amour reçu de leurs parents.
Là est l'essentiel... C'est même nécessaire à leur croissance psychologique et spirituelle.

Cette confiance, cette foi est chemin pour nous qui doutons souvent de l'amour des autres, de l'amour de Dieu...

Mais contemplons nous assez ce qu'il fait vraiment pour nous ? Quels sont ses dons ?
Pas la richesse ou le pouvoir. Dieu n'est pas là. Dieu est dans l'amour qui naît, qui se partage, qui se donne...

Cela évoque pour moi madame notre première discussion au téléphone. Vous évoquiez votre joie d'avoir reçu vos deux enfants comme des dons de Dieu. C'est dans cette dynamique, cette direction que vous aurez à faire grandir Clémence avec l'aide de son parrain et de sa marraine. Rejeter ce qui éloigne de l'amour, contempler le don et donner en retour.

Il y a un extrait de la lettre de Pierre que la liturgie a omis. Il évoque une pierre d'angle. La pierre d'angle est ce qui fait tenir la voûte. Pour les chrétiens c'est le Christ. C'est lui qui est l'amour porté à son accomplissement.

X va aujourd'hui être baptisée selon cette dynamique particulière du Christ. En la plongeant dans l'eau, elle va symboliquement mourir à ce qui l'empêche d'aimer pour vivre dans l'amour. Et vous parents, parrain et marraine en renonçant de même au mal, tout à l'heure vous allez signifier que pour elle vous choisissez l'amour plus que ce qui vous empêche d'aimer. Ce choix est un début, le début d'une conversion intérieure. Vous allez être les pierres vivantes de cette transformation de X. Grâce à votre soutien l'amour va brûler en elle comme un feu d'amour. Vous allez être porteur de ce feu, de cette flamme qui va faire d'elle un feu de joie pour le monde... 

Bien sûr ce chemin n'est pas simple. Le chemin du Christ l'a conduit à la croix. Que sera son chemin ? Beaucoup de joie nous l'espérons tous, mais aussi des souffrances, c'est pourquoi elle aura besoin de vous tous, parents parrain et marraine pour avancer. Nous allons exprimer cela, dans le rite qui va suivre

Homélie de la Toussaint - Bernard de Clairvaux


Pourquoi notre louange à l'égard des saints, pourquoi notre chant à leur gloire, pourquoi cette fête même que nous célébrons? Que leur font ces honneurs terrestres, alors que le Père du ciel, en réalisant la promesse du Fils, les honore lui-même? De nos honneurs les saints n'ont pas besoin, et rien dans notre culte ne peut leur être utile. De fait, si nous vénérons leur mémoire, c'est pour nous que cela importe, non pour eux. ~ Pour ma part, je l'avoue, je sens que leur souvenir allume en moi un violent désir. ~

Le premier désir, en effet, que la mémoire des saints éveille, ou plus encore stimule en nous, le voici: nous réjouir dans leur communion tellement désirable et obtenir d'être concitoyens et compagnons des esprits bienheureux, d'être mêlés à l'assemblée des patriarches, à la troupe des prophètes, au groupe des Apôtres, à la foule immense des martyrs, à la communauté des confesseurs; au choeur des vierges, bref d'être associés à la joie et à la communion de tous les saints. Cette Église des premiers-nés nous attend, et nous n'en aurions cure! Les saints nous désirent et nous n'en ferions aucun cas! Les justes nous espèrent et nous nous déroberions!

