06 août 2022

En route vers la Galilée - 4

Chapitre 1.3

Certains commentateurs notent même que la répétition des versets 13 et 14 de 1 Rois 19 semblerait dire qu’Élie n’est pas affecté par la révélation. Il reste insensible à ce qu’il voit. Cela renforcerait l’idée qu’il n’est pas digne de sa tâche. Mais cela contraste avec les égards qui lui sont donnés plus loin (enlèvement, transfiguration). Il semble donc difficile de se prononcer dans un sens ou dans l’autre.

Prenons le temps de relire cet extrait, dans la traduction de la Tob :

9 Il arriva là, à la caverne et y passa la nuit. - La parole du SEIGNEUR lui fut adressée : « Pourquoi es-tu ici, Élie ? »

10 Il répondit : « Je suis passionné pour le SEIGNEUR, Dieu des puissances : les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels et tué les prophètes par l’épée ; je suis resté moi seul et l’on cherche à m’enlever la vie. »

Le Seigneur dit : « Sors et tiens-toi sur la montagne, devant le Seigneur ; voici, le Seigneur va passer.11 Il y eut devant le Seigneur un vent fort et puissant qui érodait les montagnes et fracassait les rochers ; le Seigneur n'était pas dans le vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre ; le SEIGNEUR n'était pas dans le tremblement de terre. 12 Après le tremblement de terre, il y eut un feu ; le SEIGNEUR n'était pas dans le feu.

Et après le feu le bruissement d'un souffle ténu.

13 Alors, en l'entendant, Élie se voila le visage, avec son manteau ; il sortit et se tint à l'entrée de la caverne: Une voix s'adressa à lui : Pourquoi es-tu ici, Élie ? »

14 Il répondit : « Je suis passionné pour le SEIGNEUR, Dieu des puissances, les fils d'Israël ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels et tué tes prophètes par l'épée ; je suis resté moi seul et l'on cherche à m'enlever la vie. »

La répétition voudrait-elle signifier, en effet, qu’Élie n’est pas affecté par ce qui est révélé et qu’il est nécessaire de lui reposer la question ? Il me semble, là encore, que l’on doit maintenir la tension, garder la question ouverte entre les deux, à ce stade, au risque de réduire ce que le texte nous révèle de Dieu.

S’agit-il en effet d’une simple forme littéraire ou d’une répétition qui montre que malgré ses efforts qui l’ont poussé vers l’Horeb, l’apparition divine n’est pas de son ressort, mais tient uniquement de la liberté de Dieu… ? Une question qu’il faudrait aussi poser à propos du chapitre précédent, mais plus généralement dès que nous avons le sentiment de maîtriser Dieu. C’est peut-être la “morale” de cette histoire. LA question. L’homme a-t-il une influence sur Dieu, où n’est-il là que parce que l’on consent à accueillir humblement sa venue. « Retire tes sandales » nous semble dire à ce texte ?

Si l’on revient en arrière, et l’on relit maintenant les chapitres 17 et 18 on peut finalement s’interroger sur ce qui a conduit Élie à prendre ses décisions. Qui lui a inspiré la menace de sécheresse, la volonté de punir le peuple des fautes passées, le meurtre des prophètes ?

Est-ce Dieu lui-même, où son idée de Dieu ? Ne s’agit-il pas de la même erreur qui a conduit Abraham au sacrifice de son fils et n’y retrouve-t-on pas la même démarche de conversion du cœur ? À chaque situation où la violence semble la solution, l’humilité du chercheur trouve une autre voix, fragile, ténue, celle où Dieu se révèle entre les lignes.

C’est peut être cela la grande leçon du désert. Une mise à nu, qui permet de prendre un peu de distance entre ce que l’on croît être, et notre fragilité première.

Un chemin, une faille se glisse, dans nos pas aux déserts, pour percevoir que le don de Dieu prime, qu’il est premier. Et que son amour nous conduit à prendre conscience de notre dépendance de son amour…


Un Dieu qui accompagne

En racontant le récit d’Elie, nous avons sauté bien des passages, bien des balbutiements dans la perception de Dieu. Les textes plus travaillés que sont la Genèse et l’Exode, nous montrent plusieurs apparitions de Dieu, chaque fois plus précises, comme si Dieu voulait ciseler au travers de l’histoire son icône, pour ne plus apparaître que dans une figure loin de toutes nos projections et de nos désirs, dans la nudité d’un homme dressé sur une croix qui révèle la nudité d’un Dieu dépouillé. C’est peut-être là l’essentiel du message. Mais avant d’y parvenir, il faut corriger tour à tour les fausses pistes, en reprenant un à un les fils que le récit laisse dans notre coeur, ces clés de compréhension qui corrigent une à une nos fausses idées de Dieu. Poursuivons donc, ce chemin, petit à petit, sans forcer le trait, mais en dévoilant les impasses, les fausses idées, souvent trop humaines de cette Parole mêlée que constitue la Bible. 

Les premiers récits cherchent à corriger d’abord ce qu’un théologien appellera les inventions de Dieu. Elie nous l’a dévoilé : il n’est pas dans le feu et le tonnerre. Il est ailleurs. Or, pour un nomade qui conduit son troupeau au désert, c’est dans l’orage que Dieu est le plus visible. C’est un Dieu terrifiant qui habite ses nuits et ses peurs, au point qu’il va vouloir lui offrir des présents, des dons, pour éloigner son courroux. C’est à ce faux Dieu qu’Abraham présentera son fils.

A ce Dieu violent et sanguinaire, inventé et transcrit par des traditions de mort, d’exil, de violence et de souffrances, Dieu vient corriger, par petites touches légères.

Si l’on relit attentivement les premiers chapitres de la Genèse, on verra un Dieu qui protège Caïn alors même qu’il vient de tuer son frère. De même, alors qu’Abraham imagine que Dieu lui demande de sacrifier Isaac, c’est un ange qui détournera sa main. 

Non Dieu n’est pas violent, il cherche au contraire à révéler sa tendresse, il se laisse atteindre aux entrailles (cf. Osée 11), envoie des messagers, des signes, des prophètes, jusqu’à Ezéchiel qui affirmera que “Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive…” (Ezékiel 18, 21).

Dieu est un dieu qui nous conduit à la liberté et la vie.

On pourrait lire d’ailleurs le récit d’Elie en parallèle de Jonas qui souhaite lui aussi mourir parce que Dieu n’est pas le Dieu vengeur qui va punir Ninive. Ces inventions de Dieu préparent à la révélation. Il faut pour cela des messagers, comme celui qui remet Jonas sur la bonne voie, celle de la miséricorde.

Les quarante jours au désert d’Elie font bien sûr écho aux quarante ans de l’exode, mais aussi à la tentation du Christ. L’agonie du prophète, comme celle de Jonas, préparent ainsi la tentation du Christ au désert et à son agonie sur le Mont des Oliviers.

C’est par le désert, au sein d’une nuit obscure, une insoutenable agonie du juste, qui doit faire le deuil de son orgueil ultime que se prépare la condition d’une vraie rencontre.

La Bible utilise pour cela des personnages intermédiaires, ces “anges” ou messagers (malak) qui permettent à l’homme de voir l’indicible sans être ébloui par sa face (voir aussi Exode 34).

L’ange, face à cette situation de détresse, apporte le don du pain et de l’eau, comme il le fait pour Jonas ou Agar, la servante d’Abraham rejetée par Sarah.

Dans ces détails, se renouvellle à leurs manières, le don de la manne, ce pain « tombé du ciel » pour nourrir un peuple en marche, comme cette eau, jaillie du rocher et qui abreuve la soif de l’homme au désert. 

Toutes ces images préparent d’autres dons, d’autres symboles. C’est au travers de la contemplation de ces signes que nous prenons conscience que le don de Dieu est toujours premier, en dépit des souffrances et du malheur qui nous font oublier l’essentiel..

Quel est ce Dieu qui nous a conduits au désert ? Le voyage d’Élie à travers le désert n’est-il pas une manière de percevoir notre propre condition, nos solitudes, nos souffrances et, in fine, de percevoir qu’au lieu d’une absence, d’un retrait apparent de Dieu, il est là, bien là, discret, et comme l’affirme le beau texte brésilien, qu’il nous porte dans ses bras :

Sur le sable, les traces de ma vie. 

Cette nuit, j’ai eu un songe : je cheminais sur la plage accompagné du Seigneur. Des traces sur le sable rappelaient le parcours de ma vie : les pas du Seigneur et les miens.

Ainsi nous avancions tous deux jusqu’à la fin du voyage. Parfois une empreinte unique était marquée, c’était la trace des jours les plus difficiles, des jours de plus grande angoisse, de plus grande peur, de plus grande douleur…

J’ai appelé : "Seigneur, tu as dit que tu étais avec moi tous les jours de ma vie, j’ai accepté de vivre avec toi. Pourquoi m’avoir laissé seul aux pires moments ?"

Il m’a répondu : "Mon fils, je te l’ai dit : Je serai avec toi tout au long de la route. J’ai promis de ne pas te quitter. T’ai-je abandonné ?

Quand tu ne vois qu’une trace sur le sable c’est que, ce jour-là, c’est moi qui t’ai porté."

Adémar de Barros (1929-....), poète brésilien

A notre condition malheureuse il reste d’ailleurs un chœur fragile de fidèles que Dieu révèle à Elie en dépit de sa solitude apparente. 

Il nous faut, en effet, garder une grande prudence sur ce qui est révélé de Dieu, même si le contraste avec les premières apparations du Sinaï est saisissant. Peut-être peut-on reprendre à ce stade, l’analyse que P. Beauchamp nous donne de la violence dans l’Écriture, parce qu’on est là, de fait au cœur de cette problématique.

Pour l’exégète, « le Dieu d’Israël assume les mots qui expriment ce désir de domination d’Israël. (...) devant les textes de violence n’allons pas quitter l’écoute, abandonner certaines pages, censurer le livre. À aucun prix (...) le désir de l’universel dans l’homme tel qu’il est, ne peut pas se développer sans traverser des besoins plus primitifs. Il doit traverser le besoin de possession et de conquête. Ici encore la grande parabole de l’Union de l’homme et de la femme, si souvent reprise dans la Bible et applicable au rapport de l’élu et des nations, nous montre une image de cette traversée obscure et souvent tragique (...). Le besoin de possession est le signe (...) d’un désir plus vrai (...) encore caché sous la violence charnelle. [Il faut] une conversion de l’appétit. Il n’y a pas d’autre voie. L’homme biblique est l’histoire de la transformation de l’homme (...) où nous apprenons que toute conversion vient de Dieu et non pas de nous. Cela n’a pas pour but de nous faire admirer l’homme, mais de nous faire admirer l’action que Dieu exerce en transformant l’homme. Il faut donc que rien de l’homme ne soit caché. Le but est de montrer que nous sommes imparfaits ».

Car ce n’est qu’en percevant nos imperfections répétées que nous prenons conscience que les « publicains et les prostituées nous précèdent dans le royaume » (Mat. 21, 28-32) et que notre propre conversion ne peut que se faire dans l’humilité.

C’est peut-être en effet dans la transformation du cœur d’Élie que se révèle le mystère, avec, comme par effet boomerang, ce qu’il conduit à révéler en nous. Car le piège, ajoute Beauchamp, serait de nous considérer comme supérieurs aux juifs, exempts de cette violence et proche du vrai Dieu. Notre chemin reste à parfaire et c’est en cela que le texte nous interpelle et nous pousse gentiment au désert.


