14 juillet 2005

Lien social

"En dehors du lien social, il n'est pas de discours valable sur la liberté". (1) La liberté n'a de sens que conçu dans l'ampleur d'une société à modeler. Dieu n'est pas intervenu pour un homme mais pour l'humanité toute entière, non pour une élite mais pour le monde, afin que tous ensembles, ils aient accès à la joie véritable. C'est pourquoi le jugement ne peut-être qu'eschatologique. Le champ restera porteur du bon grain et de l'ivraie dans la folle espérance que le bon grain attire à lui tous les hommes.
A l'inverse, toute autarcie, tout repliement sur soi n'est finalement qu'une forme d'évasion.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 174

13 juillet 2005

Libertés...

On parvient au paradoxe christologique qui, sans mélange de liberté (cf. le concile de Chalcédoine) "fait habiter la liberté infinie dans la liberté finie et permet ainsi la liberté finie de s'accomplir dans la liberté infinie, sans que ni l'un ni l'autre ne perde son identité. Tel est le point d'arrivée de la théologie dans Maxime le Confesseur qui tire les conséquences dernières des pères de l'Eglise et des impasses des hérésies. C'est en Christ que se trouve le centre du drame divin. En Christ la rencontre et la communion réciproque sans séparation (toujours selon Chalcédoine) est assurément le point culminant de la relation du fini à l'infini" (1) Si l'homme n'a accès de par nature qu'à une liberté finie, l'infini de Dieu est porté en lui... Et le Christ est la médiation véritable qui cristallise en lui la finitude de son humanité et l'ouverture transcendantale vers l'infini de Dieu. Or pour Balthasar, cela ne se fait que parce qu'en lui s'ouvre une possibilité de communion, c'est-à-dire non pas un agir qui se limite au moi mais est ouvert et offert à l'humanité toute entière.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 173

Athéisme

Dans le mystère de la Croix "Dieu est abandonné par Dieu parce que l'homme s'est fait athée vis à vis de Dieu": c'est le noeud du drame divin. (1) On rejoint ici cette idée d'une expérimentation par Dieu de ce qui chez l'homme est le plus difficile, le plus insupportable. Lorsque la souffrance est au plus fort, le sentiment d'abandon est insupportable et le pourquoi, le cri et la révolte comme naturelle. C'est là où le cri de Jésus, cette expérience de l'incarnation n'est pas un simulacre mais le chemin d'un jusqu'au bout de Dieu qui fait l'expérience du néant et vient l'habiter d'une présence. Au coeur de l'abandon, Dieu est là, même quand il semble absent...
Le Christ apparaît comme l'unique et indispensable médiateur mais en même temps "non exigible, qui doit s'accorder avec les deux parties sans trahir l'un ou l'autre". (2) Etre au coeur de l'humain qui n'a plus d'espoir et rester dans le divin. C'est tout le drame qui se joue dans cet incroyable rencontre entre l'homme et Dieu. On est ici à cent lieues d'une philosophie théorique et d'un Dieu loin de tout. Là se joue le drame véritable, paradoxe, mystère mais aussi source de lumière et d'espérance.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 166
(2) ibid p.167

Le Non-Autre

Dieu est tout mais il n'est pas l'autre mais le Non-Autre (cf. Nicolas de Cuse dans Chemins). Nous devons tout, y compris notre liberté au Tout de la liberté divine mais pour lui nous ne sommes pas des autres parce que nous sommes en lui et il n'est pas autre, mais bien au-delà de l'autre proche. C'est pour Balthasar un paradoxe inévitable et à la fois saisissant. Je pense que je n'ai pas fini d'en découvrir le sens...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 165

12 juillet 2005

Tout n'est pas écrit...


Urs von Balthasar s'oppose à la position d'Ephrem le Syrien dans ses hymnes sur le Paradis qui voit l'Adam avant la chute identique à l'Adam eschatologique. Chez Ephrem, le devenir est dissous dans ce qui existe depuis toujours. Mais pour Urs von Balthasar : "contre cette vision des choses, il faut maintenant maintenir que le ciel et la terre dans leur séparation ont été crées en vue d'un acte où chacun des pôles aurait à jouer le rôle positif qui lui revient ". On ne connaît pas la scène avant la fin de l'acte. Il reste des pages à écrire, sinon notre liberté même si elle est limitée n'aurait pas de sens.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 159-60

11 juillet 2005

Pauvreté de Dieu

La pauvreté (2 cor 8,9) et la kénose (ph 2,7) nous dise quelque chose de Dieu, sur sa nature même. Loin de trahir une faiblesse, ce dépouillement exprime "la plénitude et sa liberté d'être le ciel même sur la Terre" (1).
La liberté de l'homme peut de même se révéler dans sa capacité même de se décentrer. C'est-à-dire de ne pas oeuvrer pour sa propre gloire mais au contraire, d'avancer pour un autre et donc de fait, d'être libre de ce qui retient à son Moi pour participer à l'amour véritable. "A une distance infinie de soi-même nous dit Zundel". Le décentrement nous conduit à une plénitude, celle de devenir participant non de nous-mêmes mais de l'amour de Dieu...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 158