Réveillons-nous enfin, frères; ressuscitons avec le Christ, cherchons les réalités d'en haut ; ces réalités, savourons-les. Désirons ceux qui nous désirent, courons vers ceux qui nous attendent, et puisqu'ils comptent sur nous, accourons avec nos désirs spirituels. ~ Ce qu'il nous faut souhaiter, ce n'est pas seulement la compagnie des saints, mais leur bonheur, si bien qu'en désirant leur présence, nous ayons l'ambition aussi de partager leur gloire, avec toute l'ardeur et les efforts que cela suppose. Car cette ambition-là n'a rien de mauvais: nul danger à se passionner pour une telle gloire. ~

Et voici le second désir dont la commémoration des saints nous embrase: voir, comme eux, le Christ nous apparaître, lui qui est notre vie, et paraître, nous aussi, avec lui dans la gloire. Jusque là, il ne se présente pas à nous comme il est en lui-même, mais tel qu'il s'est fait pour nous: notre Tête, non pas couronnée de gloire, mais ceinte par les épines de nos péchés.~ Il serait honteux que, sous cette tête couronnée d'épines, un membre choisisse une vie facile, car toute la pourpre qui le couvre doit être encore non pas tant celle de l'honneur que celle de la dérision. Viendra le jour de l'avènement du Christ: alors on n'annoncera plus sa mort de manière à nous faire savoir que nous aussi sommes morts et que notre vie est cachée avec lui. La Tête apparaîtra dans la gloire, et avec elle les membres resplendiront de gloire, lorsque le Christ restaurera notre corps d'humilité pour le configurer à la gloire de la Tête, puisque c'est lui la Tête.

Cette gloire, il nous faut la convoiter d'une absolue et ferme ambition. ~ Et vraiment, pour qu'il nous soit permis de l'espérer, et d'aspirer à un tel bonheur, il nous faut rechercher aussi, avec le plus grand soin, l'aide et la prière des saints, afin que leur intercession nous obtienne ce qui demeure hors de nos propres possibilités.
Il vient en chantant,
le peuple des sauvés :
immense fresque de joie,
amour aux cent visages
qui forment ensemble, dans la lumière,
la seule icône de gloire : Jésus Christ !

(1) Bernard de Clairvaux, source AELF, office des lectures de la Toussaint

31 octobre 2019

Homélies du 2 et 3 novembre - Messe des défunts et Zachée

  1. Homélie du 2 novembre - Commémoration de tous les fidèles défunts
Projet n.3

Aujourd’hui nous faisons mémoire de nos défunts. l,enjeu pour nous n’est pas de tomber dans une mémoire négative ou un jugement de ceux qui nous ont précédé.
le risque  est d’entrer dans le jugement. c'est notre rapport à la loi...

« La mort a été engloutie dans la victoire.  Ô Mort, où est ta victoire ?
Ô Mort, où est-il, ton aiguillon ?  L'aiguillon de la mort,c'est le péché ; ce qui donne force au péché, c'est la Loi. » (1, Co 15,56)

Arrêtons-nous nous sur cette dernière phrase. « ce qui donne force au péché, c'est la Loi. » quand nous brandissons la loi comme un étendard nous ne sommes pas dans la miséricorde et l'amour mais dans le jugement et le pouvoir...
Attention à nos poussées moralisatrices.

« ce qui donne force au péché, c'est la Loi. »
« Que celui qui n'a pas péché jette la première pierre ». (Jn 8)
Non  l’enjeu si bien décrit par le livre de la sagesse est de croire, d’espérer et d’aimer.

Ces trois vertus théologales doivent être la clé de l’approche de la mort.

croire en la résurrection 
espérer que nous nous retrouverons dans l’amour
vivre de cet amour:

Qu'est-ce qui nous attend en effet ?
La question que pose ces textes peut nous conduire à entrer dans ce type de considération pour nous-mêmes et dépasser celle que nous nous posons sur ceux qui nous ont précédé.
Peut-être que ce détour est même souhaitable par rapport à une fausse idée sur le mystère de la mort...
Qu'est-ce qui nous attend ?
Finalement, la réponse est double.