Un Dieu qui nous parle dans le silence

On peut voir également dans le dernier mot de 1R19,12b la racine du mot murmure ou secret. Ce mot « secret » évoque à la fois le murmure de la prière d’Anne au temple, qui parle dans son cœur (1 Sam 1,13) comme l’injonction du Nouveau Testament de prier dans le secret, dans sa chambre (Mt 6, 6).

Oser suggérer que la « voix d’un fin silence » puisse s’agir d’une simple prière, renforce ce sentiment de petitesse. Se pourrait-il qu’Élie découvre au bout de sa quête qu’il y a, au-devant de lui, plus près encore de lui, une assemblée de priants qui se révèle. Il n’est pas le seul juste et sa mission est d’en sauver sept mille.

Cela ne peut que renforcer notre propre petitesse, dans cette quête. Nous ne trouverons pas Dieu tout seuls, mais c’est dans la communauté des priants que Dieu se révéle. On pourrait conforter alors la thèse de ceux qui affirment qu’Élie n’a en fait rien vu de la réalité de Dieu, que la vision de Dieu lui a été refusée en partie du fait qu’elle était cherchée par lui et non voulue par Dieu. Ce qui lui est donné de voir est alors, une pré-révélation, non pas de l’infini de Dieu, mais de la communion des saints, qui se joignent à la prière des anges. La comparaison avec le récit de Moïse qui cherche à voir la face de Dieu (Exode 33 et 34) est alors plus vive. Face à la demande du prophète, la réponse de Dieu à Moïse n’est pas un rejet total, mais une réaffirmation de sa tendresse, de sa miséricorde. La tension initiée par le désir de voir est maintenue et cependant nous ne percevons qu’une miette de l’indicible, le « dos de Dieu ».

Écoutons à ce sujet ce que suggère saint Irénée : « Les prophètes annonçaient donc que Dieu serait vu des hommes, conformément au dire du Seigneur : Bienheureux les cœurs purs, ils verront Dieu. Certes, selon sa grandeur et sa gloire inénarrable, nul ne peut voir Dieu et vivre, car le Père est insaisissable ; mais selon son amour, sa bonté et sa toute-puissance, il accorde à ceux qui l'aiment de voir Dieu, et c'est ce que prophétisaient les prophètes, car ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu. Ainsi l'homme par lui-même ne verra pas Dieu, mais lui, Dieu, sera vu des hommes s'il le veut, de qui il veut, quand il veut, comme il veut : car Dieu peut tout : il a été vu autrefois grâce à l'Esprit selon la prophétie, puis il a été vu grâce au Fils selon l'adoption, et il sera vu dans le royaume des cieux selon la paternité, car l'Esprit prépare d'avance l'homme pour le Fils de Dieu, le Fils le conduit au Père, et le Père lui donne l'incorruptibilité et la vie éternelle qui résultent pour chacun de la vue de Dieu. Car, de même que ceux qui voient la lumière sont dans la lumière et participent à sa splendeur, ainsi ceux qui voient Dieu sont en Dieu et participent à sa splendeur. Car la splendeur de Dieu vivifie: ils participent donc à sa vie, ceux qui voient Dieu».

Finalement, tout cela prend du sens si l’on considère que la recherche de Moïse et d’Élie ne sera satisfaite que lors de la transfiguration. Ce n’est donc pas une révélation divine refusée, mais différée qui serait décrite.

Dieu n’a pas cessé d’accompagner Élie. Dès l’épisode des corbeaux au chapitre 17 et ici encore avec l’ange, il lui témoigne sa protection. Mais cette protection n’est pas supérieure à celle donnée à Caïn. Elle reste l’expression de la tendresse de Dieu envers tout homme. Elle est enfin lieu d’interpellation renouvelée et le « Que fais-tu ici Élie ? » rappelle la question posée à Adam au jardin après l’illusion de s’être cru tout puissant sans Dieu.

Théologie négative

La série d’affirmations : « pas dans le souffle YHWH » pourrait composer l’embryon de ce que l’on appellera plus tard la théologie négative. Dans sa recherche et dans un contexte où la violence et la loi du talion (œil pour œil, dent pour dent) restent prégnantes avec le meurtre des prophètes, le rédacteur nous emporte plus loin, à petits pas, vers une autre forme de révélation, celle d’un Dieu discret, dans la voix d’un fin silence.

Cette définition très « non violente » de Dieu du verset 13b, qui tranche avec les thèses de rétribution courantes à l’époque biblique, est presque unique dans l’Ancien Testament. Dieu ne sera jamais sujet d’échange. La prière n’est-ce pas un troc, comme le croit Abraham à la porte de Sodome (cf. Gn 18). Il EST. Il n’est qu’amour, soulignera François Varillon.

Précisons que l'expression qui révèle sa trace, la « fine voix de silence » se retrouve dans un texte ancien découvert dans les fouilles récentes de Qumran pour désigner le chant des anges. Il se définit comme un chant sans paroles articulées ; c’est ainsi, par l’illumination intérieure, que Yhwh semble communiquer avec son prophète.

Les multiples traductions de l’expression hébraïque « qol demāmā daqqa » expriment chacune à l’heure manière la musique même de cet indicible : voix, murmure, souffle, silence, chant, bruissement, brise.

Il est proche, celui qui se penche vers nous, mais le saisir c’est déjà le perdre. Le définir c’est le contenir. Il est musique et danse de l’amour que l’on ne peut contraindre dans une partition écrite. La Bible n’est pas LA parole de Dieu. Elle en est le creuset qui en distille la révélation, dans la tendresse d’un discours où se mêle une histoire bien humaine et les étincelles fugaces d’une révélation…

Dans l’ensemble, les traductions de qôl demämäh doqqäh s’accordent toutes pour opposer voix et silence à l’exception d’un auteur qui parle de « rugissement et de voix tonitruante ». Même si cette interprétation a eu peu d’écho, il semble intéressant de noter que, là aussi, une tension demeure entre ce que la tradition considère souvent comme une ouverture mystique vers un Dieu d’amour et une autre version possible, plus « toute puissante » de Dieu. Ce serait peut-être enfermer Dieu que de conclure à ce stade et surtout dans le contexte du livre Rois, encore très violent dans les récits qu’il décrit.

Les multiples traductions du verset nous interpellent sur la présence réelle de Dieu dans nos vies. Si l’on reprend la thèse d’une progressivité dans la révélation, Dieu ne serait pas dans toutes les manifestations violentes de la terre, il n’apparaîtrait qu’au terme d’un décentrement, d’une sortie de soi, quand l’on devient mendiant d’amour.

Ce texte a pu ainsi inspirer une dimension mystique importante de la foi chrétienne. On la compare à celle du nirvana dans la spiritualité orientale. On peut aussi rejoindre d’une certaine manière la théorie qui évoque le « Retrait » de Dieu ou son auto-communication.

Il nous pousse en effet plus loin encore, au travers du désert vers le chemin d’une rencontre. Ce chemin ne peut se faire qu’à l’issue d’un déplacement, d’une sortie de soi, en route vers Bershéva, vers le Néguev et la montagne de Dieu.

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Extrait des Notes des parties 1 à 4 - auteurs cités 

(1) Saint Antoine de Padoue, Sermon pour la fête de saint Jean l’Evangéliste, in Une Parole évangélique, Ed. Franciscaines, 1995, p. 143-145

(2) cf. sur ce point la belle description imagée de C. H. Rocquet, Élie ou la conversion de Dieu, Lethielleux, 2003

(3) A. Wénin, L’homme biblique, p. 165ss.

(5) Thomas Römer, voir L’invention de Dieu, Seuil, 2017

(6) P. Beauchamp, Parler d’Écritures Saintes, p. 111ss.

05 août 2022

En route vers la Galilée - 3

 Chapitre 1.2

La voie du silence (1 Rois 19)

L’arrivée d’Élie, dont le nom hébreu Elia-Yahu  veut dire « Yhwh mon Dieu » au 17ème chapitre du livre des Rois, est abrupte. On ne trouve pas les introductions typiques de vocation des autres prophètes. Il n’y a pas ici de première apparition de Dieu. Élie affirme s’impose par une sentence. Il invoque le nom de Dieu. Les chapitres 17 et 18, qu’il faudrait relire doucement, construisent la renommée du prophète. Il y a d’abord son annonce de la sécheresse qui semble souligner la volonté de punir le peuple et le roi de ses fautes, de son abandon de Dieu. Vient alors la fuite d’Élie, sa cachette seul au désert, puis auprès de la veuve étrangère, jusqu’à ce récit de la résurrection du fils de la veuve, où Élie implore le secours de Dieu. L’examen attentif de ces chapitres montre la fragilité du prophète, au-delà de sa prétention à annoncer la parole de Dieu. Il doit fuir, se cacher, subir la soif, le désert. C’est alors qu’il retourne vers le roi et se sent plein de zèle pour Yhwh. Vient alors le duel avec les prophètes de Baal, suivi de leur massacre (1 R 18, 40) et le retour de la pluie, annoncé par Élie et interprété comme signe de la faveur de Dieu.

Il y a donc une lente succession narrative qui cherche à comparer les anciens pouvoirs des rois hébreux dont le grand Salomon, à celui du prophète. Mais, comme nous venons de le décrire, la figure même du prophète est délicate. Les chapitres 17 et 18 préparent sa lente conversion, même si la fin du chapitre 18 montre qu’il reste empreint d’un désir de puissance.

Le chapitre 19 semble nous plonger plus encore dans la question de la légitimité du prophète. Comme le souligne certains auteurs la toute-puissance du prophète s’est exprimée par ses seules forces et l’on peut se demander à juste titre dans cette introduction si Dieu est bien présent : « Selon le narrateur, Élie n’a pas reçu mission du Seigneur pour lancer son défi et provoquer la sécheresse. Pas plus d’ailleurs que le Seigneur ne lui dira de convoquer les 450 prophètes de Baal (1 R 18 17-46). Au contraire, le Seigneur lui avait seulement dit, la 3ème année de la sécheresse, d’annoncer au roi Akhab que la pluie allait revenir. Élie continue de professer un « super Baal », logique de puissance et de concurrence qui n’engendre que la mort (1R19, 1-5).».

Écoutons la suite du texte dans la version liturgique :

Le roi Acab avait rapporté à Jézabel comment le prophète Élie avait réagi et comment il avait fait égorger tous les prophètes de Baal.


02 Alors Jézabel envoya un messager dire à Élie : « Que les dieux amènent le malheur sur moi, et pire encore, si demain, à cette heure même, je ne t’inflige pas le même sort que tu as infligé à ces prophètes. »


03 Devant cette menace, Élie se hâta de partir pour sauver sa vie. Arrivé à Bershéba, au royaume de Juda, il y laissa son serviteur.


04 Quant à lui, il marcha toute une journée dans le désert. Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson, et demanda la mort en disant : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. »


05 Puis il s’étendit sous le buisson, et s’endormit. Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange ! »


06 Il regarda, et il y avait près de sa tête une galette cuite sur des pierres brûlantes et une cruche d’eau. Il mangea, il but, et se rendormit.


07 Une seconde fois, l’ange du Seigneur le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange, car il est long, le chemin qui te reste. »


08 Élie se leva, mangea et but. Puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu.


09 Là, il entra dans une caverne et y passa la nuit. Et voici que la parole du Seigneur lui fut adressée. Il lui dit : « Que fais-tu là, Élie ? »


10 Il répondit : « J’éprouve une ardeur jalouse pour toi, Seigneur, Dieu de l’univers. Les fils d’Israël ont abandonné ton Alliance, renversé tes autels, et tué tes prophètes par l’épée ; moi, je suis le seul à être resté et ils cherchent à prendre ma vie. »


11 Le Seigneur dit : « Sors et tiens-toi sur la montagne devant le Seigneur, car il va passer. » À l’approche du Seigneur, il y eut un ouragan, si fort et si violent qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan ; et après l’ouragan, il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre ;


12 et après ce tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n’était pas dans ce feu ; et après ce feu, le murmure d’une brise légère.


