Le silence de Dieu, son retrait apparent, le tombeau vide sont autant d'épreuves qui font germer en nous le doute, des murmures et des cris. Nous sommes là au coeur même de l'expérience du désert, dans ce lieu où la qualité même de notre foi fera la différence. Le risque est d'oublier qu'il s'agit là d'une situation bien commune traversée sans cesse par tous ceux qui ose quitter le confort apparent de l'insouciance du monde et parte en quête de Dieu. L'expérience de nos pères, qui nous accompagnent sur cette voie sont autant de puits pour poursuivre la route, Écoutons saint Bernard sur ce point : "Comment se fait-il que si rarement nous paraissions expérimenter le fruit de la prière ? Nous avons l'impression de ressortir de la prière comme nous y sommes entrés ; personne ne nous répond un mot, ne nous donne quoi que ce soit, nous avons l'impression d'avoir peiné en vain. Mais que dit le Seigneur dans l'évangile ? « Ne jugez pas sur l'apparence, mais portez un jugement juste » (Jn 7,24). Qu'est-ce qu'un jugement juste sinon un jugement de foi ? Car « le juste vit de la foi » (Ga 3,11). Suis donc le jugement de la foi plutôt que ton expérience, car la foi ne trompe pas alors que l'expérience peut nous induire en erreur. Et quelle est la vérité de la foi, sinon ce que le Fils de Dieu lui-même promet : « Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous le recevrez, et cela vous sera accordé » (Mc 11,24). Que donc aucun d'entre vous, frères, ne tienne pour peu de chose sa prière ! Car, je vous l'affirme, celui à qui elle s'adresse ne la tient pas pour peu de chose ; avant même qu'elle ne soit sortie de notre bouche, il la fait écrire dans son livre. Sans le moindre doute nous pouvons être sûrs que soit Dieu nous accorde ce que nous lui demandons, soit il nous donnera quelque chose qu'il sait être plus avantageux. Car « nous ne savons que demander pour prier comme il faut » (Rm 8,26) mais Dieu a compassion de notre ignorance et il reçoit notre prière avec bonté... Alors « mets ta joie dans le Seigneur, et il accordera les désirs de ton cœur » (Ps 36,4)"
(1) saint Bernard, Sermons de Carême n°5, 5
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Si je puis me permettre un témoignage... La prière stérile, c'est celle que j'ai pratiquée pendant des années, justement sur la foi de tous ceux qui assurent que c'est utile. Beaucoup de religieux le disent aujourd'hui, c'est véritablement le discours dominant.
Quoi qu'il en soit cela n'a induit en moi aucun changement durable. Alors un jour je me suis posé la question : "Qu'est-ce que je veux ?". La réponse était simple : aimer. "Mais alors, pourquoi n'y arrivai-je pas ?". Car je n'y arrivais pas, sauf exception, et croire que j'y arriverais sans payer véritablement de ma personne, et que cela me serait donné de l'extérieur parce que je le demandais, c'était un voeu pieux. Ma demande était sincère, mais pas dans le coeur, au moment où je la formulais. Je me souvenais mentalement de l'amour, je savais que ça me sortirait de ma misère, mais le réclamer depuis cette connaissance mentale, cela n'avait pas d'effet.
Il m'a fallu me confronter au vrai problème : qu'est-ce qui coince chez moi ? J'ai donc cessé de répéter des formules, et j'ai commencé à me demander pourquoi elles n'avaient pas de sens. "Seigneur Jésus-Christ, aie pitié de moi pauvre pécheur". Pourquoi ne puis-je me représenter Jésus-Christ de manière efficiente ? Pourquoi ne puis-je me sentir profondément pécheur, mais juste superficiellement ? Qu'est-ce qui m'empêche d'être touché ?... Ce sont des questions horriblement angoissantes, qui nous confrontent à notre néant et à notre insensibilité, et j'ai remarqué, au cours des années qui ont suivi où j'interrogeais d'autres personnes pour savoir comment elles s'en sortaient, que les gens préfèrent "faire confiance" au fait que ça va marcher sans se poser de questions, plutôt que se tenir face à leur propre néant. Car l'infini de Dieu, ce n'est vraiment pas la première chose qui apparaît. Il apparaît seulement face à l'infini de notre désespoir d'être séparés de lui. Et creuser ce désespoir, c'est vraiment la chose la plus douloureuse qui soit.
Dire que la prière stérile fonctionne, c'est vraiment encourager les gens à se fuir, leur dire que tout va bien alors que non, tout va mal. Il n'y a qu'en se confrontant à l'horreur de notre nullité qu'on commence à pleurer, et il n'y a qu'en pleurant qu'on acquiert la profondeur nécessaire. En chemin, on rencontre bien sûr la certitude d'être rejeté par Dieu, et là aussi il faut s'y confronter, sans rationaliser du style "Dieu est infiniment bon, donc il m'aime". Non, la réalité, c'est que nous nous sentons rejetés, aucune raison ne peut changer cette réalité. C'est uniquement en nous y confrontant que nous pouvons découvrir que Dieu nous aime.
Aujourd'hui, on dirait que tout est fait pour que l'homme ne soit pas confronté à sa réalité fondamentale, tout est fait pour le rassurer. Mais le rassurer, c'est précisément lui enlever les moyens de sa progression. Est-ce cela, la charité chrétienne ?
Merci pour ce témoignage qui rejoint pour moi ce que dit Adrienne von Speyr sur l'expérience de la dereliction
Sauriez-vous m'indiquer une référence plus précise ? Pour le moment j'ai un livre d'elle et un livre de Hans Urs von B, mais à vrai dire je ne sais pas très bien par quel bout prendre cette oeuvre immense. Merci.
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