1ère réponse
Elle repose d'abord sur ce que nous faisons dans l'orde de l'amour. C'est ce à quoi nous appelle l'évangéliste : tout ce qui est amour nous fait entrer dans l'infini de Dieu amour.
« Car j'avais faim, et vous m'avez donné à manger ;j'avais soif, et vous m'avez donné à boire ;j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli ;j'étais nu, et vous m'avez habillé ;j'étais malade, et vous m'avez visité ;j'étais en prison, et vous êtes venus jusqu'à moi !' »

Nos choix nous donnent la direction. Notons d'ailleurs que selon Matthieu ce n'est pas Dieu qui conduit au châtiment mais l'homme qui y va tout seul par son refus de Dieu : « ils s'en iront, ceux-ci au châtiment éternel »...(Mat 25, 46). Ils s'en iront tout seuls...

C'est là où la 2eme réponse que nous donne la tradition de l'Église est importante et intrinsèquement liée à la première :
Puisque Dieu est miséricorde, il est venu pour sauver en nous ce qui n'est pas encore amour. En nous détournant de l'amour nous choisissons nous mêmes notre mort. En nous laissant transformer par Lui, nous purifions ce qui n'est pas encore amour.
C'est par ce détour que nous pouvons maintenant revenir à ceux qui sont déjà partis.

Ils sont morts à nos yeux et pourtant, comme l'affirme la première lecture ils sont dans le cœur de Dieu.
« Les âmes des justes sont dans la main de Dieu ;
aucun tourment n'a de prise sur eux. » (SG, 3, 1)
Ce qui a été amour est toujours vivant tel est notre espérance.



Projet 2 : Homélie du 3 novembre

Il y a une correspondance intéressante entre ce que je disais hier et les textes d'aujourd'hui.
Tout dépend de nos choix, de notre désir de laisser Dieu demeurer en nous.

"Notre Dieu [nous] trouve dignes de l'appel qu'il [nous] a adressé ;
par sa puissance, qu'il [nous] donne d'accomplir tout le bien que [nous] désirons,
et qu'il rende active [notre] foi". Nous dit la lecture de 2 Thessaloniciens (1, 11).

Cette dignité n'est pas un dû mais un appel à la responsabilité.

Souvent nous voulons prendre la main sur notre histoire, maîtriser l'autre. C'est la tentation du diacre, comme du mari, de la femme sur sa maison, comme du prêtre sur sa paroisse. 

Nous voulons consciemment ou non avoir le pouvoir. 

Le chemin de Dieu passe par une descente de nos tours humaines. Une descente à Jéricho. Les pères de l'église y voit un premier signe dans ce texte... 

Comme Zachee (Luc 19), écoutons humblement Jésus nous dire : « descend vite, il faut que je demeure chez toi »

Prenons le temps d'entendre Jésus nous dire cela...
Laissez vous habiter par Dieu en commençant par cette eucharistie...
En avançant tout à l'heure vers l'autel tendez vos mains pour signifier cela...
Seigneur viens... viens habiter chez moi. Viens transformer ma vie.



22 octobre 2019

Retour à la kénose du Père - Joseph Moingt

je suis heureux de retrouver chez Moingt cette insistance discrète sur la kénose du Père. En rappelant notamment Barth, mais sans pour autant citer Moltmann, il rappelle l'importance de « parler de l'humanité de Dieu, conscient (...) que le Père ne peut pas être tenu à l'écart de l'humanité du Fils puisqu'elle a pour cause la volonté du Père de faire de nous ses enfants »(1)

À creuser dans la dynamique même de cette danse trinitaire que je retrouve dans cette icône découverte à Issoudun et que je trouve admirable



(1) Joseph Moingt, L'esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, p. 140