10 juillet 2005

Perdre pour gagner

Le procès de Job à Dieu indique obscurément d'avance la Croix de Jésus dans laquelle Dieu semble avoir perdu la partie dans son différent avec l'homme. Quand Dieu semble perdre le procès face à l'homme dans le destin de Jésus, il le gagne à la résurrection comme l'a montré Paul dans Romains 3,4 et comme le développe Jn dans 16, 7-11 (1) : "Si je ne pars pas, le défenseur ne viendra pas vers vous".
Je me demande si cela n'est pas encore une question de décentrement. Pour que le souffle habite nos coeurs, il nous faut aussi partir, quitter notre moi, mourir tel le grain qui meurt pour germer d'une vie nouvelle.... N'est-ce pas là le "toutes choses nouvelles" qu'aurait évoqué Jésus lors de sa passion d'après le film de M. Gibson ?

(1) Urs von Balthasar, ibid p.128

09 juillet 2005

Silence et retrait...

Pour Irénée, Dieu agit toujours par persuasion et jamais par contrainte (cf. IV 39,3, V 1,1, 19,1). La liberté (...) est docilité entre ses mains, (cf. IV 39, 2-3). "Par son comportement et parallèlement dans son idée de Dieu conçu comme abîme et silence, la Gnose condamne l'homme a toujours chercher sans jamais trouver (I, 1,4 III 24,2). Le Dieu chrétien est assez riche pour que même trouvé il soit éternellement recherché et constamment trouvé et donne accès à ses trésors inépuisables de vie.(1)
Cela interpelle ma propre vision du silence, déjà mise à mal par certains. Aurai-je des accents gnostiques dans ma recherche et cette mise en avant du silence de Dieu. La théorie du retrait de Dieu chez H. Jonas a donc ses limites et c'est vrai qu'à force de mettre en avant le silence de Dieu pour exalter la liberté de l'homme, on ne se trouve dans une impasse qui ne permettent plus la révélation. Le silence de Dieu n'est-il pas finalement une invention de l'homme qui refuse de voir en soi la présence et l'auto-communication du verbe. A méditer...

(1) Irénée cité par Urs von Balthasar, ibid p. 121-2

08 juillet 2005

Le plan de Dieu

On ne peut décider d'avance du plan d'ensemble de Dieu; il faut que le Verbe divin le révèle progressivement à l'homme appelé à la maturation de la connaissance parfaite (cf. Irénée, ibid VI,I).
Pour Irénée : "Le drame consiste en ce que la liberté humaine est considérée essentiellement comme liberté en devenir qui doit faire l'expérience de son éloignement contre nature par rapport à Dieu afin de parvenir ainsi à la connaissance intime du Bien, c'est-à-dire l'amour divin. L'expérience de la souffrance, indispensable à l'homme pour que sa liberté mûrisse intérieurement peut, alors même qu'il se détourne de Dieu devenir source du salut du fait que le verbe de Dieu (...) endure sur la croix, réellement et jusqu'en sa profondeur, cette souffrance de l'éloignement." (1)
Cela éclaire un peu pour moi ce qui restait le mystère de l'abandon de Dieu par Dieu. Pour que l'humanité du Christ soit complète et que son incarnation ne soit pas un simulacre, il fallait qu'il ressente en sa chair ce que nous ressentons au plus fort de la douleur, ce sentiment d'abandon de Dieu. Et c'est en cela que le Christ est vrai homme (mais aussi vrai Dieu) comme l'affirme notre credo.
Il y a donc un chemin possible pour l'homme, au plus profond de sa souffrance et le Christ nous en montre la voie, à travers ce combat et surtout par l'ouverture que donne en nous le message de la résurection...

(1) Irénée, cité par Urs von Balthasar, ibid p. 121

07 juillet 2005

Totalité ou pédagogie de l'auto-communication

Si Balthasar s'emporte dans l'exaltation d'une totalité hégelienne retrouvée dans les 26 emplois du mot tous dans le IVème livre de Contre les Hérésies d'Irénée je pense qu'il ne faut pas en tirer une loi. Car si pour moi la totalité a du sens dans une perception intérieure de Dieu elle reste à exclure dans toute la pédagogie de la foi. C'est probablement pour cela que je considère que Rahner et Urs von Balthasar ne sont pas éloignés sur le fond même s'ils diffèrent sur la forme...
A commenter.