13 Aussitôt qu’il l’entendit, Élie se couvrit le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la caverne. Alors il entendit une voix qui disait : « Que fais-tu là, Élie ? »


14 Il répondit : « J’éprouve une ardeur jalouse pour toi, Seigneur, Dieu de l’univers. Les fils d’Israël ont abandonné ton Alliance, renversé tes autels, et tué tes prophètes par l’épée ; moi, je suis le seul à être resté et ils cherchent à prendre ma vie. »


15 Le Seigneur lui dit : « Repars vers Damas, par le chemin du désert. Arrivé là, tu consacreras par l’onction Hazaël comme roi de Syrie ;


16 puis tu consacreras Jéhu, fils de Namsi, comme roi d’Israël ; et tu consacreras Élisée, fils de Shafath, d’Abel-Mehola, comme prophète pour te succéder.


17 Celui qui échappera à l’épée d’Hazaël, Jéhu le tuera, et celui qui échappera à l’épée de Jéhu, Élisée le tuera.


18 Mais je garderai en Israël un reste de sept mille hommes : tous les genoux qui n’auront pas fléchi devant Baal et toutes les bouches qui ne lui auront pas donné de baiser ! »


Le récit semble être directement rattaché à la scène précédente. On peut cependant noter que le rédacteur introduit une coupure en 1 Rois 18, 46 en introduisant une sorte de sentence qui dans sa version littérale  (*) donne ça : « Et la main de Yhwh fut sur Élie ». Elle ponctue tous les développements précédents par une sorte de conclusion : Dieu semble du côté d’Élie.

Il n’y a pas eu cependant de rupture. On note cependant que la superbe d’Élie, lors du chapitre 18, laisse place au désespoir, de manière assez abrupte. Élie est dans une situation de grand danger suite aux massacres des prophètes et la reine veut sa mort. Élie fuit aux portes du désert. Il est seul et donc disponible pour une rencontre, c’est dans cette solitude et son désir de mort que va apparaître le messager, l’ange puis Yhwh.

La manifestation de Dieu va prendre plusieurs formes. D’abord le texte évoque la Parole, puis le souffle et enfin « une voix ». Ces trois modes d’apparitions de la parole se succèdent, sans pourtant être distingués. Mais d’une certaine manière, le récit présente deux voire trois formes de manifestation :

-    celle qui interroge : La parole de Yahweh lui fut adressée « Que fais-tu ici, Élie ? » (v9),

-    puis le murmure, la brise ou la voix du murmure (v12)

-    enfin « Une voix se fit entendre » qui repose la question : « Que fais-tu ici ? » (v14).

Le lecteur attentif devrait être alerté par la récurrence ici de cet « Où es-tu ? » qui n’est pas sans rappeler l’appel de Dieu au Jardin (Gn 3). Ici se joue autre chose… Dans l’environnement du récit, intervient également la nature par le biais d’éléments divers (le genêt seul, le désert, le tonnerre, le feu, la brise). Le genêt souligne l’ambiance mortifère du récit, puisqu’il servait à couvrir le défunt de ses branches, ce qui en fait un symbole de mort.

Élie est le centre apparent du récit, mais YHWH est omniprésent dans le texte (on rencontre treize fois le mot YHWH du verset 4 au verset 15) sous ses diverses formes et c’est bien de sa présence, de sa révélation et de son action qu’il s’agit. Élie a finalement peu d’initiative, malgré le récit de ses états d’âme, sa recherche. C’est Dieu qui guide, protège, pousse le prophète, l’interpelle, et se révèle à lui pour lui donner mission.

L’enjeu du récit est finalement ce basculement intérieur, la transformation d’Élie, d’un état passif, à la limite de l’agonie et du découragement, en un agissant capable d’accomplir des gestes pour Yhwh : appeler, oindre, justifier… Il y a, comme dans d’autres récits un véritable chemin d’humilité, où Élie est conduit à une conversion intérieure qui rend la rencontre possible.

Élie croyait être seul, mais il va se retrouver au milieu d’une plénitude de justes. À son cri vient en effet répondre l’intervention de Dieu qui permet une rupture, le don du pain et de l’eau pour la marche suivie de la traversée du désert, comme un temps de purification où Dieu conduit Élie par la main et lui redonne vie. Il y a « passage », dénouement, d’un état à un autre.

Le centre du récit est encadré par une répétition longue, un peu surprenante pour certains. avec une répétition presque exacte de l’échange d’un long dialogue entre la « voix de Yhwh » et Élie. Dans sa version littérale (*) elle donne ça :

-     « Quoi ? pour toi ici Élie. Et il dit : aimer passionnément j’ai aimé passionnément YHWH (…) et je suis resté moi moi seul et ils ont cherché mon être pour le prendre » aux versets 9 et 10

-    Sors et tu te tiendras dans la montagne (v11) (…)

            Après le feu une voix de silence ténu.

-    il sortit et il se tint à l’entrée (v 13)

-    « Quoi ? pour toi ici Élie. Et il dit : aimer passionnément j’ai aimé passionnément YHWH (…) et je suis resté moi moi seul et ils ont cherché mon être pour le prendre ». (v13 et 14)

L’enjeu du texte, très travaillé, se concentre dans les modes de révélation de Dieu et cette image particulière («une métaphore vive ») qui décrit une expérience par analogie, mais tout en maintenant une tension. L’indicible est ici au service du lecteur, le conduisant progressivement à un décentrement de sa propre vision de Dieu. On est là au cœur même de tout le plan de révélation de Dieu, qui ne raye pas d’un trait toutes les impressions et révélations antérieures, mais vient corriger par petites touches et avec tendresse, ce que l’homme perçoit de l’imperceptible.

La question « Quoi pour toi ici Élie ? » interpelle. Est-ce Dieu qui veut la présence d’Élie ou Élie qui cherche Dieu ? Il me semble qu’il ne faut pas répondre trop vite, mais plutôt maintenir cette tension. Il y a, rappelons-le, l’état dépressif du prophète qui le pousse dans sa quête, mais également, très vite, l’accompagnement du messager. On peut dire que le désir de Dieu est au cœur d’Élie, mais qu’il est aussi d’une certaine manière conduit et accompagné au désert… La main de Dieu reste sur lui, pourrait-on dire, en écho au chapitre 18.

On peut y voir à l’inverse une certaine forme d’ironie, qui semble remettre en cause sa raison d’être et la réalité de sa mission de prophète. Pour rebondir sur l’interrogation soulevée plus haut de l’auto-proclamation d’Élie en « super-prophète», on peut se demander si Dieu ne joue pas sur une mise en distance entre les prétentions prophétiques de l’homme et la réalité même de Dieu. Cette thèse pourrait expliquer que la mission principale qui lui sera confiée ne soit pas de prendre un pouvoir quelconque, mais seulement de choisir un successeur.

Nous poursuivons cet extrait, dépourvu des nombreuses notes, pour tracer notre chemin. Commentaires toujours bienvenus.


* traduction littérale hébreu /français, voir dans les commentaires ci-dessous

04 août 2022

En chemin vers la Galilée - 2

Chapitre 1.1 Le désert

Le chemin de notre liberté passe par le désert. Première invitation, ardue, s’il en est, à s’extraire de notre course souvent futile pour entendre l’essentiel. Ce n’est pas dans un bruit incessant que Dieu pourra toucher notre cœur. Il nous conduit au désert dès les livres les plus anciens de la Bible. C’est en effet dans l’un des plus vieux ouvrages, au chapitre 2 d’Osée qu’en retentit le premier appel. 

Qu’est-ce que ce désert ? En quoi est-il le premier pas, nécessaire, incontournable, vers Dieu ? Pourquoi, est-ce par là, d’ailleurs, que le Christ commence, dès le début de sa mission de jeune baptisé ? 

Dieu nous invite, sur la base d’une trame conjugale entre le prophète Osée et Gomer, sa femme perdue : 

« C'est pourquoi, voici que moi je l'attirerai, et la conduirai au désert, et je lui parlerai au cœur » Osée 2,16.


Ici l’on sent une tension, un paradoxe. Comment attirer quelqu’un en l’emmenant au désert ? On perçoit bien que le sens propre ouvre vers autre chose, ce qu’on appelle une métaphore. Ici, l’enjeu est de sauver un peuple qui s’est égaré. L’idée derrière « je l’attirerai » met en valeur les efforts et le charme déployés par Dieu pour reconquérir le cœur de son peuple.

Il y a là les accents dramatiques d’un mari qui a vu sa femme lui échapper et qui cherche à la ramener sur ses sentiers. 


Pourquoi le désert‍ ? 

Probablement parce que la tradition en fait le lieu fondateur : c’est dans le désert que les anciens esclaves de l’Égypte sont devenus un peuple libre. C’est dans le désert que Moïse a trouvé sa voie et a conduit ensuite le peuple,

derrière la nuée, autre analogie, vers la terre promise.

Le désert est dépouillement, mise à nu, fragilité qui nous fait perdre nos fausses certitudes.

Le désert et la soif qui sont, dans d’autres textes, le chemin pris par Dieu pour affiner le cœur de l’homme, ont chez Osée un aspect plus dramatique. Conduire au désert est plus qu’une épreuve physique, un lieu de conversion.

C’est au désert que naît notre soif de l’essentiel. 

Quel est le sens de cette invitation ? 

Une épreuve ? 

Le chemin du désert est-il un chemin de mort‍ ? Une invitation au renoncement ? Probablement, sans pour autant qu’il soit de l’ordre de l’obligation. Je ne veux pas de sacrifices affirme le psaume, mais un cœur brisé.

Les mots sont forts. Une brisure…

D’autres images viennent l’expliquer. Celui qui résiste, qui fait le fier, l’orgueilleux qui pense tout maîtriser lui-même, a perdu la souplesse du roseau qui ploie et se couche sous le souffle du vent…

Le désert est dépouillement d’une carapace inutile. Il est “chemin de nudité”. “Enlève tes vêtements”, dira un des premiers versets d’Exode 33, juste après l’épisode du veau d’or…

Ta parure humaine, ta carapace extérieure ne te permets pas de trouver ton Dieu. 

“Je la mettrai à nu” crie plusieurs prophéties à propos du peuple, dont Osée lui-même.

Nudité où l’homme se sent fragile, quitte toute certitudes ? Est-ce là la voie du désert ? 


Nous touchons là à un point très délicat de toute expérience chrétienne. Le désert n’est pas un parcours forcé, mais bien une invitation. Un franchissement nécessaire, une étape, un passage, un choix.