17 octobre 2019

Au fil de Luc 11 - Humilité et miséricorde - 4

« Toi, l'homme qui juge, tu n'as aucune excuse, qui que tu sois : quand tu juges les autres, tu te condamnes toi-même car tu fais comme eux, toi qui juges.
    Or, nous savons que Dieu juge selon la vérité ceux qui font de telles choses.
    Et toi, l'homme qui juge ceux qui font de telles choses et les fais toi-même, penses-tu échapper au jugement de Dieu ?
    Ou bien méprises-tu ses trésors de bonté, de longanimité et de patience, en refusant de reconnaître que cette bonté de Dieu te pousse à la conversion ?
    Avec ton cœur endurci, qui ne veut pas se convertir, tu accumules la colère contre toi pour ce jour de colère, où sera révélé le juste jugement de Dieu, lui qui rendra à chacun selon ses œuvres.
    Ceux qui font le bien avec persévérance et recherchent ainsi la gloire, l'honneur et une existence impérissable,recevront la vie éternelle ; mais les intrigants, qui se refusent à la vérité pour se donner à l'injustice, subiront la colère et la fureur.
    Oui, détresse et angoisse pour tout homme qui commet le mal, le Juif d'abord, et le païen. Mais gloire, honneur et paix pour quiconque fait le bien, le Juif d'abord, et le païen. Car Dieu est impartial. (1)

Les textes d'aujourd'hui vont plus loin :
« En ce temps-là, Jésus disait : « Quel malheur pour vous, pharisiens, parce que vous payez la dîme sur toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue et vous passez à côté du jugement et de l'amour de Dieu. Ceci, il fallait l'observer, sans abandonner cela. Quel malheur pour vous, pharisiens, parce que vous aimez le premier siège dans les synagogues, et les salutations sur les places publiques.
    Quel malheur pour vous, parce que vous êtes comme ces tombeaux qu'on ne voit pas et sur lesquels on marche sans le savoir. »
    Alors un docteur de la Loi prit la parole et lui dit : « Maître, en parlant ainsi,
c'est nous aussi que tu insultes. » Jésus reprit : « Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes, vous ne touchez même pas ces fardeaux d'un seul » Lc 11, 42-46 Textes liturgiques © AELF.

Depuis que le chapitre 8 de Jean a été écrit, il nous faut être plus prudent sur notre capacité à juger autrui. « Que celui qui n'a pas péché jette la première pierre ».

Humilité et miséricorde (2) constitue l'une des clés de l'avenir de notre Église. Brandir la morale sur les places publiques ne dessert pas la véritable mission confiée à l'homme. L'annonce du kérigme n'est pas à confondre avec le moralisme pharisien.

Jésus est amour.

Les pères du désert avait compris cela : « Malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter »
Un frère qui avait péché fut chassé de l'église par le prêtre ; abba Bessarion se leva et sortit avec lui en disant : « Moi aussi, je suis un pécheur. » (...)
Un frère fauta une fois à Scété. On tint un conseil, auquel on convoqua abba Moïse. Mais celui-ci refusa de venir. Alors le prêtre lui envoya dire : « Viens, car tout le monde t'attend. » Il se leva, et vint avec une corbeille percée qu'il remplit de sable qu'il mit sur son dos et qu'il porta ainsi. Les autres, sortis à sa rencontre, lui dirent : « Qu'est-ce que cela, père ? » Le vieillard dit : « Mes fautes sont en train de s'écouler derrière moi et je ne les vois pas ; et moi, je suis venu aujourd'hui pour juger les fautes d'autrui ? » Entendant cela, ils ne dirent rien au frère, mais lui pardonnèrent.
Abba Joseph interrogea abba Poemen en disant : « Dis-moi comment devenir moine. » Le vieillard dit : « Si tu veux trouver du repos ici-bas et dans le monde à venir, dis en toute occasion : Moi, qui suis-je ? Et ne juge personne. »
Un frère interrogea le même abba Poemen en disant : « Si je vois une faute de mon frère, est-il bien de la cacher ? » Le vieillard dit : « À l'heure où nous cachons les fautes de notre frère, Dieu lui aussi cache les nôtres, et à l'heure où nous manifestons les fautes de notre frère, Dieu lui aussi manifeste les nôtres. »(3)