06 juillet 2005

Philosophie et révélation

"La religion chrétienne est non seulement l'intégration transcendante de la liberté des logos spermatikos [Germes du verbe - expression utilisée par Justin ] de la philosophie et de l'éthique, chez les païens comme chez les juifs" elle va plus loin. Car cette totalité demeure insurpassable. Elle est en effet l'oeuvre d'un Dieu qui n'a nul besoin du monde mais qui "achève son oeuvre créatrice dans l'économie du salut, en se livrant lui-même en toute liberté" (1)
La pédagogie des mots ne pouvait être porteuse de sens universel qu'à travers sa mise en actes. C'est pourquoi, il fallait presque attendre que tout soit dit et découvert par les germes d'une philosophie secrètement habitée par Dieu, pour que la mise en acte vienne donner l'ultime convergence et en un sens la médiation unique et insurpassable de ce qu'une multitude de signes n'avait fait qu'effleurer.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 117

05 juillet 2005

Délicatesse

"La vérité divine est saisie par une méthode délicate et indirecte (...) toujours livré à la contradiction possible et à la méconnaissance". Urs von Balthasar ajoute "qu'au terme de ces réflexions on voit alors comment la grâce s'enracine dans la philosophie, pour frayer à la liberté par sa lumière, l'accès vers le centre. En cela, pour lui l'homme sans culture a autant de chance que le théologien savant de percevoir la convergence des indices et d'y adhérer si il veut. (1)
Sans cela, la foi serait une affaire d'élite et non crédible à mes yeux. Le Christ de fait était plus compris par Madeleine que par Nicodème, probablement parce que les mots ne prennent sens en l'homme que lorsqu'ils sont mis en actes par le corps. Quand le corps touche le corps par l'intérieur, les mots peuvent raisonner et prendre sens. C'est d'ailleurs ce qui différencie le Christ des philosophes grecs, même si ces derniers pouvaient déjà approcher l'essence du mystère, seul les actes de Dieu pouvait être porteur du sens véritable, en traçant l'hyperbole qui va du corps exposé et souffrant à la révélation en chaque homme de cette lumière indicible de Dieu.

(1) Urs von Balthasar, ibid p.114

04 juillet 2005

Convergence - II

"Ce centre vers lequel convergent les indices théologiques n'est autre que la majesté et l'amour infini de Dieu qui s'offre à l'homme dans sa révélation et qui l'interpelle." J.H. Newman, Sermon du 13/1/1834
Au delà de cette admirable convergence, que je qualifiais il y a déjà quelques mois de conjonction, je note l'utilisation de deux verbes qui raisonnent en mois : offrir et interpeller. C'est bien cette délicatesse qui caractérise pour moi le chemin de Dieu au delà des accents bruyants du drame intramondain.

03 juillet 2005

Décentrement

"Se laisser conduire est essentiellement une attitude de l'humilité, de la simplicité de la foi, seule cette attitude fraye le chemin à la communion divine, seule elle accorde à la lumière de Dieu tout l'espace d'un coeur purifié (Mt 5,8 : "Heureux les purs du coeur car ils verront Dieu" TGL) (1)
C'est d'ailleurs les limites d'une théologie qui a force de chercher à comprendre perd ce naturel de la confiance. Le décentrement véritable n'est-il pas de laisser vibrer en nous autre chose que notre moi, abandonner la quête de puissance pour que vibre une autre voix, qui réside en nous mais dans le silence alors que notre bruit nous occupe, fait résonner les timbales vides de notre soif d'être quelqu'un... Dur combat intérieur.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 108

02 juillet 2005

Souffrance - II

Ni les mots, ni les techniques, ni les bons sentiments prometteurs ne font le poids en face de la souffrance, toujours actuelle et à qui rien n'échappe. Toutes ces démarches sont impuissantes et dépassées "par un acte capable de transmuer de l'intérieur la souffrance et de lui conférer un sens, et cet acte ne pouvait être porté que par Dieu. Cela ouvre une perspective inattendue sur le coeur de la synthèse chrétienne, qui est la divinité du crucifié Jésus de Nazareth. La théologie de la Bible déjà et dans son sillage la patristique ont vu, dans la possibilité que Dieu souffre avec (et pour) l'homme dans l'homme-Dieu, la clef de l'énigme de l'existence humaine, ce qui donne le sens, c'est précisément qu'en Jésus le Dieu impassible peut sans cesser d'être lui-même, faire l'expérience de la mort." En cela le "Pro nobis" est le "pivot de la théologie chrétienne". (1)
J'ajouterais cette phrase du Cardinal Etchegaraï, "qui n'a pas pleuré les larmes de la souffrance ne peut compatir à la souffrance de son frère". Et c'est bien le chemin du Christ, qui a souffert, pour pleurer ensuite avec nous, dès que le mal nous ronge. Pleurer et nous aider à espérer, car cela ne fait plus de doute : "Dieu a vaincu la mort".

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 100