Dieu cherche à nous séduire…

« Le mot hébreu mə-pat-te-ha est unique dans la bible. La traduction latine de saint Jérôme introduit, par contre, un double sens : en latin "lactabo" peut signifier allaiter ou séduire. C’est ce premier concept qui inspire saint Antoine : « Je l'allaiterai, dit-il, et la conduirai au désert, et je parlerai à son cœur » (cf. Os 2,14 Vg.). [Pour lui], les trois expressions allaiter, conduire au désert, parler à son cœur désignent les trois étapes de la vie spirituelle : le début, le progrès, la perfection. Le Seigneur allaite le débutant lorsqu'il l'éclaire de sa grâce, pour qu'il grandisse et progresse de vertu en vertu. Il le conduit ensuite à l'écart du vacarme (..) du désordre des pensées, dans le repos de l'esprit ; enfin, une fois amené à la perfection, il parle à son cœur. L'âme éprouve alors la douceur de l'inspiration divine et peut se

livrer totalement à la joie de l'esprit. »


Se laisser conduire au désert implique une démarche personnelle, intérieure, un quitter. Nous reviendrons sur ce point. Il faut peut-être se laisser le temps de suivre ce mouvement, de partir nous aussi au désert pour y trouver l’essentiel. C’est ce que découvrent ceux qui s’avancent vers Compostelle… Le chemin, la marche a cette vertu de travailler notre cœur, par les pieds…


N’est-ce pas aussi le chemin du Christ, poussé par l’Esprit, dès son baptême ? C’est ce que note à l’unisson Luc et Matthieu.

L’idée de Dieu, suggérée par d’autres lectures, comme Proverbes 8, est de changer, séduire celui qu’il appelle, pour l’éloigner du futile, vers l’essentiel. Le Christ lui-même y fait allusion : « J’ai joué de la flute et vous n’avez pas dansé » (Lc 7, 32). La séduction de Dieu pour nous conduire sur ses chemins fait partie de cette pastorale particulière qui permet à l’homme de quitter ses calculs rationnels. Depuis les charmes de la création jusqu’aux élans mystiques, le Dieu de l’Ancien Testament nous prépare à une danse particulière qui sera celle des anges. Il déploie ici, dès les premiers chapitres, une « pédagogie » qui n’a pour but que la séduction respectueuse de l’homme libre.

Séduction parce que Dieu ne s’impose pas. L’homme reste libre. Dieu ne force pas, il appelle. Le chemin auquel nous introduit Osée est un chemin original, fait d’exhortation comme de tendresse. Si l’on y sent parfois la tristesse et la révolte face à l’homme qui s’égare, il transparaît un désir, celui que l’homme change son cœur de pierre en cœur de chair, se convertisse vers son Dieu. Pour cela, Dieu va “déchirer ses entrailles” (Osée 11), comme une mère déchirée de voir son enfant lui échapper. Le désert est la première contemplation d’un Dieu qui se penche vers l’homme, pour le relever et en faire un homme libre.

L’attraction au désert, loin des repères traditionnels, contribue à creuser un désir. En travaillant l’humilité de l’homme, mis à nu devant le « rien », il le met en condition « pour entrer dans sa danse ». C’est dans le désert que l’on retrouve son Dieu. Jésus lui-même y invite ses disciples : « Venez à l’écart, dans un lieu désert » (Mc 6, 31). 

C’est au désert que l’oreille s’affine, se fait écoutante, sensible à la musique de Dieu.

Un des plus beaux passages de la Bible sur le désert est probablement celui qui conduit Élie vers la révélation de Dieu. 

Prenons le temps de suivre ses pas…


Comme indiqué, voici le début du premier chapitre, dans sa version brute de coffrage et déjà je m’aperçois de deux choses : 

1. je retravaille des chemins déjà parcourus. (Ici mon livre, le chemin du désert, publié il y a une dizaine d’années, disponible gratuitement sur Kobo/Fnac cf. https://www.kobo.com/fr/fr/search?query=claude%20j%20heriard). Peut-être parce que l’on n’a jamais fini de manduquer cette parole qui nous dérange…

2. il est dur d’être simple quand la tête se met à penser…

Mais j’élague et cela rend les choses peut-être plus accessibles. À vous de me dire 🙂

03 août 2022

En chemin vers la Galilée - 1 *

 


« Introduction 

La Parole de Dieu nous travaille, elle nous donne à penser et oriente notre agir.

Elle nous dérange parfois, nous remuant « jusqu’au jointures de l’âme ». Souvent elle nous perd aussi, parce qu’elle est plurielle, croisement de paroles humaines et de ce souffle discret de l’Esprit qui oriente la plume et conduit à l’essentiel.

C’est pourquoi il nous faut parfois des fils d’Ariane, des pistes fragiles, pour que soudain s’éclairent en nous des étincelles de l’invisible.


Marcheur vers l’infini, je médite depuis des années, avec d’autres, les Écritures. Ce nouveau livre que j’entame depuis quelques jours va chercher à tracer avec des mots simples quelques-uns de ces fils qui ont éclairé mon chemin. Loin des milliers de pages de mes 17 tomes de Lectures Pastorales, je prends ici le temps d’aller à l’essentiel, en espérant vous donner dans ces quelques pages, ce qui me tient à cœur. En espérant vous conduire, à ma façon vers cette “Galilée” évoquée à Marie Madeleine, ce royaume annoncée par Jésus à l’aube de son retrait… »


Si j’en ai le temps et si vous voulez marcher avec moi dans ce voyage au long court, je vous propose d’en publier, sous ce nouveau fil, les premières pages, pour que par vos réactions se construisent la trame d’un livre accessible à tous. 


Chemin catéchuménal ? 

Compréhensible ?

Accessible ?

Ce n’est qu’avec vous que cette trame estivale peut devenir chemin.


L’été est propice à ce travail. J’ai déjà écrit les 15 premières page et pressent les 15 suivantes. Déjà un titre et un fil rouge se dessine. À vous de me dire s’il vaut la peine d’être tiré plus loin.

31 juillet 2022

Les dons de Dieu 2.77

 

Ne passons nous pas à côté de l’essentiel ? 

Cet essentiel qu’évoque François dans son homélie du 28/7 : « L’enthousiasme des apôtres » qui découvre leur Galilée. C’est peut-être ce à quoi nous conduit la méditation des textes de dimanche passé. Contempler, comme le suggérait Bonaventure que nous sommes au milieu d’un torrent avec une petite amphore dans les mains, incapables de recueillir le fleuve immense des dons de Dieu.


C’est au delà de cette contemplation que quelque chose peut jaillir. Cet appel à l’essentiel qui résonne depuis l’où es tu originel de Gn 3.


Où es-tu ?

Que vas-tu faire de ces dons ? 


Comme souvent, c’est dans les commentaires de Marie-Noēlle Thabut que je trouve refuge. Sa lente manducation de l’Ecriture fait écho avec ma quête. Je vous joins quelques beaux extraits de peur de vous noyer dans le fleuve… : 


Quand nous lisons le livre de l’Ecclésiaste, nous courons toujours le risque de nous tromper de registre, dit-elle, car, quelles que soient les apparences, Qohéleth n’est pas un philosophe, mais un prédicateur : « Vanité des vanités, tout est vanité » : ces premiers mots du livre de l’Ecclésiaste en résume le mieux l’essentiel. 


« Le mot « vanité », n’a pas de connotation morale ; une traduction plus littérale serait « Buée de buées » : quelque chose d’évanescent ; qui peut se vanter de retenir une buée entre ses doigts ? Une autre expression, à peu près synonyme, que l’auteur affectionne est « poursuite de vent ». Traduisez : tout sur terre, tout ce à quoi nous dédions nos pensées, nos rêves, nos forces, nos activités, notre temps, tout n’est qu’éphémère, provisoire, passager. Tout ? Oui, tout… ou presque. Tout, sauf une seule chose au monde. Laquelle ? L’auteur laisse planer le suspense très longtemps. A la fin de son livre, seulement à la fin, il (...) dévoile enfin son secret, on comprend alors qu’il ne nous a pas délivré une méditation philosophique désabusée, mais en réalité une prédication musclée dite à mots couverts.

(...) A travers le pessimisme apparent de Qohéleth, apparaissent des rais de lumière : la foi en Dieu est sous-jacente, l’horizon n’est pas bouché. Et la seule vraie valeur au monde, celle qui ne décevra pas, c’est la foi, justement, ou la Sagesse, qui est abandon dans les mains de Dieu : « Les justes, les sages et leurs travaux sont dans les mains de Dieu. » (Qo 9,1). « Dieu donne à l’homme qui lui plaît sagesse, science et joie. » (Qo 2,26). Et, bien sûr, la morale de l’histoire, c’est qu’il faut pratiquer les commandements de Dieu, c’est le seul chemin du bonheur : « Celui qui observe le commandement ne connaîtra rien de mauvais. » (Qo 8,5).


« Pour finir, le fin mot de la sagesse, la vraie, celle que Dieu seul peut donner, c’est l’humilité : celle qui consiste à vivre tout simplement notre vie, telle qu’elle est, toute petite en définitive, comme un cadeau de Dieu : « Tout homme qui mange et boit et goûte au bonheur en tout son travail, c’est là un don de Dieu. » (Qo 3,13) (...) 


« La vraie sagesse, c’est d’être à notre place, toute petite devant Dieu ; face à lui, nous, nous ne sommes rien… rien qu’un peu de poussière dans sa main. Et c’est quand l’homme se reconnaît pour ce qu’il est, qu’il peut être heureux, qu’il peut être rassasié de l’amour de Dieu chaque matin, qu’il peut passer sa vie dans la joie et les chants. « Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants. » Car, dans la Bible, la conscience de la petitesse de l’homme n’est jamais humiliante puisqu’on est dans la main de Dieu : c’est une petitesse confiante, filiale. Tellement filiale et sûre de l’amour du Père qu’on peut lui demander en toute confiance : « Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu » (v. 17). (...) 


« La dernière phrase du psaume est superbe « Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains » : elle dit bien l’oeuvre commune de Dieu et de l’homme : l’homme agit véritablement, il oeuvre dans la création, et c’est Dieu qui donne à l’oeuvre humaine sa solidité, son efficacité.


« [Dans l’Evangile], on retrouve ici un enseignement habituel de Jésus sur l’unique trésor que nous devons rechercher, celui qui est dans les cieux. Car « En vue de Dieu » pourrait aussi être traduit « vers Dieu » ou « selon les vues de Dieu » ou même « au bénéfice du Royaume de Dieu ». Cela suppose au moins deux choses : premièrement, ne jamais oublier que les richesses viennent de lui ; deuxièmement, se rappeler en toutes circonstances que les richesses continuent à appartenir à Dieu et qu’il nous en confie la gestion pour que nous les fassions fructifier au profit de tous ses enfants.


« Nous avons donc ici de la part de Jésus non pas une leçon de philosophie sur les richesses de ce monde, mais une prédication sur l’urgence de mettre toutes nos richesses de toute sorte au service du royaume de Dieu.


« Oui, la vie est courte, comme le pensaient les contemporains d’Isaïe, mais justement, dépêchons-nous de la mettre à profit ! Si la nouvelle de l’évangile est bonne, alors il y a urgence. Voilà qui explique pourquoi Jésus a répondu un peu vivement au quémandeur d’héritage avec lequel a commencé notre lecture de ce dimanche. Cet homme-là se trompait vraiment de priorité.


« Une question pour finir : Tout compte fait, l’héritage qui devrait nous paraître le plus précieux, ne serait-ce pas la foi reçue de nos pères ? » (1)


Notre course est fragile, si nous passons à côté de l’essentiel. C’est peut-être le fil qui nous relie à notre méditation de la semaine dernière, cet essentiel qu’avait trouvé Marie de Béthanie. (Cf. mes billets 2.71 et 2.75) et qui est chemin vers cette Galilée évoquée par notre pape à la suite de celle qu’on appellera Madeleine… (2)


Cette semaine nous avons fêté les trois amis de Jésus. Une amitié d’agapè précise Jean 11 qui la rend précieuse à nos yeux. 