(1) Rm 2, 1-11
(2) cf. ma trilogie éponyme
(3) Les Sentences des Pères du désert (4e-5e siècles)
Collection systématique, ch. 9, ; SC 387 (Les Apophtegmes des Pères; trad. J.-C. Guy, s.j.; Éds Cerf 1993, p. 427s), source : l'Évangile au Quotidien

15 octobre 2019

Amour en toi 45 - Augustin - Le royaume intérieur

Une petite exhortation qui fait mouche dans un monde où la tendance est à la dispersion et la quête insatiable et insensée de l'éphémère.

Nul n'échappe à cette course et pourtant l'essentiel est ailleurs :
« Ces hommes sont nombreux qui nous disent « Qui nous montrera les biens ? » et ne voient pas le Royaume de Dieu qui est en eux-mêmes, « se sont donc multipliés par la récolte leur froment, de leur vin et de leur huile ». Se multiplier, en effet, ne se dit pas toujours de l'abondance, mais quelquefois de la pénurie, alors qu'une âme enflammée pour les voluptés temporelles d'un désir insatiable, devient la proie de pensées inquiètes qui la partagent, et l'empêchent de comprendre le vrai bien qui est simple » (1)



(1) Augustin, Discours sur les psaumes I, Psaume 4, §9, Paris, Cerf, p. 44

13 octobre 2019

Le chemin de Pierre - Au fil de Jean 13 à 21

Nous sommes un peuple d’êtres raisonnables qui bloquons de plus en plus souvent nos émotions au nom de l’intelligence des choses, de la maîtrise des événements. En fait, du fait de nos expériences de la souffrance, de la dureté du monde, nous construisons des tours de protection intérieure qui ne laisse plus de place à Dieu pour nous atteindre. 
La médiation du chemin de Pierre nous enseigne quelque chose de différent. Pierre refuse le lavement des pieds (Jn 13) parce qu’il est un combattant. Il veut dominer les choses et projette sur Jésus son propre désir de pouvoir (rappelons nous son épée en Jn 18). 

La phrase de Jésus en Jn 13, 8 le conduit à accepter le lavement des pieds, mais ne le change pas pour autant. « Pierre lui dit: Non, jamais tu ne me laveras les pieds. Jésus lui répondit: Si je ne te lave pas, tu n’as pas de part avec moi. Simon Pierre lui dit: Alors, Seigneur, pas seulement mes pieds, mais aussi mes mains et ma tête!» Jean‬ ‭13:8-9‬ ‭

Il faut qu’il aille jusqu’au triple reniement « je ne suis pas » (1) qui fait écho en négatif à la triple affirmation des « je suis » du Christ (Jn 18) pour que son obstination soit chemin de conversion. Alors se révèle en lui son entêtement et Dieu lui fait le don des larmes... (cf. Lc 22,62 - Jean ne le dit pas...)

C’est là où sa tour intérieure s’effondre et où Dieu peut venir en lui véritablement. 
Les larmes sont rares dans l’Ecriture. On trouve en Isaïe 22 une belle tour qui s’effondre : 
« Pourquoi donc es-tu montée avec tout ton peuple sur les toits en terrasse, (...) Tes capitaines, tous ensemble, prennent la fuite; (...)  C’est pourquoi je dis: Détournez de moi les regards, laissez-moi pleurer amèrement; ne me pressez pas de me consoler du ravage de la belle, de mon peuple.»
‭‭Isaïe‬ ‭22:1-4‬ 

L’expérience de Pierre est à contempler. Elle est en soi la première expérience ignatienne. Ce qu’Ignace nous fait découvrir n’est rien d’autre. Cessons de nous opposer à l’amour de Dieu. 

Laissons le s’agenouiller devant nous et nous toucher au coeur. Laissons le nous laver les pieds...

Pierre n’a pas compris tout cela du premier coup. En Jean 21 il est redevenu le maître de pêche. Il tourne en rond. Il veut encore maîtriser son destin. Et voici qu’à nouveau il pêche toute une nuit en vain. Nuit des hommes...

Alors quand le Seigneur lui donne à nouveau une leçon d’humilité en lui montrant le bon côté où il faut pêcher, il se rend compte de sa nudité devant Dieu (2). 

Vient enfin la triple et douloureuse question de Dieu. Le texte est discret et là encore le grec beaucoup plus riche (1), mais l’on peut s’imaginer les larmes de Pierre quand par trois fois il va crier du fond de son cœur : « Seigneur tu sais bien que je t’aime... ». Pierre est alors prêt à porter l’Eglise jusqu’à accepter qu’on lui attache la ceinture du martyr.
Ce n’est pas sur une pierre solide que Jésus a bâti son Eglise, mais sur une pierre fissurée à travers laquelle passe le Dieu d’amour, fleuve immense jailli du coeur transpercé.
L’expérience ignatienne est au cœur de ces mouvements. il faut aller jusqu’à cette dépossession de nous mêmes pour que notre faiblesse devienne la fêlure où Dieu va entrera dans notre intimité la plus intime.



C’est cela l’expérience de la fragilité dont Jean Vanier c’est fait l’apôtre. 
(1) Le grec est très expressif sur ce thème. Je développe tout cela dans mon livre « À genoux devant l’homme »
(2) Sur la nudité de l’homme voir aussi Gn 3, 7, Ex 33, 4, Marc 14, 52

12 octobre 2019

La tradition apostolique ? - Hyppolite de Rome - Pouvoir et religion

« Ordination et office cultuel, canons liturgiques (...) Tout cela remontrait à un petit livre écrit vers 215 par Hipolyte, evêque de Rome (...)  un livre qui ne tarda pas à faire loi en tout lieu, sans doute à cause de son titre, La tradition apostolique. Titre trompeur en ce sens que rien de ce qu'il prône n'était pratiqué ni imposé du temps des apôtres (...) ni de leurs successeurs immédiats ni même plus lointains (...) nom mensonger toutefois parce que les réformes qu'il préconise ont été acceptées partout sans contestation sous l'impulsion et l'autorité de la foi des apôtres victorieuse de la gnose et des troubles qu'elle avait engendrés. Il est beaucoup plus hasardeux de faire remonter cette institution religieuse à Jésus lui-même, qui attendait la venue imminente du Royaume de Dieu dont il rassemblait déjà les élus (Mt 16,18), sans jamais avoir laissé entendre qu'il préparait une religion nouvelle destinée à supplanter le judaïsme et à durer jusqu'à la fin des temps. (1)

Et si le cléricalisme était le fruit d'une tentation de pouvoir, loin du message évangélique originaire et auto-entretenu par ceux qui s'y retrouvent.. Depuis que je suis clerc, moi-même, je me méfie de cette tentation inhérente à ma fonction qui me fait chercher une autorité qui serait personnelle et non « donnée » comme tout charisme.
À méditer en ces temps de crise de l'Église.

« Le monde est rempli de prêtres, mais on rencontre rarement un ouvrier dans la moisson de Dieu ; nous acceptons bien la fonction sacerdotale, mais nous ne faisons pas le travail de cette fonction. »(2)

(1) Joseph Moingt, L'esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, p. 114
(2) Saint Grégoire le Grand, Homélie sur l’évangile, source office des lectures du 12/10/19 Aelf

05 octobre 2019

Homélie du samedi 5 octobre - Luc 10 - Fils de Dieu

« Père, Seigneur du ciel et de la terre,
je proclame ta louange :
ce que tu as caché aux sages et aux savants,
tu l'as révélé aux tout-petits.
Oui, Père, tu l'as voulu ainsi dans ta bienveillance.
    Tout m'a été remis par mon Père.
Personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père ;
et personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils
et celui à qui le Fils veut le révéler. » Luc 10, 21-23 AELF

Prenons nous conscience du mystère ?
La révélation de ce lien particulier entre le Père et le Fils, n'est pas, comme le souligne si bien Joseph Moingt (1) une phrase pouvant être tirée d'une réflexion post pascale de Jean, mais probablement une phrase très ancienne, tirée des premiers « logia », ces fragments qui ont servis à la constitution des trois premiers évangiles dits synoptiques. Il y a des chances qu'elle ait été prononcée par Jésus lui même.