Alors entrons dans ce silence propice à l’écoute de ce fleuve immense de la Parole, à genoux avec notre petite amphore… (3)


(1) Extrait du commentaire de Marie-Noēlle Thabut https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/528669-commentaires-du-dimanche-31-juillet-2/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=commentaires-du-dimanche-31-juillet-2

(2) cf. S. Landrivon, les leçons de Béthanie, cerf 2022

(3) voir mes développements dans « L’amphore et le fleuve »

24 juillet 2022

De la demande à la contemplation 2.76 [v3]

Les textes de ce dimanche nous interpellent sur notre manière de prier. Ils nous conduisent à sortir du troc vers une véritable contemplation.

L’échange d’Abraham (Gn 18) est en effet un peu désespérant. Il se situe juste après l’épisode de Mambré, cette visite particulière où Abraham débute une route nouvelle, mais avant le chapitre 22 et cette fausse piste du sacrifice d’Isaac.  Abraham n’a pas encore perçu la vraie nature de Dieu, il négocie avec lui comme un marchand de tapis ? (1) Abraham est bien imprudent de demander cela. 

Qu’est ce que cela nous dit de Dieu ?

Dieu n’est pas celui qui demande le sacrifice du premier-né pour calmer sa colère. Nous n’avons pas à entrer dans un troc. Il nous faut au contraire changer notre regard sur Dieu lui-même. Et c’est probablement toute la pédagogie de Dieu qui commence ici. (2)

C’est probablement le cœur du message de l’Evangile. Jésus nous invite à passer du Dieu marchand au Dieu père. À contempler sa tendresse.

Dieu n’est pas un distributeur de don qui demande un montant pour un service,

Dieu EST amour.

C’est en contemplant cette affirmation fondamentale que notre cœur peut se retourner loin d’une exigence vers une confiance, plus intérieure. 

Dieu ne nous donnera probablement pas la réussite aux examens, ne guérira pas toutes nos maladies, ne changera pas nos pauvretés en richesse.

Dieu EST qu’amour disait François Varillon.

C’est quand nous rejoindrons son envie d’aimer que sa tendresse deviendra lumineuse, que son amour deviendra lieu de contagion, que nous danserons avec lui sa danse… 

Ne rabâchons pas les « Notre Père » comme des euros à aligner pour obtenir sa clémence.

Contemplons plutôt notre Père…

Changeons notre regard…

Jeudi nous fêtions la fête d’Elie, ce grand prophète qui s’est pris pour Dieu en massacrant ses concurrents. 

Il lui a fallu 40 jours au désert pour percevoir que Dieu n’était pas dans la foudre ou le feu, mais qu’il se perçoit dans cette brise légère et insaisissable du silence intérieur. 

Profitons de l’été pour arrêter nous aussi notre course et entrer dans cette écoute particulière où Dieu prends soin, non de nos faux désirs, mais de l’essentiel, et nous donne la paix intérieure, la foi, l’espérance et la charité. (3)


Élie nous conduit vers ce chemin fragile, où Dieu se résume à la fraction du pain.

Il est cette trace fragile qui réveille en nos cœurs la contemplation d’une flamme sous la brise ténue de l’Esprit ?


Réécoutons ce que nous disait Ambroise…

« Pourquoi détournes-tu ton visage ? Que la lumière brille au milieu de nos ténèbres. [qu’il brille] dans nos cœurs pour faire resplendir (...)  la gloire qui rayonne sur le visage du Christ. (...)  le Christ [est là] lumière du Père, » (4) 


L’enjeu est peut-être de contempler non pas un feu qui détruit comme à Sodome, mais bien ce buisson ardent qui ne consume pas et mais réchauffe, console, et donne cette paix intérieure particulière, cette grâce lumineuse, ce torrent dont nous ne pourrons jamais percevoir l’immensité (5).


Apprends nous Seigneur à oser prier et à demander l’essentiel : ce don de l’Esprit (6) qui transforme notre cœur en danse, qui convertit nos demandes en prière et en chants, qui nous dévoile comme à Elle que le « bruit d’un fin silence » n’est autre que à prière des anges comme le souligne une belle interprétation de 1 Rois 19 (2)


(1) voir également ci-dessous l’extrait du commentaire de Marie-Noēlle Thabut n.1 très éclairant sur ce point

(2) voir mon livre pédagogie divine 

(3) ibid.

4) Saint Ambroise, commentaire sur le psaume 43,(Ce commentaire fut le dernier travail d'Ambroise, quelques semaines avant sa mort.)

(5) Bonaventure à la suite d’Ezechiel nous décrivait comme une petite amphore incapable de recueillir l’immensité du don de Dieu.

(6) voir ci dessous le commentaire conseillé par Michel Mertens dans RCF

22 juillet 2022

Marie Madeleine 2.75

Il faut peut-être dépasser certains fantasmes parfois érotiques ou picturaux que 2000 ans de fausse « contemplation » ont accumulés sur cette « figure » du nouveau testament pour redécouvrir la véritable quête spirituelle de celle qui a lavé les pieds du maître avant son départ avec un parfum de grand prix et qui sombre dans la douleur d’un bonheur perdu au point de ne plus reconnaître la lumière du Ressuscité…

« Les leçons de Béthanie » de Sylvaine Landrivon m’ont ouvert à une autre contemplation, celle d’une femme forte, habitée par la contemplation de l’essentiel, goûtant, comme sa sœur, d’une belle clairvoyance sur la mission du Fils. On comprend mieux l’amitié profonde qu’il avait pour elle et son frère, et ces larmes qu’il verse pour Lazare.

Le Christ est sa lumière (cf. 2.76) et de sa tristesse, naît un espoir pour l’Église.




Femme pourquoi pleures-tu ? Va…

L’appel lancé à la première des Témoins n’est pas à effacer d’un trait, il doit encore interpeler notre façon de faire Église dans la richesse polyphonique et polyédrique d’un Corps à [re]construire où les Marthe et les Marie ont toutes leurs places.

19 juillet 2022

La danse du feu 2.74

 

« Que Dieu nous éclaire par la lumière de son visage »

Il faut tracer, là encore, un chemin fragile, pour relier la quête de Moïse en Exode 33 et 34 jusqu’à sa descente du mont Sinaï, tout illuminé de la vision de Dieu, jusqu’à celle des trois disciples lors de la Transfiguration, puis celle des disciples d’Emmaüs quand le Verbe disparaît dans une fraction du pain.


Que brille en nous l’éclat de ton souvenir…


Est-ce cette trace fragile que réveille en nos cœurs la contemplation d’une flamme fragile sous la brise ténue de l’Esprit ?


Le Christ est-il le buisson ardent d’Exode 3, qui EST et SERA, présence et absence, aujourd’hui et espérance d’un peuple en marche ?


C’est en tout cas ce que m’inspire cette magnifique contemplation d’Ambroise…


« Pourquoi détournes-tu ton visage ? Nous croyons que Dieu détourne son visage quand nous sommes dans l'affliction au point que les ténèbres recouvrent notre cœur et empêchent nos yeux de recevoir l'éclat de la vérité ! En effet, si Dieu veille sur notre intelligence et daigne visiter notre esprit, nous sommes certains que rien ne pourra nous plonger dans l'obscurité. Car le visage de l'homme est plus lumineux que les autres membres de son corps ; et, lorsque nous regardons quelqu'un, nous le découvrons s'il est inconnu, et nous le reconnaissons s'il est connu, parce qu'il ne peut échapper à notre regard. Or, combien plus le visage de Dieu éclaire-t-il celui qu'il regarde ?


La belle parole de l'Apôtre, qui est vraiment l'interprète du Christ, concerne cela comme le reste, pour éclairer vos esprits par une pensée et une sentence appropriées. Il affirme en effet : Dieu a dit : Que la lumière brille au milieu des ténèbres. Et c'est lui-même qui a brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire qui rayonne sur le visage du Christ. Nous venons d'apprendre quel endroit de notre être reçoit la lumière du Christ. Il est en effet le rayon éternel des cœurs, et le Père l'a envoyé sur la terre pour que nous soyons éclairés par son visage. C'est ainsi que nous pouvons contempler les réalités éternelles et célestes, alors que nous étions auparavant captifs de l'obscurité terrestre.


Pourquoi parler du Christ, alors que l'Apôtre Pierre a dit à l'homme boiteux de naissance : Regarde-nous ? Il regarda Pierre et fut éclairé par la grâce de la foi. Car il n'aurait pas été guéri s'il n'avait pas cru.


Par conséquent, alors qu'il y avait une telle gloire chez les Apôtres, quand Zachée apprit le passage du Seigneur Jésus, il monta sur un arbre, parce que sa petite taille l'empêchait de le voir au milieu de la foule. Il vit le Christ et il trouva la lumière, il le vit, et lui, qui auparavant dérobait l'argent des autres, apporta le sien. ~


Pourquoi détournes-tu ton visage ? C'est-à-dire : Bien que tu détournes de nous ton visage, cependant, la lumière de ton visage, Seigneur, est imprimée en nous. Nous le gardons en nous et il resplendit dans notre cœur, car personne ne pourrait survivre si tu détournais ton visage. » (1)


Saint Ambroise, commentaire sur le psaume 43, source Office des lectures d’aujourd’hui (Ce commentaire fut le dernier travail d'Ambroise, quelques semaines avant sa mort.)

18 juillet 2022

D’agenouillements en agenouillements - 2.73

Au départ rien n’indique en Gn 18 qu’Abraham ait reconnu les visiteurs. Son offre de lavement des pieds et son empressement à proposer de la nourriture sont des signes d’hospitalité et de bienveillance classiques dans ce type de contrée. Mais ils traduisent un état de réceptivité, de disponibilité de l’homme. 

Pourtant une lecture chrétienne de la première lecture d’hier nous interpelle déjà par la disposition intérieure qu’elle suppose. Abraham ne précise pas qu’il va laver les pieds de ses hôtes, mais nous savons maintenant que cet abaissement est en chemin.

Dans l’Évangile, la succession des agenouillements nous prédispose au geste du Christ. D’Abraham à la femme de Luc, de cette femme à Marie de Béthanie se prépare le double agenouillement final du lavement des pieds et de Celui qui tombera, par trois fois, sous le poids de la violence humaine dans un dépouillement amorcé en Jn 2 jusqu’en Jn 13.

Il n’y a pas véritablement de pré-révélation. Les trois visiteurs ne sont pas encore Trinité, mais l’Esprit trace déjà, par des touches discrètes, le grand tableau de la Révélation. 

Il faut entendre de la même manière le « retire tes vêtements » d’Exode 33 pour percevoir le double dépouillement de Jean 13 (avant le lavement des pieds) et le déchirement de la Croix pour percevoir jusqu’où se déchire les entrailles du Père et s’entrouvre le cœur du Christ pour que jaillisse enfin l’Eau vive de celui qui demandait à boire à une exclue, une samaritaine, paria, dont le désir d’infini restait insatisfait.

La danse vers l’homme des « trois visiteurs » ne fait à Mambré que ses premiers pas, mais déjà la musique d’un Dieu qui vient visiter l’homme trace une mélodie qui s’harmonise jusqu’au jaillissement de la foi dont Abram est le premier jalon. 


Ce mouvement n’est pas terminé et attend notre réponse. Il faut lire La Croix du 7/7 pour y voir un écho qui doit réjouir Celui qui nous appelle à aimer : «  Les mains gantées, courbée devant un banc où reposent les jambes d’Imran, un Pakistanais de 18 ans à peine arrivé à Trieste, Lorena sort de son chariot les produits pour désinfecter et panser les blessures, soulager les douleurs. En ce jour d’été 2022, elle soignera une trentaine de migrants du Moyen-Orient et d’Asie, jusqu’à minuit.