Ici les apôtres sont, comme la plupart d'entre nous, des petits, à qui le grand mystère de l'amour divin a été révélé. Le Christ est le FILS, c'est-à-dire qu'il est, au delà de son humanité le chemin unique pour nous conduire au Père. Quand nous oublions de voir l'étendue de notre faiblesse, quand nous croyons être sage et savant par nous-mêmes, il nous faut prendre le temps de revenir à l'essentiel, à l'essence même de notre foi : la contemplation du mystère de la Croix, cet effacement mystérieux de l'homme Dieu qui révèle notre violence, nos désirs de pouvoir et nous conduit à l'amour. Ici seulement, comme le suggère Marc 15, le voile se déchire de haut en bas...:

«Le rideau suspendu dans le temple se déchira en deux depuis le haut jusqu'en bas. Le capitaine romain, qui se tenait en face de Jésus, vit comment il était mort et il dit: «Cet homme était vraiment Fils de Dieu!» Marc‬ ‭15:38-39‬ ‭BFC‬‬



L'homme veut prendre le pouvoir sur la vie et la mort, il se croit sage et puissant. Il oublie que la vie est un don. Don de Dieu, dont du Père. Méditons cela ce week-end, dans le silence et la prière.
(1) Joseph Moingt, L'esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, p. 102

04 octobre 2019

La danse intérieure - Nouvelle

Le thème de la danse m’habite depuis bien longtemps et m’a déjà conduit à publier :
- Une dernière valse, nouvelle
- La danse Trinitaire, essai, repris dans L’Amphore et le fleuve et À genoux devant l’homme.
Voici la danse intérieure, une petite nouvelle écrite en communion avec mes deux filles alors qu’elles portent la vie. À l’occasion de la naissance de ma troisième petite fille et en action de grâce voici : La danse intérieure, une nouvelle qui interpelle sur la vie in utero. Elle ne porte pas d’autres messages qu’un éveil à cette communion particulière entre l’enfant et la femme, à ce tressaillement qui nous invite à méditer sur l’amour en nous. Ode à la vie... à l’époque des débats PMA - GPA, un autre regard sur maternité et filiation.

Cette très courte nouvelle est accessible gratuitement sur Kobo et Fnac.com
L’édition comprend aussi « Une dernière valse ».
Mes amis pourront aussi me la demander par mail ou mp.

03 octobre 2019

Philippiens 3 - La course infinie

33 ans après le choix de ce texte pour notre mariage, je continue de me nourrir de la puissance de cette exhortation que je retrouve dans l'office des lectures d'aujourd'hui : « Il s'agit pour moi de connaître le Christ, d'éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en devenant semblable à lui dans sa mort, avec l'espoir de parvenir à la résurrection d'entre les morts.
Certes, je n'ai pas encore obtenu cela, je n'ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j'ai moi-même été saisi par le Christ Jésus.
Frères, quant à moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l'avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.
Nous tous qui sommes adultes dans la foi, nous devons avoir ces dispositions-là ; et, si vous en avez d'autres, là-dessus encore Dieu vous éclairera.
En tout cas, du point où nous sommes arrivés, marchons dans la même direction. » (Ph 3, 10-16)

Grégoire de Nysse s'en est inspiré dans sa Vie de Moise, il me reste, à sa suite d'en faire un chemin de vie. Priez pour moi...