D’une délicatesse extraordinaire dans tous ses gestes, elle explique ce qu’elle perçoit. « Les pieds sont comme un parchemin sur lequel est écrite la souffrance de ceux qui gagnent Trieste via les Balkans. Là, ce sont des pieds de tranchée : enflammés, couverts de cloques, après 15-20 jours de marche dans des conditions désastreuses. »(1) 


Pour aller plus loin 

 1. Des mains de fée au secours des migrants à Trieste (La Croix, jeudi 7 juillet 2022)

 2. cf. « pédagogie divine » et «  Dieu dépouillé »


Photo : Jésus à genoux devant la femme adultère ? - Cathedrale de Chartres (DR)

14 juillet 2022

Le bon samaritain 2.70

 

Où courons nous ?

La liturgie de cette semaine, si nous avons pris le temps de la méditer nous a alerté. Nous vivons trop vite, nous ne prenons pas le temps du silence, de cette lente manducation de la Parole qui nous fait percevoir que le don prime sur tous nos efforts humains.


« Écoute nous dit la première lecture.

(...) Elle est tout près de toi, cette Parole,

elle est dans ta bouche et dans ton cœur,

afin que tu la mettes en pratique. » Dt 30


Que nous dit elle ce dimanche, cette Parole ? Colossiens 1 nous décrit un Christ royal, premier et vêtu de Gloire. Mais ce n’est pas celui de l’Evangile, celui qui se penche vers nous, nous parle en Parabole.


Nous aussi, nous pouvons être happés par le désir de reconnaissance, par notre propre importance.

Ce n’est pas là le chemin. Augustin reprenait lundi, dans l’office des lectures cette phrase déroutante du psaume. Il nous faut avoir un cœur brisé.

Qu’est ce à dire ?

Peut-être que notre cœur s’est endurci à la souffrance du monde. Cœur de pierre disait Ezéchiel.

Mon cœur s’est retourné, glissait jeudi Osée au chapitre 11. Ce chapitre 11 d’Osée nous dévoile un Dieu presque maternel, dont les entrailles se déchirent à la vue de la souffrance des hommes. 


Ce que nous contemplons, aujourd’hui, c’est peut-être surtout ce cœur transpercé du Christ lui même sur la  Croix.

Peut-être pour nous faire comprendre que ce n’est pas la fonction qui prime. Christ est premier car il s’est agenouillé et est entré jusqu’au bout dans cette danse du don dont je ne cesse de parler. 

Dans la parabole, le prêtre, le lévite (une sorte de diacre de l’époque) ne sont pas plus que d’autres des supers paroissiens s’ils ne sont  pas attentifs à l’appel du monde.

Ce n’est que lorsqu’on médite le fleuve immense des dons de Dieu (cf. 2.69) que nous pouvons entrer à notre tour dans cette attitude particulière et centrale du Christ, comme ce bon samaritain, celui que les juifs méprisaient car infidèle à la loi, est celui qui a perçu l’essentiel.

Au don de Dieu il n’y a qu’une réponse : la charité attentive, délicate, poussée et aidée par la force de l´Esprit.

Il y a quelque jour nous méditions sur cette sculpture sublime du Dieu trinitaire. On y voit Jésus lavant les pieds de l’homme blessé soutenu par le Père sous le souffle de l’Esprit.

C’est cela entrer dans la danse du don. Comprendre que notre chemin n’est pas dans l’obéissance servile de la loi et des rites, mais dans ce cœur retourné et brisé par l’appel des souffrants. 


Le bon samaritain nous disent les Pères de l’Église c’est Jésus lui même, qui « n’as pas retenu le rang qui l’égalait à Dieu » (Ph. 1) mais s’est dépouillé, se faisant serviteur, pour  s’agenouiller devant l’homme (1) blessé pour le porter vers le salut… 



Il y a chez Luc plusieurs symboliques dans ce récit très original. Descendre à Jéricho, c’est pour les Pères se pencher vers la souffrance du monde. 


Le samaritain est l’exclu, l’impur, ce que notre pape appellerait la périphérie. Or tout homme est capable d’aimer. Le Christ nous rejoint tous et nous entraîne dans cette danse du don dont il est l’origine. 


Si le Christ se penche vers le blessé, comme cette brebis perdue évoquée plus loin, c’est que là encore ses entrailles maternelles se déchirent pour l’homme mais plus largement pour toute l’Église. 


Si le Christ EST ce « bon samaritain », c’est qu’il rejoint l’amour, voir qu’il EST amour [je suis]. Quelles sont alors les deux pièces qu’il donne à l’aubergiste. La tradition nous dit que nous recevons deux dons, pour deux tables, celle de la Parole et celle du Corps. Deux dons qui sont autant de grâces pour nous conduire vers le don, le service, l’amour du prochain vers lequel Jésus seul nous conduit…


* Traces fragiles pour une homélie de ce dimanche 

(1) cf. Jn 13 et mon livre éponyme

03 juillet 2022

Le don, la danse ou le troc 2.69

 

« Prenez, ceci est mon corps. » Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. » Marc 14, 22-24


Méditation 

Est-ce que nos rites sont aussi gratuits que les dons de Dieu ? Quel est le sens et le sommet de nos eucharisties ? A l’aube de la belle parabole du bon samaritain que nous allons entendre dimanche, il nous faut peut-être nous laisser interpeler par cette question qui interpelle nos rapports avec Dieu.

Pourquoi agissons nous ?

Que visons nous dans nos rites.




Même s’il force volontairement le trait, je crois que ce que Martin Pochon évoque dans son analyse déjà cité (1) interroge le fondement même de nos dynamiques sacramentelles.

Le sacrifice est-il un troc avec Dieu ? 

Je te donne pour que tu me donnes ? 

Ou est-il une véritable action de grâce, un don gratuit à l’image du grand Donateur qu’évoque Jean Luc Marion dans Étant donné…(2) ou D’ailleurs la Révélation (3) un don qui nous conduit au don…


La liturgie du mariage, dans sa troisième formule insiste sur le recevoir avant le don…

« Je te reçois et je me donne à toi. » 

L’ordre est important car il entre en contemplation du don…

Ce matin l’office des lectures en rappelant ce vieux texte de la Didaché souligne l’importance de l’action de grâce : « Voici comment vous rendrez grâce. D'abord sur la coupe : « Nous te rendons grâce, notre Père, pour la sainte vigne de David ton serviteur, que tu nous as fait découvrir par Jésus, ton serviteur; à toi la gloire pour les siècles. »Puis, sur le pain rompu : « Nous te rendons grâce, notre Père, pour la vie et la connaissance que tu nous as fait découvrir par Jésus, ton serviteur; à toi la gloire pour les siècles. Comme ce pain rompu, qui était dispersé sur les montagnes et les collines, a été rassemblé pour ne plus faire qu'un, ainsi que ton Église soit rassemblée des extrémités de la terre dans ton Royaume. Car c'est à toi qu'appartiennent la gloire et la puissance, par Jésus Christ, pour les siècles. »(...)« Nous te rendons grâce, Père saint, pour ton saint Nom que tu as fait habiter dans nos cœurs, pour la connaissance, la foi et l'immortalité que tu nous as fait connaître par Jésus, ton serviteur ; à toi la gloire pour les siècles. » C'est toi, Maître tout-puissant, qui as créé l'univers pour la gloire de ton Nom, qui as donné aux hommes nourriture et boisson pour qu'ils en jouissent, afin qu'ils te rendent grâce. Mais nous, tu nous as gratifiés d'une nourriture et d'une boisson spirituelles et de la vie éternelle, par ton Serviteur. Avant tout, nous te rendons grâce parce que tu es puissant ; à toi la gloire pour les siècles. Souviens-toi. Seigneur, de ton Église, pour la préserver de tout mal et la rendre parfaite dans ton amour. Et rassemble-la des quatre coins du monde dans ton Royaume que tu lui as préparé, cette Église que tu as sanctifiée. Car c'est à toi qu'appartiennent la puissance et la gloire pour les siècles. Que la grâce vienne, et que ce monde passe ! » (1)


Pochon insiste sur cette action de grâce dans la Didaché en soulignant qu’elle prime à la notion sacrificielle trop mise en valeur dans les (nouvelles) formules du rituel qui pourrait à l’inverse conduire à cette mésinterprétation déjà évoquée dans mes billets précédents….


Mettre l’action de grâce d’abord, c’est entrer dans la contemplation d’un Dieu qui s’abaisse jusqu’à se donner totalement et nous invite à entrer dans la danse du don…


Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna, et dit : « Prenez, ceci est mon corps. » Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. » Marc 14, 22-24


1) Martin Pochon, L’épître aux Hébreux au regard des Evangiles, (Lectio divina), Paris, Éditions du Cerf, 2020.

(2) Jean Luc Marion, Étant donné? Essai d'une phénoménologie de la donation? Collection:  Quadrige

2013

(3) Jean Luc Marion, D’ailleurs, la Révélation, Grasset 2020

(4) Didaché, source office des lectures du 6/7/22

24 juin 2022

Danser ? 2.67 pistes fragiles

 Nous entrons dans le temps ordinaire, mais après ce chemin qui nous a conduit du carême à la Pentecôte et à la fête du Saint Sacrement, le risque est justement d’oublier le chemin parcouru et de retourner vers l’ordinaire…


« Laisser vous conduire par l’Esprit… » suggère Paul dans la deuxième lecture de ce 13eme dimanche (Ga 5)…


Où veut-il nous conduire…?


Se laisser conduire est peut-être la première marche, pas forcément la plus simple à franchir.

Cela consiste à s’abandonner à autre chose, se laisser déconcerter, se laisser habiter…

Et de découvrir ce qui reste à faire…

Entendre l’appel profond et discret d’un Dieu qui nous appelle.


La première lecture comme l’Evangile nous invite à une deuxième grande marche : quitter…


Peut-être sont elle liées d’ailleurs ces deux marches ?

Se laisser conduire c’est accepter de quitter..

Quitter quoi ?

Ses habitudes,

Ses certitudes,

Son confort,

Les liens qui nous retiennent au passé…

Ils quitteront Père et mère pour faire une seule chair suggérait la Genèse…

Ce quitter est un pas vers l’inconnu.

Quitter sa chaise pour danser la danse de Dieu ?

Entendre cet « où es-tu ? » qu’il nous adresse depuis le jardin du monde, quand notre regard s’éloigne de l’arbre de vie (Gn 3).

N’est-ce pas cet appel là qui compte ?

Quitter, se libérer de nos adhérences pour faire « un seul Corps…? »


S’ouvrir à l’inconnu, abandonner pour une vraie liberté..

Libre de ce qui nous retient en arrière 

Libre pour donner, se dessaisir, abandonner nos attaches, nos enfermements, nos conforts factices…


« Tu ne voulais pas de sacrifices alors j’ai dit « Me voici.. »

Je veux faire ta volonté » nous suggère le psaume 40.


De cette tension apparente se distingue un nouveau chemin. 


Quitter c’est peut-être participer à ce nouveau sens du sacrifice que nous évoquons sur la pointe des lèvres au début de la consécration… un mot à double sens, mais qui, loin d’être un troc avec Dieu (sacrifice contre don) est d’abord une disponibilité intérieure… et une contemplation d’un Dieu qui s’efface dans le don. 


Trouver le chemin du don plus que celui de la contrainte…

Quitter pour en faire un pas de liberté… dans la volonté de rejoindre celui qui a tout donné pour nous.


Donner parce que nous avons reçu…

Donner car dans le don, nous célébrons justement Celui qui a tout donné pour nous.


Quitter parce que dans ce dessaisissement nous acceptons de faire Corps, de devenir Corps, nous rejoignons l’Église, nous participons au Royaume…


N’aies pas peur..

« Avance au large… »

Laissons le Christ nous pousser vers l’avant.. sachant que seule la force de l’Esprit nous permet d’avancer…


Marchons donc « sous la conduite de l’Esprit avec l’espérance du Psaume 15 (16), 1.2a.5, 7-8, 9-10, 2b.11)

« Garde-moi, mon Dieu : j’ai fait de toi mon refuge.

J’ai dit au Seigneur : « Tu es mon Dieu !

Seigneur, mon partage et ma coupe :

de toi dépend mon sort. »


Je bénis le Seigneur qui me conseille :

même la nuit mon cœur m’avertit.

Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;

il est à ma droite : je suis inébranlable.


Mon cœur exulte, mon âme est en fête,

ma chair elle-même repose en confiance :

tu ne peux m’abandonner à la mort

ni laisser ton ami voir la corruption.


Je n’ai pas d’autre bonheur que toi.

Tu m’apprends le chemin de la vie :

devant ta face, débordement de joie !

À ta droite, éternité de délices !


Oui tu nous apprends le chemin de la vie Seigneur…

14 juin 2022

Danse eucharistique 2.66 bis

 Mon dernier billet à remis à nouveau en question cette phrase imprononçable du nouveau missel : « Que votre sacrifice soit aussi le nôtre ».

Il va nous falloir encore du temps pour en faire ce qu’on appelle une saine « réception », comme ce concile qui tarde à être reçu dans notre Église.


Pourquoi ?

Probablement parce que le sacré conserve son côté magique et que l’on ne cesse de sacraliser ceux qui sont ordonnés pour « exécuter » le rituel sans percevoir que la dynamique sacramentelle (1) est bien plus vaste que le sacrement que l’on a cristallisé dans un rite et une tradition.


Les travaux de C. Theobald (2) et notamment son petit schéma que je reproduis ici mérite d’être commenté. Le sacrement ne se limite pas au rite. Ce dernier n’est que la face visible d’une transformation intérieure qui fait de l’union des hommes et de Dieu ce que j’appelle une danse. « Nous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé. »




La flûte n’est que le premier pas de l’agir et comme le montre le schéma le sacrement signifie ce que l’agir « transpire »…


Comme le disait l’hymne de la FICPM, «  je voudrais qu’en vous voyant vivre, les gens puisse dire, voyez comme ils s’aiment »…


L’échange ancien entre l’assemblée et le prêtre signifiait finalement mieux que la nouvelle phrase qui nous accroche autant. Il signifiait en substance : puis je célébrer au nom de tous ? Oui disait en coeur l’assemblée. Venait le « vraiment il est juste et bon… »


Ce qui compte est peut-être de percevoir que l’essentiel est dans le lien. C’est parce qu’il est LIEN que le célébrant à sa place. C’est en insistant sur le lien qui se démarque de la notion de pouvoir que le prêtre devient signe. Il ne peut d’ailleurs célébrer seul dit le droit canonique (canon 906). Il est le garant fragile du lien. C’est peut-être cela que la phrase veut dire et qu’on ferait mieux de prononcer avec d’autres mots du style : « que votre action de grâce devienne celle de notre assemblée toute entière, que vos paroles expriment notre unité, que vos gestes signifient ce que notre vie veut devenir, des artisans du Royaume, des pierres vivantes de l’Église… »

Ce serait bien plus parlant que d’évoquer le « sacrifice ».


François Varillon le suggérait en disant que Dieu vient diviniser ce que nous voulons humaniser (3)


Le sacrement de mariage, par exemple, n’est pas contenu dans une belle célébration, il est le commencement d’une dynamique qui fait de l’amour d’un homme et d’une femme la danse subtile et fragile d’une symphonie qui s’étend sur toute une vie. L’eucharistie n’est pas une heure dominicale, c’est la source d’un fleuve immense qui fait de nos communautés un arbre aux fruits fragiles et délicats, dont la source est en Dieu et les fruits le signe d’une unité théologale, c’est à dire, don de Dieu. 


Benoît XVI avait cette phrase qui m’a toujours marqué : « Dans la réalisation concrète du service ecclésial, [le prêtre doit] se livrer totalement à l'inclusion dans le Christ; non pas construire un être à côté de lui, mais seulement en lui ; et permettre ainsi que devienne enfin réalité cette exclusivité qui ne détruit pas, mais libère toute chose en la faisant entrer dans sa propre immensité »(*). Alors peu importe sa nature. « Cela donne aux paroles d'un prédicateur, fût-il minable, le poids des siècles » et cela inclut la liturgie, « si démunie soit-elle » dans une dynamique qui la dépasse. « En acceptant de devenir sans importance en lui-même, il pourra « devenir vraiment important parce qu'il sera pour le Seigneur un lieu d'irruption dans ce monde »(**).


En agissant in Persona Christi, en lui se substitue Celui pour qui il vit. La dynamique sacramentelle devient alors signe à travers son effacement au-delà du signe. Il se fait « creuset » où le fleuve du Verbe prend son lit, pour arroser le monde, depuis le coeur blessé du Christ jusqu'aux confins de l'humanité.


Que peut faire le laïc devant tout cela ? Probablement

à la fois s’agenouiller lui aussi, car Dieu se révèle là, mais également - et c’est là que cela devient intéressant - rester debout, car ce qui se joue ici, c’est son accession à la résurrection à venir. C’est pourquoi, en principe, le « dimanche, au nom de la puissance salvatrice de la mort et de la résurrection il est en droit de rester debout, car l’agenouillement du Christ l’a relevé et le conduit à la victoire. »(4)


Plus encore, en participant au mystère, il devient progressivement Co-acteur de ce qui ce célèbre jusqu’à devenir porte-Christ, comme le suggère la catéchèse des premiers chrétiens dans la ligne de ce que nous affirmons des nouveaux baptisés : serviteurs et prophètes au service du Royaume. 


(1) cf. mon livre éponyme 

(2) Christoph Theobald, in Lire les Evangiles et l'Apocalypse en Algérie et ailleurs, Ed. de l'Atelier, 2011

(3) François Varillon, joie de croire, joie de vivre

(4) Extrait de mon « Danse avec ton Dieu »

(*) J. Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, Paris, Téqui, 1982, p. 315. 

(**) ibid. p. 318

13 juin 2022

Danse eucharistique ? 2.66

 

En cette fête du Saint Sacrement, il peut-être important de vérifier ce que nous voulons dire par sacrifice. Sur ce chemin délicat, la lecture du livre de Martin Pochon montre bien les grandes différences entre la lettre aux Hébreux(1), et ce que dit les quatre Évangiles, en soulignant notamment l’approche trop sacrificielle de l’auteur. 

Cela nous interpelle. 

Plus je poursuis cette lecture, plus je perçois l’écueil de l’auteur, qui pourrait être Apollos, selon Pochon. 

Son interprétation du sacrifice est un sacrifice au Père, il vise à apaiser sa colère, sous-entend un Dieu courroucé par le mal, qui a besoin de la mort du Fils pour être apaisé. 


On est loin d’une vision évangélique, d’un don pour l’homme, d’un pain partagé, signe de l’amour conjoint du Père ET du Fils qui va jusqu’au bout du don de soi pour montrer que l’amour est le seul chemin, que l’amour est plus fort que le mal et la mort. 


On est loin du Dieu Trinitaire et de la triple humilité que j’évoquais récemment (2).


Le commentaire de Thomas d’Aquin que reproduit l’office des lectures de cette nuit est-il influencé d’ailleurs par la thèse de l’auteur de la lettre aux Hébreux ? 

C’est en tout cas ce que dit, probablement avec raison, Martin Pochon. Et cette piste qui distingue le Dieu amour et le « sacrifiel » est peut-être à entendre. Cela conditionne beaucoup de choses sur notre vision de l’Église, du sacrifice, du pain de vie, etc…


Que célébrons nous aujourd’hui ? 

Est-ce un sacrifice sanglant comme celui de Moïse, un sacrifice à un Dieu qui exige la mort d’Isaac, ce Dieu violent des nomades de l’époque que décrit bien Beauchamp et Thomas Römer (3), ou le don immense d’un Dieu qui nous fournit à la fois le blé et la vigne et son Fils bien aimé, agneau fragile, Celui va jusqu’à mourir pour changer notre vision de Dieu ?



La dérive sacrificielle, voire parfois cléricale du sacrificateur, celle qu’Apollos (?} veut remettre à l’honneur, est bien différente de celle que Jean nous enseigne dans ses chapitres 6 (multiplication) et 13 (lavement des pieds) en évitant d’ailleurs de revenir sur le récit de la Cène et présentant une autre approche ou prime le partage, le don, l’humilité. 


Non le sacrifice à un Dieu vengeur, mais un autre chemin, celui de celui qui va accepter d’avoir le cœur transpercé par la violence des hommes, pour être signe et source qui jaillit des entrailles maternelles (cf. Osée 11) et frémissantes d’un Dieu qui s’abaisse jusqu’à laver (baiser ?) les pieds de Judas pour nous montrer jusqu’où va l’amour…


C’est ce Dieu « à genoux » qui est chemin(2). C’est avec Lui que je veux danser avec mes frères (4)


(1) Martin Pochon, L’épître aux Hébreux au regard des Evangiles, (Lectio divina), Paris, Éditions du Cerf, 2020.


(2) cf. ma trilogie et notamment Dieu à genoux devant l’homme


(3) cf. Thomas Römer, L’invention de Dieu 


PS : vient de paraître ma 3eme édition de « Danse avec ton Dieu », gratuit sur Kobo/Fnac en numérique, à prix coutant sur Amaz… en version papier

11 juin 2022

Le cycle d’Elie

Parce que la liturgie nous les a servis depuis 3 jours, je ne résiste pas à l’envie de vous redonner ce petit résumé d’une longue étude de ce texte célèbre que l’on appelle le cycle d’Elie. Il semble en effet corriger pour moi l’idée de Dieu qui n’est jamais dans le tonnerre ou la violence, mais apporte aussi trois pistes nouvelles : 


1. Le récit est celui d’une conversion qui travaille le prophète dans sa prétention très cléricale de faire la loi au nom de Dieu. Rien ne justifie son zèle et le massacre des prêtres de Baal. C’est au bout de 40 jours au désert qu’Elie découvre son erreur. Alors qu’il est acculé à fuir au désert la double interpellation d’un « qui est-tu ? »  le remet à sa place. Il n’est rien qu’un instrument fragile devant quelque chose qui touche à l’infini - on entend là l’écho du cri de Job 42, 3 - « qui suis-je devant ces mystères qui me dépassent ? ».


2. Ce « bruit d’un fin silence » n’est pas, selon certaines interprétations disruptives la seule manifestation fragile d’un Dieu qui reste inaccessible mais le chant des anges, invitant tout contemplatif à percevoir que la fuite mystique peut être un leurre : l’enjeu n’est pas de quitter le monde mais de continuer à chercher ensemble une communion. La Révélation theophanique n’est que le prélude à un « Va » qui invite à rejoindre le reste des croyants et à poursuivre sa course « pour tâcher de Le saisir et se laisser saisir par Lui » (Ph 3) vers cette révélation qui ne sera totale que dans le déchirement du voile du Temple (cf. Marc 15,38) qui dévoile enfin l’amour infini d’un Dieu dépouillé, signe lui même fragile d’un Donateur qui aime et s’efface après avoir tout donné.


3. La révélation d’Elie n’est que l’antichambre de celle du Christ et ce qu’Elie ne voit pas à la porte de la caverne ne sera révélé qu’à la Transfiguration, elle même préparation au mystère indépassable de la Croix et de la Résurrection.


Cette méditation des 3 chapitres de 1Rois mériterait d’être mieux enseignée à ceux qui sont attirés par le cléricalisme.





Ps : Si vous voulez creuser ce point lire mes deux livres gratuits sur Kobo/Fnac (également a prix coutant sur le vilain Amazon) : 

1. Dieu n’est pas violent 

2. Pédagogie divine

qui traduisent et résument de nombreuses publications sur ces textes fondateurs.


Vous trouverez aussi sous ce lien ma troisième édition de Danse avec ton Dieu 

10 juin 2022

Danse trinitaire ? 2.64

 Paul dans la deuxième lecture de ce dimanche évoque notre détresse, bien présente aujourd’hui. Il nous introduit pourtant à la persévérance puis à l’espérance… (Rom 5) 

Pouvons nous voir la lumière ?

Peut-être en écoutant ce que nous glisse Jésus, à la veille même de sa mort…

Vous ne pouvez pas encore porter tout cela…

Mais…

Mais « quand il viendra (...) l’Esprit vous conduira à la Vérité toute entière » Jn 16 

Le mot conduire n’est il pas à entendre dans cette discrétion particulière de Dieu, qui ne s’impose pas, mais nous accompagne sur ses chemins de liberté… ? 


Le livre des Proverbes nous donne la clé de cette tendresse discrète de Dieu. 

« je fus enfantée, quand n’étaient pas les sources jaillissantes (...) , j’étais là, (...) je grandissais à ses côtés »


La sainte Trinité que nous fêtons dimanche nous est présentée par Jésus comme le point ultime de la révélation au terme de son grand discours du chapitre 16 de Jean.


Révélation mais sommet aussi de cette lente pédagogie d’un Dieu qui nous fait goûter cette danse (1) discrète d’une Trinité qui se penche amoureusement vers l’homme.


Depuis cette danse originelle du souffle sur les eaux, que nous chante à sa manière le livre des Proverbes, jusqu’à la triple humilité, au delà des nos détresses évoquées par Paul se révèle la triple humilité / miséricorde de Dieu.

 1. Ce Père qui se retire devant l’amour du Fils jusqu’à cette « gloire » fragile évoquée par Jésus qui ne sera qu’un homme nu, signe de l’amour, dressé sur le bois de la Croix. 

 2. Nudité qui révèle cette humilité du Fils qui s’efface maintenant pour concéder, à son tour que la vérité viendra en nous par l’Esprit

 3. Esprit, enfin, souffle fragile que la Pentecôte rend à peine visible dans des langues de feu avant de s’effacer dans nos profondeurs intérieures. Esprit qui demeure en nous comme une flamme légère, avant de s’embraser à nouveau quand, ouvrant notre cœur, se réveille le feu joyeux de l’Amour.

C’est bien d’une danse qu’il s’agit…

Danse humble, des trois personnes [triple humilité/kénose (3)] qui s’efface tour à tour devant l’autre et que le prologue grec de Jean résume dans un petit mot « pros ». Tourné vers. (2).

Le Fils tout tourné vers le Père dont il reçoit et transmet l’amour…


Amour et dessaisissement. Ce que nous fait goûter l’évangile se perçoit si bien dans le regard croisé de la belle icône de Roublev qui nous fait percevoir que chacun s’efface tour à tour pour laisser l’autre devenir.




N’est-ce pas cela l’amour d’agapè qui est effacement, qui « ne cherche pas son intérêt mais prend patience, endure tout, excuse tout ».(1 Co 13).


Tourbillon(4), danse ? 

C’est dans cette symphonie du retrait réciproque que l’amour se révéle et nous entraîne loin de nos détresses.

Amour, Inaccessible rêve ? (5)

Non !

Dieu est là. À nos côtés. Il est le chemin…

Et l’Esprit, enfin révélé dans cette révélation finale, qui nous conduit de la persévérance à l’espérance est la force qui nous conduit, par la danse fragile en nos cœurs blessés à dépasser nos insuffisances bien humaines…pour devenir les mains fragiles de l’amour donné.


(1) cf. la thèse d’Emmanuel Durand Emmanuel Durand, La Périchorèse des Personnes divines, Cerf, Collection Cogitatio Fidei - N° 243. 416 pages - mars 2005. https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/1993/la-perichorese-des-personnes-divines qui m’a bcp inspiré dans ce sens.


(2) voir sur Kobo Fnac mes essais Dieu dépouillé et À genoux devant l’homme https://www.kobo.com/fr/fr/ebook/pedagogie-divine-3


(3) cf. la 3eme partie de la trilogie d’Hans Urs von Balthasar 


(4) Ce mystère trinitaire que les pères de l’Église appelaient d’un mot double évoquant cercle et intériorité (circumincession) un ami l’évoque sous le beau concept de tourbillon.


(5) révélation pour moi dans cette belle interprétation de Monteverdi, lamentatio de la Ninja https://youtu.be/zsL4MGFh6QI

06 juin 2022

La danse de l’Esprit 2.63

 

Esprit de feu ? 

Il y a une continuité et une disruption entre les manifestations relatées par l’ancien Testament et ce que nous vivons aujourd’hui en cette fête de Pentecôte.

Continuité car ce souffle qui plane sur les eaux de la Genèse et que le grand potier insuffle aux terreux (Adam - cf. Gn 2) que nous sommes est à la fois un feu qui purifie, mais aussi un souffle fragile qui ne nous consume pas. 

Il vient brûler en nous l’inessentiel pour faire sa demeure en nos cœurs, nous défendre de l’inutile et nous ramener sans cesse vers l’unité.

Souffle fragile face aux vents violents qui nous secouent dans la mer déchaînée de nos existences, il se révèle quand nous faisons silence.

Loin du tonnerre et des flammes de destruction qu’imaginaient les marcheurs de l’Exode (16 sq), il est « bruit d’un fin silence » (1 Rois 19) (1) chant imprononçable car louange des petits, sourire des démunis, espérance des délaissés, don délicats d’un Dieu qui nous aime et nous invite à sa danse.


« Esprit de Dieu, tu es le feu,

Patiente braise dans la cendre,

A tout moment prête à surprendre

Le moindre souffle et à sauter

Comme un éclair vif et joyeux

Pour consumer en nous la paille,

Eprouver l'or aux grandes flammes

Du brasier de ta charité.


Esprit de Dieu, tu es le vent,

Où prends-tu souffle, à quel rivage?

Élie se cache le visage

A ton silence frémissant

Aux temps nouveaux tu es donné,

Soupir du monde en espérance,

Partout présent comme une danse,

Eclosion de ta liberté.


Esprit de Dieu, tu es rosée

De joie, de force et de tendresse,

Tu es la pluie de la promesse

Sur une terre abandonnée.

Jaillie du Fils ressuscité,

Tu nous animes, source claire,

Et nous ramènes vers le Père,

Au rocher de la vérité. »(1)


(1) l’expression est d’Emmanuel Lévinas. J’en ai fait le titre d’un de mes essais, première édition de ce qui est devenu « Pédagogie divine »

(2) hymne de l’office des lectures 

Voir l’excellent commentaire de Marie-Noēlle Thabut et notamment sa conclusion : « notre vrai bonheur, c’est de nous laisser modeler chaque jour par le potier à son image. »


https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/527249-commentaires-du-dimanche-5-juin-2/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=commentaires-du-dimanche-5-juin-2

05 juin 2022

Viens Esprit saint

 Viens, Esprit Saint, relever nos ossements desséchés…Viens réchauffer notre flamme intérieure… Nos cœurs refroidis 😉 : 

« Esprit de Dieu, tu es le feu,

Patiente braise dans la cendre,

A tout moment prête à surprendre

Le moindre souffle et à sauter

Comme un éclair vif et joyeux

Pour consumer en nous la paille,

Eprouver l'or aux grandes flammes

Du brasier de ta charité.


Esprit de Dieu, tu es le vent,

Où prends-tu souffle, à quel rivage?

Élie se cache le visage

A ton silence frémissant

Aux temps nouveaux tu es donné,

Soupir du monde en espérance,

Partout présent comme une danse,

Eclosion de ta liberté.


Esprit de Dieu, tu es rosée

De joie, de force et de tendresse,

Tu es la pluie de la promesse

Sur une terre abandonnée.

Jaillie du Fils ressuscité,

Tu nous animes, source claire,

Et nous ramènes vers le Père,

Au rocher de la vérité. »(1)


HOMÉLIE AFRICAINE DU VIème SIÈCLE 

POUR LA PENTECÔTE

C'est l'Église dans son unité qui parle toutes les langues


Les disciples ont parlé toutes les langues. Ainsi Dieu a voulu manifester la présence du Saint-Esprit en faisant parler toutes les langues à ceux qui l'avaient reçu. Il faut comprendre en effet, frères très chers, qu'il s'agit bien du Saint-Esprit par qui l'amour est répandu dans nos cœurs. Et parce que l'amour devait rassembler l'Église de Dieu sur toute l'étendue de la terre, alors même un seul homme le pouvait, en recevant le Saint-Esprit qui lui faisait parler toutes les langues. Et maintenant que l'Église est rassemblée par le Saint-Esprit, c'est son unité qui parle toutes les langues.


Par conséquent, si quelqu'un dit à l'un de nous : « Est-ce que tu as reçu le Saint-Esprit, car tu ne parles pas toutes les langues ?» voici ce qu'il faut répondre : « Parfaitement, je parle toutes les langues. Car je suis dans ce corps du Christ, qui est l'Église, laquelle parle toutes les langues. En effet, par la présence du Saint-Esprit qu'est-ce que Dieu a voulu manifester, sinon que son Église parlerait toutes les langues ?


Ainsi s'est accomplie cette promesse du Seigneur : Personne ne met le vin nouveau dans de vieilles outres, mais on met le vin nouveau dans des outres neuves, et le tout se conserve.


On comprend donc que certains, en entendant les disciples parler toutes les langues, disaient : Ils sont pleins de vin doux. En effet, ils étaient alors devenus des outres neuves, étant renouvelés par la grâce de la sainteté. Ainsi, remplis de vin nouveau, c'est-à-dire remplis du Saint-Esprit, ils bouillonneraient en parlant toutes les langues et, par ce miracle éclatant, ils annonceraient que l'Eglise catholique devait se répandre dans les langues de toutes les nations. ~


Célébrez donc ce jour comme étant les membres du corps du Christ dans son unité. Ce n'est pas en vain que vous le célébrez, si vous célébrez ce que vous êtes. Vous êtes en effet agrégés à cette Église que le Seigneur, en la remplissant du Saint-Esprit, reconnaît comme sienne du fait qu'elle s'étend au monde entier ; et elle-même est reconnue ainsi comme appartenant au Seigneur. De même, l'Époux n'a pas perdu son épouse, personne n'a substitué à celle-ci une étrangère.

Vous êtes établis dans toutes les nations, vous êtes donc l'Église du Christ, les membres du Christ, le corps du Christ, l'épouse du Christ. Et l'Apôtre vous dit : Supportez-vous les uns les autres avec amour ; rassemblés dans la paix, ayez à cœur de garder l'unité dans un même Esprit.


Remarquez-le : lorsqu'il vous a prescrit de vous supporter les uns les autres, il a proposé l'amour ; lorsqu'il a nommé l'espérance de l'unité, il a indiqué le rassemblement dans la paix. Telle est la demeure de Dieu, bâtie avec des pierres vivantes ; le père de famille se plaira à y habiter, car l'écroulement causé par la division ne doit pas blesser ses regards. »(1)


(1) Source : office des lectures, AELF